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Articles avec #cinema japonais tag

Le Héros sacrilège (Shin Heike Monogatari)

Publié le par Rosalie210

Kenji Mizoguchi (1955)

Le Héros sacrilège (Shin Heike Monogatari)

"Le Héros sacrilège" est une oeuvre particulière dans la filmographie de Kenji MIZOGUCHI. D'abord parce qu'il s'agit de son second (et dernier) film en couleur après "L Impératrice Yang Kwei Fei" (1955). Ensuite parce qu'il s'agit d'un film à grand spectacle avec des scènes d'action que n'aurait pas renié Akira KUROSAWA. La raison est qu'il s'agit d'une adaptation, celle du roman historique de Eiji Yoshikawa, "Shin heike monogatari" qui raconte la montée en puissance des samouraï dans un contexte politique de luttes de pouvoir entre nobles et moines au sein du Japon féodal du XII° siècle. Au sein de ce genre assez étranger à l'univers de Kenji MIZOGUCHI, celui-ci parvient tout de même à en faire une oeuvre personnelle que j'ai trouvé très moderne. En effet l'histoire se focalise sur un jeune homme, le fameux "héros sacrilège" élevé dans un clan de samouraï mais à l'origine incertaine (sa mère étant une courtisane, il ne sait s'il est le fils d'un empereur, d'un moine ou de son père adoptif samouraï) qui se construit en rupture avec l'ordre ancien fondé sur les superstitions et les privilèges de caste. Kiyomori n'accepte pas (à juste titre) l'injustice dont est victime son père adoptif, Tadamori qui n'est pas récompensé pour ses bons et loyaux services en raison de l'opposition de la cour qui craint de perdre ses privilèges. Avec l'aide d'une famille de nobles désargentés "félone" dont il épouse la fille, Kiyomori va donc briser le "plafond de verre" qui empêche sa famille de s'élever et décider en toute liberté qui il est et avec qui il veut être. Si une fois n'est pas coutume, c'est un garçon qui est le héros du film, les femmes occupent une position loin d'être négligeable dans l'histoire que ce soit la mère indigne de Kiyomori, odieuse certes dans ses préjugés de caste et son indifférence à ses enfants mais qui démontre elle aussi son indépendance de caractère en prenant son destin en main ou bien Tokiko, la fille du noble sans le sou qui travaille de ses mains en teignant et en tissant. A ce contenu très riche s'ajoute la beauté formelle du film, sa mise en scène parfaite que ce soit dans les scènes intimistes ou dans celles de groupe avec de nombreux figurants et un usage splendide de la couleur qui exacerbe les sentiments.

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La Femme des sables (Suna no onna)

Publié le par Rosalie210

Hiroshi Teshigahara (1964)

La Femme des sables (Suna no onna)

Oeuvre minimaliste extrêmement riche, "La femme des sables" (d'après le roman de Kôbô Abe également auteur du script du film) est une sorte de conte aussi beau que cruel sur la condition humaine. Jouant en permanence sur les changements d'échelle, le film nous fait partager l'expérience d'un maître d'école passionné d'entomologie (Eiji OKADA) parti chasser des spécimens dans le désert et qui se retrouve lui-même "entomologisé" au fond d'un tube qui n'est autre que le trou de sable dans lequel il se retrouve piégé par des villageois cupides et voyeuristes. Tel Sisyphe égaré quelque part chez Beckett, il doit jour après jour écoper le sable qui menace de l'engloutir en même temps que la maison de sa logeuse (Kyoko KISHIDA). Une tache infiniment répétée à la fois absurde et vitale. Le sable, mesure de toute chose est le véritable héros du film. Un héros ambivalent comme l'est la femme qui recueille l'homme et lui fait partager son existence. Elle est en effet implicitement comparée à un foumilion, cet insecte qui creuse des trous dans le sable pour y piéger des fourmis. Dans un premier temps, elle inspire donc de la répulsion à Niki (l'entomologiste) qui tente par tous les moyens de s'échapper. Evidemment, c'est la nature qui a toujours le dernier mot: plus il se débat, plus il s'enfonce, plus le sable se dérobe sous ses pieds. Et ce jusqu'au moment où il accepte son sort et lâche prise: du sable se met alors à jaillir de l'eau. Soit ce que ne cessait de lui dire la femme depuis le début mais il ne la croyait pas. Car l'entonnoir de sable humide est aussi une évidente métaphore du sexe féminin et l'engloutissement est une peur parmi les plus archaïques de l'être humain. Une fois surmontée, cette peur se mue en désir. Le sable aride se liquéfie, devient sensuel, il colle à la peau, se confond avec elle avant de se mettre à couler en traînées de sperme. Le réalisateur, Hiroshi TESHIGAHARA qui a fait des études d'art plastique filme les ondulations du sable, les gouttes de sueur et le grain de la peau comme autant d'oeuvres d'art abstraites, tout en donnant à son film un caractère profondément érotique. Des paysages de fin du monde post-coïtum "ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait autres", immuables et changeants qui comblent à la fois le corps, le coeur et l'esprit de celui qui les regarde. C'est ce qu'on appelle la plénitude.

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L'île nue (Hadaka no Shima)

Publié le par Rosalie210

Kaneto Shindô (1960)

L'île nue (Hadaka no Shima)

"L'île nue" est un très beau film qui repose tout entier sur un contraste assez fascinant entre la grandeur majestueuse du cadre dans lequel s'inscrit l'action, magnifié par une superbe photographie et la pénibilité du labeur d'un couple d'humbles paysans filmé au plus près de leur quotidien fait de petites joies mais aussi et surtout d'un travail difficile, ingrat et répétitif pour arracher à la terre juste de quoi survivre. La mise en scène, caractérisée par l'absence de tout dialogue (bien que le film soit sonorisé) s'attache à montrer avec une grande précision qui en fait tout sa force les gestes accomplis par le couple jour après jour. Vivants sur un îlot aride, il leur faut effectuer plusieurs allers-retours quotidiens en barque entre cet îlot et l'île se trouvant en face pour aller y puiser de l'eau douce, la ramener et surtout la hisser jusqu'au sommet de l'îlot où se trouvent leur champ et leur maison, le tout avec un matériel rudimentaire nécessitant des efforts physiques considérables. La caméra prend le temps de montrer les mouvements de la godille du bateau, ceux des jambes prenant appui sur le sol pentu pour tracter les seaux pleins, suspendus à une palanche portée sur les épaules et enfin l'irrigation manuelle de chaque plant. Tout cela donne un caractère terriblement tangible à ce qui constitue l'une des principales occupations des populations pauvres: aller chercher de l'eau à pied, parfois à des kilomètres pour satisfaire les besoins quotidiens car en l'absence de mécanisation, les tâches s'effectuent manuellement, à la force des bras et des jambes. Beaucoup d'énergie et de temps dépensés au détriment de tout le reste même si dans la famille nippone dépeinte, les enfants échappent à ce labeur éreintant, l'aîné étant même scolarisé. Hélas, la pauvreté (et l'isolement) de la famille ont également des répercussions sur leurs enfants.

Le film n'est pas pour autant misérabiliste, au contraire, il magnifie le courage de ceux qui luttent pour conserver la tête haute, la famille pouvant même s'offrir après la vente de leur production agricole ou de quelques poissons pêchés depuis leur îlot quelques extras en biens de consommation ou en loisirs qui permettent de resituer le film dans son contexte, celui du second miracle japonais (l'équivalent des 30 Glorieuses en France).

Bien que très différent dans son esprit (ce n'est pas un film qui se place dans un questionnement moral par exemple sans parler du cadre enchanteur qui ferait chavirer n'importe quel touriste), cette manière de faire sentir le poids des efforts physiques éreintants m'a fait penser à "Rosetta" (1999) des frères Dardenne qui montrait également de façon impressionnante la "rage de survivre" de l'être humain aux abois.

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Kids Return

Publié le par Rosalie210

Takeshi Kitano (1996)

Kids Return

L'âge des possibles version Takeshi KITANO ce sont les trajectoires croisées de deux amis inséparables ainsi que celles en arrière-plan de certains de leurs camarades de lycée. Les deux amis, Shinji (en bleu) et Masaru (en rouge) sont des cancres qui vivotent en marge du système. En marge mais pas en dehors puisque la mise en scène les montre seuls et un peu perdus tels deux taches de couleur au milieu des immenses espaces gris et désertés de leur lycée: principalement la cour et le toit d'où ils s'amusent à jouer les éléments perturbateurs pour leurs camarades assis sagement en classe pendant qu'eux sèchent ostensiblement les cours. Camarades dont ils rackettent par ailleurs les éléments les plus vulnérables dans les couloirs pour se payer des cigarettes et des coups au bar du coin, leur autre lieu de prédilection dans lequel traîne aussi un gang de yakuzas. Un troisième lieu névralgique fait son apparition lorsque Masaru est mis KO par un lycéen: la salle de boxe dans laquelle Masaru qui désire se venger vient s'entraîner mais qui s'avère mieux taillée pour Shinji.

L'école, la mafia et le sport de haut niveau: trois destins, trois cheminements offerts par la société japonaise qui ont pour point commun d'aboutir selon Kitano à des impasses. La première, voie soi-disant royale débouche sur l'enfer de la machine à broyer l'individu qu'est le monde du travail au japon. Avec son art consommé de l'ellipse mais aussi du détail, un simple objet (une petite poupée en porcelaine qui peut symboliser le coeur) suffit à résumer le triste sort de celui qui l'emprunte. Les deux autres, incarnés par les deux rebelles que sont Shinji et Masaru sont aussi des voies qu'a exploré ou voulu explorer Takeshi KITANO. Et de ce point de vue, "Kids Return" devrait être une référence du film de boxe, tant on sent la patte du connaisseur derrière la caméra qui confère dynamisme et réalisme au ring et à ses coulisses. Quant aux yakuzas et à leur univers, ils constituent une part essentielle du cinéma de Kitano. Tout comme la musique de Joe HISAISHI qui signe l'une de ses plus belles partitions. Mais Shinji tout comme Masaru sont voués à rater leurs carrières respectives. S'ils ne finissent pas dans le fossé comme leur camarade pris dans la "job machine", ils semblent condamnés à tourner en rond. Reste la quatrième voie, explorée par deux lycéens timides ayant joué le rôle de bouc-émissaires (les ijime, une véritable "institution" sociale dans les lycées du Japon servant de défouloir à l'extrême normativité du parcours scolaire) à savoir le spectacle au travers des duos comiques de Manzai par où a commencé Takeshi Kitano à l'époque où il était Beat Takeshi au sein des "The Two Beats". L'humour est la politesse du désespoir mais aussi peut-être sa seule porte de sortie.

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Yoyage à Yoshino (Vision)

Publié le par Rosalie210

Naomi Kawase (2018)

Yoyage à Yoshino (Vision)

"Voyage à Yoshino" m'a fait penser à un remake de "La Forêt de Mogari" (2007) avec Juliette BINOCHE qui s'était alors embarquée dans un trip avec les cinéastes japonais du festival de Cannes (encore que "La Vérité" (2019) de Hirokazu KORE-EDA se déroule à Paris). Il m'a également fait penser par son ésotérisme à "Still the Water" (2014) l'un des précédents films de la cinéaste.

Bilan: Les images sont sublimes mais la narration est confuse. Quant à histoire de deuil et de renaissance par le ressourcement dans la nature, elle est bien mieux traitée dans "La Forêt de Mogari" (2007). Pourquoi? Parce qu'il en émanait une fraîcheur et une simplicité dont celui-ci est dépourvu à force de surcharger la barque spatio-temporelle. Il n'y avait pas non plus une célèbre actrice occidentale dans le film qui semble plaquée artificiellement sans parler du fait que la manière dont elle est introduite est d'une insigne maladresse. Elle est présentée comme une touriste alors qu'elle est censé avoir tout un passé douloureux dans cette forêt et posséder des connaissances shintoïstes pointues. De plus elle est accompagnée par Hana, une jeune guide japonaise qui disparaît brutalement du récit sans que cela n'entrave en rien la communication entre elle et son hôte -et bientôt amant- Tomo (Masatoshi NAGASE). Mais ce qui vaut pour Hana, vaut en fait pour tous les personnages du film. Flottants à l'extrême, ils apparaissent et disparaissent du champ pour philosopher, se mettre en situation de transe chamanique (ou amoureuse) ou bien chasser et tuer ou encore mourir et renaître (tout est toujours cyclique chez Naomi KAWASE). Tout cela donne une impression éthérée qui finit par contredire la sensualité véhiculée par les images tant les personnages et leurs relations sont opaques et le dispositif autour, fumeux. Et finalement la montagne accouche d'une souris car cet écran de fumée lorsqu'il se dissipe enfin révèle un dénouement d'une platitude totale.

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La Vérité

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2019)

La Vérité

Depuis le premier jour où j'en ai entendu parler, j'ai été perplexe à propos de ce film. Et son visionnage m'a confirmé qu'il s'agissait d'un ratage. Il y a quelque chose de l'ordre "film de prestige" dans cette affiche avec un réalisateur japonais qui venait d'être palmé pour "Une Affaire de famille" (2018) et deux actrices françaises iconiques. Mais en fait le résultat est sans identité. Ou plutôt il possède l'identité du petit microcosme upperclass polyglotte qui est toujours entre deux avions quand il ne navigue pas dans la stratosphère, loin de la plèbe (du moins jusqu'à ce que le covid ne cloue les avions au sol et ne vide les palaces). Je suis mauvaise langue mais rien que la maison et le grand parc bucolique en plein Paris donne une petite idée du milieu qui nous est dépeint... loin, si loin des préoccupations du commun des mortels. D'autre part, après un début plutôt plaisant et filmé avec la sensibilité esthétique propre à Hirokazu KORE-EDA, le film se met très vite à tourner en rond tant il a au final peu de choses à raconter, sinon une énième mise en abyme du cinéma propre à se faire pâmer les critiques avec un tournage dans le film qui emprunte son argument à "Interstellar" (2014) bien que j'ai pensé aussi à "Proxima" (2019) puisqu'il s'agit de raconter à travers la science-fiction les difficultés relationnelles entre une mère narcissique et absente et sa fille frustrée. Quand enfin va-t-on changer de disque et arrêter de culpabiliser les femmes qui font carrière?
Réponse:

a: Quand le cinéma français "de qualité" arrêtera de se regarder le nombril et d'aller chercher chez une Catherine DENEUVE usée jusqu'à la corde de son énième lifting la réponse à sa crise d'inspiration (je devrais même dire, de civilisation, je me souviens encore que c'était elle qu'on était allé chercher pour faire la promo des J.O. 2012 en vantant la muséification parisienne avec le "succès" que l'on sait). Les clins d'oeil à une certaine "Sarah" qui pourrait tout à fait être Françoise DORLÉAC montre à quel point ce film s'adresse à un tout petit public. Et par sa construction prétentieuse, il me rappelle "La Petite Lili" (2003) (en plus il y a dans les deux films Ludivine SAGNIER à qui le cinéma français a collé l'étiquette de "doublure jeune de Catherine DENEUVE").

b: Quand il cessera de reproduire encore et encore l'énième schéma patriarcal éculé derrière l'étiquette frauduleuse des "femmes libérées avec plein d'amants" mais se donnant plutôt à des hommes de pouvoir qu'à des larbins (et très complaisantes avec les agissements de ceux-ci). Ou bien comme dans le film de Hirokazu KORE-EDA, des sorcières (le personnage de Catherine DENEUVE y est explicitement comparé) qui détruisent les hommes et sont punies par la solitude (et une certaine mauvaise conscience). Quand va-t-on enfin comprendre qu'il s'agit d'un fantasme de mâle alpha? Dans "Interstellar" (2014) comme par hasard la fille ne reprochait pas à son père d'être parti loin d'elle. Là on seulement on baigne dans un milieu tellement privilégié qu'il semble rejeter les spectateurs mais en plus tout ce qui s'y dit est d'un convenu affligeant ou d'une vacuité totale (les questions sur la mémoire sélective sans support consistant, désolé mais ça tourne à vide). Vu, revu, has been, cliché et se donnant des grands airs par dessus le marché.

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Les Enfants de la mer (Kaijû no kodomo)

Publié le par Rosalie210

Ayumu Watanabe (2019)

Les Enfants de la mer (Kaijû no kodomo)

"Stanley KUBRICK est un réalisateur qui m'a profondément marqué" (Ayumu WATANABE). C'est un euphémisme. Quand on regarde "Les Enfants de la mer", s'il y a une référence qui saute aux yeux, c'est bien "2001, l odyssée de l'espace" (1968), son psychédélisme, sa dimension métaphysique, ses interrogations existentielles (d'où venons-nous, où allons nous?) Oui mais le film de Stanley KUBRICK a beau être énigmatique et rebuter certains par son hermétisme, il me semble bien plus lisible et maîtrisé que "Les Enfants de la mer". Car le problème de ce film d'animation, c'est son scénario qui semble être resté à l'état d'ébauche. Après un début qui tient à peu près la route, même s'il n'est pas follement original (une adolescente en mal de communication avec ses parents et mise au ban de la société via la métaphore de son exclusion du club de handball se retrouve "en vacance" c'est à dire disponible), la rencontre avec Umi et Sora, les deux mystérieux frères venus de la mer et cousins de l'enfant astral de Kubrick semble tracer de nouvelles perspectives fort intéressantes. Sauf qu'elles ne sont pas creusées et ne mènent finalement nulle part. Au lieu de donner du sens à cette rencontre, le réalisateur préfère se concentrer sur une débauche d'effets visuels -magnifiques au demeurant- à la Kandinsky naviguant entre les échelles micro et macrocosmiques pour évoquer quoi au fond? Le mal que l'homme s'inflige à lui-même en dévastant les océans? Le fait qu'il doit se reconnecter de toute urgence au langage du vivant s'il veut survivre? Le lien entre la plus infime cellule et "le grand tout"? Hayao MIYAZAKI fait passer les mêmes messages dans ses films (on pense notamment à "Le Voyage de Chihiro") (2001) avec autrement plus d'efficacité narrative et d'émotions grâce à des personnages intelligemment travaillés. Dans "Les Enfants de la mer", ces aspects sont expédiés au profit d'une débauche grandiloquente qui à force d'excès finit par lorgner plus du côté du "Lucy" (2014) de Luc BESSON que de Stanley KUBRICK dont la froideur et la rigueur formelle permettent d'éviter in extremis ces écueils. C'est regrettable car le spectateur se sent rapidement exclu, s'ennuie et parfois quitte la salle avant la fin. Autrement dit, le réalisateur a un peu trop oublié les destinaires de son oeuvre pour que celle-ci reste dans les annales.

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The Third Murder

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2017)

The Third Murder

Hirokazu KORE-EDA ne manque pas d'ambition, ni d'audace. Il a voulu changer de son registre habituel (le film intimiste sur la famille) pour un thriller judiciaire dans lequel il interroge néanmoins toujours autant les institutions de son pays. Jamais autant que dans ce film, celles-ci ne semblent avoir été plus construites sur du sable, pour ne pas dire sur du vent. L'accusé de "The Third Murder" est en effet proprement insaisissable. Une vraie "coquille vide" comme il le dit qui n'arrête pas de changer sa version des faits et qui tel un miroir, renvoie les images, les projections que chacun se fait de lui ou plutôt de ce qu'il représente. Car le film fonctionne comme une mise en abîme en nous mettant en garde contre la véracité de ce qui est donné à voir: si les premières images indiquent qu'il est le tueur, d'autres images plus tardives mettent en doute ce postulat à peu près au moment où lui-même finit par prétendre qu'il n'a pas tué. On n'arrive plus alors à démêler le vrai du faux, ce qui est l'objectif du réalisateur: nous faire douter voire nous perdre dans un grand labyrinthe d'images trompeuses.

Ceci étant, je n'ai pas été pleinement convaincue par ce procédé aux ramifications si absconses et complexes qu'il finit par noyer tous les enjeux dans un océan d'illisibilité et d'abstraction que ce soit la dénonciation de la peine de mort, la démonstration du machiavélisme des procédures judiciaires, l'exploration de la part de mystère et d'ombre en chacun de nous, la mise en évidence des injustices sociales, de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la corruption, du sexisme, de l'inceste, bref de tout ce qui peut mener à l'homicide. A force d'emprunter des pistes comme autant d'images et de les brouiller entre elles, aucune n'est creusée ce qui laisse un sentiment de frustration et de vide. Mieux aurait valu en rabattre sur l'ambition et rester à hauteur d'homme. Et non d'ectoplasme servant de support à une démonstration brillante certes mais un peu vaine parce que manquant d'incarnation en dépit d'acteurs émotionnellement impliqués.

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Fleurs d'Equinoxe (Higanbana)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1958)

Fleurs d'Equinoxe (Higanbana)

La fleur d'équinoxe (higanbana en VO) est une fleur japonaise d'un rouge profond qui pousse près des cimetières, éclôt au moment de l'équinoxe et dont le bulbe est toxique. Pour toutes ces raisons, elle sert à fleurir les tombeaux, comme les chrysanthèmes sous nos contrées et est devenue le symbole de la séparation définitive. Soit exactement la thématique que Yazujiro Ozu a développé de film en film et qui fait que chacun d'eux n'est "ni tout à fait pareil, ni tout à fait un autre". Le moment-clé de "Fleur d'équinoxe" est celui de la sortie à Hakone de la famille Hirayama au complet. Parce que c'est la dernière, celle qui précède le départ de l'enfant après lequel ce ne sera plus jamais pareil. Le cinéma de Ozu est pleinement conscient du temps qui passe et des déchirures qu'il entraîne avec son lot de deuils à faire et de mélancolie associée. Exactement comme la fresque que tissent aux USA les studios Pixar et qui porte sur le deuil de l'enfance associé à la nécessité de grandir, la mémoire et l'oubli. Pour des raisons intimes, c'est la séparation entre les parents et leurs enfants au moment où ceux-ci partent se marier qui est au coeur du cinéma si délicat de Ozu.

"Fleurs d'équinoxe" qui ouvre la dernière partie de sa filmographie, celles des films en couleur, aborde également la fracture générationnelle entre les parents modelés par la tradition et des enfants ayant goûté à la modernité, notamment les filles qui travaillent et s'habillent à l'occidentale. Comme toujours, ce sont les femmes les plus adaptables alors que les hommes apparaissent monolithiques et dépassés. Le pater familias, Wataru Hirayama pourtant le premier à porter des toasts aux jeunes qui se marient par amour n'arrive pas à accepter que sa propre fille Setsuko arrange son mariage toute seule, c'est à dire en se passant de son avis. Lorsqu'il est touché personnellement, ses beaux discours s'évaporent devant la réalité de son orgueil de mâle dominant qui ne supporte pas que sa fille lui échappe. Sa femme, Kiyoko ne rate d'ailleurs pas l'occasion de souligner qu'il nage en pleine contradiction, celle-ci étant tout aussi humaine que celle de son impuissance à arrêter le temps. La manière dont Wataru se comporte avec son épouse, filmée par petites touches montre à quel point il ne lui porte aucune considération (ce qui est une façon de "tacler" la tradition des mariages arrangés). Pas plus qu'il n'en porte à sa fille d'ailleurs qu'il n'écoute pas. Mais celle-ci trouve des alliées en la personne de sa mère qui peut par procuration réaliser le mariage d'amour qu'elle n'a pas pu faire, sa petite soeur et ses amies qui ne veulent pas plus qu'elle entendre parler de mariages arrangés. Elles prennent au piège Wataru qui de son côté est bien obligé d'enquêter sur cette jeune génération à laquelle décidément il ne comprend rien. Et il découvre que les temps ont bien changé. L'un de ses jeunes collègues ne montre rien devant lui mais part s'éclater quand il a le dos tourné dans un bar de Ginza (quartier de Tokyo) "Le Luna" tenu par des femmes "libérées" dont la fille d'un ami de Wataru qui n'ayant pas obtenu de son père la permission de se marier avec l'homme qu'elle aime, s'est enfuie avec lui. Les séquences du bar sont d'ailleurs parfois très drôles à cause de la différence de comportement du jeune en présence ou en l'absence de Wataru ("quand le chat n'est pas là les souris dansent"). Celui-ci bon gré mal gré comprend que le seul choix qui lui reste est soit de prendre le train de la vie en marche, soit de rester à quai.

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Dans un jardin qu'on dirait éternel (Nichinichi Kore Kôjitsu)

Publié le par Rosalie210

Tatsushi Omori (2018)

Dans un jardin qu'on dirait éternel (Nichinichi Kore Kôjitsu)

"Dans un jardin qu'on dirait éternel" qui se déroule sur plus d'une trentaine d'années cite trois fois "La Strada" (1954) de Federico FELLINI, l'héroïne ayant à chaque fois une vision différente du film en fonction de son âge et de son expérience. Cette comparaison est intéressante parce que "La Strada" épouse une temporalité linéaire, celle du road movie alors que "Dans un jardin qu'on dirait éternel" évoque le temps cyclique, celui des rituels toujours recommencés dans lequel se trouve le secret du bonheur. Pourtant "La Strada" et "Dans un jardin qu'on dirait éternel" racontent deux itinéraires plus spirituels que temporels au bout desquels les personnages finissent par être "touchés par la grâce" et sortir de leur condition humaine pour accéder à une dimension supérieure. Si "Dans un jardin qu'on dirait éternel" est loin d'atteindre la puissance du film de Federico FELLINI, il s'avère être d'une superbe délicatesse, une ode à la joie de goûter l'instant présent où tous les sens sont convoqués (le goût du thé et des pâtisseries, leur présentation raffinée qui est un régal pour les yeux, l'ouïe qui s'affûte au fur et à mesure que la maîtrise du rituel de la cérémonie du thé grandit ou encore la précision millimétrée de chaque geste) procédant à un élargissement des perceptions que nous avons du monde. "Dans un jardin qu'on dirait éternel" est une expérience cinématographique de méditation en pleine conscience. Dommage que l'arrière-plan narratif soit un peu faible, les héroïnes étant esquissées trop schématiquement ou trop allusivement pour susciter un véritable intérêt. La critique sous-jacente du patriarcat japonais est donc assez convenue et décevante. En revanche elles bénéficient d'une enseignante de premier ordre, le professeur Tadeka étant joué par la magnifique Kirin KIKI dont ce fût le dernier rôle avant son décès en 2018. Pour les cinéphiles français amoureux du Japon dont je fais partie, Kirin Kiki est indissociable de Hirokazu KORE-EDA, notamment de sa palme d'or "Une Affaire de famille" (2018) et de Naomi KAWASE dans "Les Délices de Tokyo" (2015) où elle interprète l'inoubliable Tokue, une philosophe culinaire assez proche de son rôle dans le film de Tatsushi OMORI.

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