Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (Pepi, Luci, Bom y otras chicas del monton)
Pedro Almodovar (1980)
Le premier film brut de décoffrage de Pedro ALMODÓVAR ressemble à un travail d'amateur punk qui sent fort la piquette (pour ne pas dire autre chose). Trash, daté, fauché, et décousu, il ne constitue qu'une "boîte à idées" dans laquelle le réalisateur puisera plus tard la matière de films autrement plus aboutis. Mais outre que ce premier jet est celui d'un futur grand cinéaste (sinon, il a fort à parier qu'il aurait rejoint depuis longtemps les poubelles de l'histoire), il apporte un éclairage intéressant sur ce que fut la Movida. En effet la transition qu'effectuait alors l'Espagne entre le franquisme et la démocratie est au fond le véritable sujet du film. La Movida ne signifie pas seulement le mouvement après l'immobilisme mais fait allusion à la recherche de drogue et c'est par des plantations de cannabis que s'ouvre le film qui multiplie les transgressions, surtout vis à vis du puritanisme et du machisme qui avait caractérisé la période franquiste. Epousant un rythme plutôt frénétique lié à la crainte que la libération ne soit qu'une parenthèse, on assiste à une juxtaposition de scènes qui semblent échappées d'une BD (ce qui est le cas, Almodovar adaptant les planches de sa BD "Erecciones generales" qu'il avait fait paraître dans la revue barcelonaise "el Vibora") qui actent le divorce entre l'Espagne franquiste (représentée par un sinistre policier phallocrate) et une jeunesse haute en couleur qui se lâche, souvent littéralement: c'est en ce sens qu'il faut comprendre l'insert de publicités surréalistes pour des culottes-godemichets absorbant l'urine ou convertissant les pets en parfum animées par Cecilia ROTH, future muse du cinéaste ou l'évocation des règles par la délurée et vengeresse Pepi, jouée par une autre future actrice fétiche du cinéaste, Carmen MAURA. Si Bom (Olvido GARA), la lesbienne dominatrice n'est guère intéressante, Luci (Eva SIVA), la fille soumise qui quitte son mari conservateur pour vivre pleinement ses penchants masochistes esquisse un mouvement de libération de la femme que Pedro ALMODÓVAR traitera par la suite bien plus en profondeur.
PS, il y a des films compliqués à noter. Celui-ci pris hors de son contexte est objectivement un navet mais si on le raccroche au parcours du cinéaste qui l'a tourné et au moment historique de sa gestation, il prend un sens qui ne peut être une perte de temps.