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Articles avec #cinema allemand tag

L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty (Die Angst des Tormannes beim Elfmeter)

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1971)

L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty (Die Angst des Tormannes beim Elfmeter)

"L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty" est le deuxième film pour le grand écran de Wim WENDERS mais il est considéré comme son premier long-métrage véritablement professionnel (le premier "Summer in the city" était son film de fin d'études). Bloqué près de trente ans en raison de problèmes de droits (Wim WENDERS avait utilisé des extraits musicaux sans en demander l'autorisation au préalable), il constitue aujourd'hui une curiosité, intéressante surtout pour les fans de Wim WENDERS. Le style y est déjà très maîtrisé, on sent que chaque plan a été soigneusement composé (normal pour un cinéaste qui est aussi photographe) et il annonce toute la filmographie à venir. Déjà parce qu'il s'agit de l'adaptation du roman éponyme de Peter HANDKE qui avait déjà collaboré avec Wim Wenders pour la télévision allemande et qui plus tard signera le scénario de "Faux mouvement" (1975) et surtout la "partition écrite" inoubliable de Les Ailes du désir" (1987). Ensuite parce qu'il s'agit de l'histoire d'une errance comme on en verra beaucoup d'autres chez Wenders, sans but, ni début, ni fin comme si le personnage était enfermé dans une prison à ciel ouvert (le film commence et se termine de la même façon, ramenant le personnage à son point de départ). La répétition est le motif dominant du film. Comme dans "Faux mouvement", le personnage semble faire du sur-place, revenant toujours dans le même type de lieux (hôtel, bus, cinémas, bars avec juke-box, stades de foot). Néanmoins, il y a une différence à mes yeux fondamentale entre ce film et ceux qui suivront, c'est son absence complète d'humanité. Joseph Bloch (Arthur BRAUSS) est un personnage dénué de tout affect qui agit plus comme un robot que comme un être humain. On le voit ainsi tuer sans raison apparente et laisser des indices compromettants (d'origine américaine d'ailleurs, est-ce le retour au pays natal qui provoque cet état de glaciation affective?) sans que cela ne semble provoquer en lui la moindre crainte de se faire attraper (peut-être même le souhaite-t-il, cela arrêterait son errance sans fin). Ce type de personnage désincarné, on le retrouve dans les plus beaux films de Wim Wenders, sauf que dans ceux-là, une ou plusieurs rencontres (avec un enfant, avec un ami, avec une femme) se produisaient qui les ramenaient ou les faisaient entrer dans la vie, leur faisaient découvrir ou redécouvrir le monde des émotions, des sentiments. Rien de tel ici et le nihilisme qui imprègne le film finit par rendre celui-ci rebutant.

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Fitzcarraldo

Publié le par Rosalie210

Werner Herzog (1982)

Fitzcarraldo

Et si c'était le rêveur fou qui avait vu juste? Terry GILLIAM avait son Don Quichotte perdu dans la Mancha, Werner HERZOG son Fitzcarraldo "conquérant de l'inutile" et les deux réalisateurs ont en commun d'avoir entrepris des tournages homériques à la hauteur de leurs projets démesurés. Mais à la différence de Terry GILLIAM dont la première tentative se soldera par un échec, Werner Herzog, animé par le souci de coller au plus près d'un réel pourtant semé d'obstacles a priori impossibles à franchir parviendra au bout de son aventure. D'une certaine manière "Fitzcarraldo" n'est autre que le réalisateur soulevant des montagnes pour donner corps à son rêve. Et c'est cette sensation de voir un rêve se concrétiser dans le réel qui rend le film aussi fascinant. Il y a en fait deux parties dans le film. La première, "réaliste" est celle où les propriétaires terriens qui exploitent l'hévéa se moquent de Fitzcarraldo et de son projet de construire un opéra dans la jungle amazonienne. Pour trouver l'argent nécessaire, celui-ci décide d'acheter un bateau à vapeur afin de mettre en valeur un endroit non encore approprié mais réputé inaccessible. La deuxième commence quand le bateau à vapeur devient "le char blanc" hissé mètre après mètre au sommet d'une montagne par une tribu indienne qui lui fait ensuite dévaler un fleuve en furie dans l'espoir d'apaiser les démons des rapides. C'est à partir du moment où le chant de Caruso sorti du gramophone de Fitzcarraldo et les croyances indiennes se rejoignent et communient dans un même mysticisme que le film prend sa dimension complètement hallucinée. Et ce qui lui donne cette aura, c'est aussi que réel et fiction n'ont fait qu'un. Je l'ai souvent souligné (à propos des films de Tom CRUISE ou de George MILLER) mais aucun effet spécial ne remplacera jamais le vécu gravé dans les images animées telles que la terreur dans les yeux de Klaus KINSKI qui ne faisait pas semblant quand le navire dévalait les rapides ou sa joie en le voyant se soulever (on peut dire ce que l'on veut de cet acteur mais on ne peut pas nier son engagement total). On peut en dire de même des indiens qui se présentent devant la caméra tels qu'ils sont en réalité et utilisent leurs propres techniques pour hisser le bateau, combinées à celles des ingénieurs de l'équipe (ce qui est d'ailleurs retranscrit dans le film). Werner HERZOG manifeste du génie dans cette manière de capter le réel (imprévus compris comme la redescente du bateau) et de le faire entrer dans le film tout en lui donnant la consistance d'un rêve. Le bateau devient une sorte de monstre de métal qui gémit, se tort, se cabre et se cogne aux éléments mais en ressort vivant. L'anti-Titanic en somme.

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Tous les autres s'appellent Ali (Angst essen Seele auf)

Publié le par Rosalie210

Rainer Werner Fassbinder (1974)

Tous les autres s'appellent Ali (Angst essen Seele auf)

Avec cette relecture de "Tout ce que le ciel permet" de Douglas Sirk dans la RFA des années 70 prise en tenaille entre les fantômes du nazisme et le rideau de fer, Rainer Werner Fassbinder met en évidence l'un des plus grands dilemmes auxquels les êtres humains ont à se confronter: vivre en conformité avec les attentes de son milieu social en étouffant sa véritable nature (traduit par l'expression qui donne son titre au film en VO "la peur dévore l'âme") ou vivre en accord avec soi-même mais en rupture avec la société (traduit par une maxime empruntée à Max Ophüls et qui s'inscrit durant le générique, "le bonheur n'est pas gai"). La majorité des gens choisissent, souvent inconsciemment le conformisme. Ceux qui ont le courage de s'aventurer dans la seconde voie font l'expérience de la marginalité, de la clandestinité, de l'exclusion, de la violence souvent. Comme le dit Emmi, jamais elle n'a été aussi heureuse mais jamais non plus elle n'a connu un tel torrent de haine. Et si Ali n'exprime aucune souffrance face au déluge de racisme qu'il subit au quotidien, son corps le fait à sa place lorsqu'il craque sur la fin. Schématisant et théâtralisant l'opposition entre le couple transgressif (âge, origine, langue etc.) et le reste de la société, Fassbinder multiplie les scènes où celui-ci, isolé dans le cadre qui les enferme est regardé (jugé?) en contrechamp par un groupe de personnes statufié se situant de l'autre côté d'une barrière invisible (celle d'un tribunal?). Il en va de même quand Emmi est ostracisée par ses collègues de travail après l'avoir été par d'autres cercles (famille, voisins, commerçants). Avec ironie, Fassbinder reprend ensuite par un effet de symétrie les mêmes scènes avec les mêmes personnages qui une fois la première réaction viscérale de rejet passée prennent une attitude hypocrite dictée principalement par l'intérêt. L'ostracisme se déplace alors sur d'autres bouc-émissaires, la mise en scène demeurant identique afin de montrer l'immuabilité du théâtre social (seuls les acteurs changent de place et Emmi et Ali peuvent alors eux aussi passer de l'autre côté de la barrière, parfois l'un contre l'autre).

 Bien que distordu par un prisme anti-glamour au possible (les corps y sont usés, vieillis, ingrats, mal fagotés), le film est un magnifique hommage au mélodrame sirkien, réalisateur d'origine lui-même allemande dont Fassbinder retire le maquillage hollywoodien. Reste alors la satire sociale, impitoyable (la relecture de la scène dans laquelle les enfants de Jane Wyman lui offrent une télévision en guise de compagnie vaut son pesant d'or) mais aussi quelques bouffées de tendresse et de chaleur humaine, des airs arabes qui poussent une Emmi assoiffée à entrer dans le bar où elle rencontre Ali à leur dernière danse dans ce même bar.

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Cours, Lola, cours (Lola rennt)

Publié le par Rosalie210

Tom Tykwer (1998)

Cours, Lola, cours (Lola rennt)

« Un film sur les possibilités de la vie, pour moi, c’est aussi forcément un film sur les possibilités du cinéma ». Pour son troisième film qui lui a permis de se faire connaître à l'international (je l'ai d'ailleurs vu au cinéma à sa sortie), Tom Tykwer imagine un récit minimaliste mais à la forme très travaillée, le tout sur un rythme effréné et une musique endiablée. Lola, une jeune fille aux cheveux rouge feu doit trouver en 20 minutes top chrono 100 mille marks et les donner avant l'heure fatidique à Manni, son petit ami qui l'attend à l'autre bout de la ville. Faute de quoi, la mort est au bout du chemin. Mais la magie du cinéma où tout est possible fait que Lola peut revenir au point de départ et retenter sa chance. Elle a droit à trois essais.

Tom Tykwer utilise quatre techniques différentes (photographie, vidéo, animation et cinéma) afin de démultiplier les possibilités de son récit de course contre la montre sans perdre le spectateur. Ainsi l'histoire du couple principal (très fortement identifié par des couleurs primaires flamboyantes, le rouge pour ce qui touche à Lola, le jaune pour ce qui concerne Manni) se joue en format cinéma, les intrigues secondaires qu'ils percutent mais qui n'ont pas de lien direct avec eux (les péripéties sentimentales du père de Lola par exemple) sont tournées en vidéo dans des teintes très ternes, le futur potentiel des passants qu'ils croisent apparaît sous forme de flashs instantanés et fixes qui se succèdent à toute vitesse (on entend même le bruit répétitif de l'appareil photo) alors que les flashbacks sont eux réalisés en noir et blanc. Enfin les séquences impossibles à réaliser en prise de vue réelle sont remplacées par l'animation, notamment la scène de l'escalier au début de chaque partie du triptyque qui s'avère déterminante pour la suite. 

En effet, comme dans la saga "Retour vers le futur", "Cours, Lola, cours" est un film sur le temps ou plutôt la distorsion du temps au cinéma (d'où les accélérations, les split-screen comme dans la série "24h chrono" etc.) Aucune explication rationnelle ne vient éclairer la possibilité qu'a l'héroïne de recommencer trois fois son parcours. On peut donc tout imaginer, y compris une expérience de mort imminente qui conduit à "rembobiner le film" et à proposer une nouvelle version. Comme dans la boucle temporelle de "Un jour sans fin", l'héroïne apprend de ses erreurs ce qui contribue à modifier le récit par des réactions en chaîne (l'effet papillon). On peut également y voir un écho à l'univers du jeu vidéo où on remet les pendules à zéro et on recommence une partie en temps limité en essayant de faire mieux (on constate par exemple que les trajectoires de Lola sur le dallage en plongée ne sont pas les mêmes d'une version à l'autre, d'abord en diagonale, puis en ligne droite). Enfin Lola est aussi le double du réalisateur, deus ex machina qui a un contrôle total sur le film. La scène du casino, totalement irréelle, peut également s'entendre ainsi, d'autant que c'est l'une de celles où les références cinématographiques sont les plus évidentes. Le tableau montrant le chignon d'une femme vue de dos fait penser à "Vertigo" qui faisait justement de Scottie un scénariste et un réalisateur en puissance puisqu'il réorganisait le monde selon ses désirs. De plus le chignon renvoie au motif de la spirale qui est au coeur du film de Alfred Hitchcock mais aussi de Tom Tykwer. Le cri de Lola (la nouvelle Marlène Dietrich?) qui casse le verre et l'aide à gagner à la roulette est une allusion évidente à "Le Tambour" qui lui aussi influait de façon invisible et décisive sur le destin. 

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Diplomatie

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (2014)

Diplomatie

Diplomatie repose sur un dispositif particulièrement efficace, tiré de son origine théâtrale: une unité de lieu (la suite de l'hôtel Meurice où le gouverneur allemand von Choltitz avait établi son QG), une unité de temps (la nuit de la libération de Paris du 24 au 25 août 1944) et une unité d'action autour d'un enjeu clair: le sauvetage de la capitale de la destruction ordonnée par Hitler. Le dialogue tendu à huis-clos entre von Choltitz et le consul de Suède Raoul Nordling parvient à captiver et Volker Schlondörff réussit également à éviter le théâtre filmé, d'une part en collant aux basques des acteurs (Niels Arestrup et André Dussollier, tous deux excellents qui reprennent les rôles qu'ils interprétaient déjà sur les planches) et de l'autre en n'oubliant jamais le troisième protagoniste de l'histoire: Paris. Le générique de début qui à l'aide d'images d'archives relate la destruction de Varsovie rappelle que la seconde guerre mondiale fut une guerre d'anéantissement dans laquelle des villes entières furent rasées au nom de la guerre totale. Plus discrètement, la fenêtre ouverte sur la ville pendant la joute verbale de Choltitz et Nordling reflète l'évolution de leur négociation: de silencieuse et plongée dans la pénombre, elle s'éclaire et s'anime peu à peu. Enfin, de nouvelles images d'archives montrent les rues de la capitale transformées en champ de bataille lors de l'arrivée de la division Leclerc.

La pièce de théâtre comme le film prennent cependant de grandes liberté avec la vérité historique. Nordling et Choltitz se sont rencontrés plusieurs fois et avaient besoin d'un interprète, supprimé dans la fiction parce que cela aurait alourdi la dramaturgie. L'action de Nordling qui jouait le rôle d'intermédiaire entre les allemands et la Résistance a été considérablement simplifiée alors que la décision de von Choltitz d'épargner la ville n'a pas seulement été motivée par l'intervention de Nordling. D'autres acteurs firent pression sur le général qui par ailleurs étant sur le terrain, avait conscience de l'inutilité voire de l'aspect contre-productif d'un tel acte, sans parler du fait qu'il n'aurait pas eu les moyens de l'accomplir (en tout cas pas comme cela est présenté dans le film). Enfin von Choltitz savait que la guerre était perdue et espérait ainsi que cet acte effacerait son ardoise, lui qui avait participé à de nombreux crimes commis par l'armée allemande à l'est. De même que le scénario évacue le fait que Nordling avait des intérêts dans la capitale et n'oeuvrait pas seulement pour la beauté du geste, il n'est jamais fait mention de la différence de traitement entre l'ouest et l'est, là où les nazis déployèrent toute l'étendue de leur barbarie au nom de la lutte contre le judéo-bolchévisme (et de leur théorie raciale du sous-homme slave).

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Le Tambour (Die Blechtrommel)

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (1979)

Le Tambour (Die Blechtrommel)

" Il était une fois un peuple crédule qui croyait au père noël mais en réalité le père noël était le préposé au gaz".

Cette phrase digne d'un conte grinçant symbolise le nazisme vu à hauteur d'enfant et ce d'une manière autrement plus dérangeante que dans le gnan-gnan "Jojo Rabbit". En effet, Oskar, le personnage principal et narrateur du film (qui est l'adaptation partielle du roman de Gunther Grass) met mal à l'aise tant il est difficilement identifiable. Officiellement âgé de 3 ans lorsqu'il décide de ne plus grandir, sa taille est celle d'un petit garçon (plutôt de 5-6 ans) mais son visage, son regard perçant et son comportement sont en discordance avec son apparence. Même s'il n'en a pas toutes les caractéristiques (David Bennent alors âgé de 12 ans souffrait de troubles de croissance), Oskar est plus proche du nain que de l'enfant et sa difformité renvoie à la monstruosité mais aussi au grotesque du nazisme dont il incarne ce qu'il rejette, à savoir le sous-homme. L'une des meilleures scènes du film illustre parfaitement la discordance entre la doctrine et la réalité. Oskar que sa petite taille permet de se glisser partout fait dérailler une cérémonie nazie dont il finit par changer la nature (de rectiligne et phallique, elle devient circulaire et féminine) en émettant des fausses notes sur son tambour. Son autre arme est sa voix qui lui permet de briser les objets en verre et par là même, de semer le chaos. Un écho assez évident au pogrom de "La Nuit de Cristal" de 1938 qui est relaté dans le film au travers du saccage de la boutique de l'ami d'Oskar, Markus le vendeur de jouets (interprété par Charles Aznavour). Enfin, le choix du lieu n'est pas anodin et permet de relier petite et grande histoire: de même que Dantzig est écartelé entre l'Allemagne et la Pologne, Oskar a deux pères et ne sait pas lequel est son géniteur. Le premier est le cousin et l'amant polonais de sa mère et l'autre est son mari, un commerçant allemand qui lui assure la sécurité matérielle. Mais Oskar qui refuse de devenir adulte* les renvoie dos à dos et précipite leur perte à tous deux. Il n'est pas plus tendre avec sa mère puisqu'il aurait voulu ne pas naître (il se réfugie souvent sous les jupes de sa grand-mère) ce qui donne lieu aux scènes les plus dérangeantes autour du détraquement de la nourriture**, du sexe, de la gestation et de la filiation. On peut également souligner que le film lui-même oscille entre deux genres, le film historique et le conte baroque surréaliste à tendance horrifique lorgnant vers le "Freaks" de Tod Browning, le "Huit et demi" de Federico Fellini ou certaines oeuvres de Luis Bunuel. Bref "Le Tambour" est une oeuvre très riche sur le fond et décapante sur la forme, sans doute la meilleure de son auteur.

* Bien que se situant à l'opposé de "Le Tambour" quant à son public (il est interdit aux moins de 16 ans), "Kirikou et la sorcière" partage un certain nombre de similarités qui d'ailleurs permettent de mieux comprendre le film de Volker Schlöndorff qui peut paraître nébuleux à première vue. C'est un conte ou on trouve un enfant qui s'enfante tout seul (Oskar hésite à naître puis décide de ne plus grandir), qui est d'une taille minuscule mais d'une sagacité bien supérieure à celle des adultes et qui de ce fait est en marge de sa communauté.

** Il faudrait que Blow Up, l'émission d'Arte consacre un numéro à l'anguille au cinéma, surtout quand celle-ci permet d'avoir la Palme d'Or.

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Rosenstrasse

Publié le par Rosalie210

Margarethe von Trotta (2003)

Rosenstrasse

Film historique peu connu en France évoquant un épisode de la guerre lui-même peu connu, "Rosenstrasse" ("La rue des roses" en français) est construit sur des va et vient entre passé et présent. Hannah, la fille de Ruth, une survivante de la Shoah installée à New-York veut comprendre pourquoi sa mère s'oppose à son mariage avec Luis, un latino-américain et pourquoi elle refuse de lui parler de son passé. Elle découvre par une relation familiale l'existence d'une femme, Lena Fischer, issue d'une famille d'aristocrates allemands qui jadis, sauva Ruth à Berlin lorsqu'elle était enfant en se battant au côté de centaines d'autres femmes aryennes pour faire libérer leurs maris juifs qui avaient été arrêtés par la Gestapo en 1943 et étaient parqués dans un immeuble de la Rosenstrasse dans l'attente de leur déportation.

Si le film est un peu inégal (la partie historique est bien plus intéressante que celle du présent, plutôt convenue et peu approfondie), il révèle une nouvelle facette de la résistance interne au troisième Reich tout en soulignant combien celui-ci n'était pas infaillible en dépit de sa brutalité. En effet pour pouvoir agir à l'extérieur en déployant toute son efficacité, le régime avait besoin d'une cohésion interne qu'il obtenait par la propagande, la terreur mais aussi l'adhésion à l'idéologie impliquant l'anéantissement des populations considérées comme exogènes à la communauté de sang allemand, à commencer par les juifs, bouc-émissaire (ou "ennemi imaginaire") absolu du régime. Or en 1943 le front extérieur se lézarde sérieusement avec la défaite de Stalingrad qui signe le début de la fin du troisième Reich. Et le front intérieur menace de rompre lui aussi. D'une part parce que le fossé entre la propagande de l'invincibilité et la réalité de la défaite doublée d'une boucherie fauchant toute la jeunesse allemande ne pouvait plus être totalement occultée. Et de l'autre parce que les lois de Nuremberg de 1935 qui avaient interdit les mariages entre juifs et aryens afin de souder la communauté allemande soi-disant "de race supérieure" contre le judéo-bolchévisme se heurtait à des décennies d'intégration et d'assimilation des juifs au reste de la société allemande se traduisant par de nombreux "mischehen" (mariages mixtes) et enfants "mischlinge" (métis), un tissu social qu'il n'était pas possible de défaire ou de détruire du jour au lendemain. Le film montre tout l'éventail de pressions menées par les autorités du III° Reich sur les conjoints aryens pour obtenir qu'ils divorcent: persécutions (les aryens devaient partager le sort de leur conjoint juif s'ils voulaient rester avec lui c'est à dire perdre leur travail et leurs biens, vivre dans les résidences réservées aux juifs etc.), insultes, intimidations, menaces etc. Le film montre également que les femmes résistèrent mieux que les hommes qui souvent, abandonnèrent leur conjointe juive et leurs enfants métis comme ce fut le cas du père de Ruth, les condamnant ainsi à la mort. En revanche l'exemple de la Rosenstrasse montre que les autorités nazies se sentirent obligées de reculer lorsqu'elle ne purent dissoudre ces liens qui menaçaient de révéler au grand jour leur entreprise d'extermination et provoquer des remous dans toute la société. Preuve qu'en dépit de l'extrême brutalité du régime, celui-ci avait peur de l'opinion, aussi muselée fut-elle, les femmes de la Rosenstrasse obtinrent satisfaction et 98% des juifs allemands qui survécurent à la guerre furent protégés par un conjoint aryen. C'est la preuve éclatante que même face au pire, il était encore possible d'agir et d'infléchir le destin. Margarethe von Trotta rend ainsi hommage au courage et à la détermination de ces femmes que la puissance de leurs liens affectifs transformèrent  en héroïnes alors qu'elle souligne parallèlement la lâcheté de nombreux hommes que ce soit le père de Ruth ou celui de Lena. Mais pas tous: le frère de Lena rescapé mutilé de Stalingrad (et donc "déradicalisé") est de son côté tandis qu'un père juif vient se jeter dans la gueule du loup pour aider sa fille, arrêtée avant lui tandis que sa femme aryenne reste de l'autre côté de la barrière.

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3 jours à Quiberon

Publié le par Rosalie210

Emily Atef (2018)

3 jours à Quiberon

Au lendemain du visionnage du film sur Arte (dont j'avais entendu parler et pas qu'en bien), je suis dominée par un sentiment de déception, teinté d'une pointe d'agacement. La démarche esthétique est certes cohérente avec le projet: montrer Romy SCHNEIDER au travers du photo-reportage en noir et blanc réalisé par Robert Lebeck lors du séjour de la star dans un hôtel cinq étoiles à Quiberon en 1981. Ces clichés ont été ensuite publiés dans le magazine allemand "Stern" et étaient accompagnés d'une interview accordée à un jeune journaliste allemand, Michael Jürgs. Sur ce plan-là, il n'y a rien à dire, la reconstitution est réussie, on se croit bien revenu à l'époque de la fin des années 70-début années 80 quand les gens avaient la clope au bec du matin au soir et enfilaient les verres d'alcool, le tout sans censure ni interdictions aucune. De ce point de vue-là, les problèmes d'addiction de Romy Schneider étaient symptomatiques de ceux de la société toute entière, celle-ci étant simplement bien plus excessive et conjuguée à la prise de médicaments pour lutter contre les souffrances liées à la célébrité. On remarquera d'ailleurs que le fait d'être une femme et d'être jugée par la presse allemande est un facteur aggravant. La société allemande tolère bien plus mal qu'en France (et c'était encore pire à l'époque) qu'une femme ayant des enfants travaille car elle était accusée de les délaisser (on les qualifiait de "mères-corbeaux", bonjour la culpabilité).

Néanmoins on ne peut réduire Romy Schneider à la vision négative qu'en avait l'Allemagne qui n'avait visiblement jamais pardonné à la star d'avoir renié "Sissi" (1955)" au profit d'une carrière dans le cinéma d'auteur européen (et surtout français). La raison profonde de cette relation compliquée entre l'actrice et son pays d'origine aurait pu être l'objet d'un film passionnant. Au lieu de quoi on a droit à des questions superficielles dignes de la presse people et inutilement agressives. Pourquoi s'en prendre d'ailleurs à une femme visiblement dépressive? L'attitude du journaliste allemand interroge le spectateur mais n'est pas plus interrogée que le reste. Bref le scénario semble n'être qu'une adaptation littérale du photo-reportage et reste en surface. De plus, le côté forcément poseur de l'exercice (Romy est mitraillée de photos pendant tout le film par un photographe qui est aussi un amant de passage) transforme l'actrice en monstre d'ego. Que peut-il sortir de vraiment intime d'une personne qui est suivie H24 par un photographe et un journaliste? On a donc l'impression de voir quelqu'un qui joue un rôle, celui d'une petite fille gâtée, capricieuse et cyclothymique et cela finit par lasser tant au final le film échoue à dire ce qu'elle était au-delà de l'image créée par le cirque médiatique. C'est dommage car Marie BÄUMER présente une réelle ressemblance avec son modèle (de loin surtout) ce qui était un atout considérable pour la recréer. 

Comble d'ironie, la réalisatrice n'a cessé de clamer que son film n'était pas un biopic. Je le confirme mais ce n'est pas un compliment.

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Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... (Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo)

Publié le par Rosalie210

Uli Edel (1981)

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...  (Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo)

A sa sortie à la fin des années soixante-dix, le livre autobiographique "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée" fit grand bruit bien au-delà de la RFA. Il connut un succès durable (je m'en souviens comme d'un livre incontournable de mon adolescence que tout le monde se passait alors qu'il était déjà sorti depuis une bonne dizaine d'années) et contribua à changer l'image des drogués ainsi que leur prise en charge. En 1981, deux ans seulement après la parution du livre, une adaptation cinématographique vit le jour que l'on peut voir en ce moment sur Arte ainsi qu'un documentaire qui a le mérite de contextualiser l'histoire de Christiane. Si le livre fit l'effet d'une bombe à sa sortie, c'est qu'il révélait en effet le mal-être profond d'une partie de la jeunesse ouest-allemande, faisant voler en éclats l'image positive, pimpante et prospère que la RFA s'évertuait à donner d'elle-même. Livre et film sont construits comme une descente aux enfers, une spirale sans fin dans un monde dystopique sans aucune perspective (ce n'est pas un hasard si le mouvement punk et son "no future" émerge au même moment). Comme la génération des cinéastes qui débutaient à cette époque (Wim WENDERS, Werner HERZOG, Volker SCHLÖNDORFF), les jeunes allemands de l'ouest étouffaient sous plusieurs chapes de plomb bien trop lourdes à porter pour leurs frêles épaules:
- Celle de la seconde guerre mondiale qu'avaient connu leurs parents et qui les avaient murés dans le silence.
- Celle de la guerre froide et ses multiples murs: celle du rideau de fer entre les deux Allemagne, celui qui entourait Berlin-ouest où a grandi Christine.
- Celle des années de plomb du terrorisme d'extrême-gauche (incarné principalement par Fraction armée rouge pour l'Allemagne) lui-même issu en partie de la fracture générationnelle lié au nazisme et suscitant en retour une surenchère sécuritaire de la part des autorités de la RFA.
- Celle de la crise économique des années soixante-dix consécutive aux chocs pétroliers.
- Celle de la cité Gropius dans laquelle a grandi Christine qui incarnait à l'époque comme partout ailleurs en Europe la "modernité" alors que plusieurs cinéastes (Jean-Luc GODARD, Maurice PIALAT, Jacques TATI) alertaient déjà sur la deshumanisation, l'aspect mortifère de ces grands ensembles, leur insalubrité galopante et derrière, une volonté de contrôle absolu du vivant par le biais du bétonnage de la nature et donc des émotions. Il est d'ailleurs bien précisé que rien n'avait été prévu pour les enfants et les jeunes dans la cité sinon une forêt de panneaux d'interdictions, de même que pas un brin d'herbe ne pouvait pousser entre les dalles de béton.

Tous ces facteurs, combinés à la maltraitance subie par Christiane dans son enfance par son père, puis le divorce de ses parents et le délitement des liens familiaux qui en a résulté (facteurs peu évoqués dans le film et pas du tout dans le documentaire) explique ce qui ressemble à une interminable et cauchemardesque dérive dans la nuit (la très grande majorité du film se déroule en nocturne) dans des lieux sordides: une boîte de nuit glauque, un squat, des toilettes publiques et une station de métro délabrée, la Zoologischer Garten (un nom bien ironique quand on observe ce dédale souterrain sinistre) devenu le point de ralliement des jeunes tombés dans la spirale de la drogue et de la prostitution (pour se payer les doses). Comme dans la plupart des films traitant de l'addiction aux drogues dures et de ses dommages collatéraux, plusieurs scènes sont très crues, que ce soit dans la prise de drogue, les crises de manque ou les overdoses. Tous ces corps d'adolescents en souffrance, réduits à l'état de zombies, hurlant leur désespoir en lieu et place de leurs parents mutiques et absents ont quelque chose de si saisissant qu'ils n'ont pu que provoquer un électrochoc. Les sociétés occidentales y voyaient leur propre finitude au travers de l'autodestruction de leurs enfants. Une crainte qui nous poursuit toujours sous d'autres formes (écologiques notamment).

A noter que la bande originale du film a été composée par David BOWIE à partir de ses albums berlinois. Et le chanteur (dont est fan Christiane) fait une apparition dans le film quand celle-ci va le voir en concert.

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Carmen

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1918)

Carmen

Oeuvre de jeunesse de Ernst LUBITSCH tournée durant la période où il travaillait pour la UFA*, "Carmen" qui a bénéficié d'une belle restauration vaut surtout pour sa reconstitution soignée**, son rythme enlevé et l'interprétation de l'héroïne par la charismatique Pola NEGRI (actrice récurrente de Ernst LUBITSCH durant sa période allemande). Sa Carmen est particulièrement insolente et provocante. Les autres personnages sont en revanche bien falots, à commencer par le pathétique José (Harry LIEDTKE), espèce de chiffe molle (dans le film) qui reste complètement léthargique devant sa propre déchéance. On comprend que Carmen lui préfère le toréador Escamillo mais celui-ci n'est introduit que dans les dix dernières minutes du film ce qui est particulièrement décevant car le dénouement est bâclé. Quant à la réalisation, elle est professionnelle mais quelque peu impersonnelle. Elle ne porte pas encore la signature qui fera de Ernst LUBITSCH un des grands réalisateurs du cinéma mondial.

*Ernst LUBITSCH a réalisé une quarantaine de films en Allemagne entre 1915 et 1922 qui lui ont permis d'acquérir une certaine notoriété. "Carmen" y a d'ailleurs contribué (on voit d'ailleurs son visage au début du film en même temps que la présentation des acteurs principaux). Il a pu ensuite débuter sa carrière hollywoodienne à partir de 1923 avec le succès que l'on sait puisque ses films américains ont éclipsé le reste de sa filmographie.

** Le choix d'une oeuvre célèbre déjà plusieurs fois adaptée sur grand écran par des cinéastes américains et l'opulence des décors font comprendre que la UFA visait à l'époque à concurrencer les studios hollywoodiens avec des superproductions historiques (ou opératiques).

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