"Aliens, le retour" est une suite réussie de "Alien, le huitième passager" (1979). James CAMERON qui était alors au début de sa carrière établit des éléments de continuité avec le chef d'oeuvre de Ridley SCOTT tout en développant son style propre. Si l'on retrouve donc une grande quantité d'éléments faisant écho au premier film (personnages, objets, plans, éléments de mise en scène dont une dernière demi-heure de climax particulièrement prenante se terminant par l'explosion non d'un vaisseau mais d'une planète et l'expulsion de l'alien caché du vaisseau de secours), on a affaire ici à une version XXL spectaculaire remplie d'action et d'effets spéciaux qui fait plus penser à un film de guerre SF du type "Starship Troopers" (1997) qu'au huis-clos anxiogène intimiste du premier volet. Mais James CAMERON a un véritable talent pour jouer sur les échelles. Il ne perd jamais de vue son personnage principal et lui donne même une ampleur qu'il n'avait pas chez Ridley SCOTT. Avec James CAMERON, Ripley (Sigourney WEAVER) devient l'un de ces personnages féminins particulièrement forts qu'il affectionne. Et si le titre du film de Cameron est au pluriel (car de même que les protagonistes humains, le nombre d'aliens à combattre est démultiplié), Ripley se retrouve à livrer un duel avec la reine-mère des aliens et l'un des enjeux du film se focalise sur la maternité (il y a quelque chose de "L'origine du monde" jusque dans le titre). L'exploration de l'espace dans le premier film cède ici la place à sa colonisation avec le même cynisme des dirigeants consistant à envoyer au casse-pipe les citoyens ordinaires pour s'emparer de terres et de spécimens extra-terrestres afin on l'imagine de les transformer en machines de guerre à leur service. C'est contre cette monstruosité que s'insurge Ripley qui défend toujours l'humain contre les intérêts géopolitiques ou militaires. Dans le premier film, elle affrontait Ash, le robot androïde scientifique programmé par la compagnie pour ramener l'alien. Dans le deuxième, elle affronte son avatar, Burke (qui bien que fait de chair et de sang est bien moins humain que le robot androïde les accompagnant, Bishop. Cameron souligne à plusieurs reprises que les robots sont à l'image des humains qui les créent). C'est pourquoi le combat de Ripley contre la reine-mère alien peut se lire à plusieurs niveaux. Au premier degré, il s'agit de sauver Newt, la seule survivante de la colonie que Ripley adopte comme une fille de substitution (sa fille biologique étant décédée sans descendance au cours des 57 ans que Ripley a passé à dériver dans l'espace en hyper-sommeil entre le premier et le deuxième film). Au second, ce combat a pour enjeu l'avenir de l'humanité car si en tant que femme et mère, Ripley n'agit pas, sa destruction est programmée. Une vision des années 80 toujours aussi pertinente de nos jours.
Bientôt 20 ans que ce film-événement, ce monument cinématographique est sorti et depuis il n'a pas vraiment été détrôné. Quel film aussi récent en effet peut se targuer d'avoir produit à sa sortie de telles files d'attente (du moins en France), et eu à plus long terme un tel impact sur l'imaginaire collectif? "I'm the king of the world" a ainsi succédé à "Je suis ton père" dans les phrases les plus pastichées de l'histoire du cinéma et Rose et Jack sont devenus un couple aussi mythique que Romeo et Juliette.
Ce film ressemble à un conte: une histoire en apparence très simple derrière laquelle se cachent à l'image des différents étages du bateau de multiples niveaux de lecture. Les contes de fée ont été psychanalysés par Bruno Bettelheim. On peut faire la même chose avec "Titanic". D'autant que le film qui commence de nos jours et offre un point de vue scientifique et détaché s'incarne à partir du moment où il entre dans la mémoire vivante de Rose. C'est donc une expérience humaine et charnelle que va retranscrire le film derrière l'événement historique à grand spectacle. Celle de Rose et derrière elle, celle de Cameron tant les thèmes de "Titanic" s'inscrivent dans la continuité de son œuvre.
Le film évoque le basculement d'un monde à un autre. L'Europe du XIXeme marquée par les castes imperméables cède sa place au triomphe de l'Amérique du XXeme, sa société de classes plus mobile et son melting pot. Parallèlement, c'est aussi un film sur le basculement d'un état à un autre. Celui d'une mort programmée à celui d'une renaissance via un accouchement dans le ventre du bateau. Rose DeWitt Bukater est une sorte d'Iphigénie moderne. Elle doit être sacrifiée sur l'autel d'un mariage arrangé pour que sa caste moribonde trouve un nouveau souffle (financièrement parlant). En attendant, elle est ligotée et enchaînée à sa mère qui veille au grain (et pas seulement lors de la scène symbolique du serrage de corset en forme de redressage de bretelles). Mais Rose tient davantage de l'animal indomptable que du frêle agneau. Pressentant d'instinct que ce bateau pourrait devenir son tombeau, elle cherche à le quitter en sautant à l'eau. Un acte désespéré qui lui permet de rencontrer Jack dont on peut dire qu'il symbolise l'Eros c'est à dire sa pulsion de vie face à Thanatos, sa pulsion de mort symbolisée par l'eau sombre de l'océan. Jack le vagabond, libre comme l'air avec qui elle retrouve le goût de vivre et la force de se rebeller. Il l'entraîne toujours plus loin dans les entrailles du navire (d'elle-même) jusqu'à la scène de la voiture qui ressemble à un accouchement dans le sens ou elle symbolise la séparation d'avec sa mère: Rose DeWitt Bukater devient Rose Dawson. C'est juste après cette scène que le navire heurte l'iceberg, commence à prendre l'eau et au terme d'un lent engloutissement, finit par se casser en deux parties avant de sombrer au fond de l'océan.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.