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Articles avec #buddy movie tag

Chien enragé (Nora Inu)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1949)

Chien enragé (Nora Inu)

Akira KUROSAWA est surtout connu en France pour ses fresques médiévales. Mais il est aussi un grand réalisateur de polars. "Chien enragé" réalisé en 1949 fait partie de cette mouvance. Le film très proche du documentaire nous immerge dans l'atmosphère du Tokyo d'après-guerre, certains passages faisant penser à "Allemagne, année zéro (1947)". Un Tokyo schizophrène à l'image d'une identité japonaise désormais scindée entre tradition et modernité.

D'un côté, Akira KUROSAWA filme les signes de l'acculturation occidentale liée à la défaite et à l'occupation: le match de baseball, les appartements meublés à l'américaine, les bars qui diffusent les adaptations japonaises de chansons françaises. Le film lui-même adopte les codes du film noir américain (commissariat, lieux interlopes, tenues vestimentaires typiques, clairs-obscurs etc.) et du néoréalisme italien tout en s'inspirant d'un auteur français, Georges Simenon et de son fameux commissaire Maigret (rebaptisé Sato pour l'occasion et joué par Takashi SHIMURA).

Mais derrière ce vernis d'occidentalisation et de modernité, ce que filme Akira KUROSAWA, ce sont les vibrations particulières que dégage une ville, Tokyo plongée dans le chaos et la canicule. Kurosawa filme des corps en sueur, accablés par la chaleur moite qui transforme Tokyo en hammam à ciel ouvert, ralentit leurs mouvements, les attire vers les bas-fonds où se déroule l'essentiel de l'intrigue. Il montre les stigmates de la guerre, la faim et l'insécurité qui gangrènent les possibilités de reconstruction. Le Tokyo qu'il filme, à rebours de l'image que nous avons du Japon d'aujourd'hui est en proie à la délinquance et à la criminalité. la misère, la prostitution et les trafics en tous genre y règnent.

C'est dans ce substrat historique très riche que se déroule une histoire qui ne l'est pas moins. En effet, à l'image du Tokyo d'après-guerre, à l'image du film lui-même, le héros Murakami (Toshirô MIFUNE) est un homme coupé en deux qui enquête inlassablement pour retrouver sa part d'ombre avec laquelle il fusionne dans un dénouement d'anthologie. Deux sorts attendent en effet les vétérans plongés dans l'anomie ambiante: devenir flic ou devenir voyou. Une seule arme et deux usages. Murakami a choisi la police mais il se fait voler son arme par un double de lui-même, Yusa (Isao KIMURA) qui l'utilise pour voler et tuer. La traque de l'ombre devient une quête de vérité qui se termine dans la boue mais dans un champ en plein soleil, illustrant la fusion des deux facettes contradictoires du Japon.

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Fight Club

Publié le par Rosalie210

David Fincher (1999)

Fight Club

Le style David FINCHER dans "Fight Club" est beaucoup trop clinquant et démonstratif à mon goût. Il assène plutôt que de faire réfléchir. Et le fait de n'avoir qu'un seul point de vue, celui d'un type qui adore s'écouter parler n'aide pas. Il faut dire qu'il épouse bien les codes de la société décadente qu'il dénonce: vitesse de l'élocution et de la narration, zapping permanent, comportement consommateur jusque dans les aspects les moins quantifiables de l'existence, hyperstimulation sensorielle, compétition virile etc. Tellement bien qu'il s'avère au final bien inoffensif. Près de 20 ans ont passé et on ne peut pas dire qu'il ait fait trembler le système sur ses bases. Reste que la mise en scène est virtuose et le personnage principal intéressant malgré son terrifiant narcissisme (grand rôle pour le duo Brad PITT/Edward NORTON). La crise identitaire et existentielle qui le pousse à se dédoubler met en lumière le caractère autodestructeur des sociétés occidentales contemporaines et leur vacuité profonde.

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Easy Rider

Publié le par Rosalie210

Dennis Hopper (1969)

Easy Rider

« C’est dur d’être libre quand on est un produit acheté et vendu sur le marché. Mais ne leur dit pas qu’ils ne sont pas libres, ils sont capables de massacrer pour prouver qu’ils le sont. S’ils voient un individu libre, ils ont peur, ça les rend dangereux. »

Cette citation de George Hansen (Jack Nicholson dans son premier film important) est l’étendard d’ « Easy Rider ». Le film narre l’odyssée de deux motards hippies, Wyatt (Peter Fonda, fils de Henry et frère de Jane) et Billy (Dennis Hopper), « Born to be Wild » pour reprendre le titre phare de Steppenwolf (mais toute la BO est somptueuse). Sur leurs choppers achetés avec l’argent de la drogue, ils traversent l’Amérique à contresens (ils sont d'ailleurs pour la majorité des sédentaires un contresens) pour aller fêter Mardi Gras à la Nouvelle-Orléans. Leur apparence et leurs manières jugées provocatrices (Wyatt par exemple arbore une panoplie de motard aux couleurs du drapeau US qui lui vaut le surnom de « Captain America ») leur vaut un rejet systématique qui les oblige à vivre en marge, c’est à dire à littéralement coucher dehors en attendant de servir de défouloir à la violence verbale et physique des rednecks haineux et bornés. C’est ça le prix de la liberté dont parle le personnage de Nicholson. Le nihilisme qui clôt le film suggère qu’elle n’existe pas ce qui remet en cause la prétendue démocratie américaine. "Born to be wild" devient comme en écho "Born to kill" dans "Full Metal Jacket" de Kubrick qui commence par la tonte des cheveux de la chair à canon destinée au bourbier vietnamien (les cheveux longs des hippies obsèdent les rednecks).

« Easy Rider » n’est pas qu’un plaidoyer pour la liberté sur le fond, il l’est aussi sur la forme. Le film est considéré comme le point de départ du Nouvel Hollywood, ce courant cinématographique né à la fin des années soixante qui s’inspire à la fois du néoréalisme italien et de la Nouvelle Vague française. Du premier, il a ce regard documentaire très cru sur l’Amérique profonde et son intolérance viscérale à l’égard de l’autre ainsi que sur le mouvement hippie. Du second, il adopte le style heurté d’un « À bout de souffle »avec les « flashs mentaux » et le trip hallucinogène dans le cimetière, la jeunesse de ses protagonistes et leur côté indomptable. Des deux mouvements, il reprend le tournage à petit budget, en décors naturels avec un sens de la débrouille qui produit un résultat confondant de naturel.
 

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Gai Dimanche

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati et Jacques Berr (1935)

Gai Dimanche

"Gai Dimanche" est la première réalisation de Jacques Tati. Ce n'est pas un film très réussi en soi (il y a des longueurs, trop de bavardages pour un film burlesque et certains gags tombent à plat) mais il est intéressant pour les amateurs de Tati parce qu'il met en place plusieurs éléments de son univers:

- Un ancrage sociologique teinté de satire. Deux traîne-savates arnaquent des parisiens qui veulent partir en excursion en se faisant passer pour des guides expérimentés. Dans la première moitié du XX° siècle, les parisiens partaient s'aérer le dimanche dans la banlieue alors rurale, prolongeant une pratique du XIX° abondamment illustrée dans la peinture impressionniste (et transposée au cinéma par Jean Renoir, fils de Auguste dans sa "Partie de campagne" d'après une nouvelle de Maupassant.)

- Un hommage au cirque avec la participation d'Henri Sprocani dit "le clown Rhum", un des plus grands auguste de l'entre-deux-guerres. Il était l'une des grandes vedettes du cirque Medrano. Avec Tati, il forme un duo tout en contrastes: Rhum est petit et nerveux, Tati est grand et rêveur. Ils se complètent parfaitement que ce soit dans les numéros physiques ou dans les tours de passe-passe.

- Les gags visuels se réfèrent au cinéma burlesque muet américain avec un grand classique: le véhicule qui se dérègle. On découvre également des gags typiquement tatiesques comme la flèche directionnelle qui se transforme en girouette, la course après la poule au pot ou l'enfant vrombissant sous le capot.

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Les Compères

Publié le par Rosalie210

Francis Veber (1983)

Les Compères

Deuxième film de la trilogie Depardieu/Richard, "Les Com-pères" a comme son titre l'indique pour thème principal la paternité. Lucas et Pignon qui ont des personnalités opposées représentent en fait deux moitiés de père. Lucas en est le versant viril, macho, celui dont les injonctions type se résument à "sois un homme" et "je veux pas que mon fils soit PD". Pignon représente le versant féminin, doux, hypersensible, maladroit et dépressif (vu la considération que la société porte au féminin ce n'est guère étonnant). Comme son alter ego de "l'Emmerdeur" il a accumulé les déboires et les suicides ratés. La façon dont chacun s'imagine et se projette dans son fils supposé puis évoque sa difficulté à communiquer ou à comprendre son propre père dégage une vraie mélancolie à l'intérieur de la comédie (renforcée par la musique de Vladimir Cosma). La manière dont Tristan le fils (Stéphane Bierry) s'extrait du conflit en réconciliant les contraires (qui vont jusqu'à inverser les rôles) lui permet de renouer avec son vrai père, Paul (joué par Michel Aumont). La fugue de Tristan fait prendre conscience à ce dernier qu'il a été transparent. C'est d'ailleurs cette inexistence qui a poussé la mère, Christine (jouée par Annie Duperey) à faire appel à ses deux anciens amants pour retrouver son fils.

Cette réflexion assez fine sur la paternité (prolongée de façon tout aussi pertinente dans les "Fugitifs") n'empêche pas les "Compères" d'être aussi un divertissement très amusant. L'univers eighties fait sourire par son côté exotique (les jeunes rebelles en blouson de cuir noir ou en jean et leurs pères en costard 24h sur 24, les patinoires pour patins à roulettes, les salles de jeux etc.) et les scènes comiques ne manquent pas comme celle où Pignon tente de "parler djeun's" ou celle dans laquelle Lucas lui apprend la technique du coup de boule.

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L'Emmerdeur

Publié le par Rosalie210

Edouard Molinaro (1973)

L'Emmerdeur

Chaque personne trimballe son univers avec elle et quand deux visions du monde diamétralement opposées se rencontrent cela peut donner des associations incongrues comme celle d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection.

"L'Emmerdeur" repose sur deux caractères que tout oppose: un tueur à gages flegmatique joué par l'imposant Lino Ventura et un imbécile malheureux et gaffeur joué par Jacques Brel qui colle aux basques du premier et lui porte la poisse. Le comique jaillit du décalage entre les genres cinématographiques d'où leurs personnages sont issus (le polar pour le premier, le mélodrame pour le second) et celui dans lequel ils se retrouvent plongés à leur insu: un énorme vaudeville! Outre l'excellence de l'interprétation, le film bénéficie d'un savoir-faire dû à une autre association fructueuse: celle d'Edouard Molinaro et de Raoul Coutard, le chef opérateur de Jean-Luc Godard qui réussit à faire oublier les origines théâtrales du film. Enfin "L'Emmerdeur" marque la naissance de François Pignon, le personnage emblématique de Francis Veber (l'auteur de la pièce originale et du scénario). Mais contrairement à beaucoup, je ne considère pas "L'Emmerdeur" comme le meilleur cru de la série Pignon. La mécanique comique est ultra efficace mais elle repose sur un grand vide à l'image du passage où les deux personnages sont suspendus au balcon. La trilogie Depardieu/Richard ou "Le Dîner de cons" ont plus de substance et peuvent être comparés aux meilleures comédies populaires de Gérard Oury. Francis Veber n'était d'ailleurs pas satisfait du film et c'est pourquoi il prit la décision de réaliser à l'avenir ses scénarios. Il finit par faire un remake de "l'Emmerdeur" en 2008 sans parvenir cependant à retrouver la recette magique du film de Molinaro.

"L'Emmerdeur" fit également l'objet d'un remake américain (lié au succès du film de Molinaro outre-Atlantique): "Buddy Buddy", le dernier film de Billy Wilder, malheureusement ce fut un ratage.

À noter la présence dans le rôle du maître d'hôtel de Nino Castelnuovo, 10 ans après "Les Parapluies de Cherbourg" où il interprétait le rôle de Guy.

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Victor la Gaffe (Buddy Buddy)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1981)

Victor la Gaffe (Buddy Buddy)

"Buddy Buddy" sorti en France directement en VHS sans passer par la case cinéma sous le titre "Victor la Gaffe" est un nanar théâtral à grosses ficelles joué par des acteurs vieillissants qui ont du mal à placer une jambe devant l'autre. Il est dommage que Billy Wilder ait terminé sa carrière sur un film aussi médiocre mais en même temps celui-ci confirme à quel point il n'était plus en phase avec l'époque.

Paradoxalement ce n'est pas la censure ou l'oppression qui est la plus nuisible à la création mais le vide des valeurs. Wilder avait besoin de l'hypocrisie des moeurs bourgeoises conservatrices pour exprimer son talent. Celles-ci ayant été pulvérisées par la révolution sexuelle des années 70, Wilder s'est retrouvé privé de son punching-ball préféré et incapable d'envisager le sujet autrement. Son incapacité à changer de logiciel fait sombrer "Buddy Buddy" dans le ridicule et la lourdeur, notamment vis à vis de tout ce qui concerne la clinique de sexologie dirigée par le docteur Zuckerbrot (Klaus Kinski, grand-guignolesque). L'éveil à la sexualité est considéré comme quelque chose d'exotique, relevant de bonnes femmes hystériques, de pervers ou d'illuminés.

"Buddy Buddy" sent donc un peu la naphtaline ou le beurre rance (voire le sapin) et ce ne sont pas les acteurs qui vont relever le niveau. Pour la troisième et dernière fois, Wilder réunit Walter Matthau et Jack Lemmon qui ont du savoir-faire mais ne sont plus de la première jeunesse eux non plus. Ils font donc du Walter Matthau et du Jack Lemmon, le premier ronchonnant à qui mieux mieux et le second multipliant les gaffes. Quant à Paula Prentiss qui joue la femme de Lemmon elle était mieux employée chez Howard Hawks dans la screwball comedie "Le sport favori de l'homme".

Remake de "L'emmerdeur" d'Edouard Molinaro qui avait eu un certain succès aux Etats-Unis (on reconnaît d'ailleurs la patte de Francis Veber qui est l'auteur de la pièce d'origine et du scénario), "Buddy Buddy" est un film de commande tout à fait dispensable. Billy Wilder était d'ailleurs le premier à le renier. La plupart des critiques préfèrent à juste titre considérer que la carrière de Billy Wilder s'achève sur "Fedora", son testament cinématographique.

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l'Ami américain (Der Amerikanische Freund)

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1977)

l'Ami américain (Der Amerikanische Freund)

La majorité des critiques français qui se sont exprimés sur "L'Ami américain" ont souligné son caractère morbide, inscrit dans les décors, l'atmosphère et la trajectoire de son personnage principal dont on apprend dès le début qu'il est condamné. Certains critiques plus finauds ont souligné à quel point il était inclassable, à mi chemin entre le film noir américain et le film d'auteur européen. Peu, très peu en revanche ont souligné que le film tout entier était parcouru de tensions contradictoires parfaitement gérées qui le rendent fascinant, surtout dans sa deuxième partie.Le morbide et le cafardeux se mêlent à des aspects comico-ludiques quelque peu régressifs (comme dans "Si Loin si proche!" qui a également un aspect néo-noir) même si le film est bien plus sombre que le titre du roman original de Patricia Highsmith dont il est adapté "Ripley s'amuse".

Le personnage principal de l'histoire, c'est Jonathan Zimmermann (joué par Bruno Ganz), un petit artisan de Hambourg sans histoire vivant modestement avec sa femme et son fils. Ce qui le détruit à petit feu, c'est justement d'être sans histoire. Alors va lui tomber dessus une histoire complètement invraisemblable "bigger than life" qui va peut-être (on ne le saura jamais vraiment) précipiter sa fin mais aussi lui permettre de vivre dangereusement, c'est à dire intensément ses derniers moments. Et dans le rôle du père noël/ange gardien/ange de la mort, "l'ami américain" alias Tom Ripley, alias Dennis Hopper, le symbole de la contre-culture US. Ce monstre de charisme est habillé et filmé de façon à encore amplifier son statut de mythe vivant.

La relation Zimmermann/Ripley, intime et complexe est faite d'attraction-répulsion. Zimmermann refuse de lui serrer la main pour ensuite mieux tomber dans ses bras pour ensuite mieux le fuir. Et Ripley est celui qui précipite Zimmermann dans un cauchemar éveillé à base de diagnostics médicaux truqués et de contrats criminels à remplir tout en intervenant pour le protéger. Le jeu outrancier de Dennis Hopper tire son personnage vers le burlesque, un genre qui occupe une place importante dès le début du film avec une allusion au "Mecano de la General" de Buster Keaton. Il faut dire que la séquence du train ou l'on voit le tueur amateur allemand et son doppelgänger américain multiplier les tours de passe-passe dans les toilettes pour éliminer un truand et son garde du corps est 100% jouissive (et le train est présent dans un autre livre de Patricia Highsmith adapté par Hitchcock pour le cinéma, "L'inconnu du Nord-Express"). Comme dans d'autres films de Wenders, les personnages fonctionnent en miroir l'un de l'autre. Ripley est pour Zimmermann "l'autre soi", ce soi inconnu sauvage, violent, fou que seule l'approche de la mort peut faire sortir du bois. La femme de Zimmermann (Lisa Kreuzer) est mise à l'écart par ce couple Eros-Thanatos qu'elle a bien du mal à briser.

Film sur le pouvoir du cinéma, "l'Ami américain" est rempli de références cinéphiles. Pas moins de sept réalisateurs y font des apparitions de Nicholas Ray à Samuel Fuller en passant par Jean Eustache dans les trois villes où se déroule le film (Hambourg, Paris et New-York).

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Au fil du temps (Im Lauf der Zeit)

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1976)

Au fil du temps (Im Lauf der Zeit)

Dernier volet de la "trilogie de l'errance", "Au Fil du temps" est avec les "Ailes du désir", le film le plus géopolitique de Wim Wenders. Ces deux films témoignent de l'existence d'une barrière infranchissable séparant l'Allemagne (pour "Au Fil du temps") et Berlin (pour "Les Ailes du désir") en deux parties durant la guerre froide. Ce qui en fait de drôles de road movie (terrestre pour "Au Fil du temps", spirituel pour "Les Ailes du désir") en vase clos. Wenders a beau filmer la campagne allemande comme s'il s'agissait des grands espaces désertiques américains, il étouffe (ne se définit-il pas lui-même comme un homme né "dans un paysage trop petit pour lui"?) et il ira tourner les films suivants aux USA. De fait, l'irruption de Roger Lander (Hanns Zischler) dans l'histoire est on ne peut plus significative: il jette sa voiture dans l'Elbe qui servait de frontière naturelle aux deux Etats.

"Au Fil du temps" se déroule donc pour l'essentiel dans la zone frontalière entre la RFA et la RDA que les personnages longent à défaut de pouvoir la traverser. Comme dans les autres volets de sa trilogie, Wenders dresse un état des lieux peu reluisant de son pays. Hanté par son passé nazi et la fracture générationnelle, morale et identitaire qui en a résulté, le no man's land de la frontière traduit bien l'errance d'une jeunesse privée de re-pères (l'admiration que Wenders porte à Nicholas Ray, le réalisateur de la "Fureur de vivre" prend ici tout son sens). Durant tout le film, les personnages traversent des villes fantômes, une succession de lieux vides, complètement dévitalisés. Bruno Winter, l'un des deux héros (joué par Rüdiger Vogler, véritable fil rouge de cette trilogie) est réparateur ambulant de matériel cinématographique ce qui permet à Wenders de montrer l'état de déliquescence de cette industrie dans son pays: des salles délabrées, vides, fermant les unes après les autres diffusant des sous-produits à caractère pornographique. Par contraste, il rend hommage à la grandeur du cinéma à plusieurs reprises, notamment lors d'une scène magique ou Bruno et Roger font un numéro burlesque muet derrière un écran de cinéma.

Enfin, ce film est la première histoire d'une amitié quasi fusionnelle entre deux hommes en apparence opposés (l'un est un hippie vivant en marge de la société, l'autre un intellectuel ne tenant pas en place) mais qui se découvrent en cours de route de nombreux traits communs. "Si Loin, si proches", ils se cessent de se séparer et de se retrouver. Tous deux sont dans une impasse existentielle qui se traduit par leur mal être et leur solitude. Symboliquement, c'est dans un poste-frontière américain qu'aura lieu la grande explication au bout de laquelle ils concluent qu'ils doivent tout changer "On ne peut vivre ainsi sans changement, c'est comme si tu étais mort".

Rüdiger Vogler et Hanns Zischler constituent le premier grand couple "hétéro-gay" de la filmographie de Wenders qui en comptera plusieurs autres (Ganz-Hopper, Ganz-Sander etc.) Ce genre de liens entre hommes fait penser à "Husbands" de Cassavetes avec lui-même, Gazzara et Falk ou à "Mikey et Nicky" de Elaine May avec Cassavetes et Falk. Le fait que ce dernier ait fini par entrer dans l'univers de Wenders tombe sous le sens.

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Monstres Academy (Monsters University)

Publié le par Rosalie210

Dan Scanlon (2013)

Monstres Academy (Monsters University)

Les studios Pixar étaient dans le creux de la vague lorsqu'ils ont sorti "Monstres Academy" en 2013. Je ne serai toutefois pas aussi sévère que le site du magazine "Première" qui le classe en dernier avec le commentaire suivant: "Pas le moins bon Pixar, non. Le pire. Avec la pire histoire (une origin story pourrie), les pires gags et la pire mise en scène. Produit comme un Dreamworks médiocre. La vraie daube du studio. Si l’erreur est humaine elle est aussi Pixar".

Pixar n'est quand même pas Dreamworks. Techniquement, le film est bluffant comme tous ceux du studio. les personnages de Bob et Sulli bénéficient d'un tel capital sympathie qu'on est content de les retrouver. De plus l'intrigue, divertissante, se suit sans déplaisir.

Il n'en reste pas moins qu'on attend autre chose de Pixar qu'une préquelle inutile et infantile de l'un de leurs chefs-d'oeuvre "Monstres et Compagnie". Le scénario est superficiel et sans originalité (3 épreuves à passer pour prouver que l'on est digne d'être une terreur d'élite) avec une morale convenue du genre "quand on veut, on peut" ou "si on est tous ensemble, on peut arriver à dépasser nos limites". De plus le folklore des campus américains n'intéresse guère hors des frontières. Il y a dans ce film, comme dans "Rebelle", "Le voyage d'Arlo" ou "Cars 2" un renoncement aux différents niveaux de lecture qui font d'ordinaire la richesse des oeuvres du studio, une tentation de la facilité scénaristique un peu mercantile qui aurait pu lui faire perdre son identité mais la suite a montré qu'il lui restait des ressources pour réagir.

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