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Articles avec #buddy movie tag

D'Artagnan et Les Trois Mousquetaires

Publié le par Rosalie210

Toni Garcia et Stephen Hugues (2020)

D'Artagnan et Les Trois Mousquetaires

Rappelez-vous (enfin, pour ceux qui étaient enfants ou adolescents dans les années 80 et qui regardaient la télévision) ce générique "culte" interprété par Jean-Jacques Debout sur fond d'aboiements:

"Un pour tous et tous pour un
Lorsque l'on est mousquetaire
Un pour tous et tous pour un
On est comme des frères
Un pour tous et tous pour un
Il faudra s'y faire
Les autres ne sont pas loin
Quand on en voit un (...)"

Wan-wan Sanjushi est en effet une série animée hispano-nippone créée par Claudio Biern Boyd d'après le roman d'Alexandre Dumas "Les Trois Mousquetaires" avec pour caractéristique principale l'anthropomorphisme canin de ses personnages. Elle a été produite par le studio espagnol BRB et nippon animation et multirediffusée en France dans les années 80 et 90. Et voilà que quarante ans plus tard, une version cinématographique en 3D voit le jour réalisée par Toni Garcia et produite de nouveau par la BRB (via leur studio, Apolo films) . Est-ce le premier exemple d'une série de remises à jour de séries vintage ayant fait les beaux jours des émissions jeunesse du petit écran ou bien est-ce que cela restera un exemple unique? La suite nous le dira.

En tout cas le film est plutôt une réussite. On retrouve avec plaisir les péripéties d'une intrigue décidément increvable alors que les moindres détails sont connus de tout un chacun (la montée de D'Artagnan à Paris, le duel avec les trois mousquetaires, l'affrontement avec leurs antagonistes, Milady, Rochefort et le cardinal de Richelieu pour sauver l'honneur de la reine en récupérant à temps ses ferrets, la romance entre d'Artagnan et sa dame de compagnie, Constance Bonacieux etc.) Une fois les cinq premières minutes passées, on s'habitue à la 3D d'autant que par moments (notamment lorsqu'il s'agit d'illustrer des pensées ou bien lors du générique de fin), l'image revient au graphisme 2D (et pour faire plaisir aux nostalgiques, le générique est évidemment repris et réorchestré par les musiciens d'origine). Les personnages féminins ont été volontairement étoffés que ce soit Milady qui fait partie de ces femmes puissantes et donc redoutables ayant de nombreuses cordes à leur arc ou Constance qui sort de son rôle de potiche pour endosser un rôle quelque peu plus actif dans l'histoire. Enfin le moralisme un peu pesant de la série d'origine (" héros qui nous rappellent deux principes à ne pas oublier, l'honneur et l'amitié" pouvait-on lire dans le générique de début) est nuancé par la présence aux côtés de d'Artagnan de Pip, l'écuyer, une souris qui n'est pas seulement un faire-valoir comique mais aussi un faible de caractère qui a bien du mal à résister à la soif de l'or.

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Astrid et Raphaëlle (saison 2)

Publié le par Rosalie210

Laurent Burtin, Alexandre de Seguins (2020)

Astrid et Raphaëlle (saison 2)

Alors, quel bilan tirer de la saison 2 de "Astrid et Raphaëlle" diffusée à raison de deux épisodes hebdomadaires entre mi mai et mi juin 2021? Qu'elle se situe dans la continuité de la saison 1 avant tout. Les intrigues policières font la part belle au mystère et à l'occulte, ça fonctionne plus ou moins bien selon les épisodes et les guest stars (l'exhumation de Gérard MAJAX créé un certain choc près de cinquante ans après "Le Grand blond avec une chaussure noire" (1972), on voit également apparaître Pierre PALMADE, Louisy JOSEPH, Emilie DEQUENNE etc.) mais ce n'est franchement pas ça qui fait l'intérêt de cette série. Celle-ci repose avant tout sur la relation de son duo complémentaire d'enquêtrices, la très rentre-dedans Raphaëlle (Lola DEWAERE) aux méthodes peu orthodoxes et la décalée Astrid (Sara MORTENSEN) qui est autiste asperger. Par rapport à la première saison, Astrid apparaît beaucoup plus intégrée et impliquée dans les enquêtes de la brigade criminelle ce qui met en lumière le principal problème qui en résulte: l'épuisement psychique, symbolisé par une jauge mesurée avec des haricots. Quand celle-ci est épuisée, Astrid est en situation de burn-out, la quantité d'énergie dépensée pour supporter l'univers neurotypique s'avérant colossale (très bien soulignée avec le bruit et l'agitation du commissariat qui s'oppose aux sous-sol des archives de la documentation criminelle dans lequel se trouve le QG d'Astrid). La relation entre les deux femmes paraît également plus équilibrée sur le plan affectif, la saison 2 insistant plus sur ce que Astrid apporte à Raphaëlle alors que cette dernière connaît des turbulences sur le plan familial et sentimental. Astrid elle-même montre davantage ses émotions et s'adapte mieux aux situations sociales y compris stressantes sous l'effet d'une meilleure estime/connaissance d'elle-même, de la perte de son tuteur qui l'a rendue indépendante, de l'amitié de Raphaëlle et des sentiments qu'elle éprouve pour le neveu du commerçant japonais chez qui elle fait ses courses, Tetsuo Tanaka. Le rapprochement avec cette culture très pudique, codifiée à l'extrême et peu tactile est très bien vu. Mais la série n'est pas angélique pour autant, le nouveau statut d'Astrid ne repose sur rien de légal et se retrouve donc menacé, posant un défi pour la prochaine saison.

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Tangerine

Publié le par Rosalie210

Sean Baker (2015)

Tangerine

"Tangerine" est le film que Sean Baker a réalisé juste avant "The Florida Project". En dehors de sa technique expérimentale qui a fait couler beaucoup d'encre (il a été réalisé avec des Iphone 5s dotés de lentilles anamorphiques), ce qui m'a frappé, ce sont les points communs entre les deux films:

- La peinture d'un monde marginal mais haut en couleurs tant par l'énergie incroyable que développent les deux actrices principales qui sont hyper charismatiques que par un tournage particulièrement nerveux, la technique légère employée favorisant le mouvement qui caractérise le film. En dehors d'une séquence finale statique et théâtrale (mais très drôle) de règlements de comptes dans un diner, le "Donut Time", le film prend l'allure d'une course folle qui colle au plus près des corps et des visages des protagonistes.

- Une réalité sordide transcendée par les couleurs pop (filtres orangés, couleurs éclatantes des fresques murales, utilisation du grand angle) et par l'abattage des actrices.

- Une unité de lieu à savoir un quartier chaud de L.A. situé à l'ombre de ceux qui sont habituellement filmés que l'on arpente dans ses moindres recoins, de jour comme de nuit.

- Un casting amateur puisé dans le vivier des réseaux sociaux pour dénicher les deux héroïnes, Sin-Dee et Alexandra, afro-américaines, transgenre et prostituées. Leurs interprètes, Kitana Kiki Rodriguez et Mya Taylor jouent quasiment leur propre rôle, d'où une aisance, un naturel, une prestance assez ébouriffants.

Le troisième protagoniste important, un chauffeur de taxi arménien englué dans une vie conventionnelle qui fréquente secrètement les prostitués trans du quartier est nettement moins flamboyant (et plus convenu) mais la scène finale dans laquelle il se fait pincer la main dans le sac par sa belle-mère est assez amusante.

Sans être aussi abouti que "The Florida Project", "Tangerine" est donc un film pêchu et gonflé qui sort du lot et mérite qu'on y jette un coup d'oeil.

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Smoke

Publié le par Rosalie210

Wayne Wang (1995)

Smoke

Je me demandais ce que je ressentirais en revoyant "Smoke" 25 ans après sa sortie en salles. Aurait-il fané ou bien conservé son charme intact? J'avais gardé le souvenir d'un film chaleureux, un film humain, un film qui faisait du bien à une époque où on ne vendait pas encore le concept de "feel good movie". J'ai retrouvé un film chaleureux, un film humain, un film qui fait du bien comme s'il n'avait pas pris une seule ride. Les personnages de "Smoke" sont tous un peu fêlés, tous un peu éclopés, tous un peu bluffeurs. Ils se tiennent chaud et tiennent chaud au spectateur. Il faut dire qu'ils ont une sacré paire d'anges gardiens qui veillent sur eux. Tout d'abord Auggie (Harvey KEITEL) qui tient un petit bureau de tabac à Brooklyn tantôt transformé en café du commerce, tantôt en bureau des pleurs. Auggie semble bourru en surface mais en fait il est plutôt du genre à tendre la main à tous les paumés qui passent le pas de sa porte. Ensuite son ami, l'écrivain dépressif Paul Benjamin (William HURT) inspiré de Paul AUSTER qui a écrit le scénario du film. D'ailleurs Paul finit par écrire l'histoire que Auggie lui raconte puis le réalisateur Wayne WANG la filme. Auggie n'est d'ailleurs pas seulement conteur, il est aussi photographe et enregistre jour après jour la mémoire de son petit bout de quartier. Toutes ces histoires filmées, racontées, photographiées ou écrites ne finissent plus qu'en former une seule tout comme l'ensemble hétéroclite de personnages devient harmonieux en tissant des liens de filiation élective basés sur un "roman familial" imaginaire bien plus que sur la réalité biologique. Ainsi Thomas (Harold PERRINEAU) sauve la vie de Paul, s'incruste chez lui puis finit par se présenter sous son nom à son véritable père (Forest WHITAKER). Auggie s'invite chez une vieille dame en se faisant passer pour son petit fils. Ruby, une ex d'Auggie (Stockard CHANNING) lui fait croire qu'il a une fille prénommée Félicity qui va elle-même avoir un bébé. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'une solidarité se tisse entre tous ces êtres qui pourtant se sont rencontrés sur des mensonges, de même que les objets et l'argent au départ volés circulent de main en main jusqu'à trouver un heureux propriétaire qui en fera bon usage. "Smoke" est un petit concentré d'humanité qui fait chaud au coeur.

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Transamerica

Publié le par Rosalie210

Duncan Tucker (2005)

Transamerica

"Transamerica" est un film américain indépendant qui joue beaucoup dans son titre comme dans les thèmes qu'il aborde à brouiller les frontières entre le cinéma mainstream (le road et le buddy movie, la famille et filiation à travers une rencontre entre un père et un fils qui ne se connaissent pas) et le cinéma underground au travers de deux portraits fort peu conventionnels. Tout d'abord la star, Bree (Felicity HUFFMAN) qui accomplit une énorme performance à savoir celle de nous faire croire qu'elle est une transsexuelle en pleine transition. Et pour nous faire croire qu'elle est un homme en train de devenir une femme, elle engage son corps et sa voix qui sont les instruments essentiels de sa crédibilité en tant que personnage. On la voit donc se battre contre une biologie et des réflexes comportementaux récalcitrants en dépit des hormones qu'elle prend et des exercices quotidiens qu'elle accomplit notamment pour féminiser sa voix. Elle s'est enfermée dans une certaine rigidité physique et morale que l'on peut interpréter comme un extrême contrôle de soi mais ce corset craque parfois et l'on voit alors Bree adopter des attitudes typiquement masculines comme le manspreading... en jupe! Il y a aussi les effets secondaires des médicaments censés la féminiser mais qui l'obligent à de fréquentes mictions dévoilant l'appareil génital qui la révulse puisqu'elle est en attente d'opération. C'est ce travail d'acteur fouillé, sensible et juste qui fait sortir le film du lot. Il faut ajouter également le fils de Bree, Toby (Kevin ZEGERS) qui est lui aussi un marginal dans la lignée des protagonistes de "My Own Private Idaho" (1991). Il est d'ailleurs amusant de constater que la famille de Bree l'accueille bien plus chaleureusement que Bree en raison de son apparence "normale" sans savoir qu'il sort de prison, qu'il se drogue et se prostitue et a pour objectif de travailler dans le porno.

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Once Upon a Time in Hollywood

Publié le par Rosalie210

Quentin Tarantino (2019)

Once Upon a Time in Hollywood

 Quentin Tarantino fait partie de ces cinéastes qui suscitent soit une adhésion idolâtre, soit un rejet tel que ceux qui font partie de la seconde catégorie lui dénient même sa qualité de cinéaste ce que personnellement je trouve très violent. Ce n'est pas parce que Quentin Tarantino est un grand recycleur d'images et de sons qu'il n'a pas de point de vue ou que son cinéma n'a pas d'âme.* En fait Quentin Tarantino est une sorte de justicier qui utilise la magie du cinéma (dans lequel tout est possible contrairement à la vie réelle) pour réécrire l'histoire afin de donner aux vaincus une revanche symbolique sur les vainqueurs. Ce n'est donc pas seulement un cinéma nostalgique comme je l'ai souvent lu mais un cinéma de la revanche. Ce pouvoir rédempteur fonctionne d'ailleurs à plusieurs niveaux, il peut être intra-diégétique comme dans ses films uchroniques ("Inglourious Basterds", "Django Unchained" et celui-ci) ou extra-diégétique (la revanche éclatante d'acteurs oubliés ou de seconde zone comme John Travolta, Pam Grier, Robert Forster ou Kurt Russell).

Dans "Once upon in time in Hollywood" qui fait sans nul doute allusion au film de Sergio Leone "Il était une fois dans l'Ouest" (1968), Quentin Tarantino ressuscite une période clé de l'histoire d'Hollywood, celle qui vit la fin de l'âge d'or des studios au profit de la télévision et du cinéma d'auteur dans ou hors du système des studios (ou les deux comme Cassavetes, acteur principal de "Rosemary's Baby", le premier film américain de Roman Polanski qui a fait de lui une célébrité hollywoodienne, film par ailleurs évoqué dans le film de Tarantino qui se situe en 1969). Cette résurrection n'est pas pour autant une reconstitution fidèle mais une réécriture avec introduction de personnages fictifs dans des événements réels ayant une influence déterminante sur leur déroulement. La villa des étoiles montantes Polanski et sa femme d'alors, Sharon Tate (Margot Robbie) est mitoyenne d'une (fictive) star déclinante du cinéma de genre, Rick Dalton (Leonardo DiCaprio) qui a de plus en plus de mal à décrocher des contrats. Heureusement il peut compter sur sa doublure et homme à tout faire, le cascadeur Cliff Booth (Brad Pitt) alors que son producteur (Al Pacino) essaye de le convaincre d'aller tourner à Rome des western spaghetti (ce qui ressemble à une déchéance à une époque où ceux-ci sont tournés en dérision). Les deux univers qui se côtoient sans se mélanger pourraient bien finir par se rencontrer à la faveur de la virée meurtrière de la secte hippie satanique de Charles Manson qui sous la caméra de Tarantino n'est plus une tragédie mais un morceau de bravoure jubilatoire. Celui-ci se livre à un jeu amusant à la Woody Allen ou à la Robert Zemeckis de manipulation d'images ayant réellement existé ou de recréation de fac-similés afin d'y insérer ses protagonistes. Toute une batterie de stars d'époque joués par des comédiens d'aujourd'hui viennent pimenter la sauce comme Bruce Lee, Steve McQueen ou bien sûr le couple Polanski/Tate. Mais même si le film est riche et emporte le morceau avec son grandiose bouquet final, il aurait gagné à être resserré car il est tout de même souvent mou du genou et décousu. Un reproche que je fais aux films de Tarantino depuis "Inglourious Basterds" mais qui ne semble pas être corrigé de sitôt alors que la dramaturgie de "Pulp Fiction" et de "Jackie Brown" frôlait la perfection.

* Je pourrai dire la même chose de Brian de Palma, autre grand cinéaste recycleur (dans le style "palimpseste") qui suscite beaucoup d'incompréhension voire de mépris (j'ai lu une critique qui le considérait comme un "perroquet").

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Macadam cowboy (Midnight cowboy)

Publié le par Rosalie210

John Schlesinger (1969)

Macadam cowboy (Midnight cowboy)

Les illusions brisées du rêve américain incarnées par un texan benêt déguisé en John Wayne qui espère profiter de sa belle gueule pour se faire entretenir par des femmes riches et un SDF souffreteux et infirme d'origine italienne qui détrousse les nigauds entre deux quintes de toux. Ces deux épaves humaines s'échouent dans un New-York glacial et sordide où ils tentent de survivre en s'accrochant l'un à l'autre comme à une bouée de sauvetage. Leur rêve commun, aller en Floride ("Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil"). Le film s'inscrit dans un passage de relai entre le classicisme hollywoodien et la contre-culture du nouvel Hollywood. On le compare à "Easy rider" en raison de ses personnages de marginaux et de sa fuite en avant mais il comporte aussi un caractère underground, les Inrocks n'hésitant pas à le considérer comme un remake informel de "Flesh", le premier volet de la trilogie que Morrissey et Warhol ont consacré à la prostitution masculine (en partie justement en réaction à "Macadam cowboy" qu'ils trouvaient trop formaté et pour cause puisque c'était le premier film mainstream a évoquer ce sujet alors sulfureux). Morrissey réalise tout de même un film en super 8 dans le film de John Schlesinger et les deux quidam sont invités à une soirée dans laquelle trônent les proches de Warhol dont Viva, son égérie (filmée à la même époque par Agnès Varda dans "Lions, Love and lies"). Si les flash mentaux censés éclairer la psyché et le passé des protagonistes sont trop nébuleux pour apporter quelque chose d'autre qu'une signature arty, la déconstruction des mythes de l'Amérique WASP justifie à elle seule le statut de film culte de "Macadam cowboy" ainsi qu'une réelle finesse psychologique qui rend le film bouleversant, particulièrement sur la fin. Le personnage de Joe Buck (John Voight) qui au départ se réduit au cliché du self made man parti de rien (ou plutôt du fin fond de la plonge) mais qui est persuadé de pouvoir réussir financièrement par le sexe avec son physique d'étalon et sa défroque de cowboy macho s'affine progressivement jusqu'à la scène clé issue de la soirée underground où sa partenaire sexuelle lui suggère qu'il est sans doute un gay qui s'ignore. Et voilà comment Joe quitte enfin le chemin mensonger de clip publicitaire dans lequel il ne cessait de s'enliser pour "Walk on the wild side" avec son compagnon de route moribond, Rico (Dustin Hoffman) qu'il arrache symboliquement à son enfer de crasse et de solitude, jetant son costume de cowboy à la poubelle au passage comme une vieille peau morte. Cet inexprimable lumière qui pointe à la fin du film alors que pourtant Rico agonise, cela compense tout ce que le film peut avoir par ailleurs de bancal ou d'imparfait.

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Thelma et Louise (Thelma and Louise)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (1991)

Thelma et Louise (Thelma and Louise)

Pourquoi les road movie sont-ils toujours au masculin? "Thelma et Louise" est l'exception qui non seulement confirme la règle mais la rend explicite. Parce que le monde extérieur est régi par la loi du mâle dominant, les femmes qui osent sortir de chez elles et a fortiori voyager seules le paient cher en subissant harcèlement et viol sans que le système judiciaire, formaté selon les rapports de force qui régissent le reste de la société ne vienne corriger le tir. Le fait que cet ordre social soit impossible à renverser explique l'absence d'issue à la révolte de Thelma (Geena DAVIS) et de Louise (Susan SARANDON) qui n'ont le choix qu'entre la soumission ou la mort (comme dans "Sans toit ni loi" (1985) autre road movie au féminin à la fin tragique). Il y a bien un personnage masculin positif dans l'histoire, un homme empathique qui voudrait les sauver (Hal Slocombe, l'enquêteur joué par un Harvey KEITEL dont la sensibilité préfigure son rôle dans "La Leçon de piano") (1993) mais il est isolé, mis sur la touche. On le voit surgir derrière la voiture pour tenter de la retenir mais c'est déjà trop tard, les deux amies ont choisi de quitter un monde dont elles ne veulent plus. Une fin à la portée mystique certaine mais qui maintient le statu quo.

En dépit de cette fin ou plutôt à cause d'elle (car la dérive des deux femmes prend très tôt les allures d'une fuite en avant sans issue), "Thelma et Louise" reste un film d'émancipation. Thelma et Louise sont très différentes mais leur échappée prend la forme d'une revanche sur toutes les formes d'aliénation qu'elles ont subi de la part des hommes. Désormais elles rendent coup pour coup et font justice elles-mêmes avec les mêmes armes que les hommes ce qui peut paraître très américain (mais c'est aussi suédois si l'on pense à Lisbeth Salander). Il est intéressant d'ailleurs de souligner que l'usage de la violence est chez elles une réponse aux agressions et en aucune façon un mode relationnel spontané. La scène du hold-up, celle où le flic est enfermé dans le coffre de sa propre voiture ou encore celle où elles font exploser le camion-citerne du rustre qui ne cesse de leur faire des remarques obscènes à chaque fois qu'elles le double (plus machiste que le monde de la route tu meurs!) sont remplies d'ironie car elles accomplissent ces actes délictueux avec une extrême politesse. Il n'y a guère que le meurtre du violeur qui peut paraître brutal mais là aussi le relativisme culturel joue à plein. Un homme défendant sa petite amie agressée aurait paru dans son bon droit. Une femme qui tire sur l'homme qui agresse son amie, ça reste transgressif et d'ailleurs c'est bien pour cela qu'elles comprennent qu'elles n'ont rien à attendre de la justice et qu'il ne leur reste plus que la fuite. Cet acte éclaire par ailleurs la différence de caractère des deux femmes ainsi que ce qui soude leur amitié. Thelma est une très jeune femme au foyer qui n'a aucune expérience de la vie et que son mari vaniteux et toujours absent considère comme une boniche qui doit le servir sans moufter (de toutes façons il ne l'écoute pas). La cavale lui permet de s'éclater dans une seconde adolescence mais sa naïveté et son inconséquence font que c'est par elle que la plupart des ennuis arrivent. Ceci étant il est difficile de résister à Brad PITT qui a percé au cinéma dans le rôle du séduisant voleur J.D. qui déborde de charisme. Louise est quant à elle plus âgée, plus mûre et plus désillusionnée aussi. Elle n'attend plus rien des hommes (son petit ami Jimmy joué par Michael MADSEN se rend compte trop tard qu'elle lui échappe et ni son empressement à l'aider, ni sa bague de fiançailles ne parviennent à infléchir le cours de son destin) et pour cause, sa virée prend la forme d'un retour sur son traumatisme de jeunesse que celle-ci ne parvient pas à exorciser autrement que par la violence (tout le monde comprend qu'elle a été violée au Texas mais elle refuse d'en parler).

Près le trente ans après sa sortie "Thelma et Louise" n'a rien perdu de sa force rageuse ni (hélas) de sa pertinence.

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Les Valseuses

Publié le par Rosalie210

Bertrand Blier (1974)

Les Valseuses

Aujourd'hui c'est un film culte. A sa sortie c'était un énorme coup de pied aux fesses de la France profonde, conservatrice et catholique incarnée à l'époque par la présidence de George Pompidou mais que l'on a pu retrouver plus récemment dans les discours clivants d'un Nicolas Sarkozy abonné aux "Valeurs actuelles" c'est à dire tournant le dos aux acquis de mai 1968 et fustigeant les racailles face "à la France qui se lève tôt". Faire des héros deux glandeurs qui s'amusent à narguer les autorités, ignorent manifestement le droit de propriété et fonctionnent à l'instinct en prenant leur plaisir où ils le trouvent sans se poser de question était une véritable provocation. Les faire interpréter par deux jeunes chiens fous alors inconnus mais bourrés de talent était un coup de génie. De même que les entourer d'une pléthore d'actrices d'âge différent mais toutes de premier ordre (ou appelées à le devenir!) Face à ce casting flamboyant, mordant et épatant de naturel (la scène au bord du canal est "renoirienne" et les dialogues sont prononcés avec une telle gourmandise qu'on en redemande des "On est pas bien là"!!), la France pompidolienne apparaît d'autant plus sinistre et dévitalisée avec ses logements de masse, ses gardiens du temple de la consommation de masse, ses villes-fantômes du tourisme de masse ou ses agriculteurs de la PAC rivés à leur outil de production de masse. C'est souvent en se positionnant à la marge que l'on comprend le mieux le fonctionnement du monde et c'est ce décalage qui rend le film si pertinent encore aujourd'hui. Si pertinent, si vivant et si audacieux dans son discours, y compris aujourd'hui vis à vis de la sexualité. Certes le contexte post-soixante-huitard se fait ressentir dans un film qui a des points communs avec celui de Agnès VARDA "Lions Love" (1969) qui est centré sur un ménage à trois et où la nudité est érigée en mode de vie ou encore avec "Easy Rider" (1968) pour le road-movie libertaire dans un monde de ploucs. Dans le film de Bertrand BLIER, le triolisme est donc la règle étant donné que Jean-Claude et Pierrot font tout ensemble mais leur comportement misogyne n'est qu'une façade derrière laquelle sont abordées des problématiques sexuelles intimes qui restent encore souvent mal ou peu traitées comme l'impuissance, l'homosexualité, la frigidité/soumission au désir masculin et l'affirmation du désir féminin (le personnage joué par MIOU-MIOU effectue le même parcours libérateur que celui de Andie MacDOWELL dans "Sexe, mensonges & vidéos") (1989), la relation entre sexualité/allaitement (rôle dévolu à Brigitte FOSSEY en femme faussement "respectable") le vieillissement annihilateur (avec le personnage joué par Jeanne MOREAU qui ose en plus parler des règles) ou à l'inverse la première fois (rôle dévolu à la toute jeune Isabelle HUPPERT dans un rôle court mais tout aussi marquant que celui de Brigitte FOSSEY).

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Dead Man

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (1995)

Dead Man

Il y a plusieurs niveaux de lecture dans ce film qui prend la forme d'une longue odyssée onirique en négatif. Odyssée parce qu'il s'agit d'une histoire de voyage, voire même d'une superposition de voyages et que la référence à Homère est limpide au travers du personnage de "Nobody" (Gary Farmer). Onirique parce que William Blake le "héros" (Johnny Depp) semble vivre ce périple sous hypnose (la musique de Neil Young y contribue beaucoup) tant il a l'air perpétuellement hébété voire narcoleptique. En fait son état de mort-vivant fait de lui plus un fantôme qu'un homme. Nobody et lui forment ainsi une sorte de duo de héros en "négatif" qui accompagne la photo en noir et blanc du film et participe de son ambiance irréelle. Tous deux sont des parias, solitaires, sans attaches, en route pour la mort. Leur périple funèbre ne prend sens qu'au niveau spirituel, bref on est dans un négatif de western. Par exemple il y a le pré-générique magistral qui dans un silence assourdissant voit le jeune et frêle comptable de Cleveland quitter le monde civilisé en train pour le far ouest. Progressivement, les hommes et les femmes propres et bien habillés disparaissent au profit de trappeurs patibulaires, hirsutes et armés jusqu'aux dents. La ville terminus du train, la bien nommée "Machine" qui fusionne mécanisation industrielle et sauvagerie du far ouest est une assez bonne illustration de l'enfer américain (un "négatif" bien ironique). Cette halte est par ailleurs l'occasion de croiser quelques grands acteurs dont Robert Mitchum dans son dernier rôle, celui du patron/seigneur de guerre Dickinson entouré de ses sbires. Ensuite vient la deuxième partie du voyage, celle de la cavale contemplative dans la forêt avec pour guide spirituel "Nobody", amérindien atypique parce que métissé ethniquement et culturellement (ce qui en fait objectivement un déraciné, hors du monde et hors du temps). Lui voit en William Blake l'incarnation du poète britannique homonyme dont il connaît l'œuvre par cœur et dont il veut sauver l'âme à défaut du corps. Privé de tabac (à mon avis c'est une private joke tant ce film semble avoir été fait sous l'influence de substances diverses et variées ^^) il lui reste l'ivresse des vers du poète qu'il accompagne jusqu'à son dernier voyage au pays des morts. Voyage vers l'au-delà qui prend alors la forme d'une traversée en barque le long d'un fleuve (comme dans l'Egypte antique) jusqu'au miroir, là où le ciel et la mer se rejoignent.

De façon magistrale, cet anti-western chamanique déconstruit la mythologie du far ouest et de façon plus large, celle de la conquête de l'Amérique par l'homme blanc en renversant les notions de sauvagerie et de civilisation. Les blancs sont montrés comme des dégénérés (le personnage monstrueux de Cole Wilson cumule les pires tares dont l'homme est capable) alors que l'Indien empli de noblesse est l'exemple même de la sagesse et de la sérénité. La culture blanche importée en Amérique est montrée sous son angle le plus repoussant (le culte du flingue, de la machine, de l'argent, l'évangélisation qui prend la forme d'un ethnocide motivé par la haine raciste). En chaussant les lunettes de Blake (le film est parsemé de private joke ^^), Nobody s'affirme comme étant le vrai lettré de l'âme là où les blancs pataugent dans leur fange de bêtise, d'ignorance et de sauvagerie. 

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