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Articles avec #bouzid (leyla) tag

A peine j'ouvre les yeux

Publié le par Rosalie210

Leyla Bouzid (2015)

A peine j'ouvre les yeux

Très belle découverte que ce film, le premier long-métrage de Leyla BOUZID qui me donne envie de voir le deuxième "Une histoire d'amour et de desir" (2019). Le style est flamboyant et le scénario, subtil. Il peut en effet se lire aussi bien comme un récit initiatique que comme celui d'une désillusion ou encore celui d'une prise de conscience. Il mêle habilement le douloureux passage à l'âge adulte de Farah, 18 ans à une relation mère-fille conflictuelle et à un contexte historique précis: celui des quelques mois qui ont précédé la révolution du jasmin en Tunisie fin 2010 et début 2011 ayant abouti au départ du dicteur Ben Ali qui était au pouvoir depuis 1987. Farah et son groupe de musique jouent en quelque sorte le rôle d'éclaireurs, exprimant les aspirations à la liberté de toute une génération. Les textes engagés et la folle énergie déployée par la jeune chanteuse captivent l'auditoire et le spectateur, entraîné dans une atmosphère électrique. En même temps et dès les premières images, les signes que l'histoire se déroule dans un Etat policier sont présents et se font de plus en plus envahissants jusqu'à prendre toute la place à la fin. Dans la première partie du film, le spectateur a l'illusion d'être dans un pays occidental en suivant une jeune fille issue de la bourgeoisie libérée voire délurée qui boit, fume, fait la fête, a une relation amoureuse et ne semble rencontrer que l'opposition de Hayet, sa mère qui veut qu'après son bac décroché brillamment elle fasse médecine. Puis peu à peu on comprend qu'en réalité Hayet n'est pas castratrice, bien au contraire mais qu'elle tremble pour sa fille et on comprend peu à peu qu'il y a de bonnes raisons à cela. Ce ne sont pas seulement les illusions de Farah qui disparaissent les unes après les autres, ce sont aussi les nôtres. En témoigne par exemple la scène où Hayet se rend dans un café pour rencontrer l'auteur-compositeur du groupe le soir de la disparition de Farah et où Leyla BOUZID filme longuement les regards pesants que les clients, tous masculins, font peser sur elle. Une expérience que n'importe quelle femme ayant vécu ou voyagé au Maghreb a pu faire et qui en dit plus long que tous les discours sur la réalité de sociétés encore très marquées par la tradition et ses valeurs machistes.

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