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Nos frangins

Publié le par Rosalie210

Rachid Bouchareb (2022)

Nos frangins

Rachid BOUCHAREB est le cinéaste qui à travers des films comme "Indigènes" (2006) et "Hors-la-loi" (2010) a mis en lumière la part d'ombre de l'histoire contemporaine de la France au travers d'une mémoire immigrée largement occultée dans le récit national. Non sans bousculer les consciences, voire créer parfois la polémique. "Nos frangins" n'y échappe pas. Les frères de Abdel Benyahia, tué par un policier la même nuit que Malik Oussekine en marge des manifestations contre la loi Devaquet n'ont pas apprécié la manière dont le cinéaste a dépeint leur père (Samir GUESMI) en garagiste immigré muet et résigné. Cette maladresse est effectivement regrettable mais Rachid Bouchareb a le mérite de sortir de l'oubli cette affaire étouffée à l'époque par les autorités, soucieuses de couvrir la police éclaboussée par la mort de Malik Oussekine. Comme le dit très bien l'employé africain de la morgue chargé des deux corps "toi tu as un nom, toi tu n'en a pas". Se situant dans les quelques jours qui ont suivi les faits, le cinéaste mêle habilement images d'archives et reconstitution de fiction pour retracer une époque de contestation explosive de la jeunesse contre un pouvoir remettant en cause l'accès pour tous les bacheliers à l'université et jouant la surenchère sécuritaire dans un contexte de racisme endémique vis à vis des enfants d'immigrés*. Le parallèle avec les violences policières contre les Gilets Jaunes est souligné mais pas les attaques actuelles (trop récentes) contre l'éducation des plus fragiles (à travers le projet de réforme des lycées professionnels par exemple). A travers les portraits des membres des familles des deux victimes et en contrepoint, l'enquête d'un inspecteur (Raphaël PERSONNAZ) prié de la boucler par ses supérieurs manipulateurs, Rachid Bouchareb dénonce le racisme des institutions françaises (police, justice), l'omerta au nom de la raison d'Etat (visible jusque dans la plaque commémorative de Malik Oussekine ne mentionnant pas les responsables de sa mort et encore moins leur fonction) et les limites de l'intégration. Ainsi le grand frère de Malik (joué de façon remarquable par Reda KATEB) qui s'est embourgeoisé tout comme la soeur (jouée par Lyna KHOUDRI) découvre que Malik était sur le point de se convertir au catholicisme et d'embrasser la vocation de prêtre ce qui le trouble profondément. Certes, le film de Rachid Bouchareb manque de profondeur et d'émotion mais sa piqûre de rappel est salutaire.

* C'est l'époque de la cohabitation Mitterrand/Chirac et son ministre de l'intérieur ultradroitier Charles Pasqua, celle de la montée en puissance du Front National mais aussi des actions militantes de SOS Racisme créée en 1985, deux ans après "la marche des beurs" qui a médiatisé en France les crimes racistes dont les maghrébins immigrés et leurs enfants étaient régulièrement victimes en France dans les années 70 et 80 ("Dupont Lajoie" (1974) de Yves BOISSET, autre réalisateur engagé en est le parfait exemple).

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