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Articles avec #biographie tag

Chaplin

Publié le par Rosalie210

Richard Attenborough (1992)

Chaplin

Librement inspiré de l'autobiographie de Charles CHAPLIN, le biopic de Richard ATTENBOROUGH, réalisateur habitué aux grands sujets est inégal. Du côté négatif, il y a un fil directeur assez lourd avec les interventions intempestives d'un personnage fictif, l'éditeur du livre autobiographique de Chaplin (joué par un Antony HOPKINS mal employé) qui lui demande régulièrement des précisions, rectifications sur ses souvenirs. Il y a aussi une vraie difficulté dans le dosage des différents éléments du scénario. Fallait-il accorder par exemple la même importance à toutes les femmes de la vie de Chaplin? A mon avis non car elles défilent comme des figures de cire et on n'en retient rien alors que Edna PURVIANCE (dont la relation intime avec Chaplin est passée sous silence) et Paulette GODDARD ont eu un rôle très important en tant qu'actrices dans ses films (la première au temps du muet et la second, au temps du parlant). Ce reproche peut d'ailleurs être étendu à la plupart des personnages secondaires car la reconstitution de l'industrie hollywoodienne du début du XX° siècle est soignée mais hélas, trop survolée. Si bien qu'on passe directement des débuts de Chaplin chez Mack SENNETT avec une allusion dépréciative à une certaine Mabel amputée de son nom de famille et présentée comme n'ayant pas les moyens de son ambition créatrice (alors qu'aujourd'hui Mabel NORMAND a été réhabilitée comme réalisatrice auprès de Chaplin mais une femme qui dirige un homme, ça fait tache peut-être ^^) à la fondation de son propre studio en 1917 en sautant toutes les étapes intermédiaires. Et les célébrités quand elles apparaissent font là encore de la figuration (le couple Douglas FAIRBANKS et Mary PICKFORD par exemple). Enfin de façon générale, la vie privée de Chaplin (les problèmes psychiatriques de sa mère jouée par… Geraldine CHAPLIN, ses conquêtes, ses démêlés avec Hoover) prend trop de place et est abordée de manière répétitive (fallait-il montrer Hoover toutes les demi-heure à la façon des pubs MAAF et de leur slogan "un jour je l'aurai"?)

Mais il y a du bon aussi dans "Chaplin". D'abord le rôle-titre, cela a été assez souligné est magnifiquement interprété par Robert DOWNEY Jr. qui réussit à nous faire croire qu'il est Chaplin aux différents âges de sa vie. Et ce n'est pas un mince exploit car il est aussi bon dans les acrobaties du slapstick de sa jeunesse que dans la dernière scène où en tant que vieillard mélancolique, il jette une dernière fois l'œil dans le rétro pour regarder les scènes emblématiques de ses films (une très belle idée ce bouquet final qui permet de revoir des extraits entrés dans la mémoire collective des films "Le Kid / Le Gosse" (1921), "La Ruée vers l'or" (1925), "Le Cirque" (1927) etc.) Ensuite, bien que trop courte, la reconstitution du tournage d'un de ses premiers courts-métrages muets est parfaitement jubilatoire (là aussi le talent de l'interprète principal joue à plein). Procédé étendu dans une autre scène qui reprend les codes des films comiques muets dans un épisode de la vie de Chaplin (celui où il a dû se planquer avec ses bobines pour éviter qu'elles ne soient saisies par les avocats de sa première femme). Rien que pour le pur bonheur que dégagent ces scènes, le film vaut d'être vu!

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Le Scaphandre et le Papillon

Publié le par Rosalie210

Julian Schnabel (2007)

Le Scaphandre et le Papillon

"Le Comte de Monte-Cristo" écrit en 1845 par Alexandre Dumas fait partie de mes livres préférés depuis l'adolescence. Moins pour son histoire de vengeance que pour la relation qui unit Valentine de Villefort à son grand-père, M. Noirtier, presque entièrement paralysé à la suite d'une attaque sans que son intelligence n'en soit affectée. Elle parvient à établir la communication avec lui grâce à ses clignements de paupière. A l'aide d'un dictionnaire qu'elle récite dans l'ordre alphabétique jusqu'à ce qu'il l'arrête, lettre par lettre, elle peut traduire sa pensée en formant des mots puis des phrases. Un dispositif qui demande beaucoup de temps, d'intuition et de patience mais qui permet à Noirtier de surmonter son impuissance corporelle pour intervenir de façon décisive dans l'intrigue. 

Il n'est guère surprenant que "Le Comte de Monte-Cristo'" soit un livre-totem pour Jean-Dominique Bauby (Mathieu Amalric) et Noirtier, son double fictionnel. Ex-rédacteur en chef du magazine "Elle", Bauby fut atteint à la suite d'un accident cardiovasculaire en 1995 du "syndrome de l'enfermement" décrit par Dumas au XIX° siècle, une pathologie neurologique rare diagnostiquée en 1947 qui laissent intactes les facultés intellectuelles et la conscience tout en paralysant entièrement le corps à l'exception des paupières et des yeux. Bauby se décrit ainsi comme un esprit libre (le papillon) dans un corps sarcophage (le scaphandre). Grâce à l'aide décisive de femmes dévouées (une orthophoniste jouée par Marie-Josée Croze et une assistante scripturale jouée par Anne Consigny), il parvient  à rédiger un livre autobiographique (dont le film est l'adaptation) en utilisant les mêmes outils communicationnels artisanaux que Noirtier (depuis l'informatique a permis aux victimes du locked-in syndrome d'écrire leurs textes de façon autonome en enregistrant leurs mouvements d'iris). 

Pour permettre au spectateur de s'immerger pleinement dans la perception du monde de Bauby après son accident, le réalisateur choisit de tourner en caméra subjective et de suivre fidèlement le livre, c'est à dire le fil de la pensée non linéaire de son auteur dont les seules libertés résident dans l'imagination et la mémoire. Si les personnages du film ne peuvent pas entendre la voix intérieure de Jean-Dominique, le spectateur lui, le peut et se régale en suivant les méandres d'une pensée en mouvement riche et alerte qui ne s'apitoie jamais sur son sort, nous fait sourire bien souvent avec des remarques pleine d'à-propos tant sur lui-même que sur les autres et s'évade régulièrement dans des souvenirs ou des rêveries qui témoignent de son appétit de vivre (comme une scène orgiaque de dégustation de fruits de mer entrecoupée de baisers avec son assistante, plaisirs sensoriels qui lui sont désormais inaccessibles).

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Rocketman

Publié le par Rosalie210

Dexter Fletcher (2019)

Rocketman

J'ai été globalement déçue par le film que j'ai trouvé à la fois convenu, poussif et sans relief. L'idée de renouveler le genre très codifié du biopic à l'aide de la comédie musicale était bonne mais je n'ai pas trouvé le résultat magique alors que j'adore la plupart des chansons d'Elton John. Il manque un grain de folie dans les chorégraphies qui les auraient rendues plus percutantes et un point de vue moins lourdement psychologisant sur l'artiste. Non que ses traumatismes d'enfance ne soient pas importants mais cela ne suffit pas à expliquer son génie. Car on nous présente surtout Elton comme un être névrosé et dépressif pour expliquer son besoin d'évasion dans un univers extravagant et coloré (en plus du fait que le déguisement et le théâtre sont de bons remèdes à la timidité). L'indifférence de ses parents qui ne l'ont pas désiré est montrée comme étant à l'origine de sa soif d'exister ainsi que de ses multiples addictions (qui ont pour fonction de combler le vide affectif). Ok mais sa flamboyance ne peut s'expliquer seulement en réaction à un environnement mortifère. Par exemple ses relations amicales et amoureuses sont survolées alors qu'elles sont essentielles dans sa créativité. Idem sur ses sources d'inspiration. Car son travail de composition n'est jamais véritablement abordé, c'est plutôt la bête de scène et les affres du show business qui sont mis en avant. Ce qui manque aussi beaucoup à mon sens, c'est une véritable contextualisation historique. En effet être homosexuel en Angleterre dans les années 70-80 n'était pas aussi évident qu'aujourd'hui et la difficulté de s'affirmer différent ne peut se résumer aux quelques propos péremptoires de la mère ou au comportement masculiniste du père. L'iconoclasme d'Elton John bouscule l'ensemble de la société. Enfin seule la première partie de sa carrière est couverte par le film, c'est frustrant. Dans le genre, j'ai préféré "Bohemian Rhapsody" (2017) qui est inégal mais fait mieux ressentir l'énergie et le talent de chaque membre du groupe.

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Mary Shelley

Publié le par Rosalie210

Haifaa Al-Mansour (2018)

Mary Shelley

Parfois il vaut mieux ne pas écouter les critiques et suivre son intuition. La réalisatrice du superbe "Wadjda" (2013) ne pouvait pas, même dans le cadre formaté des studios hollywoodiens, avoir totalement perdu son talent. Et de fait, ce "Mary Shelley" tout en respectant les conventions du biopic moderne (histoire d'amour, œuvre expliquée par la vie etc.) est d'une âpreté inhabituelle pour un film de ce genre. Pour parvenir à écrire "Frankenstein", Mary Shelley (Elle FANNING) va devoir s'écarter du droit chemin et traverser "la vallée des ombres". En effet, Charlotte Brontë dans "Jane Eyre" explique très bien en quoi les horizons limités dans lesquels évoluaient les femmes de l'époque victorienne entravaient leurs capacités créatrices. Mary ne fait pas exception à la règle. Sa passion pour les romans gothiques ne parvient pas à se transmuer en une œuvre originale parce que celle-ci qui n'a que 16 ans au début du film manque de vécu. Néanmoins elle trouve une source d'inspiration dans la vie tumultueuse de sa mère, une ardente féministe morte peu de temps après l'avoir mise au monde. Comme le reste de sa famille est plutôt insignifiant (les idées libérales du père ont inspiré Percy Shelley mais en tant que père, il est transparent) à l'exception de sa demi-soeur Claire qui va suivre ses traces, Mary ne va pas avoir beaucoup de difficultés à s'en échapper. Mais il n'en reste pas moins que les issues (tant psychiques que matérielles) passent par la dépendance vis à vis d'un homme (c'est d'ailleurs la même chose pour "Jane Eyre"). C'est dans l'analyse de la relation entre Mary et Percy ainsi que l'étude de leur environnement que le film est le plus intéressant. En effet après avoir commencé de façon idéalisée à l'image des romans que lit Mary, leur histoire prend une tournure de plus en plus amère lorsqu'elle doit partager le mode de vie chaotique et dissolu de Percy qui passe le plus clair de son temps à fuir les créanciers, à boire et à séduire. Son entourage, à l'image de Lord Byron (qui a fortement inspiré Rochester, personnage typiquement byronien) n'arrange pas les choses. Haifaa AL MANSOUR insiste sur la difficulté pour les femmes à se faire une place parmi ces écrivains narcissiques, décadents et immatures même si Percy Shelley tout comme dans un autre domaine Pierre Curie ont joué un rôle essentiel pour que l'œuvre de leurs compagnes soit reconnue publiquement. Le confinement et les contraintes pesant sur les femmes victoriennes ne sont finalement pas si éloignés de ceux que subissent les femmes saoudiennes et on observe que dans les deux cas ce sont les hommes qui fixent les règles du jeu dans la vie de couple en ignorant ce que peut ressentir leur femme. Bref, sous ses airs classiques voire académique, le film donne à réfléchir et est plus pertinent et audacieux qu'il n'y paraît.

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Edmond

Publié le par Rosalie210

Alexis Michalik (2018)

Edmond

Je ne suis définitivement pas fan du dispositif contemporain consistant à raconter la gestation du chef d'œuvre d'un auteur par le petit bout de la lorgnette ("Mes amis, mes amours, mes emmerdes"). J'adore pourtant les mises en abyme mais pas quand elles sont aussi grossières. La création est un processus complexe et mystérieux. Ce besoin d'explications simplistes est quand même assez révélateur d'une société à qui les abysses de l'âme humaine font peur. Il en résulte donc quelque chose d'artificiel qui est présent à plusieurs reprises dans le film. Dans les décors (et le film qui s'inspire de l'iconographie du "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) ne bénéficie pas de la photographie de Bruno DELBONNEL). Mais aussi dans tout ce qui tourne autour du triangle amoureux Edmond (Thomas SOLIVÉRÈS dont la moustache sent trop le postiche), Léo (Tom LEEB, fils de) et Jeanne (Lucie BOUJENAH nièce de) qui est assez grotesque, en particulier lorsqu'ils "inventent" la scène du balcon avec les vers de la pièce. Que ceux-ci jaillissent spontanément de l'imagination de Edmond Rostand qui est un poète ne s'exprimant qu'en vers passe encore mais que Jeanne lui réponde en "inventant" Roxanne alors qu'elle n'a aucun talent particulier m'a laissé assez perplexe. Le personnage de Jeanne manque par ailleurs trop d'épaisseur et de charisme pour être la "muse" du dramaturge qui est censé éprouver pour elle la passion que Cyrano éprouve pour Roxanne avec la logorrhée épistolaire qui en résulte. Mais Edmond est un beau jeune homme lisse dont la seule "difformité" est d'être peut-être d'un autre siècle que celui dans lequel il vit, marqué par la prose et la naissance du cinéma. Il rencontre cependant sur son chemin des personnages truculents qui font assez bien monter la mayonnaise d'un film par ailleurs plaisant à regarder et au rythme fort bien enlevé: Honoré, le patron de café lettré victime de racisme (Jean-Michel MARTIAL), Constant Coquelin, l'acteur aux abois (Olivier GOURMET, excellent), l'irascible Maria Legault (Mathilde SEIGNER), le fils quelque peu niais de Coquelin (Igor GOTESMAN) et ses créanciers corses (Simon ABKARIAN et Marc ANDRÉONI) apportent quelques touches humoristiques bienvenues à l'ensemble. Mais on est quand même loin de la profondeur du fabuleux "Cyrano de Bergerac" (1990) de Jean-Paul RAPPENEAU.

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Bienvenue à Marwen (Welcome to Marwen)

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (2018)

Bienvenue à Marwen (Welcome to Marwen)

"Bienvenue à Marwen" est un film clé de la filmographie de Robert ZEMECKIS, une œuvre-somme qui réunit ses principaux thèmes et figures de style: l'animation et la performance capture renvoient à "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" (1988) et à la trilogie "Le Pôle Express" (2004), "La Légende de Beowulf" (2007) et "Le Drôle de Noël de Scrooge" (2009), le monologue d'un homme solitaire avec un/des objets (des poupées à son effigie et celle de son entourage) qu'il dote d'une anima renvoie à "Seul au monde" (2001), les mutilations subies par les corps "cartoonisés" renvoient à Roger Rabbit mais aussi à "La Mort vous va si bien" (1992) l'entrée dans l'intrigue par la spectaculaire chute d'un avion renvoie à "Seul au monde" (2001) et à "Flight" (2012), la figure de l'innocent/handicapé mental/enfant dans un corps d'adulte renvoie à "Forrest Gump" (1994) enfin celle de l'artisan inadapté qui dialogue avec le monde par le truchement de ses créations/créatures renvoie à Doc Brown de la trilogie "Retour vers le futur" (1985), "Retour vers le futur II" (1989) et "Retour vers le futur III (1990). Robert ZEMECKIS rend d'ailleurs un hommage appuyé à la trilogie avec l'apparition de la maquette miniature d'une DeLorean bricolée pour voyager dans le temps (et qui laisse brièvement les mêmes traces de son passage une fois disparue) et fait également un clin d'oeil à son précédent film "Alliés" (2016).

Au-delà de ces références immédiates, évidentes, il y en a d'autres, plus subtiles et plus douloureuses qui font de ce "Bienvenue à Marwen" (2018) pourtant tiré de l'histoire vraie d'une autre personne une œuvre à forte résonance autobiographique. L'exclusion et l'annihilation de la différence par le nazisme et le capitalisme n'a jamais été aussi clairement exprimée que dans ce film. Elle l'était déjà dans les autres, mais de manière plus subliminale que ce soit l'enfermement à l'asile psychiatrique de Doc Brown dans l'Amérique néo-trumpienne ("Retour vers le futur II") (1989) ou le génocide des toons par un toon niant ses origines dans "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?" (1988). L'ombre de la seconde guerre mondiale, recréée à l'échelle d'un village miniature par Mark plane sur de nombreuses créations de Robert ZEMECKIS qui ainsi peut raconter en jouant ou plutôt en rejouant l'histoire des propres traumatismes familiaux, lui dont les origines paternelles se situent dans ce qui a été l'un des épicentres de la Shoah, la Lituanie. C'est ainsi par exemple que dans "Retour vers le futur III" (1990), Doc et Clara héritent d'une partie de l'autobiographie de Wernher von Braun, célèbre ingénieur allemand que sa fascination pour Jules Verne a poussé à créer des machines volantes capables d'aller dans l'espace. Sauf que contrairement aux héros de Robert ZEMECKIS qui préfèrent la marginalité à la compromission, il a vendu son âme d'abord aux nazis (en étant à l'origine des premiers missiles V2 sans parler de son rang de SS) puis après avoir émigré aux USA dans le cadre de l'opération Paperclip, en participant au programme Apollo au sein de la Nasa. Il a d'ailleurs inspiré le "Docteur Folamour" (1963) de Stanley KUBRICK. Dans "Forrest Gump" (1994) dont les racines se situent dans le sud profond, le péché paternel originel qu'expie son fils tout au long de sa vie est celui de "Naissance d'une Nation" (1915) qui est explicitement cité (D.W. GRIFFITH devait d'ailleurs apparaître dans une première mouture du scénario de "Retour vers le futur III") (1990).

Bien entendu, cette différence a quelque chose à voir avec le féminisme. Robert ZEMECKIS a pour caractéristique de pouvoir s'exprimer aussi bien à travers un héros qu'à travers une héroïne, elle aussi différente et décalée, elle aussi la tête dans les étoiles et luttant pour pouvoir créer dans un monde qui n'est pas fait pour elle. C'est l'autrice/écrivaine/auteure de "À la poursuite du Diamant vert" (1984) et l'astrophysicienne exploratrice de "Contact" (1997) qui est l'extension de Clara dans "Retour vers le futur III" (1990). Mark est la synthèse parfaite du héros et de l'héroïne de Robert ZEMECKIS, homme lunaire et vulnérable qui se fantasme en guerrier viril entouré de bombes sexuelles ultra puissantes mais dont le talon d'Achille ^^ le renvoie en réalité à une féminité qui l'interroge sur son identité et sa place dans le monde.

Si je connais si bien l'œuvre de Robert ZEMECKIS c'est parce que j'avais un projet de livre à son sujet qui avait pour but de démontrer à quel point il s'agit d'un grand cinéaste dont l'œuvre, sous-estimée, est loin d'avoir livré tous ses secrets. Mais les critiques de son dernier film montrent que c'est en train de changer. Tant mieux. C'est d'ailleurs l'échec de ce projet qui m'a conduit à écrire sur Notre Cinéma en 2016. C'est pourquoi j'ai parsemé les sites où j'écris d'allusions à "Retour vers le futur III" (1990) de la lune à mon ancien avatar, "Lady in Violet".

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The Lady in the Van

Publié le par Rosalie210

Nicholas Hytner (2015)

The Lady in the Van

"The Lady in the Van" n'est certainement pas un grand film. La mise en scène est platement illustrative, les personnages secondaires sont affreusement mal écrits, caricaturaux et ridicules et on a quand même du mal à éprouver de l'empathie pour les personnages principaux que ce soit Margaret (caractère irascible, hygiène déplorable) ou Alan Bennett son hébergeur (et biographe, le film étant l'adaptation du livre qu'il lui a consacré en 1999) froid, précieux et guindé. Il y a trop de distance entre eux, trop d'incommunicabilité, trop de barrières (à commencer par celui du dégoût qu'Alan ressent vis à vis de Margaret et de l'incompréhension totale que manifeste cette dernière, bigote et conservatrice à l'extrême vis à vis de l'identité de ce dernier) pour que l'on puisse parler d'union (de deux solitudes, de deux exclusions sociales). Tout au plus Alan ressent-il une certaine fascination-répulsion pour cette femme qui comme lui a des secrets et incarne une certaine dualité. Cette étanchéité entre eux et avec le spectateur a quelque chose de réfrigérant et de morne d'autant qu'il n'y a aucune progression dramatique dans le film (il ne s'y passe pas grand chose hormis quelques révélations sur le passé de Margaret et le seul horizon du film est celui de la fin de vie).

Reste tout de même que le propos se focalise sur une figure habituellement exclue des représentations à l'écran, celle de la "vieille dame indigne" qui combine grand âge et extrême pauvreté, deux tares rédhibitoires dans notre société. Les propos récurrents sur l'odeur d'eau croupie des pauvres font penser à ceux du tout récent film coréen palmé "Parasite" (2019) qui s'attaque lui aussi à la hiérarchie sociale et au racisme de classe. De plus, Margaret est incarnée par Maggie SMITH, une immense actrice dont la présence pallie le caractère repoussant (physiquement et moralement) de son personnage. La scène du piano à la fin du film est très forte et les quelques moments où elle manifeste de la joie ressemblent à des rayons de soleil. Dommage qu'elle évolue dans un décor d'opérette au milieu de fantômes ce qui émousse considérablement la charge sociale qu'aurait pu inspirer son parcours tortueux et torturé. Il y a un réel problème de registre, le film n'ayant pas su trancher ou louvoyer de façon convaincante entre le réalisme social et la fable.

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Bright Star

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2009)

Bright Star

"Bright Star" est un très beau film de Jane Campion qui n'a pas son pareil pour redonner vie à de grandes figures de la littérature anglo-saxonne issues de la marge et au destin tourmenté. Après l'écrivaine néo-zélandaise Janet Frame dans le poignant "Un Ange à ma table" (1990), elle se penche sur les dernières années du poète britannique John Keats décédé en 1821 à 25 ans de la tuberculose alors qu'il écrivait ses œuvres les plus achevées et entretenait une relation amoureuse passionnée (mais sublimée) pour sa voisine, la belle Fanny Brawne. Comme Janet Frame, Keats est un génie issu des bas-fonds de la société, un être délicat à la santé fragile dont l'histoire est jalonnée de tragédies familiales, un inadapté trop pur pour supporter la bassesse humaine qui n'a trouvé refuge que dans l'art. Si contrairement à Janet Frame, l'oeuvre de Keats ne fût reconnue qu'après sa mort (elle était méprisée de son vivant par les tenants aristocratiques du "bon goût"), l'amour est vécu dans les deux cas comme ambivalent, source de plus de souffrances que de joies au final. 

Film après film, Jane Campion évoque l'éveil du désir féminin au travers d'une initiation amoureuse en communion avec la nature, filmée avec une rare sensualité. Par conséquent le personnage principal de son film n'est pas Keats (Ben Whishaw) mais sa muse, Fanny (Abbie Cornish), dépeinte comme aussi robuste que lui est fragile. Le souffle du vent, les explosions de couleurs ou les frôlements des papillons, ces créatures aussi belles qu'éphémères rendent palpable cet embrasement des sens tout en signifiant qu'il ne durera pas (d'où l'importance de l'art qui le fixe pour l'éternité). Et l'ambivalence ne se situe pas que dans le caractère mortifère de la passion qui se consume d'autant plus vite qu'elle ne peut s'assouvir charnellement, Keats étant trop pauvre et trop malade pour épouser l'élue de son cœur. Elle se situe aussi dans l'obstacle que constitue le personnage de Charles Armitage Brown (Paul Schneider) qui héberge Keats et veille jalousement sur son protégé (qui manifeste tout au long du film son attachement pour lui). Ce personnage odieux avec Fanny et les femmes en général a tout de l'homosexuel refoulé, autre grande figure incontournable de la répression sexuelle impitoyable de cette époque du début du XIX°. Le triangle amoureux qu'il forme avec Keats et Fanny n'en est que plus douloureux.

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Shakespeare in Love

Publié le par Rosalie210

John Madden (1998)

Shakespeare in Love

Il y a des films qui au moins ne cherchent pas à masquer leur caractère de pure opération commerciale. D'autres comme celui-ci sont plus hypocrites car ils sont calibrés à la fois pour plaire au plus large public possible et pour rafler des prix prestigieux. Le tristement célèbre producteur Harvey Weinstein a ainsi fait une OPA sur la "marque" Shakespeare (auteur dont la vie reste largement mystérieuse), trouvé sa caution culturelle (le scénariste Tom Stoppard) pour reconstituer avec un sérieux de façade le théâtre élisabéthain, engagé des comédiens américains bankable bien cul-cul la praline pour les rôles principaux (un bellâtre aussi fadasse que Joseph Fiennes pour jouer un génie franchement c'est Shakespeare qu'on assassine) tout en reléguant les remarquables acteurs britanniques qui auraient été tellement plus appropriés au second voire dernier plan, fait pondre un scénario qui se veut intelligent mais qui est juste insignifiant en plus d'être truffé d'anachronismes et d'invraisemblances. Mais le tour de passe-passe a si bien fonctionné tant auprès du public que du jury des Oscars (au minimum influencés, au pire corrompus) qu'on a osé nous vendre ce film d'un financier véreux, phallocrate et criminel sexuel comme féministe! Mais il en va de ce dernier comme de Shakespeare, c'est un simple affichage derrière lequel se cache le sexisme le plus rétrograde. Le rôle de Viola (Gwyneth Paltrow), cette aristocrate (fictive) qui se travestit pour pouvoir jouer et prend un amant pour se rebeller contre son mariage arrangé est mince comme du papier à cigarette et ne tient pas la route. Les filles sont en réalité montrées comme les supports de purs fantasmes masculins: faciles, à la disposition des hommes qui n'ont qu'à claquer des doigts (ou à débiter un ou deux sonnets, c'est censé être du Shakespeare quand même!) pour les mettre à poil et les trousser avec une affligeante vulgarité. Évidemment elles adorent. Ah oui et Shakespeare est censé être un infatigable Don Juan qui puise son inspiration dans ses histoires de coeur (ou plutôt de fesses): à quand "Juliette Harlequin" et "Hamlet porno chic"? La recette est inépuisable!

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Jane (Becoming Jane)

Publié le par Rosalie210

Julian Jarrold (2007)

Jane (Becoming Jane)

Le titre est mensonger. Il ne s'agit pas d'un biopic sur Jane Austen mais d'une fiction autour des quelques éléments biographiques que nous connaissons d'elle. "Jane" fait partie d'une mode commerciale qui consistait alors à broder des histoires d'amour (superficielles) autour d'écrivains célèbres dont nous ne connaissons finalement que peu de choses. Pour attirer le client-spectateur, on met donc l'accent sur la romance à partir de la trame (revue et maladroitement corrigée) de "Orgueil et Préjugés" et le tour est joué. S'il ne peut y avoir de happy end (car nous savons que Jane Austen ne s'est jamais mariée), le scénario s'abstient de trop insister sur le milieu et l'époque dans lesquels vit Jane Austen. Et pour cause. L'amour, présent dans ses romans sert de compensation au fait que dans la réalité il était cruellement absent. La réalité pour les femmes de cette époque et de ce milieu était glaçante. Dépourvues de moyens de subsistance propre, dépendantes par conséquent de leurs parents et époux, infériorisées juridiquement, elles étaient traitées comme des marchandises à vendre au plus offrant. Cette forme de prostitution implicite s'appelle le mariage forcé (Virginia Woolf parle du fait que pour faire céder les filles, leurs parents les enfermaient, les frappaient et les traînaient dans leur chambre) ou le mariage arrangé/négocié dans le moins pire des cas c'est à dire avec le consentement de la jeune femme. Mais avec un tel déséquilibre de statut entre les sexes, même le meilleur des hommes finissait par se transformer en tyran domestique alors que le viol conjugal était la règle. Dans ces conditions, rester célibataire et vivre de sa plume était le seul moyen d'échapper à cet esclavage. 

Tout cela, le film n'en parle pas puisqu'il confond la fiction et la réalité historique. Certes il montre en arrière-plan le maquignonnage matrimonial, réfléchit par moments au statut compliqué de la femme écrivain mais cela reste du saupoudrage. Cette fantaisie divertissante est néanmoins plaisante à regarder grâce à sa belle photographie et son interprétation soignée. Anne HATHAWAY est trop sentimentale et pas assez (pas du tout même) caustique mais James McAVOY réussit à sortir son personnage des sentiers battus, c'est déjà ça.

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