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Articles avec #biographie tag

Bruno Ganz, les révolutions d'un comédien

Publié le par Rosalie210

 Thomas ROSENBERG et André SCHÄFER (2021)

Bruno Ganz, les révolutions d'un comédien

Oui, Bruno GANZ, disparu en 2019 nous manque comme le dit dans le film l'un de ceux qui a travaillé avec lui. Bien que n'ayant jamais réussi à percer à Hollywood, l'acteur suisse était devenu au fil du temps une grande pointure du théâtre allemand et du cinéma européen. Et comme le dit un autre témoignage, en dépit de son caractère intellectuel et singulier, il avait réussi à conquérir le coeur des gens ordinaires, notamment sur tard avec des films comme "Pain, tulipes et comédie" (2001) où il mettait en avant son deuxième talent, la cuisine. D'ailleurs "Si loin, si proche!" (1993), la suite de "Les Ailes du désir" (1987) le montrait déjà une fois devenu humain en pizzaiolo patron d'un restaurant nommé "La Casa del angelo", une fibre culinaire certainement héritée de ses origines maternelles italiennes. De fait, sa tombe à Zurich est entourée de centaines de tulipes.

Mais en dépit de quelques moments forts comme celui que je viens d'évoquer ou encore le précieux témoignage de Wim WENDERS qui l'a dirigé à trois reprises et développe la naissance rock and roll de son amitié avec Dennis HOPPER au cours du tournage de "L Ami américain" (1977), j'ai été globalement déçue par ce film et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, en dépit de sa richesse documentaire, celui-ci est très lacunaire, en particulier en ce qui concerne sa carrière cinématographique. En fait de "cinéma européen", on ne le voit presque jouer que dans des films allemands et encore, Werner HERZOG et Volker SCHLÖNDORFF sont oubliés. Exit sa filmographie suisse (Alain TANNER), française (Éric ROHMER, Patricia MAZUY), anglaise (Sally POTTER), grecque (Theo ANGELOPOULOS) etc. De plus, parmi les intervenants, il y a une critique de théâtre particulièrement désagréable, Esther Slevogt qui "casse" ses deux films les plus connus, "Les Ailes du désir" (1987) qu'elle trouve kitsch et "La Chute" (2003) où elle réduit sa prestation en Hitler à celle d'un homme misérable et malade "comique sans le vouloir". Il y aurait eu beaucoup mieux à dire sur ceux deux films. D'ailleurs elle est plus inspirée lorsqu'elle parle de Bruno GANZ au théâtre et de la façon dont il a révolutionné le premier rôle puisque pour des raisons évidentes, il était devenu impossible d'incarner sur scène un héros allemand. Mais Bruno GANZ qui était de nationalité suisse, d'extrême-gauche comme son père et avait des origines juives du côté de sa mère savait mieux que personne faire résonner les mots qui dans sa bouche devenaient comme lui-même, doux et poétiques (quand je pense à la langue allemande, je pense à "Als das kind, kind war" et non à "raus/schnell" grâce à lui). Enfin, j'ai trouvé globalement l'évocation de Bruno Ganz trop froide, trop distanciée, désincarnée et ne parvenant pas à réellement dissiper le mystère de cet immense et fascinant acteur pour parvenir à entrer dans son intimité.

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Moonage Daydream

Publié le par Rosalie210

Brett Morgen (2022)

Moonage Daydream

Sacré expérience sensorielle que cette "Rêverie lunaire" qui m'a fait penser (et pas qu'un peu) au psychédélisme du voyage vers Jupiter vécu par Bowman dans "2001 : l odyssée de l espace" (1968). C'est logique car le premier tube de David BOWIE lui a été inspiré par le film de Stanley KUBRICK. De fait, "Moonage Daydream" commence très fort avec au terme d'une folle traversée de l'espace-temps (défilement d'images et de sons en accéléré) la chute d'un OVNI sur terre alias (plutôt qu'alien ^^) "Ziggy Stardust and the spiders from Mars" l'album de la consécration. A partir de là, on entre en immersion complète dans ce qui s'apparente à une reconstitution de l'univers mental de l'artiste (d'ailleurs la seule voix que l'on entendra dans le film est la sienne) avec une qualité de son et d'image assez impressionnante. Une reconstitution qui comme je le disais abolit les limites de l'espace et du temps même si le réalisateur trouve un bon compromis entre le chaos qui précède la création et un minimum de chronologie qui permet de ne pas complètement s'y perdre (même s'il vaut mieux connaître le parcours et l'oeuvre de David BOWIE pour pleinement apprécier ce travail kaléidoscopique rempli d'ellipses). Quoique se perdre dans ce dédale visuel et sonore a aussi son charme, personnellement ce que j'ai préféré, ce sont les rimes visuelles et sonores que j'ai trouvé d'une puissance poétique sans pareille en plus d'être riches de sens. J'en citerai trois: l'espace, le sol lunaire, la rotation des planètes, les images de SF tirées de BD ou de vieux films de série B formant une boucle qui correspond à l'oeuvre de l'artiste dont la légende commence avec "Space Oddity" et se termine avec "Blackstar" autour de la figure du major Tom; les nombreuses images liées de près ou de loin à l'expressionnisme allemand qui se rapportent autant à la période berlinoise de Bowie qu'à la thématique obsessionnelle du monstre ("Scary Monsters" pourrait d'ailleurs être Berlin, hanté par les fantômes du passé, couturé par la guerre, balafré par le mur); enfin la déambulation "zen" d'un Bowie peroxydé dans les années 80 en pleine retraite spirituelle dans un pays asiatique qui pourrait être la Thaïlande notamment le long d'escalators qui semblent former eux aussi une boucle mais en forme de 8, d'infini. Tout cela montre en définitive que Bowie était un marcheur, un explorateur, un défricheur de territoires mais qui finissait toujours par revenir sur ses pas ("ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre"). Evidemment, pour l'apprécier il faut adhérer au projet et en comprendre les limites. En insistant sur son isolement, son déracinement, sa recherche d'identité, son monde intérieur, bref en choisissant une vision quelque peu autiste de l'artiste, le réalisateur occulte presque totalement le monde extérieur et surtout les nombreuses collaborations sans lesquelles Bowie n'aurait pas atteint de tels sommets ni pu se renouveler autant.

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Belushi

Publié le par Rosalie210

R.J. Cutler (2020)

Belushi

Présenté au festival américain de Deauville début septembre, "Belushi" a été diffusé sur OCS le 18 septembre et est désormais disponible sur My Canal. Il s'agit d'une "biographie orale" de l'humoriste, acteur et musicien américain mort d'une overdose en 1982 à l'âge de 33 ans. Biographie orale car les nombreux intervenants qui témoignent sur sa vie n'apparaissent pas à l'écran. On n'entend que leurs voix-off qui se succèdent sur des images d'archives (photographies, coupures de presse, vidéos), les trous étant remplis par des séquences d'animation façon BD.

La notoriété mondiale de John BELUSHI (et son passage à la postérité) n'est due qu'à un seul film: "The Blues Brothers" (1980). "1941" (1979) a été en effet un échec commercial et son côté anarchiste et déjanté ne correspond pas à l'image que beaucoup se font de Steven SPIELBERG (qui pourtant apparaît brièvement dans "Les Blues Brothers"). En revanche "anarchiste et déjanté" correspond bien à la personnalité (privée et artistique) de John BELUSHI qui avant le film culte de John LANDIS avait étalé son humour trash et régressif (dont Jim CARREY est un héritier) durant quatre ans à la télévision américaine au sein du SNL (Saturday Night Live) avec une bande de potes devenus également des stars (le "brother" Dan AYKROYD, Harold RAMIS, Bill MURRAY, tous trois futurs "Ghostbusters") (1984). Parallèlement, il avait fondé un groupe de blues avec Dan AYKROYD et des musiciens, écumé les salles de concert de Los Angeles et sorti un album, prélude au film de John LANDIS. Sans parler d'une vie nocturne intense. John Belushi était donc un surdoué en de nombreux domaines mais aussi un écorché vif incapable d'encaisser les coups et un kamikaze sans limites qui s'est logiquement brûlé les ailes avec pour carburant une toxicomanie galopante et encouragée par l'époque, celle de la contre-culture. Autre camée célèbre, Carrie FISHER qui a été sa partenaire dans "Les Blues Brothers" explique avec bon sens que les cures de désintoxication ne pouvaient qu'échouer étant donné qu'elles ne s'attaquaient pas aux problèmes que la drogue servait justement à masquer. Souffrant (comme Carrie FISHER diagnostiquée à l'âge de 24 ans) vraisemblablement de troubles bipolaires (ses variations d'humeur étant de véritables montagnes russes avec "des hauts très intenses et des bas très sombres"), John Belushi était issu d'une famille albanaise immigrée qui ne s'était jamais intégrée et avec laquelle il n'était jamais parvenu à établir le contact. Par contraste, son besoin de relations fusionnelles aboutit à une solitude plus grande encore. Car c'est seul qu'il s'est éteint au Château-Marmont à Los Angeles pendant que sa femme avait pris le large pour sauver sa peau et que Dan AYKROYD n'est pas cette fois arrivé à temps avec le scénario de "Ghostbusters" (1984) pour le sortir de sa prison.

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Le Chant du Danube (Waltzes from Vienna)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1934)

Le Chant du Danube (Waltzes from Vienna)

"Le Chant du Danube" fait partie des films les moins connus de Alfred HITCHCOCK sans doute parce que sa diffusion est devenu au fil du temps une rareté. Il existe pourtant en DVD zone 2, seul ou à l'intérieur d'un coffret. Mais Hitchcock n'avait pas beaucoup d'estime pour ce film si l'on se fie à ce qu'il en disait dans ses entretiens avec François TRUFFAUT. Selon moi, il avait tort. Déjà parce qu'il y a toujours quelque chose de bon à retirer d'un film de Alfred HITCHCOCK, même considéré comme mineur. Et ensuite, parce que bien qu'atypique dans sa filmographie, "Le Chant du Danube" porte bien sa signature et est plus inventif, dynamique et intéressant (tant sur le fond que sur la forme) que d'autres films qu'il a pu faire à la même époque (par exemple "Junon et le paon") (1929) ou même ultérieurement ("Joies matrimoniales") (1941).

Il est difficile de définir le genre auquel appartient "Le Chant du Danube", c'est selon moi l'un de ses charmes. Il s'agit de l'adaptation d'une opérette, "Walzer aus Wien" (le titre du film en VO) de Heinz Reichter, A.M. Willner et Ernst Marishka, créée à Vienne le 30 octobre 1930 sur des musiques de Johann Strauss père et fils arrangées par Erich Korngold. Pourtant, le résultat à l'écran n'a rien à voir avec ce que l'on pourrait craindre: une grosse pâtisserie meringuée façon "Sissi" (1955). Il est bien question pourtant de pâtisserie dans "Le Chant du Danube" et aussi de biographie romancée, et évidemment de musique mais c'est pour mieux échapper aux clichés. Alfred HITCHCOCK créé un film extrêmement libre (surtout pour l'époque) qui si je devais le définir se situe quelque part entre le récit d'émancipation et la comédie à tendance burlesque. Il fait le portrait particulièrement attachant de Johann Strauss junior dont le génie créatif est étouffé par un père castrateur et une fiancée possessive. Mais un troisième personnage, la comtesse Helga von Stahl lui apporte au contraire une aide décisive (et un grand souffle de liberté). On est charmé par la manière très imagée (et rythmée) avec laquelle Hitchcock transcrit la genèse de la création de la célèbre valse de Strauss junior "Le Beau Danube bleu", la façon dont il parvient à la faire entendre au public ainsi que par quelques moments où la comédie s'emballe jusqu'aux limites de la transgression notamment au début et à la fin, bâties sur le même modèle. Une fin qui m'a beaucoup fait penser à l'acte II du "Mariage de Figaro"* dont le sous-titre est "La folle journée".

* Pour mémoire, il s'agit du moment où le comte surgit chez la comtesse, persuadé de son infidélité, pour y débusquer Chérubin qui s'est caché dans le cabinet adjacent. Mais Chérubin parvient à sauter par la fenêtre et Suzanne a le temps de prendre sa place juste avant que le comte n'oblige la comtesse à ouvrir la porte du cabinet. Dans "Le Chant du Danube", le comte, persuadé que sa femme le trompe avec Strauss junior se précipite chez lui pour se faire ouvrir la porte de sa chambre mais ce n'est pas non plus la personne à laquelle il pense qui en sort à la suite de péripéties savoureuses que je ne dévoilerai pas.

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Hallelujah, les mots de Léonard Cohen

Publié le par Rosalie210

Dan Geller, Dayna Goldfine (2022)

Hallelujah, les mots de Léonard Cohen

Le documentaire "Hallelujah, les mots de Léonard Cohen" traite de deux sujets entre lesquels les réalisateurs ont eu visiblement du mal à choisir. Le premier est une évocation (un peu trop rapide) des sources d'inspiration des textes poétiques de Léonard Cohen qualifié de "troubadour des temps modernes". D'une d'entre elles surtout, celle qui donne son titre au film. Car le deuxième sujet est l'histoire peu commune du parcours de cette chanson extraite d'un album intitulé "Various positions" passé inaperçu à sa sortie au milieu des années 80 et même retoqué dans un premier temps aux USA par la maison de disques Columbia. Ce sont les reprises effectuées par d'autres artistes et en particulier par Jeff Buckley dans les années 90 qui vont assoir peu à peu sa notoriété. La mort de ce dernier à l'âge de 30 ans en 1997 va amplifier la portée de cet hymne qui deviendra ensuite dans une version expurgée l'un des titres-phares de la bande originale du premier "Shrek" (2001) puis de "Tous en scène" (2016). "Hallelujah" est le parfait exemple d'une oeuvre née dans les marges (outre son créateur, on peut citer l'interprète de l'une des premières reprises du titre dans un album-hommage à Léonard Cohen en 1991, John Cale, co-fondateur du groupe "The Velvet Underground") qui peu à peu s'impose jusqu'au centre de l'industrie anglo-saxonne du divertissement, que ce soit dans le cinéma d'animation, à la télévision dans les émissions de télé-crochet du type "The Voice" ou encore lors d'hommages comme celui en mémoire des victimes du coronavirus. Non sans avoir perdu quelques plumes au passage. "Hallelujah" est en effet dans sa version d'origine un texte d'inspiration religieuse comme son titre l'indique (il signifie "loué soit dieu" dans l'ancien testament soit en hébreu "hallelu" "Yah" (vé) devenu dans le nouveau testament "Alleluia", "loué soit le seigneur"). Le succès de cette chanson provient en partie du moins de cette inspiration dans le sacré de par sa capacité à fédérer, à faire communier comme dans une grand messe laïque (religion signifie "relier" dieu et les hommes et l'art fait partie du divin). Mais dans le texte d'origine, ce mysticisme était également intimement relié à l'acte sexuel, certains passages étant très explicites. Et ce sont eux qui évidemment ont disparu car cela aurait fait fuir le public familial ou même tout simplement le grand public. Le sexe et le sacré étant pourtant profondément liés, Léonard Cohen se montre bien plus authentiquement religieux que tant de théoriciens autoproclamés de la foi. Loué soit-il de nous l'avoir rappelé.

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Ennio (Ennio: The Maestro)

Publié le par Rosalie210

Giuseppe Tornatore (2021)

Ennio (Ennio: The Maestro)

Documentaire-somme testamentaire incontournable, Ennio ressemble à une caverne d'Ali Baba dont le maestro accepterait de nous donner les clés. Connu pour sa réticence à se livrer aux journalistes, l'homme aux cinq cent partitions disparu en 2020 visiblement cette-fois ci en confiance devant la caméra de Giuseppe TORNATORE accepte d'expliquer au néophyte la genèse de ses créations les plus célèbres avec modestie, drôlerie et en décalage avec le caractère monumental de son oeuvre. Il faut le voir imiter le cri du coyote pour amorcer le générique de "Le Bon, la brute et le truand" (1966) par exemple. De nombreux cinéastes avec lequel il a travaillé (Gillo PONTECORVO, Bernardo BERTOLUCCI, Dario ARGENTO, Quentin TARANTINO, Clint EASTWOOD bien sûr etc.) ainsi que des compositeurs et musiciens célèbres (Quincy JONES, Bruce SPRINGSTEEN, John WILLIAMS) témoignent également sur son travail avec une admiration non dissimulée (qui peut parfois agacer par son manque de recul). Au-delà d'une analyse du génie créatif de Ennio MORRICONE dont le caractère précurseur est souligné, sa difficulté à entrer dans les cases explique sa reconnaissance tardive auprès des puristes et des académies. La musique de film, considérée comme commerciale était en effet méprisée par les maîtres du conservatoire où Ennio Morricone étudia, l'un d'eux allant jusqu'à la comparer à de la prostitution ce qui généra chez lui de la culpabilité et un sentiment d'infériorité. De plus avant son travail pour le cinéma, Ennio MORRICONE avait été arrangeur pour la variété italienne dans les années cinquante et au début des années soixante. Un domaine où il n'hésitait pas déjà à expérimenter de nouveaux sons, brouillant les frontières entre les arts majeurs et la culture populaire. On remarque également qu'il n'acceptait pas les compromis artistiques, pas plus qu'il n'accepta de céder aux sirènes hollywoodiennes (une des raisons qui explique qu'il ait été recalé cinq fois à la cérémonie des Oscars?) En tout cas, sa brillante, limpide et lumineuse masterclass génère 2h36 de bonheur pour le cinéphile et le mélomane qui fait largement oublier les longueurs, oublis et manques de nuances ici et là.

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Van Gogh

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1991)

Van Gogh

Découvrir les films de Maurice PIALAT dans l'ordre (je n'avais vu avant la rétrospective que Arte lui consacre que "À nos amours" (1983) et "Police") (1985) s'avère éclairant. En effet de "L Enfance nue" (1968) jusqu'à "À nos amours" (1983), l'inspiration autobiographique saute aux yeux et offre une fresque humaine d'un naturalisme saisissant d'âpreté allant de l'enfance à la mort en passant par l'adolescence et la vie de couple. A partir de "Police" (1985) si le style et certaines obsessions restent parfaitement reconnaissables, les sources d'inspirations deviennent exogènes, puisant dans le genre du polar, dans le roman et ici dans la biographie d'un peintre célèbre. Cependant on peut se demander dans quelle mesure Maurice Pialat ne se dépeint pas lui-même au travers de sa chronique des derniers jours de Vincent Van Gogh: c'est lui-même qui tient le pinceau dans les rares moments du film où son personnage s'adonne à la peinture et il lui prête par moment des réactions qui étaient les siennes (par exemple un certain agacement face aux contingences de la vie qui l'entravent dans son acte de création). On peut ajouter également l'amertume de l'artiste incompris et le caractère revêche voire goujat d'un Van Gogh amateur de femmes mais antipathique qui n'est pas sans rappeler le Jean de "Nous ne vieillirons pas ensemble" (1972) (qui était faut-il le rappeler un cinéaste raté). Bref, on est pas loin de l'autoportrait de Maurice Pialat en Van Gogh d'autant que si la peinture occupe une place très périphérique dans le film, celui-ci est conçu comme une série de tableaux vivants, chaque scène étant d'une grande beauté visuelle rappelant la peinture impressionniste (celle de Auguste Renoir surtout avec les plans de guinguette au bord de l'eau avec en toile de fond des barques à voile blanche ou bien le rouge d'une robe se détachant sur la végétation). On adhère ou non à la vision désacralisée, anti-spectaculaire du peintre ramené à une certaine trivialité du quotidien. Personnellement, j'ai trouvé que la principale limite du film résidait dans la façon dont est retranscrite la relation entre Van Gogh (Jacques DUTRONC très crédible) et Marguerite (Alexandra LONDON), la fille du docteur Gachet (Gérard SÉTY). Montrer une jeune fille bourgeoise avoir une liaison avec un homme pauvre deux fois plus âgé qui l'amène au bordel* et fornique avec elle en public sous les yeux d'un père furieux mais impuissant relève de l'imaginaire (ce qui semble correspondre à la biographie de l'artiste) mais Pialat montre cela comme une réalité ce qui jure grossièrement avec l'époque retranscrite.

* Les filles de la bourgeoisie étaient élevées au XIX° pour être livrées vierges et frigides à leur mari, les prostituées assurant la satisfaction de leur libido. Deux rôles bien distincts que Pialat s'amuse à brouiller. dans une optique qui lui est propre (la romance entre une bourgeoise et un prolo rappelle "Loulou") (1980) mais qui ne fonctionne pas ici.

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Elvis

Publié le par Rosalie210

Baz Luhrmann (2022)

Elvis

J'ai bien aimé sur le moment les films précédemment vus de Baz Luhrmann ("Roméo + Juliette", "Moulin Rouge", "Ballroom Dancing") mais honnêtement, je n'en ai pas retenu grand-chose. "Elvis" tout aussi démesuré et baroque dans sa mise en scène me semble se situer un cran au-dessus des films précédemment cités. Donc être un film plus mémorable, et ce au moins pour trois raisons. La première tient à l'acteur qui incarne Elvis, Austin Butler qui est troublant de vérité en plus d'être incroyablement charismatique et d'avoir une voix proche de celle du King (sans parler de sa façon de bouger sur scène). On sent que son engagement est total. La deuxième tient à une lecture non manichéenne des personnages et de leurs relations qui fait l'objet d'un travail de fond. C'est une bonne idée d'avoir fait du colonel Parker (Tom Hanks, remarquable), l'impresario d'Elvis le narrateur du récit. Cet escroc manipulateur à l'identité mystérieuse et au passé trouble est à la fois celui qui a compris le potentiel d'Elvis et l'a amené au sommet et celui qui a tout fait pour lui couper les ailes afin de l'exploiter jusqu'à l'os avec un sens consommé du marketing. Et face à cette emprise, Elvis adopte une attitude étrange, tantôt soumise et néfaste, tantôt rebelle, comme s'il avait besoin d'une figure paternelle coercitive pour pouvoir s'affirmer et faire briller son talent. Enfin la troisième réside dans la lisibilité des enjeux autour de l'histoire et de la personnalité artistique du King. Le film se divise clairement en deux parties. Dans la première (années 50 et 60) qui repose sur une mise en scène hystérique coutumière du réalisateur avec une succession rapide de plans voire une combinaison d'images hétéroclites reliées par le split-screen, Elvis est un chanteur subversif qui s'attire les foudres du patriarcat puritain et raciste WASP en popularisant auprès des blancs une musique pétrie d'influences afro-américaines et en excitant les jeunes filles avec son déhanché suggestif. Dans la seconde au contraire (années 70) à la réalisation beaucoup plus posée permettant d'approfondir la dramaturgie, il se retrouve enfermé dans une tour d'ivoire par le colonel Parker qui parvient ainsi à le contrôler en l'empêchant de voyager hors des USA (car alors il lui aurait échappé) et à le transformer en machine à cash lui permettant d'éponger ses dettes de jeu en empochant jusqu'à 50% de ses gains (la norme étant 10% comme le souligne la série du même nom). Cette mue donne au film toute sa résonance et s'avère prometteuse pour la suite de la carrière de Baz Luhrmann.

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Temple Grandin

Publié le par Rosalie210

Mick Jackson (2010)

Temple Grandin

Temple Grandin, professeure d'université américaine née en 1947 est ce qu'on appelle une autiste de haut niveau ou encore une personne atteinte du syndrome d'Asperger, forme d'autisme sans déficit intellectuel ni retard de langage. Encore que Temple Grandin n'ait parlé que vers l'âge de 4 ans. C'est dire s'il est difficile de cerner cet handicap ou cette différence selon le point de vue où l'on se place. Evoquer un trouble du spectre de l'autisme est plus juste car il y a autant de formes d'autisme que d'autistes même s'il y a des récurrences comme les intérêts spécifiques (domaine d'expertise), l'hyper (ou l'hypo)sensorialité, les stéréotypies comportementales, l'attention aux détails ou les difficultés à communiquer. Temple Grandin est l'une des premières personnes atteinte de ce trouble qui a réussi à en parler, que ce soit par ses conférences ou par les livres qu'elle a écrit, d'ailleurs c'est elle qui a aidé Dustin Hoffman à incarner "Rain Man" qui est le film qui a contribué à faire connaître le syndrome d'Asperger. Par ailleurs, le domaine d'expertise de Temple Grandin est le monde animal et plus précisément le bétail pour lequel elle s'est passionnée très jeune. S'identifiant à ces animaux beaucoup plus proches de son mode de fonctionnement sensoriel que celui, abstrait et social des humains neurotypiques, elle s'est spécialisée dans la recherche en zootechnie et a révolutionné la manière de les traiter dans les élevages industriels et dans les abattoirs. Elle a réussi à faire comprendre que le bien-être animal allait dans le sens des intérêts des éleveurs exactement comme le fait de comprendre l'autisme plutôt que de l'ostraciser va dans le sens des intérêts de la société toute entière.

Réalisé en 2010, le téléfilm de Mick Jackson retrace le parcours exceptionnel de Temple Grandin avec une grande fidélité, allant jusqu'à imaginer un dispositif ingénieux pour faire comprendre au spectateur sa manière de penser. Comme celle-ci s'appuie sur des images mentales, il a tout simplement l'idée de les faire apparaître à l'écran. Cela donne parfois un résultat amusant, quand Temple Grandin prend les expressions au pied de la lettre par exemple. Claire Danes est bluffante dans le rôle et nous fait ressentir la très grande détermination de son personnage qu'aucune manifestation de rejet n'arrête: les scènes où elle rivalise d'inventivité pour réussir à entrer dans un ranch où elle n'est pas la bienvenue (une femme autiste qui explique à des cow-boys comment ils doivent s'y prendre, cela suscite quelques "résistances") font rire et suscitent également l'admiration. 

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House of Gucci

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (2021)

House of Gucci

Le comique est une affaire de tempo. Or, après un début plutôt réjouissant, "House of Gucci" tiré de faits réels traités sur le mode de la pantalonnade relatifs aux turpitudes de la famille à l'origine de la célèbre marque de luxe souffre hélas de sérieuses baisses de rythme dans sa deuxième partie. Le film aurait mérité d'être plus concis, un défaut désormais récurrent chez Ridley Scott qui dilue ses intrigues sur 2h30. A cela il faut ajouter des acteurs américains qui en font des tonnes en singeant outrancièrement l'accent italien (tout en parlant anglais, cherchez l'erreur) et en gesticulant. On ne sait à qui offrir la palme du plus beau cabot entre Jared Leto (grimé et méconnaissable), Al Pacino (pas grimé mais tout aussi méconnaissable depuis la dernière fois où je l'ai vu) et Lady Gaga qui elle au moins a un vrai personnage à défendre en la personne d'une Lady Macbeth de commedia dell'arte sauf qu'après avoir manipulé son époux pour parvenir à mettre la main sur l'empire Gucci, elle se retournera contre lui lorsqu'il lui échappera. L'époux c'est Maurizio Gucci alias Adam Driver jouant sur la sobriété et la discrétion de son personnage qui contraste avec les excès des guignols qui l'entourent. Contrairement à lui qui longtemps ne s'affirme pas et cherche même à fuir son héritage, sa femme Patrizia est une parvenue avide d'argent et de pouvoir qui considère Maurizio comme sa possession. Son père, Rodolfo (Jeremy Irons qui possède la même réserve que Maurizio mais est autrement plus intelligent) essaye bien de contrecarrer ses plans mais il ne fera pas long feu.

"House of Gucci" est donc une tentative intéressante de traiter l'ascension et la chute d'une grande famille sur un mode bouffon, grotesque, farcesque et parodique (Al Pacino dans le rôle d'un patriarche pas net renvoie forcément à "Le Parrain") mais on rit relativement peu tant le rythme est poussif et on voit bien comment un autre réalisateur aurait pu rendre tout cela beaucoup plus vif et percutant. Il en va de même de la musique, bien choisie (une playlist de tubes disco-pop-rock 70-80 et plusieurs extraits d'opéra italiens) mais qui aurait pu être utilisée de façon plus expressive.

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