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Articles avec #biographie tag

Roma

Publié le par Rosalie210

Alfonso Cuaron (2018)

Roma

"Roma", titre trompeur n'a aucun rapport avec la capitale de l'Italie. Il s'agit du quartier de Mexico où a grandi Alfonso CUARÓN qui restitue donc une partie de son enfance avec une beauté et une inventivité qui forcent l'admiration. Sous ses allures de simple chronique familiale, le film ne cesse en effet de gagner en intensité au fil des minutes pour aboutir à un final bouleversant. Final qui répond d'ailleurs à un générique particulièrement génial qui sous sa simplicité apparente est d'une grande richesse. Le plan-séquence montre en plongée un sol dallé et mouillé et on entend en hors-champ que celui-ci est en train d'être lavé à grande eau ce qui introduit sous forme métaphorique le paradoxe d'un personnage principal invisible car triplement discriminé: en tant que femme, domestique et d'origine indigène. Parallèlement le flux et le reflux de l'eau savonneuse fait penser à l'immensité de la mer où se dénoue l'intrigue du film mais s'oppose aussi en tous points à la fixité et la géométrie du sol de même qu'elle reflète le ciel dans lequel passe un avion: on a donc la juxtaposition de trois des quatre éléments de l'univers (le feu surgira plus tard dans le film) et de pôles contraires, terre/ciel, propre/sale, mouvement/fixité. Des pôles qui seront ensuite développés.

Dans "Roma", ce n'est pas en effet le cinéaste qui est au centre de l'histoire mais la domestique de la maison où il a grandi, Cléo dont on suit la vie quotidienne. Résidant dans la maison de ses employeurs, elle est considérée comme en faisant partie intégrante. On le voit à plusieurs reprises: quand Sofia la maîtresse de maison apprend la grossesse de Cléo et qu'elle l'emmène à l'hôpital se faire examiner, quand elle la prend avec eux en vacances ou encore quand la mère de Sofia va dans un grand magasin acheter un berceau pour le bébé à naître. Par ailleurs Cléo aime les enfants de Sofia comme s'ils étaient les siens ce que la scène finale prouve de façon éclatante. Néanmoins, la distance sociale se fait sentir à travers le fait que Cléo réside dans un logement à part avec une autre domestique, qu'on leur rationne l'électricité mais surtout par le fait que lorsque Sofia est émotionnellement débordée, elle a tendance à passer ses nerfs sur elle.

Malgré cela, la véritable fracture est surtout entre les femmes et les hommes. Alors que les femmes sont montrées comme solidaires, manifestant une sororité qui dépasse parfois les clivages ethniques et sociaux, les hommes sont à l'inverse absents ou menaçants. La présentation du mari de Sofia est volontairement inhumaine puisque la mise en scène l'efface au profit de sa voiture qui a bien du mal à s'encastrer dans la maison. Ce mari ectoplasmique qui n'existe qu'au travers de ses machines finira par disparaître tout à fait du paysage. Outre les difficultés de la voiture à entrer au garage, le dysfonctionnement de cette famille se traduit par le fait qu'en dépit des domestiques, le désordre et la saleté règnent dans leur grande et belle maison et lorsque quelque chose est cassé, il n'est pas réparé. Quant à l'amant de Cléo, présenté dans un premier temps comme plutôt sympathique, il s'avère d'abord lâche, puis odieux puis enfin dangereux. La scène où on le voit s'entraîner avec d'autres camarades aux arts martiaux a des relents néo-fascistes qui ne laissent aucun doute sur sa véritable nature de tueur*. Et au cas où on n'aurait pas compris, tous les combattants se figent dans une posture statuaire pendant que l'avion du générique traverse de nouveau le ciel.

Car l'un des thèmes majeurs qui traverse le film est celui de la vie et de la mort. Ce clivage ne traverse pas seulement les femmes et les hommes. Il touche Cléo au travers de son rapport paradoxal à la maternité**. Là encore, la mise en scène à l'intérieur des plans joue un rôle essentiel. Une scène de tremblement de terre dans une maternité se termine par un présage funeste. Une scène au premier plan d'accouchement se transforme à l'arrière-plan en cérémonie funèbre. Une scène de noyade se transforme en scène de sauvetage et de renaissance par un travelling qui les relie intimement. Si les enfants sont abandonnés voire reniés par leurs géniteurs, ils sont protégés par leurs mères, qu'elle soit biologique ou non. C'est donc un message d'amour à celles qui l'ont élevé et plus particulièrement à la plus humble d'entre elles que Alfonso CUARÓN dédie le film.

Ajoutons que "Roma" a fait sensation en étant le premier film produit par Netflix a avoir été primé. Bien sûr, un film aussi abouti aurait mérité de sortir en salles. Mais sans Netflix, il n'aurait tout simplement pas existé. Quel producteur américain mainstream aurait pris le risque de financer un film en noir et blanc en langue espagnole et indigène?

* La scène nous prépare à découvrir son rôle actif pendant le massacre de Corpus Christi en 1971, une journée durant lequel plus de cent étudiants qui manifestaient en faveur de la démocratisation du pays furent massacrés par des paramilitaires au service de l'Etat mexicain et formés par la CIA.

** Un thème qui semble particulièrement lui tenir à coeur, sauf qu'il l'avait jusque là traité dans des films de science-fiction (le futur) et non dans une chronique historico-biographique (le passé).

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Belfast

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2022)

Belfast

Alors que j'ai aimé les films que Kenneth BRANAGH a réalisé à partir des romans de Agatha Christie et que je suis plutôt fan de ce réalisateur (même si je n'aime pas tous ses films), j'ai été en revanche déçue par "Belfast" que je trouve plutôt raté. Pourtant il s'agit d'un film intimiste puisqu'il a un caractère semi-autobiographique, Kenneth Branagh racontant comment sa famille a dû quitter Belfast en 1969 en pleine guerre civile alors qu'il n'était âgé que de 9 ans. Ce qui m'a gêné est le fait que jamais il ne trouve le ton juste pour décrire ce que c'est que d'être un enfant au milieu de la guerre. Il juxtapose donc maladroitement d'une part quelques scènes de guérilla urbaines assez spectaculaires dans lesquelles le petit "Buddy" (Jude Hill) se retrouve impliqué, ses parents tentant de le protéger tant bien que mal de la violence. Plutôt mal que bien d'ailleurs car eux-mêmes sont sommés de choisir leur camp sous peine de représailles alors que bien que protestants, ils refusent de prendre parti et que les pressions se font de plus en plus fortes jusqu'à ce qu'ils choisissent de partir en Angleterre. Cette douleur du déracinement est ce qui est le mieux traité dans le film au travers du choix d'une unité de lieu (une rue en T comme dans les courts-métrages de Chaplin) barrée des deux côtés et où vivent également les grands-parents de Buddy: un microcosme où tout le monde se connaît et qui distille une certaine chaleur humaine mais qui ressemble également à une prison ("La Complainte du sentier" (1955) traitait du même thème, un père désargenté obligé de partir travailler loin et ne pouvant plus protéger sa famille mais incapable de prendre la résolution de s'exiler avec elle).

Hélas, imaginant sans doute que conserver cette tonalité grave et amère tout le long du film ne cadrerait pas avec la vision qu'il se fait de la chronique enfantine, il ne cesse de recouvrir cette tension sous un déluge de mièvrerie. Les scènes anecdotiques à l'humour gnan-gnan s'enchaînent (que j'ai trouvé fort ennuyeuses) où l'on voit la bouille presque toujours inaltérablement joyeuse du petit Buddy raconter à sa mamie (Judi DENCH) qu'il est amoureux de sa petite voisine et à son papy (Ciarán HINDS) qu'il veut améliorer ses résultats pour se rapprocher d'elle en classe. Tout ce petit monde part se régaler au cinéma ou au théâtre dans des spectacles colorés (qui ont inspiré le Kenneth Branagh adulte, le film étant bourré de clins d'oeils à ses films) alors que la vie réelle est filmée en noir et blanc mais semble tout aussi théâtralisée. Le tout est emballé façon juke-box dans une bande-son insupportable qui vient ponctuer la fin de quasiment chaque séquence. Bref comme ses parents, Kenneth BRANAGH n'a pas voulu trancher entre la réalité de la guerre vécue à hauteur d'enfant façon "Hope and glory" (1987) et un passé idéalisé et fantasmé façon "Le Petit Nicolas" (2008). Résultat, ça fait toc.

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3 jours à Quiberon

Publié le par Rosalie210

Emily Atef (2018)

3 jours à Quiberon

Au lendemain du visionnage du film sur Arte (dont j'avais entendu parler et pas qu'en bien), je suis dominée par un sentiment de déception, teinté d'une pointe d'agacement. La démarche esthétique est certes cohérente avec le projet: montrer Romy SCHNEIDER au travers du photo-reportage en noir et blanc réalisé par Robert Lebeck lors du séjour de la star dans un hôtel cinq étoiles à Quiberon en 1981. Ces clichés ont été ensuite publiés dans le magazine allemand "Stern" et étaient accompagnés d'une interview accordée à un jeune journaliste allemand, Michael Jürgs. Sur ce plan-là, il n'y a rien à dire, la reconstitution est réussie, on se croit bien revenu à l'époque de la fin des années 70-début années 80 quand les gens avaient la clope au bec du matin au soir et enfilaient les verres d'alcool, le tout sans censure ni interdictions aucune. De ce point de vue-là, les problèmes d'addiction de Romy Schneider étaient symptomatiques de ceux de la société toute entière, celle-ci étant simplement bien plus excessive et conjuguée à la prise de médicaments pour lutter contre les souffrances liées à la célébrité. On remarquera d'ailleurs que le fait d'être une femme et d'être jugée par la presse allemande est un facteur aggravant. La société allemande tolère bien plus mal qu'en France (et c'était encore pire à l'époque) qu'une femme ayant des enfants travaille car elle était accusée de les délaisser (on les qualifiait de "mères-corbeaux", bonjour la culpabilité).

Néanmoins on ne peut réduire Romy Schneider à la vision négative qu'en avait l'Allemagne qui n'avait visiblement jamais pardonné à la star d'avoir renié "Sissi" (1955)" au profit d'une carrière dans le cinéma d'auteur européen (et surtout français). La raison profonde de cette relation compliquée entre l'actrice et son pays d'origine aurait pu être l'objet d'un film passionnant. Au lieu de quoi on a droit à des questions superficielles dignes de la presse people et inutilement agressives. Pourquoi s'en prendre d'ailleurs à une femme visiblement dépressive? L'attitude du journaliste allemand interroge le spectateur mais n'est pas plus interrogée que le reste. Bref le scénario semble n'être qu'une adaptation littérale du photo-reportage et reste en surface. De plus, le côté forcément poseur de l'exercice (Romy est mitraillée de photos pendant tout le film par un photographe qui est aussi un amant de passage) transforme l'actrice en monstre d'ego. Que peut-il sortir de vraiment intime d'une personne qui est suivie H24 par un photographe et un journaliste? On a donc l'impression de voir quelqu'un qui joue un rôle, celui d'une petite fille gâtée, capricieuse et cyclothymique et cela finit par lasser tant au final le film échoue à dire ce qu'elle était au-delà de l'image créée par le cirque médiatique. C'est dommage car Marie BÄUMER présente une réelle ressemblance avec son modèle (de loin surtout) ce qui était un atout considérable pour la recréer. 

Comble d'ironie, la réalisatrice n'a cessé de clamer que son film n'était pas un biopic. Je le confirme mais ce n'est pas un compliment.

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Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... (Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo)

Publié le par Rosalie210

Uli Edel (1981)

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...  (Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo)

A sa sortie à la fin des années soixante-dix, le livre autobiographique "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée" fit grand bruit bien au-delà de la RFA. Il connut un succès durable (je m'en souviens comme d'un livre incontournable de mon adolescence que tout le monde se passait alors qu'il était déjà sorti depuis une bonne dizaine d'années) et contribua à changer l'image des drogués ainsi que leur prise en charge. En 1981, deux ans seulement après la parution du livre, une adaptation cinématographique vit le jour que l'on peut voir en ce moment sur Arte ainsi qu'un documentaire qui a le mérite de contextualiser l'histoire de Christiane. Si le livre fit l'effet d'une bombe à sa sortie, c'est qu'il révélait en effet le mal-être profond d'une partie de la jeunesse ouest-allemande, faisant voler en éclats l'image positive, pimpante et prospère que la RFA s'évertuait à donner d'elle-même. Livre et film sont construits comme une descente aux enfers, une spirale sans fin dans un monde dystopique sans aucune perspective (ce n'est pas un hasard si le mouvement punk et son "no future" émerge au même moment). Comme la génération des cinéastes qui débutaient à cette époque (Wim WENDERS, Werner HERZOG, Volker SCHLÖNDORFF), les jeunes allemands de l'ouest étouffaient sous plusieurs chapes de plomb bien trop lourdes à porter pour leurs frêles épaules:
- Celle de la seconde guerre mondiale qu'avaient connu leurs parents et qui les avaient murés dans le silence.
- Celle de la guerre froide et ses multiples murs: celle du rideau de fer entre les deux Allemagne, celui qui entourait Berlin-ouest où a grandi Christine.
- Celle des années de plomb du terrorisme d'extrême-gauche (incarné principalement par Fraction armée rouge pour l'Allemagne) lui-même issu en partie de la fracture générationnelle lié au nazisme et suscitant en retour une surenchère sécuritaire de la part des autorités de la RFA.
- Celle de la crise économique des années soixante-dix consécutive aux chocs pétroliers.
- Celle de la cité Gropius dans laquelle a grandi Christine qui incarnait à l'époque comme partout ailleurs en Europe la "modernité" alors que plusieurs cinéastes (Jean-Luc GODARD, Maurice PIALAT, Jacques TATI) alertaient déjà sur la deshumanisation, l'aspect mortifère de ces grands ensembles, leur insalubrité galopante et derrière, une volonté de contrôle absolu du vivant par le biais du bétonnage de la nature et donc des émotions. Il est d'ailleurs bien précisé que rien n'avait été prévu pour les enfants et les jeunes dans la cité sinon une forêt de panneaux d'interdictions, de même que pas un brin d'herbe ne pouvait pousser entre les dalles de béton.

Tous ces facteurs, combinés à la maltraitance subie par Christiane dans son enfance par son père, puis le divorce de ses parents et le délitement des liens familiaux qui en a résulté (facteurs peu évoqués dans le film et pas du tout dans le documentaire) explique ce qui ressemble à une interminable et cauchemardesque dérive dans la nuit (la très grande majorité du film se déroule en nocturne) dans des lieux sordides: une boîte de nuit glauque, un squat, des toilettes publiques et une station de métro délabrée, la Zoologischer Garten (un nom bien ironique quand on observe ce dédale souterrain sinistre) devenu le point de ralliement des jeunes tombés dans la spirale de la drogue et de la prostitution (pour se payer les doses). Comme dans la plupart des films traitant de l'addiction aux drogues dures et de ses dommages collatéraux, plusieurs scènes sont très crues, que ce soit dans la prise de drogue, les crises de manque ou les overdoses. Tous ces corps d'adolescents en souffrance, réduits à l'état de zombies, hurlant leur désespoir en lieu et place de leurs parents mutiques et absents ont quelque chose de si saisissant qu'ils n'ont pu que provoquer un électrochoc. Les sociétés occidentales y voyaient leur propre finitude au travers de l'autodestruction de leurs enfants. Une crainte qui nous poursuit toujours sous d'autres formes (écologiques notamment).

A noter que la bande originale du film a été composée par David BOWIE à partir de ses albums berlinois. Et le chanteur (dont est fan Christiane) fait une apparition dans le film quand celle-ci va le voir en concert.

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Dallas Buyers Club

Publié le par Rosalie210

Jean-Marc Vallée (2013)

Dallas Buyers Club

De Jean-Marc Vallée, disparu à 58 ans le 25 décembre 2021, je n'avais vu que C.R.A.Z.Y. dont j'ai gardé un souvenir trop vague pour pouvoir en parler mais que je reverrai si j'en ai l'occasion. En attendant, j'ai choisi pour lui rendre hommage son film le plus connu et reconnu, notamment pour les performances de ses deux acteurs principaux, Matthew McConaughey et Jared Leto justement récompensées aux Oscar et aux Golden Globe 2014.

Inspiré d'une histoire vraie, le film met en scène un personnage type de cow-boy texan bas du front adepte de pratiques à risques, certaines avouables socialement car conformes à son image de rustre hyper-viril (la pratique du rodéo) et d'autres, non. C'est ce que montre le générique: d'un côté de la barrière, la mise en scène de la virilité brute de décoffrage. De l'autre, façon backdoor de boîte de nuit, les partouzes bisexuelles sauvages non protégées et non assumées (dans le noir, dans le tas et aussitôt fait, aussitôt oublié)*. Sauf qu'on est dans les années 80 c'est à dire à l'ère de l'expansion de l'épidémie de SIDA qui ne tarde pas à être détecté chez Ron Woodrof. Son secret révélé, il est rejeté par ses pairs qui l'assimilent à un homosexuel et les médecins ne lui prédisent qu'un mois à vivre. C'est là que le film commence vraiment. Car face à l'adversité, Ron a deux choix possibles: baisser les bras ou bien se battre. Il choisit évidemment la deuxième solution et son caractère rebelle, teigneux, buté va s'avérer un allié de poids dans cette lutte contre la maladie mais surtout contre le carcan administratif et médical qui veut l'enfermer dans un protocole expérimental destiné à se servir de lui et de ses compagnons d'infortune comme cobayes pour obtenir le monopole des juteux profits liés au traitement de la maladie. Tel un animal poussé dans ses derniers retranchements, Ron Woodrof décide de rendre coup pour coup au Big Business des laboratoires pharmaceutiques US avec l'énergie du désespoir en montant sa propre officine médicale et ses propres traitements médicamenteux obtenus à l'étranger en profitant d'un vide juridique qui ne tardera pas à être comblé. Mais cela n'empêchera pas Ron de continuer son combat, un combat pour sa propre survie, de plus en plus soutenu par tous ceux pour qui ces traitements constituent un espoir en terme de durée et de qualité de vie. Matthew McConaughey donne l'apparence d'un corps qui se consume pour son combat (d'autant que le réalisateur nous fait partager ses sensations de vertige et de maux de tête) et parallèlement d'une âme qui s'élève au fur et à mesure qu'il accepte à ses côtés et comme ses égaux des homosexuels et des femmes. Parmi eux, Rayon (Jared Leto), un travesti toxicomane que l'on découvre issu d'un milieu aisé devient son associé et son ami, leur "amour vache" constitue un des meilleurs ressorts du film que ce soit en terme d'humour ou d'émotion. Mais le symbole le plus significatif est un tableau fleuri qui est la seule chose que Ron emporte avec lui quand il est expulsé. Il l'offre plus tard au docteur Eve Sacks (Jennifer Garner) qui le soutient en lui expliquant qu'il lui vient de sa mère qui était issue de la communauté gitane.

* Le parallèle avec l'acteur Rock Hudson, souligné au début du film n'est évidemment pas innocent. Celui-ci a entretenu toute sa vie une image de séducteur hétérosexuel, devant et derrière l'écran, allant jusqu'à se marier alors qu'il était homosexuel et adepte de relations multiples (il avait d'ailleurs fait l'objet d'un chantage avec des photos compromettantes que les studios avaient réussi à étouffer). Il a fini par révéler qu'il était atteint du sida en 1985. 

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Une affaire de femmes

Publié le par Rosalie210

Claude Chabrol (1988)

Une affaire de femmes

Après la déception qu'a représenté pour moi "L'Evénement" qui sous prétexte d'universalité décontextualise outrageusement l'histoire de sa protagoniste, j'ai voulu m'offrir un point de comparaison avec un film abordant un thème identique et lui aussi tiré d'une histoire vraie, "Une affaire de femmes" réalisé par Claude Chabrol et interprété par Isabelle Huppert, dix ans après sa première collaboration avec le cinéaste pour "Violette Nozière". Le résultat est d'un tout autre niveau. Sans occulter les tares de son personnage féminin, cupide, égoïste, opportuniste sans scrupules et en même temps bêtement inconsciente des risques pris comme du mal infligé à autrui, le film dresse un réquisitoire féroce contre une société complètement délétère, celle du régime de Vichy. Alors que celui-ci s'agrippe à ses valeurs conservatrices ("travail, famille, patrie") censées régénérer un pays purgé de ses ennemis intérieurs (juifs, communistes etc.), on observe au contraire la désorganisation des couples et des familles sous le joug de la guerre, de l'occupation et de la collaboration. Le sort réservé à Marie, exécutée pour l'exemple détruit une famille en laissant deux orphelins. Et ce n'est que l'une des contradictions d'un régime qui se dit préoccupé par la dénatalité mais traque, arrête et déporte massivement les femmes et les enfants juifs alors que sa jeunesse masculine quand elle n'est pas prisonnière est envoyée sur l'ordre de l'Allemagne au STO* ou massacrée lorsqu'elle résiste. Si bien que derrière les intentions affichées, le régime de Vichy accouche d'une société qui lui ressemble: faible, servile, lâche, délatrice et corrompue. Les hommes y sont de pauvres diables ayant perdu toute dignité (et toute virilité) comme Paul (François Cluzet), l'époux de Marie ou bien des collabos prêts à toutes les bassesses pour obtenir des privilèges comme son amant, Lucien (Nils Tavernier). Libérées du poids pesant du patriarcat par cet affaiblissement du masculin, les femmes tendent vers l'émancipation économique, sociale et sexuelle mais quand elles vont trop loin comme Marie qui fait son beurre sur les avortements clandestins, la collaboration horizontale par procuration et les chambres de passe sous la houlette de Lucie (Marie Trintignant), elles se font impitoyablement rattraper par un régime bourgeois, conservateur et lui-même patriarcal (dans son gouvernement, son administration, sa police et sa justice) dont l'intransigeance abjecte est un aveu d'impuissance. Au passage, le film égratigne quelques mythes ayant la vie dure comme celui de la bonne épouse et bonne mère et aussi celui de l'instinct maternel (le personnage joué par Dominique Blanc qui enchaîne les grossesses faute de contraception avoue qu'elle n'aime aucun de ses enfants qu'elle considère juste comme un fardeau).

Remarque: Marie Bunel qui joue Ginette, la première femme à utiliser les services d'avorteuse de Marie réapparaît dans le téléfilm "Le Procès de Bobigny" (2006) mais cette fois dans le rôle de l'avorteuse. Elle y retrouve Sandrine Bonnaire dans le rôle de la mère de la jeune fille se faisant avorter, rôle qu'elle a repris récemment dans "L'Evénement".

* Service du travail obligatoire instauré en 1942 pour compenser la perte de main-d'oeuvre allemande envoyée sur le front soviétique.

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Marquise

Publié le par Rosalie210

Véra Belmont (1997)

Marquise

Librement inspiré de la vie de Marquise-Thérèse de Gorla dont le nom de scène était Mademoiselle du Parc ou Marquise du parc, le film de Véra BELMONT s'inscrit dans une veine du divertissement historique "qualité française" à grand spectacle populaire, léger et grivois. D'ailleurs cela va de pair avec le choix de Sophie MARCEAU pour l'incarner, celle-ci étant plus remarquable pour sa superbe plastique que pour son jeu de petite fille aguicheuse et boudeuse (surtout lorsqu'il s'agit de jouer Andromaque: le fait qu'elle ait pu inspirer le personnage est risible). L'Histoire est vue par le petit bout de la lorgnette (pour ne pas dire au fond de la cuvette des WC au vu des scènes récurrentes de défécation) et la modernité féministe de ce personnage est toute relative: son ascension est due plus à ses charmes qu'à son talent, Marquise s'avérant être avant tout la maîtresse de Molière qui la relègue à l'arrière-plan de ses pièces puis la muse et la maîtresse de Racine tout en ne laissant pas indifférent Louis XIV. On reste dans un territoire bien balisé, celui des égéries et concubines d'hommes de pouvoir qui dépendent d'eux et de leur désir pour exister. Le film n'est tout de même pas complètement dénué de qualités. La distribution est prestigieuse (avec notamment deux membres de l'ex-troupe du Splendid, ANÉMONE dans le rôle de La Voisin et Thierry LHERMITTE qui campe un réjouissant et inattendu Louis XIV), les dialogues (co-signés par le romancier Gérard Mordillat) sont recherchés et il y a de beaux décors et costumes. Mais dans le genre, je préfère "Ridicule" (1996) sorti peu de temps auparavant et surtout "Que la fête commence" (1974), beaucoup plus profond.

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Shine

Publié le par Rosalie210

Scott Hicks (1996)

Shine

"Shine" commence paradoxalement dans les ténèbres. Il y a d'une part la scène nocturne et pluvieuse durant laquelle David Helfgott (Geoffrey Rush) âme errante en souffrance trouve refuge dans un piano-bar. Et de l'autre le récit de son enfance et de son adolescence sous la férule d'un père tout-puissant et profondément toxique. Les histoires d'éclosion de génies de la musique sont parsemées de mentors tyranniques voire tortionnaires qui se servent de leur protégé pour compenser leurs failles narcissiques. Entre les mains de Peter (Pater?), David n'est qu'un jouet qui n'a pas le droit d'avoir des désirs propres, pas le droit de grandir, pas le droit de s'émanciper. Non seulement il doit être le meilleur au piano pour satisfaire son père qui n'avait pas le droit de faire de la musique quand il était petit mais Peter, survivant de la Shoah qui a emporté ses parents a barricadé sa famille derrière des planches et des barbelés vis à vis d'un monde extérieur perçu comme irrémédiablement hostile. Dans la famille Helfgott, le temps s'est arrêté, l'espace s'est replié. David n'a pas le droit de partir et lorsqu'il le fait en s'aliénant son paternel qui l'efface de son existence (par le feu, c'est dire son degré de folie), il est si fragile qu'il sabote sa carrière en sombrant dans la dépression et la maladie mentale.

Le retour à la vie passe par le détachement psychique avec son père qui s'accomplit lorsqu'il ne ressent plus que de l'indifférence à son égard. Il passe aussi par la réconciliation avec la musique sous un angle de plaisir et de joie et non plus de torture et de compétition. Enfin, David devenu un homme-enfant loufoque, exubérant et volubile (un peu à la manière de Roberto Benigni) se tourne vers des figures à l'opposé de son père: un professeur de musique homosexuel, une poétesse mère de substitution à la forte personnalité (la sienne était transparente, entièrement soumise au père), une pianiste très religieuse qu'il rencontre alors qu'il est interné à l'asile, Sylvia qui l'accueille dans le piano-bar alors qu'il est dans la plus profonde détresse et enfin, l'amie de Sylvia, Gillian qui devient sa femme. Le basculement de l'univers froid, aride et sombre de son père vers sa renaissance par les femmes est symbolisé par l'importance croissante de l'eau dans le film dans laquelle David Helfgott passe l'essentiel de son temps à s'immerger (baignoire, mer, piscine).

"Shine" a révélé Geoffrey Rush qui a reçu l'Oscar du meilleur acteur pour un rôle "à performance". Mais Noah Taylor qui joue David Helfgott adolescent est tout aussi bon, notamment lors de la scène de la désintégration de sa psyché lorsqu'il joue sur scène le très difficile morceau de Rachmaninov voulu par son père. 

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Olli Mäki (Hymyilevä Mies)

Publié le par Rosalie210

Juho Kuosmanen (2016)

Olli Mäki (Hymyilevä Mies)

Ca donne quoi, un film de boxe non américano-centré? Et bien un film où la place de la boxe est décentrée justement. C'est le joli pas de côté qu'effectue pour son premier film le réalisateur finlandais Juho KUOSMANEN. C'est en effet avec beaucoup de tendresse pour son personnage (inspiré du véritable Olli Mäki, premier finlandais à avoir boxé en championnat du monde en 1962) et une bonne dose de distance salutaire vis à vis du sport-business et des valeurs qu'il véhicule qu'il nous raconte cette "anti success story". Ou plus exactement qu'il superpose deux récits. Celui véhiculé par les médias, les autorités et l'entraîneur qui instrumentalisent Olli Mäki, que ce soit pour l'argent qu'il peut rapporter, pour vivre une gloire par procuration ou pour des objectifs nationalistes au travers du sport-spectacle. Et celui de Olli Mäki dont la personnalité va complètement à l'encontre de tout ce cirque et des enjeux qui l'accompagnent. Olli Mäki aime boxer et a les qualités athlétiques et techniques requises pour le haut niveau mais il lui manque l'adhésion au sport-business*. C'est au contraire un homme simple, rêveur, contemplatif et amoureux dont le désir véritable est qu'on le laisse vivre en paix. Sa résistance passive à toutes les pressions et sollicitations dont il fait l'objet s'accompagne pour reprendre le slogan d'ATTAC de la vision d'un autre monde possible: le sien, amoureux et poétique (car toutes les scènes où il se régénère seul dans la nature sont extrêmement belles). Lorsque sa voiture tombe en panne au début du film, sa réaction est éloquente. Au lieu de la faire réparer, il prend une bicyclette pour se déplacer avec la fille qu'il aime juchée dessus. Soit la trajectoire inverse de Gianni dans "Nous nous sommes tant aimés" (1974) qui largue bicyclette et fiancée pauvre pour se vendre à la bourgeoisie. Bref "Olli Mäki" sous ses allures de film modeste tient un discours politique très engagé qui fait tout son intérêt.

* Fabien Ollier, auteur de plusieurs livres sur l'aliénation sportive contemporaine et directeur de la publication militante "Quel Sport?" qui critique la domination idéologique du capitalisme sur l'institution sportive définit ainsi le sport-système: "système institutionnalisé de pratiques compétitives à dominante physique réglementées universellement, qui a pour finalité l’émergence du champion, du record, de l’exploit grâce à la mesure normalisée, à la comparaison permanente et à la confrontation mondialisée d’individus typifiés (femmes entre elles, hommes entre eux, non-valides entre eux, vieux entre eux, etc.), hiérarchisés (premier, deuxième, troisième, etc.) et conditionnés (« valeurs », « lois », méthodes, techniques). Ce système unifié qui n’est en rien réductible à la somme des pratiques sportives qu’il diffuse, repose sur une bureaucratie (des permanents, des technocrates, des gestionnaires, des managers, des « experts », etc.), des capitaux importants (fonds d’investissement, partenariats commerciaux, sponsors, caisses noires, etc.) et des techniques de propagande (spectacles, publicité, exhibitions, mythes, bavardages, ­commérages, etc.). Soit exactement ce que rejette Olli Mäki dont on ressent le malaise dès qu'il s'agit de faire des photos publicitaires ou le décalage avec le discours attendu dès qu'il participe à une conférence de presse et ce malgré les efforts de son entraîneur pour qu'il rentre dans la norme.

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Aline

Publié le par Rosalie210

Valérie Lemercier (2020)

Aline

Dans le film de Valérie LEMERCIER, Céline Dion s'appelle Aline Dieu. Un nom fictif qui en dit long. L'album "D'Eux" écrit par Jean-Jacques GOLDMAN comporte lui aussi des références religieuses "Les derniers seront les premiers" et "La mémoire d'Abraham". Une façon discrète de souligner le don exceptionnel de la chanteuse. Mais pas seulement pour chanter, également pour aimer, les deux ayant un caractère divin. Jean-Jacques Goldman avait d'ailleurs expliqué qu'il avait été séduit (outre la voix) par le côté nature et généreux de Céline Dion que sa carrière de diva à la Barbra STREISAND (son modèle) n'avait pas altéré*. Le film de Valérie Lemercier conserve ce côté nature et généreux d'un bout à l'autre. La facette showbiz disparaît au profit de la désarmante simplicité du personnage (même à l'intérieur d'un palace ou d'une immense salle de concert elle nous semble proche, "a girl next door"). Car Céline/Aline emporte partout ses racines et sa famille avec elle (le porte-bonheur de son père, sa mère qui veille sur elle et plusieurs de ses nombreux frères et soeurs) qui forment une bulle de protection autour d'elle. Cela aurait pu la maintenir dans un répertoire infantile mais c'était sans compter sur l'expérience décisive de Guy-Claude (alias René Angelil) son manager et futur époux. Les scènes d'explication orageuse entre Sylvain MARCEL et Danielle FICHAUD sont savoureuses (comme d'ailleurs tout le casting québécois), la mère n'appréciant guère d'avoir un "vieux pruneau" divorcé deux fois pour gendre. Comme le reste de la famille et Aline elle-même avec ses imperfections, Guy-Claude est croqué avec drôlerie et tendresse. Même les salles de concert les plus imposantes prennent ainsi un caractère chaleureux et familial et on comprend pourquoi les moqueries dont Céline/Aline fait l'objet (qui sont évoquées à plusieurs reprises dans le film) glissent sur elle sans la toucher, comme tout ce qui a trait à la laideur ou à la corruption du monde dans lequel elle évolue. La performance de Valérie LEMERCIER est bluffante (même si je ne suis pas coinvaincue par les effets spéciaux qui lui donnent l'allure d'une gamine de 8 ans).

*" Mais si tu grattes là
Tout près de l'apparence
Tremble un petit qui nous ressemble
On sait bien qu'il est là
On l'entend parfois
Sa rengaine insolente
Qui s'entête et qui répète
"Oh, ne me quitte pas"

On n'oublie jamais
On a toujours un geste
Qui trahit qui l'on est
Un prince, un valet
Sous la couronne un regard
Une arrogance, un trait
D'un prince ou d'un valet

Je sais tellement ça
J'ai copié des images
Et des rêves que j'avais
Tous ces milliers de rêves
Mais si près de moi
Une petite fille maigre
Marche à Charlemagne, inquiète
Et me parle tout bas." (On ne change pas)

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