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Articles avec #baker (sean) tag

Tangerine

Publié le par Rosalie210

Sean Baker (2015)

Tangerine

"Tangerine" est le film que Sean Baker a réalisé juste avant "The Florida Project". En dehors de sa technique expérimentale qui a fait couler beaucoup d'encre (il a été réalisé avec des Iphone 5s dotés de lentilles anamorphiques), ce qui m'a frappé, ce sont les points communs entre les deux films:

- La peinture d'un monde marginal mais haut en couleurs tant par l'énergie incroyable que développent les deux actrices principales qui sont hyper charismatiques que par un tournage particulièrement nerveux, la technique légère employée favorisant le mouvement qui caractérise le film. En dehors d'une séquence finale statique et théâtrale (mais très drôle) de règlements de comptes dans un diner, le "Donut Time", le film prend l'allure d'une course folle qui colle au plus près des corps et des visages des protagonistes.

- Une réalité sordide transcendée par les couleurs pop (filtres orangés, couleurs éclatantes des fresques murales, utilisation du grand angle) et par l'abattage des actrices.

- Une unité de lieu à savoir un quartier chaud de L.A. situé à l'ombre de ceux qui sont habituellement filmés que l'on arpente dans ses moindres recoins, de jour comme de nuit.

- Un casting amateur puisé dans le vivier des réseaux sociaux pour dénicher les deux héroïnes, Sin-Dee et Alexandra, afro-américaines, transgenre et prostituées. Leurs interprètes, Kitana Kiki Rodriguez et Mya Taylor jouent quasiment leur propre rôle, d'où une aisance, un naturel, une prestance assez ébouriffants.

Le troisième protagoniste important, un chauffeur de taxi arménien englué dans une vie conventionnelle qui fréquente secrètement les prostitués trans du quartier est nettement moins flamboyant (et plus convenu) mais la scène finale dans laquelle il se fait pincer la main dans le sac par sa belle-mère est assez amusante.

Sans être aussi abouti que "The Florida Project", "Tangerine" est donc un film pêchu et gonflé qui sort du lot et mérite qu'on y jette un coup d'oeil.

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The Florida Project

Publié le par Rosalie210

Sean Baker (2017)

The Florida Project

"The Florida Project", film caractéristique du cinéma indépendant américain "décentré" est construit sur des contrastes: entre l'univers enchanté de Disney World (qui reste hors-champ puisque les personnages n'y ont pas accès) et sa périphérie décrépite, entre l'apparence pimpante tendance kitsch du "Magic Castle" destiné à l'origine aux touristes du parc et la misère qui grouille à l'intérieur, entre les enfants qui explorent et transforment leur environnement en terrain de jeu et celui des adultes qui tentent de survivre. C'est un cinéma d'interstices qui filme les entrées de ville colonisées par les axes routiers, les motels, les parkings, les centres commerciaux criards, les pavillons abandonnés réduits à l'état de squats (héritage sans doute de la crise des subprimes). Ces endroits que la plupart des gens traversent sans s'y attarder et le long desquels des enfants livrés à eux-mêmes poussent tant bien que mal. Issus pour la plupart de familles monoparentales, ils vivent dans une situation de plus ou moins grande précarité.  Le réalisateur se focalise sur Moonee (Brooklynn Prince, excellente), une petite fille de 6 ans délurée et plutôt mal élevée. Il faut dire que sa mère (Bria Vinaite, dénichée sur les réseaux sociaux grâce notamment à son look excentrique) n'est pas vraiment du genre responsable. C'est une gamine (au point de surpasser parfois sa fille en immaturité) qui vit d'expédients au jour le jour entre petite délinquance et prostitution. Forcément cela signifie que tôt ou tard, Moonee sera confrontée à une réalité trop dure pour son âge. Les autres mères ont davantage la tête sur les épaules (l'une d'elles a même un emploi) mais la fragilité de leur situation est rappelée par le camion d'aide sociale qui vient régulièrement apporter de la nourriture au grand dam du propriétaire du motel qui aimerait bien redorer le blason de son établissement. Veillant sur cette population essentiellement composée de femmes et d'enfants, Bobby (Willem Dafoe, seul acteur professionnel du casting au milieu d'amateurs épatants de spontanéité et d'énergie, enfants comme adultes) le gérant du motel tente de leur venir en aide dans la mesure de ses possibilités et des limites de son rôle. La scène de la coupure de courant est révélatrice de leur dépendance mais son intervention n'est pas que matérielle. Il se substitue au père absent pour repérer et chasser les pédophiles qui tournent autour des gosses dans une zone où ceux-ci sont nombreux (et leurs prédateurs aussi par conséquent).

En dépit du fait que j'ai été globalement séduite par ce drame social aux couleurs pop, âpre mais sans misérabilisme, j'ai trouvé la chute un peu décevante, maladroite et hésitante la fuite dans le rêve me paraissant être une facilité par rapport à la réalité du drame que vit Moonee.

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