Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #aventure tag

Tigre et Dragon (Wò Hǔ Cáng Lóng)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (2000)

Tigre et Dragon (Wò Hǔ Cáng Lóng)

"Tigre et dragon" c'est du cinéma à grand spectacle mêlant culture chinoise et budget hollywoodien. Si le film est conçu pour plaire au plus grand nombre avec un dosage savant entre action et romance qui manque un peu d'âme à mes yeux, il en met plein la vue quand même avec des chorégraphies splendides réglées par Yuen Woo-Ping, celui là même dont le savoir-faire a été déterminant pour les scènes de kung-fu de la trilogie "Matrix" et des deux parties de "Kill Bill". On a donc des personnages en apesanteur qui tournoient et volent au-dessus des cimes avec une grâce magique. Le film offre également un condensé des plus beaux paysages chinois (forêts de bambous, chutes d'eau, montagnes) et de ses meilleurs acteurs issus de Chine continentale ou des "provinces chinoises à système différent" pour reprendre la définition qu'elle donne de Hong-Kong et de Taïwan (territoire dont est également originaire le réalisateur, Ang Lee qui a voulu rendre hommage au cinéma de son enfance). Tous ont dû d'ailleurs apprendre leurs dialogues en mandarin alors que leurs langues natales étaient le cantonais ou l'anglais. Quant à l'histoire, elle mélange la tradition feuilletonesque occidentale avec ses combats de cape et d'épée version asiatique, ses multiples rebondissements rocambolesques et ses histoires d'amours impossibles et des figures typiques de la tradition chinoise comme la guerrière intrépide façon Mulan. On peut également souligner l'opposition entre le couple d'âge mûr formé par Li Mu Bai (Chow Yun Fat) et Yu Shu Lien (Michelle Yeoh) qui ont sacrifié leurs sentiments sur l'autel du devoir et de l'honneur à celui beaucoup plus jeune formé par Jen (Zhang Ziyi) et Lo (Chang Chen) qui sont insoumis et individualistes. Deux générations aux valeurs différentes qui représentent l'évolution récente de la Chine.

Voir les commentaires

Hostiles

Publié le par Rosalie210

Scott Cooper (2017)

Hostiles

« L'âme fondamentale de l'Amérique est dure, isolée, stoïque et meurtrière. Jamais encore elle ne s'est adoucie. » C'est par cette citation de l'écrivain britannique D.H. Lawrence que s'ouvre un film qui comme de nombreux westerns contemporains démythifient la légende de la conquête de l'ouest et tentent de se rapprocher de la vérité historique. Bref, le contraire de la célèbre citation extraite de "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962), " Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende".

"Hostiles" est un film non manichéen qui montre que les Etats-Unis se sont construits dans la violence et s'il n'occulte pas un instant celle que les indiens ont infligé aux pionniers ou à eux-mêmes par des guerres intestines entre tribus, il est hanté par la barbarie génocidaire avec laquelle les soldats et les colons ont anéanti la civilisation indienne, soldats par ailleurs également coupables de massacres de civils lors de la guerre de Sécession qui a eu lieu trente ans avant l'histoire du film (qui se déroule en 1892). "Hostiles" montre le poids que cette violence fait peser sur les épaules d'une poignée de personnages, les terribles conséquences qui en découlent mais aussi comment il est possible d'en sortir. Ainsi la première et la dernière séquence se font écho. La première montre le massacre d'une famille de pionniers par les Comanches, la dernière montre la constitution d'une nouvelle famille à partir des survivants issus de groupes différents. Entretemps, le film montre le cheminement intérieur autant qu'extérieur d'un capitaine de cavalerie pré-retraité, Joe Blocker (Christian BALE) hanté par le souvenir de la mort de ses camarades lors des guerres indiennes et d'une veuve réchappée du massacre de sa famille, Rosalee Quaid (Rosamund PIKE) tous deux blessés jusqu'au fond de l'âme (dans des scènes quasi identiques, on les voit hurler leur souffrance) qui vont lentement se reconstruire, échapper au cercle vicieux de la haine et de l'autodestruction, trouver l'apaisement et ce alors même que les morts continuent de s'accumuler autour d'eux. Les soldats qui gravitent autour de Joe Blocker représentent pour la plupart une partie de lui-même; le jeunot sans expérience qui se fait dégommer à la première occasion (sauf que lui ne survit pas), le vieux briscard hanté par la mort subie et infligée, le psychopathe criminel etc. Mais en même temps, le chef cheyenne Yellow Hawk (Wes STUDI) qui est malade et qu'il est chargé bien malgré lui d'escorter avec sa famille jusqu'à ses anciennes terres tribales dans le Montana pour qu'il puisse y reposer en paix et Rosalee représentent autant de chances de rédemption. Il n'est pas faux de voir dans la relation d'estime réciproque qui se construit entre Blocker et Yellow Hawk un lointain écho de "La Grande illusion" (1937) de Jean RENOIR où le français et l'allemand fraternisaient en dépit du fait qu'ils étaient dans deux camps ennemis. Et une fois ses pulsions suicidaires et vengeresses apaisées, Rosalee, qu'il traite d'emblée avec un immense respect s'avère être d'une aide cruciale.

Voir les commentaires

Cinquième Colonne (Saboteur)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1942)

Cinquième Colonne (Saboteur)

"Cinquième colonne" est l'œuvre de transition parfaite entre "Les 39 marches" (1935) qui selon François TRUFFAUT symbolisait la période anglaise de Alfred HITCHCOCK et "La Mort aux trousses" (1959) qui toujours selon Truffaut symbolisait sa période américaine. Les trois films bénéficient de structures similaires (la cavale d'un faux coupable assisté d'une blonde qui finit par devenir sa complice) et la fin spectaculaire de "Cinquième colonne" du haut de la statue de la liberté ressemble beaucoup à celle de "La Mort aux trousses (1959) sur le mont Rushmore. Ces deux monuments filmés par Hitchcock comme point culminant de ses films d'espionnage symbolisent les valeurs des USA face aux ennemis de l'intérieur qui cherchent à déstabiliser le pays en période de guerre (seconde guerre mondiale pour "Cinquième colonne", guerre froide pour "La Mort aux trousses" (1959)). Cependant le ton de "Cinquième colonne" est moins joueur que dans "La Mort aux trousses" (1959) car il s'agit d'un film de propagande où le héros doit sauver l'industrie de guerre des USA d'un réseau nazi qui s'est infiltré partout en s'y infiltrant à son tour. Ce héros est par ailleurs joué par un acteur (Robert CUMMINGS) nettement moins flamboyant que Cary GRANT. Mais Hitchcock nous régale d'une série de morceaux de bravoure qui compense largement ce que le film peut avoir de trop sérieux. La scène du ranch par exemple est assez remarquable avec son ambiance faussement légère où l'on découvre que le grand-père d'une famille américaine "modèle" qui joue avec son bébé est en réalité un chef nazi. Il en va de même avec la traque du faux coupable dans le torrent où la mise en scène effectue en même temps que le héros et son complice de circonstance un véritable tour d'illusionnisme, la grande scène de bal pleine de chausse-trappes et enfin la scène de fusillade dans un cinéma où la réalité finit par se confondre avec la fiction (scène qui a sans doute inspiré Quentin TARANTINO pour le final de "Inglourious Basterds") (2009).

Le film de Hitchcock est intéressant aussi dans le fait de rendre hommage au genre fantastique dans un film d'espionnage. La scène de la cabane où un aveugle reconnaît l'innocence de Barry Kane est une allusion à "La Fiancée de Frankenstein" (1935) alors que celle où Patricia et lui sont cachés par un cirque composé de monstres de foire fait penser à "La Monstrueuse Parade" (1932).

Voir les commentaires

Thelma et Louise (Thelma and Louise)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (1991)

Thelma et Louise (Thelma and Louise)

Pourquoi les road movie sont-ils toujours au masculin? "Thelma et Louise" est l'exception qui non seulement confirme la règle mais la rend explicite. Parce que le monde extérieur est régi par la loi du mâle dominant, les femmes qui osent sortir de chez elles et a fortiori voyager seules le paient cher en subissant harcèlement et viol sans que le système judiciaire, formaté selon les rapports de force qui régissent le reste de la société ne vienne corriger le tir. Le fait que cet ordre social soit impossible à renverser explique l'absence d'issue à la révolte de Thelma (Geena DAVIS) et de Louise (Susan SARANDON) qui n'ont le choix qu'entre la soumission ou la mort (comme dans "Sans toit ni loi" (1985) autre road movie au féminin à la fin tragique). Il y a bien un personnage masculin positif dans l'histoire, un homme empathique qui voudrait les sauver (Hal Slocombe, l'enquêteur joué par un Harvey KEITEL dont la sensibilité préfigure son rôle dans "La Leçon de piano") (1993) mais il est isolé, mis sur la touche. On le voit surgir derrière la voiture pour tenter de la retenir mais c'est déjà trop tard, les deux amies ont choisi de quitter un monde dont elles ne veulent plus. Une fin à la portée mystique certaine mais qui maintient le statu quo.

En dépit de cette fin ou plutôt à cause d'elle (car la dérive des deux femmes prend très tôt les allures d'une fuite en avant sans issue), "Thelma et Louise" reste un film d'émancipation. Thelma et Louise sont très différentes mais leur échappée prend la forme d'une revanche sur toutes les formes d'aliénation qu'elles ont subi de la part des hommes. Désormais elles rendent coup pour coup et font justice elles-mêmes avec les mêmes armes que les hommes ce qui peut paraître très américain (mais c'est aussi suédois si l'on pense à Lisbeth Salander). Il est intéressant d'ailleurs de souligner que l'usage de la violence est chez elles une réponse aux agressions et en aucune façon un mode relationnel spontané. La scène du hold-up, celle où le flic est enfermé dans le coffre de sa propre voiture ou encore celle où elles font exploser le camion-citerne du rustre qui ne cesse de leur faire des remarques obscènes à chaque fois qu'elles le double (plus machiste que le monde de la route tu meurs!) sont remplies d'ironie car elles accomplissent ces actes délictueux avec une extrême politesse. Il n'y a guère que le meurtre du violeur qui peut paraître brutal mais là aussi le relativisme culturel joue à plein. Un homme défendant sa petite amie agressée aurait paru dans son bon droit. Une femme qui tire sur l'homme qui agresse son amie, ça reste transgressif et d'ailleurs c'est bien pour cela qu'elles comprennent qu'elles n'ont rien à attendre de la justice et qu'il ne leur reste plus que la fuite. Cet acte éclaire par ailleurs la différence de caractère des deux femmes ainsi que ce qui soude leur amitié. Thelma est une très jeune femme au foyer qui n'a aucune expérience de la vie et que son mari vaniteux et toujours absent considère comme une boniche qui doit le servir sans moufter (de toutes façons il ne l'écoute pas). La cavale lui permet de s'éclater dans une seconde adolescence mais sa naïveté et son inconséquence font que c'est par elle que la plupart des ennuis arrivent. Ceci étant il est difficile de résister à Brad PITT qui a percé au cinéma dans le rôle du séduisant voleur J.D. qui déborde de charisme. Louise est quant à elle plus âgée, plus mûre et plus désillusionnée aussi. Elle n'attend plus rien des hommes (son petit ami Jimmy joué par Michael MADSEN se rend compte trop tard qu'elle lui échappe et ni son empressement à l'aider, ni sa bague de fiançailles ne parviennent à infléchir le cours de son destin) et pour cause, sa virée prend la forme d'un retour sur son traumatisme de jeunesse que celle-ci ne parvient pas à exorciser autrement que par la violence (tout le monde comprend qu'elle a été violée au Texas mais elle refuse d'en parler).

Près le trente ans après sa sortie "Thelma et Louise" n'a rien perdu de sa force rageuse ni (hélas) de sa pertinence.

Voir les commentaires

Un été avec Coo (Kappa no coo to natsu-yasumi)

Publié le par Rosalie210

Keiichi Hara (2007)

Un été avec Coo (Kappa no coo to natsu-yasumi)

"Un été avec Coo" est un grand film d'animation japonais qui à l'image de ceux de Hayao MIYAZAKI ("Mon voisin Totoro" (1988), "Le Voyage de Chihiro") (2001) et de Isao TAKAHATA ("Pompoko") (1996) permet de réfléchir aux rapports que l'homme entretient avec ses semblables et avec la nature. Si les japonais ont tout comme les occidentaux dévasté leur environnement, ils n'ont pour autant jamais oublié les croyances animistes de leur culture d'origine. Ce sont ces croyances qui sont "ranimées" par le bestiaire fantastique des studios Ghibli (les Totoros, les Tanukis, les Dieux courroucés et putrides de "Princesse Mononoké" (1997) et de "Le Voyage de Chihiro") (2001)).

Le Kappa appartient au même folklore shintoïste. Il s'agit d'une petite créature/esprit anthropomorphe mi-tortue, mi-grenouille vivant dans les points d'eau (fleuves, lacs, étangs) avec une bouche en forme de bec et un creux au milieu de la tête appelé "assiette" dont l'humidité est essentielle à sa force vitale. S'ils sont à l'origine décrits comme des vampires, des violeurs ou des cannibales, c'est la forme moderne, mignonne et bienveillante qui est présentée dans le film, celle qui se montre d'une extrême politesse avec les humains et aime le concombre et le poisson. Comme pour les autres yokais (créatures fantastiques), le constat est sans appel. Le Japon moderne en malmenant la nature a détruit ses esprits. Coo s'avère être un fossile "ranimé" par accident qui découvre qu'il est peut-être le dernier de son espèce.

En effet le film n'a rien de folklorique et est au contraire d'une impressionnante profondeur avec une subtilité et une sensibilité assez incroyables. En ces temps troublés où les dégâts que les sociétés "modernes" infligent à la nature sont en train de se retourner contre elles, il est d'une clairvoyance totale en montrant de manière limpide que c'est à eux-mêmes que les hommes se font du mal en maltraitant ainsi le vivant. A la solitude de Coo répond celle de celui qui l'a ranimé et adopté, Kôichi qui est de ce fait mis au ban de son école et harcelé avec sa famille par les médias. L'ambivalence de cette famille vis à vis de la célébrité est d'ailleurs assez révélatrice du genre de mirage dans lesquels se vautrent les sociétés contemporaines. Pour échapper à la curiosité malsaine qu'il suscite et conserver les restes de son père que les humains se sont appropriés, Coo se retrouve dans la même situation que "King Kong" (1932), film auquel Keiichi HARA se réfère visiblement quand il fait escalader à Coo la tour de Tokyo après une cavale en forme de cauchemar urbain. Cavale durant laquelle le seul être totalement intègre vis à vis de Coo, lui aussi une ancienne victime sauvée par Kôichi trouve la mort. Une séquence bouleversante qui m'a fait penser à la nouvelle de Jiro Taniguchi "Avoir un chien" dans le recueil "Terre de rêves".

Mais malgré ses moments durs et son constat implacable sur la nature humaine, montrée dans ses aspects souvent les moins reluisants (intolérance, cruauté, bassesse, égoïsme), le film fait une large place à la complicité qui unit Kôichi et Coo et qui n'est pas sans rappeler le film de Steven SPIELBERG "E.T. L'extra-terrestre" (1982). Kôichi est un être complexe qui évolue tout au long du film en acceptant peu à peu sa nature d'enfant différent de la norme ce qui le conduit à se rapprocher de la pestiférée de sa classe, Kikuchi et à voir le monde autrement. La petite sœur de Kôichi est également admirablement croquée. Alors peut-être que le design des personnages (hors Coo) est moins "finalisé" que dans les studios Ghibli, il n'en reste pas moins que "Un été avec Coo" est une œuvre admirable.

Voir les commentaires

Le Bossu

Publié le par Rosalie210

Philippe de Broca (1997)

Le Bossu

J'avais beaucoup aimé cette version cinématographique du "Bossu" adaptée du roman-feuilleton de Paul Féval à sa sortie et le revoir m'a procuré tout autant de plaisir. Bien sûr, il s'agit d'un film qui n'a d'autre prétention que de divertir et pour cause, le roman, modèle du genre "cape et épée" est lui-même truffé de péripéties rocambolesques savoureuses mais complètement invraisemblables sur un (vague) fond historique. Mais Philippe de BROCA qui était alors au creux de la vague réalise un film bien rythmé qui a permis au public de redécouvrir son savoir-faire dans le domaine de la superproduction bondissante. La mise en scène est soignée (beauté des décors qu'ils soient naturels ou reconstitués, chorégraphies précises des combats) et les acteurs sont particulièrement inspirés (ou bien dirigés). Outre le clin d'œil à "Que la fête commence" (1975) avec un Philippe NOIRET qui reprend son rôle du régent 20 ans après le film de Bertrand TAVERNIER, Vincent PEREZ qui était alors le jeune premier à la mode dans le genre s'en sort bien dans le rôle du Duc de Nevers. Mais les deux stars sont sans conteste Daniel AUTEUIL dans le rôle du chevalier de Lagardère et Fabrice LUCHINI dans celui de Philippe de Gonzague. Certes, Daniel Auteuil est clairement trop âgé pour un rôle aussi physique qui est aussi un rôle de séducteur (mais à cette époque comme plus tard les romances entre quadra-quinqua et jeunettes à l'écran étaient quasiment la norme) mais il fait merveille dans celui du bossu, double fantasmatique de Lagardère. Car le bossu est une projection de sa psyché, lui qui se voit comme le vilain petit canard parvenu dans le monde de la haute société qu'il est amené à fréquenter. Quant à Luchini, il compose un Gonzague aussi inquiétant qu'hilarant. C'est avec ce film que j'ai changé d'avis sur cet acteur que je n'appréciais pas jusque là car je pensais à tort qu'il était incapable d'autodérision.

Voir les commentaires

Charlie et la Chocolaterie (Charlie and the Chocolate Factory)

Publié le par Rosalie210

Tim Burton (2005)

Charlie et la Chocolaterie (Charlie and the Chocolate Factory)

L'impression irréelle qui se dégage de cette adaptation de "Charlie et la chocolaterie" est lié au fait qu'elle mélange dans un même espace géographique des technologies, des styles d'habitation, des modes de vie et même des genres a priori très différents. Par exemple certains éléments relèvent du conte intemporel (la chaumière de guinguois, les magasins bonbonnières, les propriétés magiques des confiseries) mais d'autres s'inscrivent dans un contexte de société industrielle avec du travail à la chaîne omniprésent qu'il soit humain (le père de Charlie est OS sur une chaîne avant d'être remplacé par des robots), animal (les écureuils trieurs de noix) ou mécanisé (la musique de Danny ELFMAN possède d'ailleurs elle-même un caractère mécanique qui accompagne la chaîne de fabrication du chocolat). Enfin l'intérieur de la chocolaterie par endroits relève du laboratoire de recherche-développement à la blancheur clinique et high-tech en particulier la salle de télévision où la référence à "2001, l'odyssée de l'espace" (1968) et sa tablette-monolithe trouve tout son sens puisque dans le film on a parcouru sans même sans rendre compte une grande partie de l'histoire du "progrès humain".

Mais cette histoire de "progrès humain" est contredite par la satire de "l'enfant-roi" qui accompagne la quête de Willy Wonka pour trouver un héritier. Comme il s'en remet au hasard (ou à la chance c'est selon) avec le seul geste accompli par une main humaine dans le générique qui est de glisser dans cinq tablettes de chocolat un ticket d'or permettant de visiter sa chocolaterie (c'est à dire de le rencontrer), il se retrouve avec quatre véritables petits monstres, chacun d'entre eux incarnant ce que l'on pourrait appeler dans le langage industriel un "vice de forme", allégorie des pires travers de la société occidentale:
- Augustus Gloop, fils de boucher allemand est comme son nom l'indique un glouton obèse "affreux, sale et méchant" à la "M. Creosote" sauf que contrairement au sketch des Monty Python il n'éclate pas. Il ne devient pas non plus comme dans le roman de Roald Dahl fin comme une allumette, il s'est transformé en "bonhomme en chocolat" se dévorant lui-même ce qui est assez terrifiant mais juste dans le fond pour décrire la consommation à outrance.
- Veruca Salt est une petite fille de la haute bourgeoisie britannique tyrannique parce que pourrie-gâtée par son père propriétaire d'une usine de noix. Habituée à avoir tout ce qu'elle veut, son incapacité à supporter la frustration la destine à finir dans "les poubelles de l'histoire".
- Violette Beauregard est l'archétype de la "gagnante", une gamine américaine blonde platine vulgaire qui n'est motivée que par la compétition et les trophées. Elle est le miroir narcissique de sa mère à l'allure de poupée Barbie qui vit ses rêves de gloire par procuration. Qu'elle finisse gonflée comme un gros ballon est un reflet de son caractère mais ce qui traumatise le plus sa mère c'est que sa peau a viré au bleu et qu'elle ne pourra plus jamais lui ressembler.
- Enfin Mike Teavee est le geek blasé qui méprise la terre entière (et ses pauvres parents dépassés en premier) tellement il se sent supérieur. Il n'est pas grossier comme Augustus, tyrannique comme Veruca ou hypocrite comme Violette, il est franchement destructeur. Aussi il finira miniaturisé et "mis en boîte".

Si la visite de la chocolaterie a un côté Disneyland que l'on retrouve aussi dans "Dumbo" (2019) (la scène des rapides en bateau en particulier), les chansons chorégraphiées des oompa-loompa (tous interprétés par le même acteur) qui épinglent le comportement de chacun de ces quatre enfants sont des régals de parodie dissonante tant de stars et de groupes musicaux (Beatles, Queen, Michael Jackson, hard-rock) que de films ("Le Bal des sirènes" (1944), "Psychose" (1960), "Pulp Fiction" (1994) etc.)

Charlie, le cinquième enfant et Willy Wonka qui incarnent les deux extrêmes opposés vont pourtant se rencontrer parce qu'ils ont un point commun: ils ne rentrent pas dans la norme telle qu'elle est représentée par les quatre autres enfants. Charlie semble tout droit sortir des faubourgs misérables du Londres du XIX° décrit par Charles Dickens à ceci près que s'il est misérable sur le plan matériel, il est riche de l'amour de sa famille élargie avec laquelle il vit en harmonie. Willy Wonka en revanche est un créateur de génie et un industriel plein aux as mais sans famille. Dans la version de Tim BURTON où il est incarné par Johnny DEPP, ce dernier le décrit comme autiste, ce qui effectivement saute aux yeux. Dire qu'il vit dans sa bulle chocolatière est un euphémisme, il est également entouré d'une bulle transparente quand il sort (l'ascenseur) et même lorsqu'il finit par adopter Charlie puis sa famille, il les inclut dans sa bulle. Il n'est pas à l'aise dans les rapports humains, n'aime pas être touché, n'a pas une attitude socialement adaptée au point d'être obligé de lire des fiches pour savoir quoi dire à son audience et a un petit rire qui résonne à contretemps, quelque peu mécanique comme le reste de sa personne tirée à quatre épingles comme s'il était une sorte de pantin sorti de la vitrine (la scène où on le voit la première fois le présente exactement ainsi et le fait que les vrais pantins prennent feu et que cela le fasse rire suscite d'emblée un certain malaise). En revanche dans le domaine exclusif du chocolat, il est aussi expert que perfectionniste et la richesse de son univers intérieur contraste violemment avec l'aspect grisâtre du bâtiment extérieur.

Voir les commentaires

Robin des bois (Robin Hood)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (2010)

Robin des bois (Robin Hood)

"Robin des bois" fonctionne comme une préquelle "pseudo-historique" à la célèbre légende du hors la loi au grand cœur mainte fois illustrée au cinéma. La volonté de réalisme affichée par le film enlève ce que cette histoire peut avoir de jubilatoire, de carnavalesque et de flamboyant (pas seulement à cause des célèbres collants verts flashy de Errol FLYNN que Ridley SCOTT n'avait pas le droit de réutiliser mais aussi par le renversement de l'ordre social qui y est opéré) sans pour autant en faire une œuvre historique satisfaisante. En fait ce "Robin des bois" aurait pu s'intituler "Naissance d'une nation" car il fonctionne comme un cours d'éducation civique (et patriotique) avec une grille de lecture anachronique à l'usage des anglais. L'histoire tourne autour de la trahison de Godefroy (Mark STRONG), conseiller du roi Jean (Oscar ISAAC) qui s'est vendu aux français. Face à eux, Robin (Russell CROWE) et son père de substitution, Sire Walter Loxley (Max von SYDOW) sont les défenseurs de la nation britannique et de ses valeurs puisque ce dernier transmet à Robin la Magna Carta (rédigée par le père de Robin dans la film, par les barons anglais dans la réalité historique), rejetée par le roi Jean à la fin du film (mais acceptée par lui plus tard dans la réalité historique) qui a servi de base à l'Habeas Corpus du XVII° siècle ayant contribué à mettre fin à l'absolutisme en Angleterre. Les intérêts de caste des nobles sont transformés dans le film en défense des intérêts du peuple tout entier tandis que le débarquement des français ressemble à un "6 juin 1944" à l'envers pour transformer ce moment en grande communion nationale. Or, la nation et le patriotisme sont des notions anachroniques, les appartenances identitaires étant au Moyen-Age dynastiques, claniques, communautaires ou encore régionales. Ainsi Richard Cœur de Lion, sa mère Aliénor d'Aquitaine et son frère Jean étaient aussi "anglais" que Marie-Antoinette était "française".

Ces réserves faites, il n'en reste pas moins que le film de Ridley SCOTT bien que ne lésinant pas sur le manichéisme primaire est divertissant et maîtrisé avec de belles scènes d'action et un sens aiguisé du décor et de l'esthétique de l'image.

Voir les commentaires

Inglourious Basterds

Publié le par Rosalie210

Quentin Tarantino (2009)

Inglourious Basterds

Le septième film de Quentin TARANTINO est définissable dès son ouverture avec la mention "Il était une fois" (dans la France occupée par les nazis). On sait d'emblée que nous allons être dans une uchronie et non dans un film historique. Dans "Le Maître du haut château" de Philip K. Dick", l'uchronie résidait dans le fait que les nazis avaient gagné la guerre. Dans "Inglourious Basterds"* (2009) les juifs se vengent des nazis, un schéma narratif que l'on retrouve dans le film suivant de Tarantino "Django Unchained" (2012) qui d'ailleurs possède les mêmes qualités et les mêmes défauts. Mais le "Il était une fois" est également un clin d'œil à Sergio LEONE, la géniale séquence introductive de 20 minutes reprenant tous les codes de celle où Lee VAN CLEEF va exécuter un contrat dans "Le Bon, la brute et le truand" (1966), film cité à plusieurs reprises par Tarantino. La mise en scène n'est pas toutefois la seule raison de la réussite totale de cette séquence, l'époustouflante composition de Christoph WALTZ joue également un rôle capital. Comme il le fera avec non moins de réussite dans "Django Unchained" (2012), sa prestation repose sur un décalage, ici entre le prédateur calme et méthodique aux yeux froids qu'est le colonel Hans Landa et les exquises manières dont il se sert avec une maestria jubilatoire pour mieux ferrer ses proies, celui-ci maîtrisant à la perfection les règles de la courtoisie aussi bien que les langues étrangères (il faut voir comment il met au tapis d'une simple phrase les trois "Basterds" incapables de bredouiller trois mots d'italien alors que lui le parle à la perfection). Pour finir "Il était une fois" se réfère aux contes de fées et le fétichisme des pieds de Tarantino trouve ici une issue des plus jouissives avec un détournement audacieux et ironique de l'histoire de la pantoufle de vair de Cendrillon.

Si l'ensemble du film avait la même tenue que sa séquence introductive, on tenait un chef d'œuvre. Hélas "Inglourious Basterds" est un film inégal avec des séquences éblouissantes comme celle que je viens d'analyser ou encore celle de la taverne, qui elle aussi repose sur un secret dissimulé derrière une mauvaise couverture et une dilatation du temps distillant peu à peu un suspense insoutenable. Il y a aussi un plan devenu iconique, celui de Mélanie LAURENT en robe rouge sang (effectivement, elle s'apprête à commettre un carnage) contemplant depuis sa cabine de projection la salle qu'elle s'apprête à embraser sur le titre écrit et interprété par David BOWIE "Cat people" (Putting Out Fire). Le nitrate est une matière hautement inflammable comme le rappelle l'insert d'un extrait de "Agent secret" (1936) de Alfred HITCHCOCK alors que Tarantino en profite pour multiplier les allusions au cinéma de cette époque qu'il soit allemand ("L'Enfer blanc" (1929) de Georg Wilhelm PABST et l'apparition d'un acteur jouant Emil JANNINGS) ou français (avec une insistance sur les films réalisés pendant la guerre par Henri-Georges CLOUZOT).

Hélas le film est trop long (2h30) et ne parvient pas sur cette durée à tenir la distance. Entre les morceaux de bravoure et éclairs de génie que j'ai cité, il faut subir de longs tunnels ennuyeux de bavardages creux. La paresse dans l'écriture des "Basterds" est à mon avis un élément de compréhension essentiel de ce bilan mi-figue mi-raisin. Ceux-ci se réduisent en effet à un stéréotype qui est contenu dans leur surnom "Aldo l'apache", "L'ours juif" etc. ce qui en fait des pantins interchangeables sans intérêt. Le personnage de Mélanie LAURENT au moins bénéficie d'un réel charisme (il est sans doute construit sur le modèle d'Harmonica de "Il était une fois dans l'Ouest") (1968). Ce n'est pas le cas des Basterds et cela affaiblit beaucoup le film.

* Titre qui fait allusion au titre anglais ("The Inglorious Bastards") d'un western italien de série B "Une poignée de salopards" (1978) inspiré des "Les 12 salopards" (1967). Les fautes d'orthographe du titre du film de Tarantino illustre la question de la maîtrise du langage et des accents qui joue un rôle clé dans le film.

Voir les commentaires

Les Duellistes (The Duellists)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (1977)

Les Duellistes (The Duellists)

Ridley SCOTT aime bien au soir de sa vie et de sa carrière revenir sur les traces de ses premiers films (à l'exception de "Gladiator" (1999), les plus marquants). Après "Alien Covenant" (2017), le voici en train de réaliser "The Last Duel" (sortie prévue en janvier 2021 en France) dont le trait d'union avec son premier film "Les Duellistes" ne se réduit pas au titre mais également dans le choix de tourner dans les mêmes paysages du sud-ouest de la France (plus précisément en Dordogne, près de Sarlat, j'ai d'ailleurs une amie qui a eu la chance d'y faire de la figuration lorsque l'équipe s'est posée le mois dernier à Monpazier classé parmi les plus beaux villages de France ^^). Un retour aux sources qui rappelle combien Ridley SCOTT est non seulement un grand directeur d'acteurs, mais également un grand metteur en scène qui accorde beaucoup d'importance au décor et à l'atmosphère qu'il dégage (j'ai eu moi-même la chance de me promener dans l'un de ceux qu'il a choisi pour "Blade Runner" (1982) lorsque je suis allée à Osaka).

Le scénario des "Duellistes", tiré d'une nouvelle de Joseph Conrad est volontairement énigmatique ce qui permet de multiples interprétations. On y voit sur une quinzaine d'années deux officiers napoléoniens prisonniers d'un étrange code d'honneur se confronter l'un à l'autre en marge de leur activité principale qui est de servir l'Empereur jusqu'au bout de sa folie guerrière. Néanmoins les deux hommes ne peuvent être confondus et ont même des caractères diamétralement opposés au point de finir pour l'un tout en blanc et pour l'autre tout en noir. Armand d'Hubert (Keith CARRADINE) est un homme placide, réfléchi, amoureux de la vie qui considère son métier comme un service. Cependant il se laisse entraîner dans une spirale mortifère dont il ne sort pas indemne comme le montre l'extraordinaire séquence des soldats gelés durant la campagne de Russie où il semble laisser une part de lui-même. Son antagoniste, Gabriel Féraud (Harvey KEITEL) est en revanche une tête brûlée belliqueuse et fanatiquement dévouée à Napoléon au point de se confondre avec lui. Animé par des pulsions de mort, il ne semble vivre que pour la guerre et la vengeance. C'est lui qui enclenche l'engrenage fatal du duel avec Armand d'Hubert pour un motif futile et ne cesse de le poursuivre par la suite avec acharnement. C'est pourquoi la fin est aussi magistrale. Tuer Féraud aurait été trop facile et au final, cela lui aurait rendu service. Le laisser vivre en le privant de son obsession existentielle est autrement plus cruel pour lui. Le voilà obligé (horreur!) de méditer du haut d'un panorama à couper le souffle sur une boucle de la Dordogne comme son idole, Napoléon exilé à Sainte-Hélène pendant que son rival enfin libéré retrouve sa femme enceinte.

Le film se singularise également par sa splendeur visuelle. Ridley SCOTT est de ce point de vue aussi formaliste que Stanley KUBRICK et "Les Duellistes" ressemble beaucoup plastiquement à "Barry Lyndon" (1975) avec de multiples références picturales: natures mortes qui évoquent l'usure progressive des protagonistes ainsi que les tableaux romantiques de ruines noyées dans la nature, utilisation éblouissante de la lumière et des paysages du sud-ouest. Bref c'est un régal pour les yeux et comme son illustre modèle, "Les Duellistes" est un film historique extrêmement vivant et vibrant sur lequel le temps n'a pas de prise.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 > >>