"Rex, le roi de la fête" est le troisième court-métrage de la série "Toy Story Toons" après "Vacances à Hawaï" et "Mini Buzz". Il apporte un éclairage original et sympathique sur un sujet jusqu'ici non traité par la série: les jouets de bain qui n'existent qu'un quart d'heure par jour, lorsque leur propriétaire les utilise pour égayer le moment qu'elle passe dans la baignoire. Mais sans eau, ils ne peuvent plus se mouvoir et rongent leur frein. Du moins jusqu'à ce que Bonnie ait l'idée d'emmener Rex dans le bain avec eux. Celui-ci est esseulé car les autres jouets l'accusent de se comporter en rabat-joie. Il a donc l'idée de mettre ses nouveaux copains dans sa poche en leur faisant plaisir, quitte à se montrer trop complaisant avec eux et à ne plus contrôler la situation. L'idée très drôle du court-métrage est de transformer le bain en rave-party (inspirée des fêtes d'Ibiza) avec musique techno (composée par Brian Transeau) et lumière noire. On y croit grâce à la maîtrise technique du studio et les moyens employés pour y parvenir sont très astucieux (bain moussant, jouets lumineux, passoire, robot musical etc.) Rex joue les DJ et est rapidement dépassé par le processus qu'il a enclenché, la baignoire se déréglant au fur et à mesure que le niveau d'eau et de mousse monte en puissance à l'image de l'intensité de la fête.
"Lava" relève davantage dans son style de Disney que de Pixar. D'abord parce qu'il s'agit d'un court-métrage musical (alors que la plupart des Pixar sont dépourvus de paroles et donc a fortiori de chansons), ensuite parce que l'histoire, très convenue tourne autour de cette brûlante question: un jour ma princesse viendra-t-elle? En attendant ce jour radieux, le volcan s'érode jusqu'à disparaître au fond de l'océan juste au moment où sa dulcinée jaillit hors des flots. La même chanson (bien niaise et martelée pendant 7 minutes non stop) suffit à réunir "Uku" et "Lele", le jeu de mots pas très fin est à l'image du court-métrage lui-même. Heureusement l'aspect visuel du film assez paradisiaque rattrape un peu son intrigue convenue et sa chanson répétitive qui casse des oreilles. Mais ce n'était pas vraiment le court-métrage qui convenait le mieux pour introduire 'Vice-Versa" qui lui était profondément novateur tant dans son intrigue que sur le plan formel.
Ce court-métrage hilarant et parfaitement rythmé qui se situe un an après le génial "Vice-Versa" (2015) donne un avant-goût de ce que pourrait donner une suite centrée sur la puberté de Riley. Pour mémoire le concept de "Vice-Versa" est de nous faire visualiser les émotions primaires des protagonistes sous la forme de cinq petits personnages qui se logent dans leur cerveau: joie, tristesse, colère, peur et dégoût.
Le court-métrage n'est cependant pas tant centré sur les émotions de Riley que sur celles de ses parents ce qui est encore beaucoup plus drôle, les adultes ayant tendance à se composer une façade de maîtrise qui ne résiste pas à l'examen de ce qui se passe dans leur tête. De fait, ils ont bien du mal à gérer ce qu'ils prennent pour le premier rendez-vous amoureux de leur fille. Entre le père jaloux dominé par les émotions de colère et de peur (mais qui cache quelques souvenirs de jeunesse très amusants), la mère qui veut parler djeun's et Jordan, le potentiel petit copain assez peu loquace mais très barré dans sa tête (vue comme un skatepark) on ne s'ennuie pas un instant. D'autant que si la musique adoucit les mœurs, il est amusant que ce soit celle de AC/DC qui retentisse à nos oreilles ^^. Le film est réalisé par Josh Cooley scénariste sur "Vice-Versa" et qui vient de s'illustrer pour la première fois dans la réalisation d'un long-métrage avec "Toy Story 4" après la défection de John Lasseter.
Présenté en première partie du "Voyage d'Arlo" en 2015, "Sanjay et sa super équipe" est un court-métrage qui dégage une aura unique au sein des studios Pixar. Parfaitement représentatif de la world culture US liée au melting pot et au brain drain, il s'inspire de l'enfance du réalisateur d'origine indienne Sanjay Patel et manifeste son goût pour la BD tendance comic/manga. On y voit un choc des cultures entre le père très attaché aux rites hindous et le fils, beaucoup plus acculturé qui ne jure que par les super-héros déclinés à toutes les sauces (cartoons, comics, jouets). La manière dont ce dernier intègre en imagination les divinités de son père à un récit de combat façon Avengers ou Sentai est très réussie d'autant que pour le spectateur, ce n'est pas totalement inédit (la série d'animation japonaise "Shurato" s'inspirait également du folklore hindou ^^). Les effets lumineux fluorescents en particulier sont de toute beauté ainsi que les mouvements chorégraphiques des divinités, plastiquement superbes. Très symboliquement, le conflit culturel entre le père et son fils retranchés chacun dans un coin de la pièce avec pour l'un son autel et pour l'autre sa TV prend fin lorsque Sanjay lui montre la synthèse des deux cultures qu'il a réalisé en dessin, ils se retrouvent alors au milieu du gué.
"Sanjay et sa super équipe" est ainsi à la fois une touchante et féérique ode au dialogue des cultures tout en permettant aux studios Pixar de rendre hommage aux informaticiens indiens qui ont joué un rôle essentiel dans la construction de la Silicon Valley.
Bao est le premier court-métrage des studios Pixar à avoir été réalisé par une femme, une canadienne d'origine chinoise qui plus est! Cette ouverture très récente à la diversité (le film date de 2018 et a été présenté en première partie des "Indestructibles 2") fait beaucoup de bien à un studio dont l'ADN est fondé sur une créativité constante. Il s'inscrit aussi dans un mouvement plus large d'ouverture du cinéma d'animation aux femmes que l'on retrouve également depuis deux ans au Japon et en France (qui je le rappelle sont respectivement les numéros 2 et 3 mondiaux de l'animation).
Bao réussit l'exploit d'être à la fois un film 100% Pixar tout en étant un métissage d'influences occidentales et asiatiques. 100% Pixar car il est fondé sur l'animisme et sur le thème de la famille avec au centre la thématique des parents confrontés au départ de leurs enfants devenus grands. Métissé car la réalisatrice explique s'être inspirée de son enfance dans sa famille chinoise et du cinéma et de l'animation japonaise pour réaliser le film (principalement Yasujiro Ozu, le cinéaste de la séparation parents-enfants et "Mes voisins les Yamada" de Isao Takahata). La mère de Bao qui est du genre surprotectrice et qui n'a pas fait le deuil du départ de son fils de la maison (le fameux "syndrome du nid vide") transfère son amour maternel sur une brioche vapeur qu'elle élève comme son propre enfant et qu'elle appelle Bao (qui signifie à la fois bouchée vapeur et trésor). Sauf que celui-ci grandit à son tour et fatalement, s'éloigne d'elle. La fusion entre l'amour "dévorant" et la cuisine produit des métaphores étonnantes et troublantes, la plus forte étant celle où la mère de Bao qui ne supporte pas de le voir partir le remet dans son ventre. On ne peut pas mieux exprimer l'aspect contre-nature de la possession.
Premier film de Alan Barillaro pour les studios Pixar, "Piper" est un court-métrage au réalisme visuel ébouriffant doublé d'une touchante et pertinente réflexion sur le fait de laisser son enfant devenir autonome en toute sérénité. Un thème qui fait penser au "Monde de Nemo" où un poisson stressé et surprotecteur rencontrait une tortue zen laissant du champ à son gamin pour expérimenter par lui-même le monde environnant. Un parallèle logique puisque "Piper" a été proposé en première partie de sa suite "Le Monde de Dory" sorti en 2016.
L'originalité de "Piper" est de se placer du point de vue du petit oiseau pour lequel la plage est immense et les vagues, terrifiantes. Une vision subjective à hauteur d'un petit être dont Pixar s'est fait la spécialité depuis "Toy Story" en 1995. La mère de Piper refusant désormais de laisser tomber sa nourriture toute cuite dans la bouche, ce dernier doit s'aventurer hors de sa zone de confort et tenter de se débrouiller par lui-même. Le court-métrage étant dénué de paroles, c'est le guitariste Adrian Belew qui assure l'accompagnement musical et je conseille à ceux qui souhaitent le visionner à partir du DVD "La collection des courts-métrages Pixar 3" de regarder l'introduction où les deux hommes improvisent un petit clip s'inspirant de celui de "Subterranean Homesick Blues" de Bob Dylan.
La trilogie Toy Story, c'est l'ADN du studio Pixar, le cœur de son identité. Telle qu'elle était, elle me paraissait parfaite. Je ne voyais pas ce qu'un quatrième volet pouvait apporter de plus. Et pourtant, cette suite en forme d'épilogue conclut intelligemment la saga. Techniquement c'est superbe, l'introduction et le magasin d'antiquités sont de véritables bijoux. Il y a beaucoup de références comme toujours et de nouveaux personnages hilarants ou un peu inquiétants qui cherchent toujours à être adoptés par un enfant, quitte pour cela à élargir un peu plus leur horizon. La plupart des jouets historiques qui ont fait les beaux jours de la saga se sont effacés et sont devenus des jouets "sans histoire". Tous en fait sauf Woody dont la quête d'un nouveau sens à donner à son existence est au cœur de ce dernier volet. Il était le jouet star de Andy et il ne parvient pas à trouver sa place dans la chambre et dans le cœur de sa nouvelle propriétaire, Bonnie. Sans doute parce qu'il incarne un archétype trop masculin. Lorsque Bonnie veut jouer au western, elle épingle l'étoile de shérif sur la poitrine de Jessie. Autre trait de caractère de la petite fille, si on la prive de ses jouets, elle s'en fabrique un avec des matériaux de récupération qui ont bien du mal à accepter leur nouvelle affectation. Les problèmes d'identité de Fourchette sont le reflet de ceux de Woody. Celui-ci n'imagine pas un autre destin possible pour lui que d'appartenir à un enfant. Cette crise existentielle lui permet de retrouver un personnage en apparence très secondaire mais qui est en fait à la source de toute la saga: Bo Peep, la bergère. Dans les deux premiers Toy Story, Bo jouait un rôle décoratif mais également symbolique. Sa présence était un hommage au conte de Christian Andersen "La bergère et le ramoneur" qui est le premier auteur à avoir eu l'idée de donner une anima aux objets. C'est ce qui explique la relation privilégiée qu'ont toujours entretenu Bo l'inspiratrice et Woody, la créature qui en est directement issue. Logique qu'auprès d'elle, Woody trouve un modèle pour se réinventer. Car entretemps Bo a fait sa révolution copernicienne. Ne supportant plus le magasin d'antiquités, elle s'est détachée de son support, a pris son destin en main et est devenue autonome: une vraie camionneuse à la Charlize Théron (qui l'aurait cru!) Les jouets Pixar luttent contre la muséification (comme le montrait l'intrigue du deuxième volet). Et on n'oublie jamais que le fait de grandir s'accompagne de la perte car le bonheur pur n'existe pas.
L'un, JJ, ne sait que prendre. L'autre, Lou, à l'inverse ne sait que donner. L'un a besoin de remplir, l'autre se laisse vider. Diffusé en 2017 en première partie de "Cars 3", Lou (Lost and fOUnd) se situe dans une cour de récréation en Caroline du nord dans laquelle interagissent deux personnages en marge de l'école (comme l'a été souvent le réalisateur Dave Mullins à cause des nombreux déménagements de ses parents). Un personnage composé d'objets trouvés qui récupère tout ce qui a été oublié par les enfants pendant qu'ils sont en classe et les dispose dans une boîte pour qu'ils puissent facilement les retrouver. Et un petit garçon qui harcèle ses camarades pour leur prendre leurs affaires et les mettre dans son sac.
L'histoire (sans paroles comme souvent dans les courts-métrages Pixar) suit un schéma très classique mais efficace. L'enfant harceleur se mue en bon samaritain après avoir été corrigé par Lou et son comportement est expliqué par le fait qu'il a été lui-même harcelé, l'objet qu'on lui a pris ayant été lui aussi récupéré par Lou. Le personnage de Lou est original puisque polymorphe (il change selon la disposition et la nature des objets qui le composent) et très poétique aussi puisqu'il illustre ce qu'implique le don de soi. Lorsque tous les objets ont été récupérés, Lou a tout simplement disparu.
C’est un film d’animation magnifique, tout en délicatesse et subtilité. Déjà dans son précédent film "Silent Voice" (2016) Naoko YAMADA faisait preuve d’une grande finesse dans l’évocation des difficultés de communication entre adolescents. Dans « Liz et l’Oiseau bleu », elle s’attache dans le huis-clos d’un lycée à étudier la relation entre deux adolescentes très différentes dont l’amitié fusionnelle -admirablement disséquée dans toute la complexité de ses composantes- est à la croisée des chemins. En effet avec la fin du lycée arrive l’heure des choix de vie et avec eux, la douloureuse mais inévitable séparation. Tous les enjeux du film se cristallisent autour d’un morceau de musique tiré d’une adaptation de « L’Oiseau bleu » de Maurice Maeterlinck que les deux amies -l’une flûtiste et l’autre joueuse de hautbois- doivent interpréter ensemble pour le concours de fin d’année de leur orchestre scolaire. Mais elles ne parviennent pas à le jouer harmonieusement parce que Mizore bride son talent pour ne pas surpasser Nozomi. Mizore est en effet terrifiée à l’idée d’être abandonnée par Nozomi, vivant dans son ombre, n’existant qu’à travers elle et s’attachant à suivre le moindre de ses pas, sans un bruit ou presque car l’asynchronie entre elles est tangible dès la première séquence du film. Mizore est en effet solitaire, extrêmement timide et renfermée alors que Nozomi est extravertie, sociable et volubile. Néanmoins les apparences sont trompeuses et la plus faible des deux n’est pas celle que l’on croit. Seulement, l’affirmation de soi passe par une remise en question du mode relationnel déséquilibré que les deux jeunes filles ont tissé entre elles depuis des années. Les mots étant impuissants à traduire la complexité des êtres, Naoko YAMADA saisit les plus ténus mouvements de l’âme par une attention extrême vis-à-vis du langage du corps, celui des regards, des gestes, des postures, des tics, des sons et des silences au travers de plans souvent décentrés et parcellaires sur des mouvements de pieds, des mains qui touchent nerveusement une mèche de cheveux ou des nuances de lumière dans les yeux. Elle la métaphorise également au travers de la musique mais aussi du conte de « Liz et l’oiseau bleu », un livre illustré à l’aquarelle dont nous voyons des extraits tout au long du film. Celui-ci raconte l’histoire de Liz, une jeune fille solitaire proche de la nature qui s’éprend d’un oiseau bleu métamorphosé en jeune fille (un leitmotiv de l’animation japonaise que l’on retrouve aussi bien dans "Ponyo sur la falaise" (2008) que dans "La Tortue rouge") (2016) dont pourtant elle pressent l’inéluctable envol.
Voilà un film qui m'a fait l'effet d'un véritable pétard mouillé. Tout d'abord parce que son scénario est non seulement hyper convenu mais en plus traité au premier degré. Ensuite parce que le rôle de sidekick de Pikachu est tout aussi bâclé. Il ne suffit pas de lui mettre une casquette de Sherlock Holmes et la voix de Deadpool (Ryan REYNOLDS) pour que par miracle, celui-ci adopte leur personnalité. De même une image subliminale de film noir à la TV ne suffit pas pour recréer "Qui veut la peau de Roger Rabbit" ? (1988) qui lui bénéficiait d'une véritable vision de réalisateur en plus d'être une prouesse technique ce que "Pokémon détective Pikachu" n'est pas. Les interactions entre le monde virtuel et le monde réel n'ont pas en effet été plus travaillées que le reste du film. "Pokémon detective Pikachu" est donc au final juste un pur produit commercial formaté pour caresser dans le sens du poil les fans de l'univers Pokémon et plus généralement les adeptes de la pop culture.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.