Interstella 5555:The Story of the Secret Star System (Intāsutera fō faibu)
Les parents et les critiques des années 70-80 étaient totalement à côté de la plaque lorsqu'ils descendaient en flamme les dessins animés japonais. Outre d'incontestables réflexes protectionnistes ("face aux japonais, il fallait rusé. La production française redémarre. Enfin!" titrait Télérama, soulagé d'avoir trouvé une parade.) voire racistes ("nippon ni mauvais" dans un abominable article du journal de Spirou intitulé "Japoniaiseries"), il y avait une incompréhension foncière vis à vis de ces oeuvres. Heureusement, un partenariat créatif allait à l'encontre de ces préjugés et jugements à l'emporte-pièce exactement à la même époque. Il s'agissait de Ulysse 31, fruit de la rencontre entre Jean Chalopin et la société japonaise TMS. Le résultat: une expérience hybride, celle de l'Odyssée d'Homère dans l'espace et des personnages aux traits occidentaux mêlés à des extras-terrestres à la peau bleue, Thémis et Noumaïos tous deux créés par Shingo Araki, le character design star de la TMS. Et un dessin animé devenu une référence dans l'univers des séries animées.
C'est exactement dans cette démarche de partenariat créatif transnational que s'inscrit Interstella 5555. Un rêve d'enfant devenu réalité selon les propres mots des Daft Punk qui ont découvert Albator à l'âge de 5 ans. Leur musique électro (l'album Discovery) alliée aux images du mangaka Leiji Matsumoto connu pour ses space-opera poétiques et énigmatiques (Outre Albator, on peut citer Galaxy Express 999, deux oeuvres qui allient futur hypothétique et passé fantasmé) débouche sur un dessin animé musical assez fascinant. Un bijou d'un peu plus d'une heure où se mêlent galaxies, vaisseaux spatiaux, limousines et show-business décadent. Les thèmes abordés sont ultra-contemporains: double identité, choc des cultures, ravages du star-system et du culte de la réussite, mondialisation, exploitation des peuples dominés par des capitalistes sans scrupules, dégâts de la surconsommation... Les Crescendolls portent bien leurs noms. Ce sont des poupées désincarnées, manipulées par un magnat de l'industrie du disque qui leur a fait subir un lavage de cerveau et s'apprête à les jeter dans la fosse aux lions après les avoir sucés jusqu'à la moëlle. Mais c'est sans compter sur un desperados solitaire, héros au vaisseau en forme de guitare prêt à sacrifier sa vie pour sauver celle de la bassiste du groupe dont il est amoureux. Le design des personnages est reconnaissable au premier coup d'oeil (la fille longiligne type sylvidre, le nabot, le beau gosse romantique...) tout comme les touches d'humour et la profonde mélancolie qui se dégage de l'ensemble. Bref c'est magique et percutant.