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Interstella 5555:The Story of the Secret Star System (Intāsutera fō faibu)

Publié le par Rosalie210

Interstella 5555:The Story of the Secret Star System (Intāsutera fō faibu)

Les parents et les critiques des années 70-80 étaient totalement à côté de la plaque lorsqu'ils descendaient en flamme les dessins animés japonais. Outre d'incontestables réflexes protectionnistes ("face aux japonais, il fallait rusé. La production française redémarre. Enfin!" titrait Télérama, soulagé d'avoir trouvé une parade.) voire racistes ("nippon ni mauvais" dans un abominable article du journal de Spirou intitulé "Japoniaiseries"), il y avait une incompréhension foncière vis à vis de ces oeuvres. Heureusement, un partenariat créatif allait à l'encontre de ces préjugés et jugements à l'emporte-pièce exactement à la même époque. Il s'agissait de Ulysse 31, fruit de la rencontre entre Jean Chalopin et la société japonaise TMS. Le résultat: une expérience hybride, celle de l'Odyssée d'Homère dans l'espace et des personnages aux traits occidentaux mêlés à des extras-terrestres à la peau bleue, Thémis et Noumaïos tous deux créés par Shingo Araki, le character design star de la TMS. Et un dessin animé devenu une référence dans l'univers des séries animées.

C'est exactement dans cette démarche de partenariat créatif transnational que s'inscrit Interstella 5555. Un rêve d'enfant devenu réalité selon les propres mots des Daft Punk qui ont découvert Albator à l'âge de 5 ans. Leur musique électro (l'album Discovery) alliée aux images du mangaka Leiji Matsumoto connu pour ses space-opera poétiques et énigmatiques (Outre Albator, on peut citer Galaxy Express 999, deux oeuvres qui allient futur hypothétique et passé fantasmé) débouche sur un dessin animé musical assez fascinant. Un bijou d'un peu plus d'une heure où se mêlent galaxies, vaisseaux spatiaux, limousines et show-business décadent. Les thèmes abordés sont ultra-contemporains: double identité, choc des cultures, ravages du star-system et du culte de la réussite, mondialisation, exploitation des peuples dominés par des capitalistes sans scrupules, dégâts de la surconsommation... Les Crescendolls portent bien leurs noms. Ce sont des poupées désincarnées, manipulées par un magnat de l'industrie du disque qui leur a fait subir un lavage de cerveau et s'apprête à les jeter dans la fosse aux lions après les avoir sucés jusqu'à la moëlle. Mais c'est sans compter sur un desperados solitaire, héros au vaisseau en forme de guitare prêt à sacrifier sa vie pour sauver celle de la bassiste du groupe dont il est amoureux. Le design des personnages est reconnaissable au premier coup d'oeil (la fille longiligne type sylvidre, le nabot, le beau gosse romantique...) tout comme les touches d'humour et la profonde mélancolie qui se dégage de l'ensemble. Bref c'est magique et percutant.

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Tous en scène (Sing)

Publié le par Rosalie210

Garth Jennings (2016)

Tous en scène (Sing)

Un film d'animation du studio Illumination (Moi Moche et Méchant 1 et 2, Les Minions, Comme des bêtes) divertissant qui fait penser irrésistiblement au télé-crochet de la nouvelle star en version animale, plus précisément à l'étape du théâtre. Si Buster Moon le directeur du théâtre aux abois est un personnage assez stéréotypé et la fin du film, convenue et par moments tire-larmes (on aurait pu largement se passer de la réconciliation père-fils), la galerie des personnages sélectionnés tient la route. Ils ne sont que 5 ce qui permet de dresser un portrait efficace de chacun d'eux et de leur associer un style différent de musique (rock, pop, variété, disco, jazz). Leur seul point commun est d'être empêtré dans une situation personnelle qui constitue un obstacle à la réalisation de leur rêve. L'inventivité qu'ils déploient pour contourner ces obstacles fait sourire plus d'une fois. D'ailleurs nombre de ces obstacles sont liés au patriarcat. On pense à la mère de famille qui croule sous ses marmots et ses tâches ménagères avec un mari qui se laisse porter, à l'ado punk qui ne peut pas s'exprimer sans déclencher la jalousie de son petit ami (qui finit par la plaquer et la remplacer par un clone plus obéissant), au fils de délinquant à la voix d'or qui cultive son jardin secret dans le dos de sa famille, à la souris crooneuse, machiste, imbue d'elle-même et bling-bling qui coupe l'herbe sous le pied de l'éléphante timide... Si on rajoute un large panel de chansons ultra-connues appartenant à plusieurs époques (de Sinatra et Billie Holliday à Elton John en passant par Wham, Queen, Lady Gaga, Katy Perry, Taylor Swift...) un graphisme agréable et un bon sens du rythme, on passe un bon moment.

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Souvenirs goutte à goutte (Omoide poro poro)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (1991)

Souvenirs goutte à goutte (Omoide poro poro)

En France, Omoide Poro Poro fait partie des oeuvres les moins connues du studio Ghibli. Le film est sorti en 1991 soit bien avant la reconnaissance internationale du studio alors qu'il a été un hit au Japon. En France, il n'a été montré que dans des festivals puis il a fini par sortir en DVD en 2007 et en blu-ray en 2013 uniquement en VO sous-titrée. Pourtant il s'agit d'une oeuvre très riche que tout amoureux du Japon et/ou des oeuvres du duo Miyazaki (ici producteur)/Takahata (ici réalisateur et scénariste) se doit de découvrir.

Omoide poro poro à l'image de son titre est une oeuvre nostalgique et introspective qui effectue un va-et-vient entre deux espaces et deux temporalités. En 1982, l'héroïne, Taeko est une jeune femme de 27 ans qui vit à Tokyo et travaille comme critique littéraire dans un journal. Elle prend quelques jours de congé car elle éprouve le besoin de faire le point. Elle a le sentiment d'avoir pris un faux départ dans la vie. Un faux départ qu'elle fait remonter à 1966 lorsqu'elle avait 10-11 ans, l'âge des premiers pas dans la vie communautaire et sociale, l'âge de l'entrée dans la puberté, l'âge du premier amour. Mais la chenille n'a pas réussi à devenir chrysalide et le papillon qui en est sorti s'est contenté de battre des ailes sans prendre son envol. Résultat, 16 ans plus tard, elle se retrouve dans une ville qu'elle déteste, un travail qui ne la passionne pas et sous le joug de pressions familiales qui cherchent à arranger son mariage. Pour échapper à tout cela, elle décide de passer ses vacances à la campagne dans la région de Yamagata où vit la famille de son beau-frère ce qui va constituer un nouveau départ.

Takahata s'inspire d'un manga au titre homonyme d'Hotaru Okamoto (scénario) et Yūko Tone (dessin), publié en 1988 chez Seirindou. Mais ce manga n'évoque que l'enfance des auteurs, retranscrite fidèlement dans le film sous forme de flashbacks. Les décors sont peints à l'aquarelle comme des vignettes oniriques et les traits des personnages comme ceux du manga sont doux et arrondis. En revanche les passages où Taeko est adulte sont une pure invention de Takahata. Le style se fait plus photo-réaliste, plus documentaire, les traits des visages sont plus marqués pour souligner la différence d'âge et de temporalité.

Le scénario est d'une grande subtilité. Ainsi, le réalisateur n'oppose pas caricaturalement la ville et les champs. Taeko idéalise certes la campagne en laquelle elle voit un retour au pays natal (alors qu'elle n'y est pas née!) mais le cousin de son beau-frère Toshio lui fait découvrir la réalité de ce milieu aussi transformé par l'homme que le milieu urbain: le tourisme de masse dans les stations de ski, l'exode rural et le déclin démographique, le regard rétrograde des citadins, l'âpreté du travail agricole. Toshio et Taeko se sont tous deux heurtés dans leur jeunesse à l'autoritarisme patriarcal mais devenus adultes, ils sont en mesure de faire leurs propres choix. Toshio est plus jeune que Taeko mais plus avancé dans sa quête de lui-même. Il a choisi de vivre et de travailler à la campagne dans l'agriculture biologique (Takahata a une sensibilité écologiste que l'on retrouve dans beaucoup de ses films). Taeko est confrontée à un choix de vie clair: retourner à la ville et continuer dans une voie qui ne lui plaît pas ou réellement s'engager dans une vie d'agricultrice (ou d'épouse d'agricultrice) avec toutes les difficultés que cela implique et en surmontant les préjugés attachés à cette condition. Mais elle découvre que faire la paix avec elle-même est à ce prix.

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Your name (Kimi no na wa)

Publié le par Rosalie210

Makoto Shinkai (2016)

Your name (Kimi no na wa)

Une jeune fille, Mitsuha. Elle s'ennuie dans ses montagnes, au coeur du Japon rural marqué par des traditions ancestrales. Elle rêve de vivre à Tokyo dans la peau d'un jeune garçon "branché".
Un jeune garçon, Taki. Il vit à Tokyo et se sent à l'étroit dans sa vie partagée entre le lycée et son petit boulot de serveur de restaurant. Il rêve de grands espaces.
Les rêves complémentaires de ces deux adolescents qui ne se connaissent pas vont entrer en résonance deux à trois fois par semaine, permettant à chacun d'investir temporairement la peau de l'autre de façon imprévisible. Mitsuha devient Taki et Taki devient Mitsuha ce qui donne lieu à toutes sortes de quiproquos amusants et à des interrogations sur l'identité de genre (ou quand la transmigrations des âmes permet d'aborder la thématique transgenre). Puis chacun retrouve son identité habituelle sans conserver la mémoire de ce qui lui est arrivé. Cependant les interrogations de l'entourage et les traces laissées par les épisodes de "possession" vont finir par mettre en contact les deux jeunes gens via leur portable. Ils commencent alors à correspondre pour ajuster au mieux leurs comportements dans les moments où ils échangent leurs identités.

Puis un jour, tout contact est rompu, la mémoire du portable est effacée et les échanges d'âme s'arrêtent brutalement. Taki qui se souvient du paysage où vit Mitsuha décide d'enquêter pour la retrouver ainsi que son village. C'est là que les choses se corsent: il découvre qu'elle ne vit pas dans la même temporalité que lui mais dans un passé récent. Le jour où le contact a été rompu, le fragment d'une comète s'est écrasé sur son village, anéantissant une grande partie de ses habitants (allusion à peine voilée à la catastrophe de Fukushima.) A la manière de Retour vers le futur, Taki décide alors de remonter le temps pour prévenir Mitsuha et la sauver à temps ainsi que les habitants du village. Cet élément n'est pas seulement fantastique, il relève des croyances shinto traditionnelles. Le "musubi" (noeud, lien) est la divinité protectrice de la région où vit Mitsuha. Mitsuha et Taki sont liés l'un à l'autre malgré l'espace et le temps qui les séparent comme les deux branches d'une comète qui ne cessent de fusionner et de se scinder, comme une tresse (l'art pratiqué par la grand-mère de Mitsuha) qui se fait et se défait. Un lien spiritualo-charnel qui se renforce encore quand Taki boit l'offrande que Mitsuha a faite au Musubi (du saké fabriqué à partir du riz mâché par sa salive) lui permettant de retourner dans le passé alors que Mitsuha est partie le chercher à Tokyo. La tâche est d'autant plus compliquée que ces moments de fusion/croisements restent intermittents (crépuscule, rames de métro qui se croisent...) Lorsque les deux branches se séparent, leur mémoire s'efface à nouveau au point qu'ils ne se souviennent plus du nom de l'autre (ils se souviennent juste qu'ils cherchent quelqu'un/quelque chose qui leur est cher). D'où le titre: Your Name.

Derrière la romance compliquée par les problématiques transgenre et les paradoxes spatio-temporels, on comprend ce qui a pu faire de ce film sur le temps et la mémoire un méga-hit au Japon au point de dépasser en nombre d'entrées de nombreux films Ghibli. Les dichotomies du film (masculin/féminin, passé/présent, urbain/rural, tradition/modernité, souvenir/amnésie etc.) dessinent l'image de deux facettes du Japon. D'un côté la nostalgie de la culture ancestrale immémoriale s'appuyant sur un rapport puissant à la nature et aux forces cosmiques. De l'autre, la civilisation urbaine high-tech contemporaine avec les menaces qu'elle fait courir sur "l'autre Japon." Seule la mémoire du lien entre ces deux Japon peut permettre au deuxième de sauver le premier au lieu d'être englouti avec lui.

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Qui veut la peau de Roger Rabbit? (Who Framed Roger Rabbit?)

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (1988)

Qui veut la peau de Roger Rabbit? (Who Framed Roger Rabbit?)


Contrairement à ce que l'on peut lire un peu partout (par exemple dans le Hors-Série de Télérama consacré au cinéma d'animation sorti récemment), la renaissance des studios Disney ne date pas de 1989 avec leur 36° long-métrage la Petite Sirène mais avec le 35° sorti en 1988, Qui veut la peau de Roger Rabbit? coproduit par Touchstone (filiale de Disney) mais aussi Amblin Entertainment (la société de Spielberg) et Silver Screen Partners. Il ne fallait pas moins de trois sociétés de production en effet pour supporter le coût pharaonique d'un film mêlant prises de vues réelles et animation comme dans Mary Poppins mais avec des techniques beaucoup plus sophistiquées. Grâce aux effets spéciaux sur l'ombre et la lumière les toons acquièrent un véritable relief et prennent vie. De réelles interactions sont possibles avec les humains car leur cohabitation avec eux dans les mêmes plans devient crédible, voire bluffante (Roger Rabbit dans l'imperméable de Valiant). Un pas de géant est fait dans la fusion entre animation et cinéma, entre la chair et le dessin. Et les acteurs eux-mêmes au jeu très cartoonesque (Bob Hoskins et Christopher Lloyd en tête) y vont à fond. Conséquence: le grand public a fait un triomphe au film et l'animation ainsi dépoussiérée a retrouvé une place de choix dans la production cinématographique.

Bien soutenu financièrement et techniquement par Disney et Spielberg, Zemeckis nous offre avec ce film un vrai bonheur de cinéphile. Comme dans Retour vers le futur, il mélange plusieurs genres. Qui veut la peau de Roger Rabbit? commence comme un bon vieux cartoon Looney Tunes de la Warner. Seuls les personnages (Baby Hermann et Roger Rabbit) sont inédits. Mais on retrouve bien l'esprit de ces courts-métrages complètement déjantés. Puis le film bascule dans la prise de vue réelle du tournage (film dans le film) tout en y laissant subsister ses héros de cartoon qui deviennent alors eux aussi des acteurs à part entière avec un décalage drôlatique entre leur apparence "innocente" et la réalité parsemée d'allusions sexuelles. Baby Hermann se définit d'ailleurs très bien lui-même "j'ai la libido d'un homme de cinquante ans et la quéquette d'un gamin de 3 ans." Rabbit, un "chaud lapin" est quant à lui marié à Jessica, un toon en forme de méga bombe sexuelle qui chante dans un club et qui est soupçonnée d'adultère. Mais elle non plus n'est pas ce qu'elle paraît. Un détective, Eddie Valiant est mis sur le coup: on nage alors en plein film noir des années 40-50 (le film est censé se passer en 1947) avec son privé alcoolique, sa femme fatale, son héros accusé à tort, sa mystérieuse corporation, ses allusions au temps de la Prohibition... avant de retourner régulièrement dans la comédie déjantée (la fin a un petit côté Rabbi Jacob dans l'usine de chewing-gum) avec l'apparition en guest-star de très nombreux personnages Disney et Warner qui pour figurer dans le film devaient avoir autant de présence à l'écran les uns que les autres (d'où le fait que Mickey et Bugs Bunny ou Donald et Daffy apparaissent et disparaissent ensemble). Mais aussi de la Paramount (Betty Boop, Woody Woodpecker etc.) Enfin le message antiraciste, antiségrégationniste, antifasciste et anticapitaliste libéral du film (les toons remplaçant les noirs et les ouvriers) n'est pas une surprise pour qui connaît Zemeckis.

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Porco Rosso (Kurenai no buta)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1992)

Porco Rosso (Kurenai no buta)

Porco Rosso est le premier film de Miyazaki à avoir bénéficié d'une sortie en salle en France en 1995. Mais il ne rencontra pas le succès escompté car le public n'était pas prêt pour des œuvres d'animation de cette trempe. De ce fait il reste injustement moins connu que Mononoké et Chihiro alors qu'il s'agit d'un joyau de sa filmographie (qui ne compte à l'égal d'un Kubrick quasiment que des chefs-d'œuvre.)

Porco Rosso est à l'origine un manga de Miyazaki court et plutôt léger mais le contexte de la réalisation du film -l'éclatement de la guerre en ex-Yougoslavie en 1992- va fortement influer sur sa tonalité. Tous les films de Miyazaki ont un caractère politique mais dans Porco Rosso, celui-ci est explicite car situé dans un contexte historique réel et précis. L'intrigue se déroule dans l'Adriatique, pendant l'entre-deux-guerres, en 1929 plus précisément et fait référence à des personnages ayant réellement existé. Marco Pagot est un aviateur italien qui a vu ses camarades pilotes mourir pendant la grande guerre et a échappé lui-même de justesse à la mort (la scène de réminiscence de ces événements donne lieu à une scène d'au-delà cosmique d'une grande beauté.) Profondément traumatisé, il a perdu la foi en l'humain au point que son visage est devenu une tête de cochon. Cette métamorphose animalière se retrouve également dans le voyage de Chihiro. Dans Chihiro il s'agit d'une punition divine mais dans Porco Rosso, on comprend que Marco se l'est infligée à lui-même: "je préfère être un cochon volant qu'un cochon de fasciste." Comme beaucoup de héros miyazakiens, il a trouvé refuge dans un lieu secret, un havre de paix protégé des turbulences du monde. Mais il reste relié à lui par quelques fils de téléphone et de radio. Par son amour inavoué pour son amie d'enfance, la belle Gina, veuve de trois de ses amis pilotes qui passe son temps à l'attendre, réfugiée elle aussi dans son jardin secret. Et par sa soif de rédemption "christique" qui le fait voler au secours des opprimés. En dépit de son visage défiguré et de sa misanthropie, Marco Pagot est un héros porteur de valeurs humanistes. Il refuse les compromissions, la soumission aux autorités, il refuse également de tuer. Son pacifisme, son antimilitarisme et son anarchisme s'opposent au fascisme alors au pouvoir en Italie qui le surnomme "Porco Rosso" le porc rouge c'est à dire le communiste. Les idéaux socialistes ne sont pas seulement symbolisés par la couleur de l'hydravion de Marco mais aussi par la chanson "Le Temps des cerises" qui fait allusion à la commune de Paris de 1870. Pour échapper aux fascistes Marco ne peut poser le pied sur la terre ferme, il doit rester dans les airs ou sur son île en équilibre instable, à la merci de la moindre attaque. Heureusement, les femmes de la famille Piccolo se liguent pour le protéger et reconstruire son hydravion. Avec à leur tête la courageuse ingénieure Fio, femme de tête et de coeur d'une exceptionnelle pugnacité. L'occasion pour Miyazaki après Nausicaa de dresser une fois de plus le portrait d'une héroïne capable d'en remontrer à la terre entière.

Mélange de romantisme, de mélancolie, de comédie et d'aventures sur fond politique de montée des périls, Porco Rosso permet à Miyazaki d'exprimer son amour des machines volantes tout en créant une atmosphère qui rappelle tantôt l'univers de Saint-Exupéry (son auteur préféré avec Jules Verne) et tantôt celui du film Casablanca de Curtiz (l'américain rival de Pagot s'appelle Curtis et ce n'est pas un hasard!)

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Le Tombeau des lucioles (Hotaru no haka)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (1988)

Le Tombeau des lucioles (Hotaru no haka)

Le Tombeau des lucioles n'est pas un manga mais un anime. Les mangas désignent exclusivement les bandes dessinées japonaises. Les anime désignent les films d'animation japonais qu'ils soient adaptés de mangas ou de romans. Le Tombeau des lucioles est l'adaptation d'une nouvelle quasiment autobiographique d'Akiyuki Nosaka, La Tombe des lucioles, parue en 1967. Quasiment autobiographique car c'est pour exorciser la culpabilité d'avoir survécu à la mort de sa soeur que Nosaka s'est dépeint dans la peau de Seita qui meurt à la fin de la guerre un mois après sa petite soeur Setsuko. Mais le destin de l'auteur et du personnage se rejoignent car en un sens Nosaka est lui aussi mort le 21 septembre 1945.

De cette oeuvre poignante, Isao Takahata, cofondateur avec Miyazaki des studios Ghibli, fait un film tragique et bouleversant, à la fois réaliste et poétique. Réalisme documentaire dans la description de l'horreur des derniers mois de la guerre quand les grandes villes japonaises, livrées aux bombes incendiaires des B-29 étaient à feu et à sang. Réalisme dans la description du délitement des liens sociaux et familiaux à cause des nombreux morts, des privations mais aussi de la fanatisation des esprits. Ainsi la tante des deux enfants préfère réserver son riz à ceux qui "travaillent pour la nation" et reproche à la petite Setsuko de pleurer la nuit et de réveiller ceux qui supportent l'effort de guerre. Réalisme enfin dans le portrait des deux petits orphelins, particulièrement dans celui de la petite Setsuko. Tout l'art du réalisateur se concentre sur l'animation minutieuse de cette petite fille, criante de vérité dans ses petites joies comme dans ses bouderies et ses chagrins. Il nous fait ainsi ressentir l'injustice, l'inhumanité de la guerre au plus haut point. Il renvoie dos à dos américains et japonais, dénonce le militarisme et le nationalisme. Néanmoins parce que la guerre est vue à hauteur d'enfant, Takahata ménage des pauses empreintes de poésie dans cette longue descente aux enfers, en particulier autour des lucioles dont la portée symbolique apparaît évidente.

Sorti en France 8 ans après le Japon, Le Tombeau des lucioles a contribué à changer le regard des occidentaux sur l'animation japonaise et l'animation en général.

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Fantastic Mr. Fox

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (2010)

Fantastic Mr. Fox

Dans le folklore occidental, le renard personnifie la ruse et la malice ce qui en fait un personnage ambivalent à la fois héroïque et fourbe. Il s'inscrit dans longue tradition littéraire du Roman de Renart qui lui donne son nom (exit le goupil) et ses caractéristiques aux fables de La Fontaine et à Machiavel (le prince doit se faire à la fois renard et lion c'est à dire combiner la force et la ruse). Le film de Wes Anderson, cinéaste de la transmission s'inscrit parfaitement dans cette filiation. Adapté du livre de Roald Dahl, Fantastique maître Renard, il rend également hommage au pionnier de l'animation en volume, le cinéaste Ladislas Starewitch qui réalisa une adaptation du Roman de Renart avec cette technique en 1937. Comme tous les films d'Anderson, Fantastic Mr. Fox puise ses sources dans le pouvoir d'émerveillement du monde de l'enfance, la ligne claire des vignettes de BD ou des livre d'images mais les thèmes abordés sont plutôt adultes et mélancoliques et le style, empreint d'ironie et de second degré. Anderson complexifie le personnage de Mr. Fox par rapport à l'oeuvre de Dahl pour en faire un de ces pères fantasques et irresponsables dont il a le secret dans la lignée des Royal Tanenbaum et autres Steve Zissou. Trahissant la promesse faite à sa femme, Fox qui est mal à l'aise dans sa peau d'adulte trop grande pour lui reprend sa vie ado de rapines et met en danger sa famille et sa communauté. D'autre part il n'hésite pas à marginaliser son fils, lui préférant le neveu de sa femme plus charismatique et plus doué. Fox est courageux mais il est aussi vaniteux, prenant la pose en sifflant et claquant sa langue de façon ridicule. Anderson s'offre au passage une belle satire du monde contemporain en multipliant les allusions ironiques (achat d'un logement, méditation transcendantale, comparaison du prestige des cartes de crédit, aliments de grande distribution transformés ou reconstitués par l'industrie agro-alimentaire, publicités, jeux vidéos, TV etc.) Il multiplie également les passages parodiant d'autres genres de cinéma: cinéma d'animation en volume de Nick Park (Chicken Run surtout mais aussi une touche de Wallace et Gromit), films de casse type Ocean's 11,12,13... (avec la voix de Clooney en prime qui double Mr. Fox en VO), films d'art martiaux avec le rat, western dans la scène de l'embuscade, film de guerre (la salle d'opérations des animaux) etc.

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L'image manquante

Publié le par Rosalie210

Rithy Panh (2013)

L'image manquante

« Tous les cinéastes font des films pour combler une ou des images manquantes. » Mais pour Rithy Panh, la nécessité de se remémorer le passé se heurte à l'absence d'images, détruites par le régime Khmer rouge qui les a remplacées par des films de propagande. Aussi le film se divise en deux lignes de récit distincts et antinomiques. D’un côté le récit d’une histoire collective, celle du Cambodge dirigé par les Khmers rouges de 1975 à 1979 et des 1 million 800 cambodgiens tués par le régime. De l’autre l’histoire d’une des victimes de ce régime, celle du réalisateur lui-même. Pour la première fois dans sa filmographie, Rithy Panh livre son expérience personnelle. Mais dans chacun de ses films, il a cherché à raconter des histoires singulières pour lutter contre l’abstraction des statistiques. Seule l’émotion intime peut efficacement s’opposer à une barbarie totalitaire qui nie l’individu. La langue du « je » face à la langue révolutionnaire du « nous ».

Le titre du film fonctionne comme un leurre. Il n’y a pas une mais plusieurs images manquantes. Et elles ne sont pas seulement manquantes, parfois elles sont absentes, parfois elles sont mensongères (les images de propagande du régime par exemple). C’est pourquoi, le cinéaste construit son film comme un patchwork dont les coutures sont apparentes. Il refuse d’harmoniser les images par exemple et laisse la rupture se faire entre le film numérique et la pellicule, entre la couleur et le N/B comme il refuse de vernir ses figurines pour qu’elles retournent ensuite à la poussière. Son film est conçu comme une installation éphémère, comme un objet plus ou moins fini, comme un assemblage de fragments disparates, de matériaux hétéroclites : archives, voix-off, maquettes, figurines etc. Ce procédé permet à la fois de relier le récit intime au récit historique tout en s’interrogeant sur les rapports entre la fiction et le documentaire. En effet pour que le spectateur reste actif, il refuse l’immersion. Le but est de montrer que les images de propagande sont en quelque sorte plus fictionnelles que les images reconstruites par Rithy Panh. Les images de propagande mentent sur la réalité. Pol Pot s’est inventé un personnage, s’est construit un monde façonné par son idéologie et a utilisé le peuple pour en faire une image. A l’inverse les images reconstruites de Rithy Panh nous documentent sur son enfance et sur le monde d’avant le régime. Un monde de couleurs, d’odeurs, de diversité, de langage imagé qui va être aboli par le régime tout comme la religion, l’instruction ou la vie de famille. Certaines de ces images s’apparentent également au processus psychanalytique : le ressac de la mer (« J’ai 50 ans, je fais retour sur mon enfance. »), les corps flous « à mettre au point » etc.

Cependant, Panh ne reconstitue pas tout. La déportation de Phnom Penh qui est une image manquante tout comme l’enfance du réalisateur est remplacée par une installation avec des figurines non animées. Le refus de l’animation s’explique par le fait que la vie a été arrêtée par les Khmers. De plus ceux-ci ont détruit la plupart des images qui existaient avant eux. Celles des films de fiction comme celles des photos de famille. Panh veut que l’on ressente cette vie arrêtée et cette absence d’images du bonheur, des enfants heureux, bien nourris etc. Enfin se pose la question de l’absence des images d’exécution. Les Khmers ont filmé ces scènes mais Panh dit « ne pas les avoir retrouvées » (ce qui n’est pas forcément vrai) et même s’il les avaient retrouvées, ne les auraient pas montrées. En cela il est proche de Claude Lanzmann qui est encore plus radical. En 1994 dans un entretien, Lanzmann dit que s’il avait trouvé des images de mise à mort dans les chambres à gaz, non seulement il ne les auraient pas incluses dans son film mais il les auraient détruites (ce qui donnera lieu quatre ans plus tard à un débat avec Godard pour qui rien n’est infilmable).

Les Khmers ont détruit la culture cambodgienne dans tous ses aspects, y compris les rituels funéraires. Les figurines, comme celles que l’on plaçait dans les sarcophages égyptiens ont aussi pour fonction d’accompagner les morts dans leur dernière demeure, de donner un enterrement digne à tous ceux qui n’en ont pas eu. D’autant que les images conservent le souvenir, telles un embaumement.

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Wall-E

Publié le par Rosalie210

Andrew Stanton (2008)

Wall-E

Wall-E qui fut assez controversé à sa sortie est un des meilleurs Pixar. A titre personnel, c'est mon préféré, à égalité avec Vice Versa. C'est une prouesse technologique et narrative qui parvient à offrir un univers riche, doté de plusieurs niveaux de lecture. A bien des égards, il est à contre-courant de la production contemporaine, notamment en matière de dessins animés. Par peur sans doute d'ennuyer, les films d'animation occidentaux grand public ont tendance à être hystériques avec des péripéties incessantes, des dialogues mitraillettes et une image remplie à ras bord. Peu importe que l'on atteigne l'indigestion, peu importe que le scénario et les personnages soient indigents, peu importe que l'on n'en retienne rien, il faut gaver les spectateurs à tout prix.

Wall-E en parfaite cohérence avec son discours critique sur la surconsommation est pour l'essentiel contemplatif et privé de dialogues. L'hommage aux films de Chaplin et Buster Keaton dont la mélancolie ressemble à celle de Wall-E n'est pas loin. Mais hommage à Kubrick aussi (Wall-E est bourré de clins d'oeil à 2001 l'Odyssée de l'espace) et à Miyazaki (allusions à Nausicaa et sa planète toxique). Riche de toutes ces références, Wall-E sollicite le spectateur autrement qu'en l'abrutissant. Le travail sur l'image (que de poésie dans le ballet spatial des deux robots par exemple) et sur le son (par exemple sur les intonations variées avec lesquelles sont prononcés Wall-E et Eve) oblige celui-ci à être actif ou à rejeter un film qui ne se "donne pas" de lui-même. Tati si incompris en France a été reçu 5 sur 5 aux USA tant sur la forme que sur le fond. Ainsi Playtime, descendant des Temps Modernes et du Mecano de la General où Chaplin et Keaton "déréglaient" la machine est à son tour pris pour référence dans Wall-E où ce dernier en nouveau M. Hulot désordonne le monde aseptisé de l'AXIOM.

Néanmoins Wall-E reste parfaitement accessible aux enfants à cause de l'incroyable travail d'humanisation effectué sur Wall-E et à un degré moindre sur Eve. Là encore, la critique sous-jacente tape dans le mille. Ces robots sont mille fois plus humains que les humains du film déshumanisés par leur dépendance à la technologie...et que tant et tant de comédiens insipides qui ressemblent eux à de vrais robots.

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