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Articles avec #animation tag

Kiki la petite sorcière (Majo no takkyūbin)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1989)

Kiki la petite sorcière (Majo no takkyūbin)

Kiki, film enchanteur et vivant comme toutes les œuvres de Miyazaki est aussi l'un des plus subversifs. Pourtant son thème principal est archi-classique. Il s'agit du passage à l'âge adulte avec ses rituels comme l'adoubement avec la remise du balai ou le voyage initiatique à la manière du grand tour d'Europe qu'effectuaient les jeunes gens de bonne famille à l'époque moderne. S'y ajoute un récit d'apprentissage, d'émancipation et d'intégration. L'aspect intemporel et universel de cette histoire est renforcé par le fait que la ville est une synthèse architecturale de nombreuses villes d'Europe voire des USA (San Francisco) et que plusieurs époques se télescopent des années 30 (le ballon dirigeable) aux années 60 (la télévision noir et blanc).

Mais là où l'histoire devient originale et profondément moderne c'est dans le renversement des rôles sexués. Miyazaki remplace en effet le héros habituel de ce genre de récit (en littérature comme au cinéma) par une héroïne. Il ne pouvait s'agir d'ailleurs que de que cette figure féministe avant l'heure qu'est la sorcière. Dans son livre "Ame de sorcière ou la magie du féminin" Odile Chabrillac écrit que la magie est aussi (et avant tout) "un parcours de vie, un chemin initiatique, que l’on peut souhaiter investiguer" et que "se réapproprier leur histoire, leurs savoirs, leurs pouvoirs, c’est autoriser chaque femme à retrouver sa puissance, en faisant d’elle une digne héritière des guérisseuses et des sages-femmes d’antan. C’est ouvrir de nouveaux possibles, dans tous les champs (politique, artistique, écologique, philosophique, humain surtout), c’est oser se revendiquer différente, puissante et néanmoins bienfaisante".

Ainsi en attribuant à une jeune fille ayant des pouvoirs des préoccupations dévolues habituellement aux garçons (trouver sa place dans le monde, se réaliser professionnellement, s'affirmer, devenir indépendante) Miyazaki en chantre du féminisme offre aux filles japonaises (mais aussi occidentales) un magnifique récit d'émancipation auxquelles elles peuvent s'identifier. Et il ne s'arrête pas là puisque les deux femmes adultes qui aident Kiki à se réaliser sont de la même trempe. Osono la figure maternelle enceinte jusqu'aux yeux qui tient la boulangerie porte la culotte face à un conjoint complètement effacé. Quant à Ursula, elle est une artiste-peintre un peu marginale qui vit seule dans la forêt. Elle symbolise une Kiki un peu plus âgée, trouvant son inspiration dans le cosmos c'est à dire exactement là où Kiki puise son pouvoir magique (l'énergie du ki qui relie l'homme à l'univers).   

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Princesse Mononoké (Mononoke Hime)

Publié le par Riosalie210

Hayao Miyazaki (1997)

Princesse Mononoké (Mononoke Hime)

Eblouissant poème visuel porté par la sublime musique de Joe Hisaishi, récit épique foisonnant où s'affrontent les hommes entre eux mais surtout les hommes et les dieux, "Princesse Mononoké" est également une réflexion philosophique de haut niveau sur la complexité des relations entre l'homme et la nature. La difficulté que rencontre aujourd'hui le développement durable à concilier le progrès économique, la justice sociale et le respect de l'environnement est parfaitement retranscrite par le clairvoyant Miyazaki.

L'histoire de "Princesse Mononoké" se déroule dans un Japon médiéval en proie à une mutation irréversible. Celle où l'homme jusque là soumis à la nature cherche à en devenir le maître. Il y a quelque chose de prométhéen dans cette problématique car la forêt dépeinte par Miyazaki est le refuge des dieux. Ceux-ci prennent la forme d'animaux géants aux capacités exceptionnelles. Comme dans "King Kong" qui bien qu'occidental a un imaginaire proche, l'assaut des hommes leur est fatal. Tout au long du film, on voit ces êtres surnaturels agoniser ou se consumer de haine, dévorés de l'intérieur par des vers géants.

Leur principal antagoniste est le village des forges qui incarne l'industrialisation et le progrès technique par lequel l'homme s'élève au-dessus de sa condition initiale au prix de l'abattage des arbres. Qui voudrait aujourd'hui vivre dans les ténèbres de l'ignorance? (cela me fait penser au film de Solveig Anspach "Haut les cœurs" où une femme enceinte atteinte d'une cancer -jouée par Karin Viard- disait haut et fort qu'elle "remerciait la science et emmerdait la nature"). De plus le village des forges incarne aussi le progrès social. Il est dirigé par une femme, Dame Eboshi qui a ouvert sa porte à tous les exclus de l'ère féodale (lépreux, vachers, prostituées) soigne les premiers et donne aux seconds de grandes responsabilités aussi bien dans la production économique que dans la défense du village.

C'est pourquoi, et c'est l'une des grandes forces du film, Miyazaki, à l'image du héros Ashitaka se refuse à choisir un camp. Il recherche le dialogue, l'équilibre, la cohabitation pacifique. Et pour cause, à l'image de San, fille de la forêt élevée par une louve mais qui est humaine, ces deux mondes en conflit sont en réalité inextricablement liés. Lorsque Dame Eboshi décapite le dieu-cerf qui est le principe d'équilibre entre la vie et la mort pour offrir l'immortalité à l'empereur, ce qui reste de l'entité divine détruit aussi bien la forêt que les constructions humaines (une image évidente de l'apocalypse). Quant à Dame Eboshi, elle paye ce geste de la perte d'une part d'elle-même puisque elle y laisse un bras. A l'inverse, les efforts de San et d'Ashitaka pour réunifier le dieu-cerf sont récompensés par la guérison du mal qui gangrenait leur corps. Mais en dépit de leur amour qui les lie, chacun vivra dans son monde sans pouvoir espérer les réunir. Et tout est à reconstruire. Si la civilisation repart de zéro, la fragilité de la renaissance de la forêt est telle qu'elle reste ambiguë: le petit Kodama est-il un rescapé ou le premier rejeton d'une ère nouvelle?

 

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Paddington 2

Publié le par Rosalie210

Paul King (2017)

Paddington 2

C'est un film qui permet de retrouver son âme d'enfant, y compris dans ses défauts (une morale trop appuyée, des personnages caricaturaux...) Il faut dire que l'œuvre d'origine est issue d'une époque dénuée de cynisme.

Visuellement, le film ressemble à un bonbon acidulé ou à un jouet coloré: on se situe à hauteur d'enfant. Plus précisément à la hauteur des maisons de poupée et des vignettes d'un Wes Anderson que ce soit la fable animalière "Fantastic M. Fox" ou la prison et la pâtisserie du "Grand Budapest Hôtel". On pourrait y ajouter l'univers des trains à vapeur (un train jouet qui devient réalité) et de la fête foraine. Le livre pop-up fait de papier découpé en trois dimensions s'anime comme par magie alors que les gags déclenchés par Paddington convoquent l'humour et la candeur du cinéma burlesque muet des années 10 et 20 (la scène où Paddington est pris dans les engrenages évoque directement les "Temps modernes" de Chaplin).

Mais la magie de l'enfance s'exprime aussi à travers les acteurs. Hugh Grant, génial, allie charme et autodérision avec brio. Il s'amuse comme un petit fou à endosser le rôle d'un méchant excentrique qui adore se déguiser. La famille Brown n'est pas en reste. Le père (Hugh Bonneville alias le comte de "Downton Abbey") se retrouve à faire un grand écart zen entre deux trains, sa femme interprétée par Sally Hawkins (vue dans "Persuasion", téléfilm de la BBC d'après Jane Austen avant d'être recrutée par Woody Allen) joue les Sherlock Holmes en herbe alors que la grand-mère n'est autre que Julie Walters, la Molly Weasley des Harry Potter. Un autre acteur issu du casting des Harry Potter, Jim Broadbent joue le rôle de l'antiquaire, M. Gruber.

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King Kong

Publié le par Rosalie210

Merian Caldwell Cooper et Ernest Beaumont Schoedsack (1933)

King Kong

"King-Kong" est un film inégalable en dépit de ses nombreux remake et ce pour au moins trois raisons:

- C'est un film matrice de l'histoire du cinéma car pour la première fois, le septième art accouche d'un mythe 100% cinématographique. Il fusionne en réalité deux mythes plus anciens "Saint-Georges et le Dragon" et "La Belle et la Bête". Cependant il apporte une originalité propre à ces deux mythes. L'humanisation interne de la bête et le comportement prédateur des humains opère un renversement des valeurs de Bien et de Mal que l'on observe dans le premier mythe (dont l'aspect guerrier et triomphant est remis en cause) alors que la métamorphose de la bête ne le transforme pas en homme pour autant contrairement au second. La jeune fille n'éprouve rien d'autre que de la terreur à son égard, n'apprend rien de son "aventure" avec lui ce qui le condamne à une fin tragique.

- C'est le premier film parlant à effets spéciaux, l'équivalent du "Voyage dans la lune" de par sa parenté avec Méliès et son caractère iconique. La raison d'être n°1 des remake a d'ailleurs consisté à réactualiser la technologie du film. Mais "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" et les effets numériques bourrins (c'est à dire l'abandon de la création entre les "mains" des seules machines ce qui est de plus en plus souvent le cas de nos jours) ne pourront jamais remplacer les techniques artisanales qui nécessitent d'office un investissement humain. Ce mélange de prises de vues réelles et d'animation en stop motion est réalisé par l'un des pères du genre Willis O' Brien dont le disciple Ray Harryhausen est considéré comme le pape des effets spéciaux traditionnels. Le résultat est un basculement dans un univers onirique et poétique unique qui fascine nombre de réalisateurs actuels (entre autre Peter Jackson, auteur d'un remake et Steven Spielberg dont le "Jurassic Parc" semble sortir tout droit de Skull Island).

- Enfin le contexte de la crise économique des années 30 joue un rôle important. C'est une crise de civilisation que dépeignent les auteurs du film. La jungle n'est pas celle que l'on croit et le sort réservé à King-Kong révèle une société terrifiante d'inhumanité où les arbres ont été remplacés par des colonnes de béton armé et les insectes par des avions mitrailleurs. La cupidité ronge les êtres aussi sûrement que leur racisme ou leur misogynie. L'appât du gain, le machisme et le colonialisme sont les racines pourries sur lesquelles prospère le vrai Mal(e).

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Tokyo Godfathers (Tōkyō Goddofāzāzu)

Publié le par Rosalie210

Satoshi Kon (2003)

Tokyo Godfathers (Tōkyō Goddofāzāzu)

Satoshi Kon est un cinéaste d'animation japonais dont la particularité consiste à abolir les frontières entre l'imaginaire et la réalité comme entre présent, passé et futur. Cet aspect "flottant" de son univers s'explique par le fait qu'il souhaite rendre compte de toutes les dimensions d'un individu et notamment de sa vie imaginaire qui est aussi réelle pour lui que sa vie matérielle. Darren Aronofsky s'inspirera d'ailleurs du premier film de Satoski Kon "Perfect blue" pour réaliser "Black Swan" où un univers réel est progressivement contaminé par la folie intérieure d'un personnage au point de se confondre avec lui.

"Tokyo Godfathers" est le troisième film réalisé par Satoshi Kon après "Perfect blue" donc et "Millenium Actress". Il s'agit d'une transposition du film "Le fils du désert" dans la jungle urbaine tokyoïte. Comme chez John Ford, les trois rois mages au chevet du bébé en danger sont des parias. Sauf qu'au lieu d'être des bandits, ils sont SDF. Ils forment une drôle de famille recomposée. Il y a Gin qui a perdu travail et famille à cause de ses dettes, Hana, un travesti orphelin licencié de la boîte où il se produisait et Miyuki, une adolescente fugueuse. Leur présent qui consiste à sillonner la ville pour retrouver la mère de l'enfant est rattrapé par leur passé sous la forme de rencontres aussi improbables que miraculeuses (Gin retrouve sa fille et Miyuki son père). Le film mêle inextricablement réalisme et surnaturel, exactement comme dans la "Vie est belle" de Capra, film auquel on pense forcément puisque dans les deux cas il s'agit d'un conte de noël festif et familial.

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Alice au pays des merveilles (Alice in Wonderland)

Publié le par Rosalie210

Clyde Geronimi, Wilfred Jackson, Hamilton Luske (1951)

Alice au pays des merveilles (Alice in Wonderland)

"Alice au pays des merveilles" sorti en 1951 est le dernier film psychédélique produit par les studios Disney et fait figure de "pot-pourri" du genre. Ca commence par l'équivalence image d'une Alice perchée qui déclame à sa sœur restée en bas que les livres sans images l'ennuient! Comme sa sœur lui répond qu'elle divague, elle lui répond que dans son monde à elle, il n'y a que des divagations (nonsense en VO). Par la suite, tout au long de son "voyage", Alice ne cesse d'ingérer ou d'inhaler toutes sortes de substances (la fumée du narguilé de la chenille, les incontournables champignons, des biscuits, le contenu d'un flacon, de la poudre blanche de sucre) qui modifient ses perceptions (un problème de taille!), lui font avoir d'étranges visions (par exemple les apparitions et disparitions d'un chat à rayures hypnotiques qui n'a "pas toute sa tête" au sourire en croissant de lune) ou altèrent sa communication avec le monde qui l'entoure (le dialogue de sourds du "non-anniversaire" avec des compagnons de "défonce", le chapelier étant connu pour ses hallucinations provoquées par les vapeurs de mercure dégagées pour la fabrication des chapeaux et les lièvres, rendus fous par le début des chaleurs de mars). Alice finit cependant par "redescendre" et tourne le dos aux divagations "silly nonsense" pour rechercher le droit chemin vers sa maison "straight home".

L'œuvre littéraire déjantée de Lewis Carroll se prêtait bien à toutes sortes de délires et d'expérimentations graphiques."Alice au pays des merveilles" est sans doute le long-métrage de Disney qui se rapproche le plus de l'œuvre surréaliste de Dali, la "montre folle", symbole du temps distordu, n'en étant qu'un exemple. Mais on pense aussi à Arthur Rimbaud qui recherchait le "dérèglement de tous les sens" lorsqu'on voit la chenille exhaler ses lettres colorées de vapeur opiacée, véritable visualisation du poème de Rimbaud "A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles."

Pour les mêmes raisons que "Fantasia" (avec lequel il partage aussi sa narration fragmentée) "Alice au pays des merveilles" ne rencontra pas le succès à sa sortie mais une génération plus tard lorsque la jeunesse hippie le porta aux nues. L'influence de ce film est évidente par exemple dans "Peau d'Ane" de Jacques Demy (sorti en 1970) qui célèbre de la même façon l'art de la fumette tout en faisant parler les fleurs. Suivre un lapin blanc est devenu un synonyme de prise de substances psychotropes jusqu'à nos jours comme on peut l'observer par exemple dans le premier volet de la trilogie "Matrix" où la question cornélienne n'est pas "to be or not to be" mais "pilule rouge ou pilule bleue?"

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Ferdinand

Publié le par Rosalie210

Carlos Saldanha (2017)

Ferdinand

Si le court-métrage burlesque était rentable en salle, le studio Blue Sky dont c'est la grande spécialité trônerait en haut du panthéon des studios d'animation. Mais voilà, ils font des longs-métrages et ce n'est pas leur fort. La preuve encore avec ce "Ferdinand" gnangnan, véritable enfilade de poncifs sur le thème "La violence, c'est pas bien, entre tuer et se faire manger il y a une troisième voie, l'amitié". Montagne de muscles et cœur d'artichaud, Ferdinand est surnommé le "taureau-pissenlit" parce qu'il adooooore arroser les jolies petites fleurs. Non décidément, la corrida ce n'est pas pour lui. Il s'enfuit alors qu'il n'est encore qu'un taurillon et est accueilli "comme une fleur" (bonjour la vraisemblance) dans une ferme où il devient le doudou de Nina, une petite fille-prétexte complètement inutile à l'intrigue. Mais comme en grandissant il devient quand même un peu encombrant, il finit par retourner dans son élevage de taureaux natal où ses compagnons d'infortune finissent en bifteck haché...ou pas, car Ferdinand va tous les sauver, olé! Là encore bonjour la vraisemblance mais ce qui compte c'est "qu'aucun animal n'a été blessé dans ce film" (on a eu peur!!)

Heureusement dans cette montagne de clichés, il y a quelques perles à sauver, ce sont les passages burlesques dont je parlais au début de mon avis et qui auraient pu faire d'excellents petits courts-métrages. Le corps énorme de Ferdinand est une source inépuisable de catastrophes en cascades que ce soit dans un magasin de porcelaines ou bien au beau milieu d'une fête. La réanimation du lapin rose est un gag récurrent assez désopilant. La cohabitation entre des taureaux aux caractères opposés (dont un écossais qui ne voit rien à cause de ses poils trop longs) et Lupe, une vieille chèvre hystérique est assez savoureuse. Enfin le concours de danse entre les poneys germaniques prétentieux et les taureaux est tout simplement géniale. Ajoutons que l'animation est techniquement impeccable et le design, agréable à regarder. Mais cela ne suffit pas. Car il s'agit d'un film calibré pour ratisser le plus large possible au moments des fêtes avant de finir (comme tant d'autres avant lui) aux oubliettes des produits de consommation jetables.

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Le garçon et la bête (Bakemono no ko)

Publié le par Rosalie210

Mamoru Hosoda (2015)

Le garçon et la bête (Bakemono no ko)

"Le garçon et la bête" est le dernier film en date de Mamoru Hosoda (à ne pas confondre avec "Le garçon et le monde" de Alè Abreu). En admiratrice de ce cinéaste depuis que je l'ai découvert en 2012 avec "Ame et Yuki les enfants-loups", je l'ai vu dès sa sortie au cinéma en janvier 2016 avant de le revoir en DVD.

"Le garçon et la bête" se déroule dans le quartier de Shibuya à Tokyo en proie à une grave crise de civilisation. Un monde moderne surpeuplé mais froid et déshumanisé où les passants se comportent en robots, où le seul "regard" porté sur les gens émane des caméras de surveillance et où les seuls échanges se font avec la police. La cellule familiale elle-même s'est défaite. Ren le jeune héros de 9 ans se retrouve ainsi seul à errer dans les rues. Il a perdu sa mère dans un accident. Son père dont elle avait divorcé auparavant a disparu de la circulation. Il a préféré fuir que d'être pris en charge par sa famille maternelle qui a encouragé le divorce de ses parents. Débordant de colère et de haine, il bascule dans une dimension parallèle, un autre espace-temps, laissant derrière lui une ombre dotée de trous à la place des yeux et du cœur. Plus tard, on découvre un autre enfant au destin similaire à celui de Ren. Il s'appelle Ichirohiko. Il a été abandonné bébé dans une des ruelles de Shibuya et recueilli comme Ren par une créature hybride, mi-homme, mi-bête venue du même monde parallèle, Jutengai. Jutengai qui fait penser au Japon médiéval est tout ce que l'homme moderne de Shibuya a refoulé de lui-même: son instinct, ses pulsions, ses émotions bref, tout ce qui a trait au corporel a disparu sous des couches et des couches de béton.

Ren et Ichirohiko se retrouvent ainsi dans une situation potentiellement explosive pour la construction de leur identité. Le monde où ils sont nés les a rejetés et ils grandissent dans un monde trop différent d'eux pour qu'ils puissent y trouver leur place quel que soit l'amour du parent adoptif. Mais si leurs problèmes sont identiques, leurs agissements sont différents. Hosoda montre le rôle joué par l'éducation dans la construction (ou l'autodestruction) d'un individu. C'est peut-être parce qu'elle révèle la vraie valeur d'une personne que le seigneur pousse Kumatetsu, la bête mal embouchée que personne n'aime à prendre un disciple. Bien que la relation avec Ren soit électrique, ces deux là se sont choisis en toute connaissance de cause et ils grandissent ensemble, côte à côte bien plus que dans une relation hiérarchique puis de plus en plus proches au point de fusionner, l'un se découvrant une filiation et l'autre comblant son vide affectif. Ren finit d'ailleurs par se réconcilier avec son monde d'origine en retrouvant son père biologique et en rencontrant Kaede qui lui donne accès à la culture et lui apprend à canaliser sa rage tout en lui révélant ses propres abysses tourmentées (ce qui lui vaut un accès au monde des bêtes à la fin du film). Ren trouve dans son hybridité une harmonie entre le monde du corps où il a grandi et celui de l'esprit d'où il est issu. En revanche Ichirohiko grandit sans connaître sa véritable identité car son père adoptif lui ment. Ce père adoptif est pourtant présenté comme l'antithèse de Kumatetsu, un homme-bête responsable et immensément populaire. Pourtant il accouche d'un monstre dont la rage destructrice terrifiante grossit tel un cancer jusqu'à prendre la forme de la baleine Moby Dick, ravageant tout sur son passage.

Complexe, subtil, philosophique, rempli de passages poétiques visuellement superbes, "Le garçon et la bête" est un grand film.

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Fantasia

Publié le par Rosalie210

James Algar, Samuel Amstrong, Ford Beebe, Norman Ferguson, Jim Handley, Thornton Hee, Wildred Jackson, Hamilton Luske, Bill Roberts, Paul Satterfield (1940)

Fantasia

L'œuvre-somme de Disney fut un terrible échec critique et commercial à sa sortie. Les critiques éreintèrent avec sectarisme, snobisme et mépris sa tentative aussi audacieuse qu'ambitieuse d'illustrer des morceaux de musique classique avec des courts-métrages animés. Le public fut déconcerté par l'aspect expérimental du film et le bouda. La guerre n'arrangea rien. L'œuvre de Disney était en effet bien trop avant gardiste. Elle anticipait aussi bien la génération psychédélique des années 60-70 que celle des clips MTV des années 80 qui lui firent toutes deux un triomphe.

Aujourd'hui on entend encore ici et là dire que "Fantasia" est une œuvre inégale qui vaut surtout pour ses séquences les plus figuratives (c'est à dire les plus accessibles au jeune public): "L'apprenti-sorcier" et "La danse des heures". C'est méconnaître l'unité profonde du film derrière son apparence fragmentée. Cette unité a quelque chose à voir dans le rapport étroit que la musique entretient depuis toujours avec le sacré, plus encore que toute autre forme d'art. Tous les morceaux qui composent "Fantasia" ont un lien avec la sphère divine: "Le sacre du printemps" est un récit de genèse, "La Pastorale" met en scène la mythologie gréco-romaine, "L'apprenti-sorcier" est une variation du mythe prométhéen, "La Toccata et fugue", "Une nuit sur le mont chauve" et "L'Ave Maria" de Schubert sont des jugements dernier opposant le paradis et l'enfer. Ce dernier thème apparaît aussi sous une forme profane d'opposition jour-nuit, lumière-ténèbres ou été-automne/hiver dans les deux derniers morceaux: les ballets de végétaux et de poissons de "Casse-Noisette" et ceux, parodiques, d'autruches, hippopotames, éléphants et crocodiles de "La danse des heures".

Chaque morceau est également illustré par une forme d'art picturale particulière:

- "La Toccata et fugue en ré mineur" de Bach part d'images d'ombres de l'orchestre pour évoluer vers de plus en plus d'abstraction.

- "Casse-Noisette" de Tchaïkovski est une ode à la nature proche du préraphaélisme dans les séquences de féérie (on pense aussi au "Songe d'une nuit d'été"). Les ballets orientalisants de poissons et la danse cosaque des chardons et orchidées sont eux, semi-abstraits.

-"L'Apprenti-sorcier" et "Une nuit sur le mont chauve" sont très marquées par l'expressionnisme allemand (avec une ambiance très proche du "Faust" de Murnau pour le second)

- "La Pastorale" possède une esthétique art nouveau très affirmée.

-"L'Ave Maria" s'inspire des tableaux du peintre romantique allemand Caspar David Friedrich représentant des monuments religieux en ruines dans la nature mais elle me fait penser aussi à la forêt-cathédrale de Gaudi, la Sagrada Familia.

-"La danse des heures" a pour cadre un théâtre grec.

La plupart de ces séquences sont néanmoins influencées par l'art déco... et le psychédélisme. Au point qu'une qualité de champignons hallucinogènes porte aujourd'hui le nom de "Fantasia" en hommage sans doute au ballet de champignons de "Casse-Noisette".

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Le garçon et le monde (O Menino e o Mundo)

Publié le par Rosalie210

Alê Abreu (2013)

Le garçon et le monde (O Menino e o Mundo)

Pour une fois, cette petite merveille d'animation ne vient pas de la Triade (USA, Europe ou Japon) mais d'un pays émergent, le Brésil. C'est suffisamment rare pour être souligné.

On pourrait facilement qualifier ce film d'"altermondialiste" et "d'anticapitaliste" ce qui en soi n'est guère original. En effet son cheminement nous mène par le chemin de fer de la campagne reculée jusqu'aux plantations de coton puis en ville où les tissus de coton sont fabriqués avant d'être expédiés par conteneur à l'étranger (vraisemblablement en Chine) où ils sont transformés en vêtements. Le processus s'accompagnant inévitablement de déforestations, de pollutions, de contestations sociales impitoyablement réprimées.

Oui mais voilà, à l'exception de quelques plans en prises de vue réelles (qui brisent le charme et sont donc en trop), ce n'est pas à une réalité économique et sociale objective que l'on assiste mais à sa recréation par les yeux d'un enfant. Et c'est ce qui fait toute sa beauté et tout son intérêt. L'écran devient une simple feuille de papier sur lequel le réalisateur pose une palette graphique particulièrement bariolée. Adoptant un trait simple et enfantin et des techniques variées (pastels à l'huile, crayons de couleurs, feutres hydrographiques, stylos à bille, peintures, collages) il compose des tableaux géométriques ou kaléidoscopiques éblouissants. Citons par exemple celui du générique où l'on navigue de l'infiniment petit à l'infiniment grand, de la cellule à l'univers, celui de la cueillette du coton, celui de la montée des escaliers sous les étoiles ou encore celui du chantier naval. Les travailleurs soumis et épuisés peuvent se transmuer en oiseaux de carnavals multicolores alors que les engins de chantier et militaires deviennent d'étranges animaux mécaniques. Cette palette graphique se double d'une belle palette musicale. Quant aux dialogues, ils sont absents hormis le langage incompréhensible des parents du garçon (du portugais à l'envers).

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