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Articles avec #angot (christine) tag

Un amour impossible

Publié le par Rosalie210

Catherine Corsini (2018)

Un amour impossible

L'histoire est puissante comme l'est la personnalité de celle qui la porte, Christine ANGOT. Elle raconte en effet avec beaucoup d'acuité une rencontre qui n'aurait jamais dû avoir lieu et qui a généré autant de violence que de souffrance: celle de ses parents. La réalisation très classique de Catherine CORSINI ôte cependant en grande partie la cruauté, l'âpreté de ce récit. Elle aurait dû fouiller beaucoup plus les portraits respectifs de Rachel et Philippe et choisir deux acteurs complètement dissemblables au lieu du couple assorti Virginie EFIRA-Niels SCHNEIDER. En ce qui concerne Rachel, elle colle trop et trop longtemps à son illusion romantique, à sa croyance en une "passion réciproque". En revanche, elle n'insiste pas assez sur le gouffre socio-culturel qui la sépare de Philippe et sur la guerre sourde que celui-ci lui livre. Pourtant, il y a assez d'éléments distillés dans le film (à commencer par son prénom) pour comprendre que celui-ci est le pur produit d'un milieu bourgeois pétainiste qui n'a pas digéré la défaite. Dans les années cinquante, époque de leur rencontre, le souvenir de la guerre est tout proche et d'une certaine manière, Philippe utilise Rachel comme le moyen pour son clan de prendre une revanche symbolique sur "L'Anti-France" celle du Front Populaire, assimilée aux communistes et aux juifs. Philippe va jusqu'à épouser une allemande et à vanter leur capacité à choyer les hommes à cause des énormes pertes de la guerre. Au cas où l'on n'aurait pas compris son esprit partisan, il ajoute qu'il en va de même des japonaises. Implicitement, Rachel est assimilée à l'autre camp, celui des "rouges" et des anglo-saxons "enjuivés" (peu importe que la Russie compte le plus d'hommes tués au front, on est dans l'idéologie, pas dans le fait historique). L'ennemi à abattre est aussi "l'esprit de jouissance" du Front populaire qui a constitué une période émancipatrice pour les femmes. Philippe ne cesse en effet de reprocher à Rachel d'être trop puissante, de réclamer trop d'attention. De fait, celle-ci réussit à s'accomplir professionnellement et à élever sa fille seule à une époque où cela n'avait rien d'évident. C'est pourquoi il va s'engouffrer dans la principale faille de Rachel qui est son obsession à ce qu'il reconnaisse leur fille, c'est à dire qu'il lui donne son patronyme. Car si Rachel a appris à se passer d'un homme, elle est prisonnière d'une vision patriarcale de la famille qui aujourd'hui a encore beaucoup d'adeptes. L'instrument de la revanche se déplace alors de Rachel sur sa fille Chantal que jamais il ne reconnaîtra comme sa fille car comme le dira plus tard Chantal (alias Christine ANGOT) c'est contraire à la logique de leur camp. Chantal devient donc le plus sûr moyen d'anéantir Rachel et Philippe utilise la plus terrible des armes pour y parvenir.

Il y avait donc de quoi faire un grand film avec ce récit. Mais faute de hauteur de vue, on reste trop au ras des pâquerettes et c'est bien dommage.

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Une famille

Publié le par Rosalie210

Christine Angot (2024)

Une famille

C'est un film brut, radical, qui prend aux tripes. Un film coup de poing qui montre la réalité de l'inceste. Non les faits en eux-mêmes mais ce qui le rend possible et ce qui lui permet de perdurer et de se reproduire dans le temps. Comme le résume parfaitement bien l'avocat de Christine ANGOT, l'inceste n'est pas un secret de famille mais l'affaire de tous. Un cancer social dont on mesure avec effroi les différentes ramifications.

Pendant que je regardais le film, j'ai réalisé pourquoi Christine ANGOT a dû tout au long de sa carrière littéraire ne cesser de dire et de redire sous une forme ou sous une autre ce qui lui était arrivé. J'ai en effet réalisé qu'elle devait avoir entre dix et vingt ans de plus que la génération Metoo: celle de Vanessa Springora, Flavie Flament, Camille Kouchner, Neige Sinno ou encore Judith GODRECHE. Le malheur de Christine ANGOT, c'est d'avoir parlé vingt ans trop tôt, quand personne n'écoutait, personne n'entendait. Bien au contraire, les images d'archives de l'émission de Thierry Ardisson en 1999 où tout le monde se moque d'elle sont aujourd'hui atroces à regarder et de ce point de vue "Une famille" apporte une pierre de plus dans le jardin de ces médias complices de l'horreur qui ne cessent plus d'être interrogés depuis l'affaire Matzneff et la violence des réactions à l'égard de Denise Bombardier, la seule personne a avoir rompu la loi du silence et de la complicité avec le bourreau.

Néanmoins, comme le titre l'indique, c'est avant tout les membres encore en vie de sa famille que Christine ANGOT interroge. Et d'abord sa belle-mère dont elle doit forcer la porte. Une scène d'une brutalité saisissante suivie d'un échange tendu qui laisse bouche bée. Car elle permet de comprendre la violence des émotions de Christine ANGOT face à ce bloc de déni parfaitement policé qu'est sa belle-mère, grande bourgeoise prétendant être de son côté tout en ne cessant de mettre en doute ses propos voire de renverser les rôles, l'accusant d'être violente voire d'avoir séduit son mari. Et la suite où elle porte plainte contre elle montre bien jusqu'où peut aller ce mécanisme pervers d'inversion. Avec sa mère également, les relations ne sont pas simples, même si une deuxième séquence vient nuancer la première qui donne l'impression que celle-ci est coupée de toute empathie. L'inertie de l'ex-mari est explicitée par le fait qu'il est lui-même une ancienne victime et donc, a été incapable de réagir de façon appropriée. On se rend compte à quel point l'inceste tord voire renverse tous les repères. La seule personne qui s'avère capable de remettre les choses à leur juste place est la fille de Christine ANGOT que le combat de sa mère a protégé et qui est solidaire d'elle. On ressort de ce film secoués et admiratifs devant le courage de cette femme pugnace dont la radicalité fait écho à la violence qu'elle a pris presque toute sa vie dans la figure et qui montre aussi la vulnérabilité et la solitude de la petite fille qu'elle fut et qu'elle refuse d'abandonner à son triste sort.

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