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Articles avec #action tag

Attaque! (Attack!)

Publié le par Rosalie210

Robert Aldrich (1956)

Attaque! (Attack!)

Excellent film de Robert ALDRICH, puissant et sans concessions de bout en bout qui n'est pas sans faire penser au beaucoup plus connu "Les Sentiers de la gloire" (1957) sorti l'année suivante. Bien que l'intrigue de "Attaque!" se déroule en 1944 au sein de l'armée américaine dans une ambiance de huis-clos étouffant, même dans les scènes d'extérieur (le scénario est tiré d'une pièce de théâtre, ceci explique cela), on retrouve la dénonciation de ce qui est au coeur du futur film de Stanley KUBRICK: la culture de l'obéissance et de l'irresponsabilité au sein de l'armée, minée par les hiérarchies sociales et la corruption. C'est ainsi qu'un peloton mené par le lieutenant Da Costa (Jack PALANCE) se fait absurdement décimer en raison de l'incompétence et de la lâcheté de leur supérieur, le capitaine Cooney (Eddie ALBERT) dont les agissements sont couverts par le colonel Bartlett (Lee MARVIN). Il apparaît que Cooney occupe le poste parce que c'est un fils à papa qui a des relations dont espère profiter le colonel Bartlett qui ambitionne de faire une carrière politique dans le civil. Mais l'incapacité de Cooney à faire face à la situation évolue vers une démarche suicidaire pour la compagnie toute entière. Plus l'étau de l'ennemi se resserre, plus l'étendue de la névrose de celui-ci se révèle dans toute son horreur alors que le calculateur colonel ne pense qu'à tirer un profit personnel de la situation. Face à ce commandement pourri jusqu'à la moëlle, le film met en avant des hommes rudes mais qui se soucient les uns des autres, serrent les coudes et tentent de rester fidèles à une ligne de conduite honorable. Jack PALANCE est particulièrement impressionnant. Robert ALDRICH n'y va pas avec le dos de la cuillère quand il s'agit de martyriser les corps et de montrer la violence dans toute sa sécheresse et sa brutalité et on reste hanté par la vision frontale de son visage de cire aux yeux révulsés et à la bouche grande ouverte, figé dans sa rage par une mort violente qu'aucune retouche de thanatopracteur ne vient atténuer.

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OSS117: Alerte rouge en Afrique noire

Publié le par Rosalie210

Nicolas Bedos (2021)

OSS117: Alerte rouge en Afrique noire

Il fallait beaucoup de talent pour rendre sympathique un personnage détestable et pour faire rire de sujets délicats, un rire plus subversif qu'il n'y paraissait au premier abord d'ailleurs. Je me doutais que le troisième film des aventures de l'OSS 117 avec Jean Dujardin allait pâtir de l'absence de la Hazanavicius touch, notamment son élégance, sa culture cinématographique et son sens du pastiche aussi soigné qu'incisif. Je ne me trompais pas. "Alerte rouge en Afrique noire" est le film laborieux d'un élève appliqué, maladroit et confus qui ne trouve ni le bon rythme ni le ton juste. Par conséquent on a affaire à une sorte de sous James Bond (abondamment pompé) longuet, répétitif, pas drôle et parfaitement inutile. Son pitch copie également le quatrième Die Hard car il repose sur l'association d'un has been (OSS 117) et d'un petit jeune dans le vent des années quatre-vingts (OSS 1001). Sauf que la crise d'identité d'un homme dépassé par son époque était déjà dans les deux premiers volets et était traitée avec beaucoup plus de finesse (sa bisexualité refoulée notamment). Le charme du personnage de Jean Dujardin s'efface ici au profit d'une caricature de beauf  bien lourde et Pierre Niney en geek métrosexuel n'est guère plus convaincant. Tout le reste est à l'avenant que ce soit le traitement ridicule de la Françafrique (qui était pourtant un sujet en or) ou des personnages (masculins et féminins) qui n'ont aucune consistance, aucune saveur et dont OSS 117 se fiche d'ailleurs royalement. Le scénario (pourtant écrit par le même auteur que les deux premiers volets) semble ne pas savoir où il va et ce qu'il veut raconter. Au final, ce qu'on retient de ce OSS 117, ce sont ses problèmes envahissants de quéquette qui se retrouvent jusque dans la chanson favorite du président Bamba (son grand complice), "Les Sucettes". Quand on n'est pas un obsédé de la chose, on trouve juste tout cela mufle, indigeste et profondément malaisant. Avec Michel Hazanavicius, seuls les propos d'OSS 117 étaient odieux, non les actes, car en bon connaisseur des principes du cinéma burlesque, il savait qu'il fallait préserver l'innocence du personnage pour que la mayonnaise prenne. Nicolas Bedos le salit en le rabaissant au stade de porc lubrique (ce qui vaut aussi pour les personnages féminins qui "ne pensent qu'à ça" dès le premier regard) et en le rendant indifférent au sort d'autrui, alliés comme ennemis. Et ce n'est pas les références à "L'île aux enfants" qui répareront les dégâts.

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Remorques

Publié le par Rosalie210

Jean Grémillon (1941)

Remorques

"Remorques" de Jean GRÉMILLON se situe à la fois en continuité et en rupture par rapport au courant du réalisme poétique des années 30. En continuité car il reprend le couple vedette de "Le Quai des brumes" (1938), Jean GABIN et Michèle MORGAN tous deux magnétiques ainsi que Jacques PRÉVERT pour le scénario et les dialogues, toujours aussi savoureux à écouter. Mais par ailleurs, il y a beaucoup de choses qui détonent par rapport aux films de Marcel CARNÉ de la même époque. Le caractère naturaliste de la description de la vie des marins sauveteurs brestois mais aussi de la crise de la conjugalité (aussi bien dans l'étude du couple formé par Jean GABIN et Madeleine RENAUD que dans celui de Michèle MORGAN et Jean MARCHAT). La puissance et la modernité des personnages féminins qui savent ce qu'elles veulent (le franc-parler de Catherine-Morgan qui pousse André-Gabin à assumer ses désirs par exemple). A l'inverse, des "effets spéciaux" ratés, ceux des maquettes de navire pris par la tempête et ce d'autant plus qu'ils se raccordent à des scènes d'intérieur qui semblent filmées dans un salon (heureusement que la bande-son puissamment évocatrice façon "bête humaine" pallie en partie le caractère factice des images). Il en va de même avec l'accent d'un acteur censé être breton mais qui donne l'impression de sortir d'un film de Marcel PAGNOL (Charles BLAVETTE). Enfin un tournage perturbé par les débuts de la guerre et qui s'est effectué en partie dans des décors naturels (exemple, la plage du Vougot). Bref "Remorques" est un film de son temps, un film de transition entre le cinéma d'avant-guerre et celui de la nouvelle vague ^^ alors que "Les Visiteurs du soir" (1942) qui date de la même époque en dépit des symboles que l'on peut y relever semble hors du temps.

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Minority Report

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2002)

Minority Report

La dernière chose qui reste en possession d'un être humain après qu'on lui ait tout enlevé, c'est son libre-arbitre, c'est à dire sa capacité de décision quelles que soient les circonstances. Mais cela présuppose d'accepter que l'avenir ne soit pas écrit d'avance. Or la prédestination, le déterminisme (ou la fatalité) est une croyance qui a la vie dure tant il s'avère tentant de remettre son destin entre les mains d'une entité autre que soi-même (qu'elle se nomme dieu, hasard, destin ou bien plus prosaïquement chef d'Etat, gourou, mentor ou même ses propres émotions et pulsions non contrôlées par la volonté) ce qui permet de se débarrasser de la responsabilité de sa propre vie et des choix que toute personne est amenée à faire ("j'ai obéi aux ordres", "j'étais en colère", "c'est le destin", "c'était écrit", "c'est la conséquence de mes malheurs" etc. comme autant d'excuses pour refuser d'endosser la responsabilité de ses actes). Sur un plan politique, de telles croyances ont des effets redoutables sur les droits fondamentaux lorsqu'il s'agit de substituer des intentions supposées aux faits avérés. 

Le film de Steven Spielberg, adaptation de la nouvelle de Philip K. Dick écrite en 1956 s'inscrit dans un contexte post-11 septembre 2001 qui est explicitement affirmé par le numéro affecté à John Anderton (Tom Cruise), le 1109 et ce bien que l'action soit censée se dérouler en 2054. En effet le spectre du terrorisme islamiste international a donné corps à une volonté politique de prévenir les attentats en bafouant le droit international et celui des individus. Aux USA cela a donné la guerre "préventive" contre l'Irak en 2003 fondée sur un mensonge d'Etat et dont les effets ont été l'inverse de ceux qui étaient attendus puisqu'elle a instauré un chaos dont le terrorisme a profité pour prospérer ainsi que l'enfermement et les maltraitances sur les "combattants illégaux" sans statut légal, notamment à Guantanamo. Le "Patriot Act" signé dans la foulée des attentats a donné à l'Etat américain le moyen de surveiller la population en perquisitionnant leur domicile ou en obtenant des informations confidentielles. Dans le film, une séquence montre comment la recherche d'un suspect dans un immeuble conduit à violer l'intimité des gens. En France, il a été question dans le débat public d'arrêter les "fichés S" (suspects) à titre préventif là encore et l'Etat d'urgence a conduit à des dérives liberticides, là encore au nom de la sécurité. 

Le film de Steven Spielberg bien que s'inscrivant dans le genre de la science-fiction est donc avant tout un film politique d'anticipation recherchant le plus grand réalisme possible grâce aux pronostics d'experts dans divers domaines. Alors certes, on ne peut pas encore faire changer ses yeux ou enregistrer des films produits directement par le cerveau mais les systèmes de télésurveillance, d'appareils numériques haptiques, tactiles (ou vocaux) ou la reconnaissance faciale, rétinienne ou via les empreintes digitales sont devenus des réalités plus ou moins généralisées. Cette volonté de crédibilité permet donc de démontrer une fois de plus les dégâts de la science sans conscience et le fait qu'aucun système, aussi perfectionné soit-il n'est infaillible puisqu'il reste dirigé par l'humain et que "errare humanum est". De plus, toute cette science s'appuie sur les prémonitions des "précogs", des humains possédant des dons médiumniques ce qui renvoie bien sûr aux bons vieux oracles de l'Antiquité, indissociables du "fatum". Il s'avère que ce n'est pas la vision elle-même qui est déterminante mais son interprétation. Prises au pied de la lettre, elles amènent à emprisonner des innocents puisqu'ils n'ont pas commis de crime au moment où ils sont arrêtés. Or on découvre que ces visions ne disent pas ce qui va arriver mais ce qui pourrait arriver puisque jusqu'au dernier moment le potentiel tueur a le choix de commettre ou non son crime. Et pire encore, ces visions peuvent être manipulées par de véritables tueurs qui s'en servent pour dissimuler leurs crimes bien réels. Bref, de quoi alimenter un abîme de réflexion.

La très grande richesse et la profondeur de ce film ne doit pas pour autant faire oublier les autres qualités de Steven Spielberg, notamment son travail d'orfèvre en ce qui concerne les scènes d'action. La séquence de combat entre Tom Cruise et ses anciens collègues dans une usine automatisée de fabrication d'automobiles à la chaîne est d'une précision virtuose étourdissante qui fait penser à "Le Mécano de la Générale" de Buster Keaton d'autant que la chute de cette séquence est hautement comique "de la mécanique plaquée sur du vivant". L'influence de Stanley Kubrick est également très présente. Ainsi l'homme qui opère les yeux de Tom Cruise utilise le même appareil que l'écarteur de "Orange mécanique", autre grand film sur la criminalité et le libre-arbitre. Les références ne sont pas saupoudrées, elles sont au coeur du film et font sens.

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Looper

Publié le par Rosalie210

Rian Johnson (2012)

Looper

"Looper", troisième film de Rian JOHNSON a finalement la même qualité que son film le plus connu, le huitième épisode de la saga Star Wars: il se démarque dans un genre très balisé en offrant une proposition réellement originale (voire dans le cas de Star Wars, iconoclaste ce qui a fait grincer quelques dents). Même si ce n'est jamais avoué explicitement, il est évident que le choix de Bruce WILLIS pour jouer le rôle d'un voyageur temporel qui se rencontre lui-même plus jeune (d'où le titre, en référence à l'idée de boucle temporelle) est un hommage à "L Armée des douze singes" (1995) de Terry GILLIAM, lui-même inspiré par "La Jetée" (1963) de Chris MARKER lui-même inspiré par " Vertigo" (1958) de Alfred HITCHCOCK. Il s'inscrit donc dans une filiation. Et en même temps, il s'en démarque de par la confrontation qui s'ensuit entre les deux versions du même individu qui n'ont pas du tout les mêmes motivations et donc, pas la même influence sur le futur, y compris le leur.

Le point de départ de toute l'histoire se situe en 2044. Joe, âgé d'une trentaine d'années (et joué par Joseph GORDON-LEVITT dont le visage a subi quelques modifications hasardeuses pour tenter de le faire ressembler à Bruce WILLIS) est un tueur à gages dont les seules motivations semblent être la drogue et le fric qu'il souhaite accumuler pour refaire sa vie en France. L'herbe y semble plus verte que la société dystopique de 2044 dans laquelle il vit où la violence est endémique et dans laquelle la mafia a remplacé l'Etat voire les parents (et qui ressemble à s'y méprendre à celle de "Les Fils de l homme") (2006). Sa particularité est d'être un looper c'est à dire qu'il est chargé d'éliminer aussitôt arrivées en 2044 des personnes envoyées depuis 2074 (trente ans dans le futur) dans une machine à voyager dans le temps. Celle-ci n'existe pas en 2044 alors qu'en 2074, la mafia s'est emparée de cette technologie (déclarée illégale) pour nettoyer son linge sale car il est devenu impossible de tuer sans être repéré. Elle en particulier décidé sous la direction d'un mystérieux tyran de faire éliminer tous ses loopers par la version jeune d'eux-mêmes.

Sauf que d'être confronté à sa propre mort grippe évidemment toute la machine et fait ressurgir les sentiments humains, à l'origine par essence de comportements imprévisibles. L'introduction avec le terrible sort réservé à Seth (Paul DANO), le collègue de Joe qui parvient à se reconnaître malgré les précautions prises par la mafia pour camoufler l'identité de la victime à tuer le démontre d'emblée. Le film devient alors l'illustration de la maxime selon laquelle son pire ennemi, c'est soi-même. Alors que le Joe sexagénaire, aveuglé par sa soif de vengeance ne se rend pas compte qu'en voulant massacrer les innocents de 2044 pour empêcher son funeste futur d'advenir il va contribuer à le réaliser, le Joe trentenaire lui se penche sur les raisons qui l'ont transformé en tueur et décide de protéger la mère et l'enfant qui dans le futur est censé devenir le tyran (et dont on sait qu'il a vu sa mère mourir sous ses yeux) car il s'identifie à lui. Son objectif: arrêter l'infernale spirale de violence pour changer l'avenir. On voit donc comment un même individu avec le même objectif (empêcher les drames humains du futur) obtient des résultats diamétralement opposés selon les choix qu'il fait. Le fait qu'un même personnage puisse se rencontrer (ou bien être évoqué pour le spectateur) à différents âges de sa vie permet aussi de comprendre qu'un bourreau peut aussi être ou avoir été une victime et vice-versa. De quoi amplement nourrir la réflexion et ce n'est pas la moindre des qualités de ce film que l'on a souvent comparé à "Inception" (2009).

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D'Artagnan et Les Trois Mousquetaires

Publié le par Rosalie210

Toni Garcia et Stephen Hugues (2020)

D'Artagnan et Les Trois Mousquetaires

Rappelez-vous (enfin, pour ceux qui étaient enfants ou adolescents dans les années 80 et qui regardaient la télévision) ce générique "culte" interprété par Jean-Jacques Debout sur fond d'aboiements:

"Un pour tous et tous pour un
Lorsque l'on est mousquetaire
Un pour tous et tous pour un
On est comme des frères
Un pour tous et tous pour un
Il faudra s'y faire
Les autres ne sont pas loin
Quand on en voit un (...)"

Wan-wan Sanjushi est en effet une série animée hispano-nippone créée par Claudio Biern Boyd d'après le roman d'Alexandre Dumas "Les Trois Mousquetaires" avec pour caractéristique principale l'anthropomorphisme canin de ses personnages. Elle a été produite par le studio espagnol BRB et nippon animation et multirediffusée en France dans les années 80 et 90. Et voilà que quarante ans plus tard, une version cinématographique en 3D voit le jour réalisée par Toni Garcia et produite de nouveau par la BRB (via leur studio, Apolo films) . Est-ce le premier exemple d'une série de remises à jour de séries vintage ayant fait les beaux jours des émissions jeunesse du petit écran ou bien est-ce que cela restera un exemple unique? La suite nous le dira.

En tout cas le film est plutôt une réussite. On retrouve avec plaisir les péripéties d'une intrigue décidément increvable alors que les moindres détails sont connus de tout un chacun (la montée de D'Artagnan à Paris, le duel avec les trois mousquetaires, l'affrontement avec leurs antagonistes, Milady, Rochefort et le cardinal de Richelieu pour sauver l'honneur de la reine en récupérant à temps ses ferrets, la romance entre d'Artagnan et sa dame de compagnie, Constance Bonacieux etc.) Une fois les cinq premières minutes passées, on s'habitue à la 3D d'autant que par moments (notamment lorsqu'il s'agit d'illustrer des pensées ou bien lors du générique de fin), l'image revient au graphisme 2D (et pour faire plaisir aux nostalgiques, le générique est évidemment repris et réorchestré par les musiciens d'origine). Les personnages féminins ont été volontairement étoffés que ce soit Milady qui fait partie de ces femmes puissantes et donc redoutables ayant de nombreuses cordes à leur arc ou Constance qui sort de son rôle de potiche pour endosser un rôle quelque peu plus actif dans l'histoire. Enfin le moralisme un peu pesant de la série d'origine (" héros qui nous rappellent deux principes à ne pas oublier, l'honneur et l'amitié" pouvait-on lire dans le générique de début) est nuancé par la présence aux côtés de d'Artagnan de Pip, l'écuyer, une souris qui n'est pas seulement un faire-valoir comique mais aussi un faible de caractère qui a bien du mal à résister à la soif de l'or.

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Cow boy

Publié le par Rosalie210

Delmer Daves (1958)

Cow boy

Jack LEMMON dans un western (ce sera d'ailleurs le seul de sa carrière), voilà qui surprend. Pourtant en réfléchissant un peu, ce n'est pas complètement absurde. Et ce pour deux raisons. D'abord parce que la comédie burlesque étant très physique, Jack LEMMON a les qualités lui permettant d'être crédible dans le far-west et ensuite parce que le film fonctionne comme une démythification du métier de cow-boy. Frank Harris (Jack LEMMON) est au début du film un réceptionniste d'hôtel qui pose un regard enfantin sur les cowboys durs à cuire qui viennent y prendre du repos. L'un d'eux, Reece (Glenn FORD, excellent) se charge de le ramener à la réalité, d'abord avec des paroles qui résonnent comme une douche froide puis avec des actes quand Frank Harris décide de s'engager à ses côtés pour convoyer du bétail. Le film qui commence comme une comédie devient alors un récit initiatique d'abord assez drôle (les déboires de Harris avec sa monture en particulier) puis le ton se durcit lorsque le réalisateur adopte un point de vue quasi-documentaire pour nous montrer l'étendue de la rudesse du métier de cowboy: la poussière, la chaleur, le confort plus que spartiate, les difficultés de la tâche consistant à convoyer un troupeau de milliers de bêtes, les multiples dangers (serpents, indiens voleurs de chevaux, emballement du troupeau). Mais le plus marquant reste l'état de deshumanisation voire de sauvagerie des cowboys qui adoptent des comportements individualistes révoltants voire dangereux. En dépit d'un final qui revient à la comédie de façon quelque peu artificielle lorsque Glenn FORD et Jack LEMMON deviennent amis en déteignant l'un sur l'autre, ce qu'on retient, c'est plutôt l'autodestruction de l'ex-shérif qui ne sait plus gérer les relations humaines autrement qu'avec un flingue. Peut-être aurait-il fallu davantage assumer ce ton sans concessions pour que le film atteigne sa pleine puissance au lieu de la désamorcer avec ce final conventionnel bien peu crédible. Il n'en reste pas moins que s'il n'est pas le meilleur western de Delmer DAVES, "Cow-boy" n'est pas non plus un film médiocre, il est rempli de scènes fortes et bien filmées (s'il y a si peu de films de convois de bétail c'est justement parce que c'est une gageure pour un cinéaste), pose un regard intéressant sur la réalité du métier de cow-boy et a un discours pertinent sur la question. Il n'est juste pas complètement abouti.

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Tenet

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2019)

Tenet

J'ai longtemps hésité avant de me décider à regarder "Tenet", j'avais eu de mauvais échos mais l'envie de me faire ma propre idée du film l'a emporté. Hélas, je n'ai pas été emballée et j'ai même fini par ne plus du tout m'intéresser à ce qui se passait à l'écran. Il m'a fait penser à une version ratée de "Inception" (2009). Dans les deux cas il s'agit de films basés sur un concept de distorsion du temps dont le déploiement permet de montrer des scènes d'action spectaculaires se déroulant à un rythme soutenu avec un effet labyrinthique donné par un montage complexe. Mais "Inception" était charpenté par une véritable histoire avec des enjeux à hauteur d'homme et le casting était de haut niveau. "Tenet" repose lui sur un scénario simpliste et archi-rebattu: sauver le monde de l'apocalypse et son casting est franchement médiocre (même si pour l'anecdote, c'est amusant de retrouver une partie des acteurs de "Harry Potter et la coupe de feu" (2005) quinze ans plus tard, Clémence POÉSY et Robert PATTINSON). Le "héros" tout comme "le méchant" (rien que ces mentions soulignent là aussi le manque d'ambition quant à la caractérisation des personnages) manque cruellement de consistance, il n'est que le rouage d'une machine qui semble être la seule raison d'être du film. Sauf que plus celui-ci avance, plus il devient confus à force de vouloir faire cohabiter dans un même plan deux temporalités antagonistes (un temps présent s'écoulant à l'endroit et un temps présent s'écoulant à l'envers). Confus et répétitif de surcroît puisque la deuxième partie du film revient sur les scènes déjà vues, partiellement remontées à l'envers. Pour humaniser un peu son film, Christopher NOLAN a ajouté l'histoire de la femme du méchant, Kat (Elizabeth DEBICKI) qui cherche à sauver son fils, Max de l'apocalypse programmé par son père. Cette intrigue souligne l'incohérence foncière du personnage de Andrei Sator (Kenneth BRANAGH) condamné par un cancer lié à ce qui s'apparente aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl et qui a de ce fait sombré dans le nihilisme mais qui a quand même fait un enfant. Il me semble que lorsqu'on veut détruire l'humanité en anéantissant le temps, on ne se perpétue pas. Le "paradoxe du grand-père" évoqué dans le film consistant à se détruire soi-même en détruisant le passé ne trouve d'ailleurs pas davantage de réponse satisfaisante. Sinon que Sator est russe et que pour nombre de blockbusters américains ratés*, être russe est une explication en soi. Comme le disait Sting dans les années 80 à propos de la menace nucléaire liée à la guerre froide "J'espère que les russes aiment aussi leurs enfants". Visiblement Christopher NOLAN nous a pondu un film avec les fantasmes américains de cette époque -les années 80- vis à vis des soviétiques "relooké" en film des années 2010. C'est ce qui s'appelle un retour en arrière. Mais pas au bon sens du terme.

* Ce n'est pas la première fois que je remarque qu'un film de Christopher NOLAN véhicule des idées conservatrices voire réactionnaires. Ca m'avait déjà frappé dans "Batman - The Dark Knight Rises" (2012).

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Sherlock

Publié le par Rosalie210

Mark Gatiss et Steven Moffat (2010-2017)

Sherlock

Avant de voir La Vie privée de Sherlock Holmes" (1970) de Billy WILDER, je ne m'intéressais pas au célèbre détective du 221b Baker Street et à toute la mythologie qu'il traînait avec lui. Voir quelqu'un résoudre des enquêtes grâce à des pouvoirs cérébraux supérieurs à la moyenne, ça ne me fascinait pas du tout. En revanche enquêter sur l'homme, ça me passionne et c'est exactement ce qu'a fait Billy WILDER et son complice scénariste I.A.L. DIAMOND en humanisant le personnage créé par Arthur Conan Doyle en 1887. Le film de Billy Wilder est à la fois un hommage à l'auteur et au héros qui a bercé sa jeunesse et une transgression pleine d'irrévérence.

Or "La Vie privée de Sherlock Holmes" (1970) est le film préféré de Mark GATISS, co-créateur de la série "Sherlock" avec Steven MOFFAT. Tous deux ont donc conservé l'état d'esprit de la Wilder/Diamond's touch (tant sur le plan de l'hommage à Doyle, de l'iconoclasme que dans celui de l'art de la suggestion plutôt que de la démonstration) tout en modernisant le style (quitte à être dans la surcharge dans le rythme et les informations qui s'affichent à l'écran mais cela va avec l'état d'esprit du héros) et surtout en transposant personnages et intrigue de nos jours. L'état d'esprit, c'est donc de faire passer les enjeux humains avant les enquêtes pour raconter sur quatre saisons de trois épisodes d'une heure trente chacun (si on ajoute l'épisode spécial cela représente l'équivalent de treize films!) la métamorphose d'une machine à penser en être humain revenu des Enfers grâce une chaîne d'amour et de solidarité qui s'établit autour de lui et dont la pièce maîtresse est son colocataire, ami et frère de substitution John Watson (Martin FREEMAN) qui prend la place de son frère biologique étouffant, Mycroft (joué par Mark GATISS lui-même qui lui donne une ampleur remarquable). La complexité des personnages dont aucun n'est négligé, qu'ils soient hommes ou femmes donne beaucoup de profondeur à cette série redoutablement intelligente dans son caractère méta. C'est à dire qu'elle introduit une bonne dose de réflexivité qui oblige le spectateur à être actif en permanence pour déchiffrer des images-métaphores souvent énigmatiques, établir des liens entre elles et l'obliger à l'image du héros à en tirer des déductions (y compris sur sa position de spectateur ou de fan qui se projette, qui écrit ses propres scénarios). Le casting de haut vol rehausse encore le niveau avec des prestations remarquables, notamment de Benedict CUMBERBATCH (Sherlock) et Andrew SCOTT qui joue sa némésis, Moriarty.

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Deux hommes en fuite (Figures in a Landscape)

Publié le par Rosalie210

Joseph Losey (1970)

Deux hommes en fuite (Figures in a Landscape)

Je continue mon exploration de la filmographie de Joseph LOSEY avec ce méconnu et brillant "Deux hommes en fuite" qui montre que celui-ci est aussi à l'aise pour filmer des affrontements physiques et psychologiques dans des lieux clos et étroits que dans les grands espaces tout en conservant à ceux-ci l'allure d'une prison (mais à ciel ouvert). Le caractère volontairement abstrait du film qui voit deux fugitifs lutter contre un hélicoptère qui les traque sans répit m'a fait penser autant à "Duel" (1971) qu'à "La Mort aux trousses" (1959) (pas seulement à cause de la scène de l'avion mais aussi par le caractère géométrique des paysages filmés d'en haut). Si "Deux hommes en fuite" est antérieur au film de Steven SPIELBERG, nul doute que le contexte de guerre froide dans lequel se situe celui de Alfred HITCHCOCK l'a inspiré. Car bien que n'étant jamais contextualisé (on ne connaît ni l'époque, ni les lieux de l'action, ni les raisons qui ont conduit les protagonistes a être privés de liberté, ni comment ils se sont évadés), l'imaginaire collectif ne peut absolument pas manquer le fait que les paysages traversés et les scènes d'action spectaculaires se réfèrent à l'histoire des guerres menées par les USA telles qu'elles ont été illustrées par le cinéma. C'est particulièrement frappant dans les premières scènes qui se réfèrent au western crépusculaire que dans celle où les deux hommes rampent au sol au beau milieu d'une végétation enflammée par leur ennemi, scène qui nous immerge en pleine guerre du Vietnam. La fin, glaciale, fait penser aux échanges d'espions de la guerre froide avec cette frontière au milieu d'un versant de montagne enneigé derrière laquelle se déploient des soldats armés qu'on est en droit d'identifier à l'URSS.

Par ailleurs, le paradoxe du film de Joseph LOSEY c'est que tout en confinant à l'abstraction, il met en scène plus que jamais l'instinct animal de l'homme. Les deux fugitifs (joués par Robert SHAW et Malcolm McDOWELL), tels des bêtes traquées sont engagées dans une lutte à mort qui semble sans issue pour leur survie immédiate mais aussi pour leur avenir. Leurs dissensions liés à l'âge, au milieu social, à leurs différences de valeurs (on apprend quand même quelques éléments de leur vie à travers leurs conversations) ne sont tout de même pas assez fortes pour les séparer et alors qu'au début ils étaient dans une vulnérabilité totale par rapport à leur poursuivant et ses sbires, ils acquièrent peu à peu des armes qui leur permettent de donner le change à ce monstre qui les surplombe et les écrase.

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