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Le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair)

Publié le par Rosalie210

Joseph Losey (1948)

Le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair)

Premier film de Joseph LOSEY, "Le Garçon aux cheveux verts" n'a rien perdu de son actualité. Le contexte a changé, le jugement social sur les petits garçons aux cheveux différents de la norme non. Par exemple, les cheveux longs et bouclés qui ne semblent pas poser problème quand ils sont portés par des petites filles deviennent étonnamment suspects quand ils le sont par des petits garçons, surtout à partir de l'entrée à l'école. Outre le trouble sur le genre qu'ils induisent et qui dérange on les accuse de transmettre des poux et on agite alors la menace de la tondeuse. Et c'est ainsi que la pression sociale normative continue à s'exercer en toute impunité dans une société dite "moderne".

Peter (Dean STOCKWELL alors enfant-acteur à la présence déjà remarquable) n'a pas les cheveux longs mais un matin, il découvre qu'ils sont devenus naturellement verts. Cette simple différence de couleur lui vaut la curiosité malsaine puis l'ostracisme et enfin l'hostilité de la petite ville américaine dans laquelle cet orphelin de guerre (le film date de 1948) pensait avoir trouvé un foyer. Outre sa beauté et sa mélancolie, le film offre un édifiant portrait de la gent humaine qui renvoie aux comportements racistes et antisémites observés pendant la seconde guerre mondiale. Le harcèlement vécu par Peter à l'école, les pressions exercées par le laitier qui craint que le changement de couleur des cheveux du garçon ne soit associé à son lait et ne lui fasse mettre la clé sous la porte, la docilité servile du coiffeur ou encore la lâche trahison du tuteur de Peter d'apparence si tolérant et qui plus est magicien. Rien de tel que la confrontation avec la différence pour révéler les tricheurs de tous bords, y compris ceux qui se drapent dans des oripeaux de vertu ou d'ouverture d'esprit.

Mais le film n'est pas qu'une fable sur la différence car celle-ci est signifiante. Peter porte bien malgré lui la mémoire de tous les enfants victimes de la guerre et la couleur de ses cheveux qui le rend visible est un moyen d'obliger les adultes à ne pas se dérober à leurs responsabilités présentes et futures pour que cela ne recommence jamais. Le film de Joseph LOSEY est donc humaniste et engagé et plus dérangeant que convenu en dépit des apparences. D'ailleurs celui-ci et ses collaborateurs subiront le sort de Peter en étant blacklisté par Hollywood au moment de la chasse aux sorcières.

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The Servant

Publié le par Rosalie210

Joseph Losey (1963)

The Servant

Très grand film se situant au confluent du social et de l'intime, "The Servant" est l'histoire d'une relation d'emprise d'un valet sur son maître, nourrie de revanche sociale, de sadomasochisme et d'homosexualité refoulée. Comme l'époque interdit d'être explicite, ce sont le décor, l'agencement de l'espace et la mise en scène qui vont "parler" bien mieux que les propos des personnages. La première scène, programmatique, dit déjà à peu près tout. Un homme tiré à quatre épingles, impeccable d'élégance mais qui n'est pourtant qu'un domestique de niveau supérieur -un majordome en somme- entre chez son futur maître pour se faire embaucher. Mais en lieu et place du haut standing attendu, il découvre un lieu vide et décrépi et un homme endormi dans un laisser-aller total qui fleure bon l'esprit faible et décadent. Les yeux froids et intelligents de Barrett n'ont pas perdu une miette du spectacle (immense Dirk BOGARDE dont la fausse impassibilité cache une intériorité de plus en plus terrifiante) alors que la caméra le filme en contre-plongée, au-dessus du corps endormi de sa future victime. D'emblée, c'est Barrett qui domine, c'est lui qui rénove la maison selon ses propres directives et c'est lui qui va n'avoir de cesse d'en prendre possession, ainsi que du corps et de l'esprit de son propriétaire. Tâche d'autant plus facile que celui-ci n'offre que bien peu de résistance aux assauts de plus en plus violents de son bourreau dont les manières si parfaites cachent des trésors de perversité. Car Tony (James FOX, trente ans avant de rejouer les aristocrates dévoyés chez James IVORY) ne maîtrise rien de se qui se passe en lui et n'est qu'une chiffe molle sans volonté, rapidement vidée de toute substance. Il y a bien la fiancée de Tony, Susan (Wendy CRAIG) qui a flairé le piège et tente de reprendre prise sur l'espace et sur l'homme (l'enjeu des fleurs, des coussins etc.) mais le problème pour elle est que les instincts profonds de Tony sont contre elles et avec Barrett*. Ce dernier incarne de façon perverse un Figaro écrasant l'ADN supposé supérieur par sa seule intelligence. On a beaucoup parlé à propos du film de la dialectique du maître et de l'esclave et à juste titre tant celui-ci souligne notamment à travers la métaphore de la traversée des miroirs la dépendance infantile du maître à son domestique qui comble ses besoins et exerce un contrôle total sur lui mais celle-ci se double d'une attirance et fascination sexuelle tout à fait semblable à celle de "Furyo" (1982) ou de "Reflets dans un oeil d'or" (1967). Est-ce un hasard si les deux hommes ne se retrouvent sur un pied d'égalité que lorsqu'ils évoquent avec nostalgie l'époque de la "camaraderie" du régiment?

* Joseph LOSEY utilise exactement le même procédé que Basil DEARDEN dans "La Victime" (1961) pour révéler l'homosexualité refoulée de son personnage principal: des photos d'hommes érotisées accrochées au mur de sa chambre. C'est "La Victime" (1961) qui a révélé la vraie personnalité de Dirk BOGARDE et donné l'idée à Joseph LOSEY et à Luchino VISCONTI de l'employer.

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Gazon Maudit

Publié le par Rosalie210

Josiane Balasko (1994)

Gazon Maudit

Un titre trouvé par Bertrand BLIER, des acteurs sortis tout droit de "Talons aiguilles" (1991) de Pedro ALMODÓVAR (Victoria ABRIL et Miguel BOSÉ tous deux "caliente"), ça donne tout de suite de l'allure à cette comédie parfaitement jubilatoire qu'est "Gazon Maudit". Jubilatoire, iconoclaste (c'était la première fois qu'on parlait frontalement d'homosexualité féminine dans une comédie mainstream), décomplexée et tendre. Car si l'hétéro-beauf cavaleur, jaloux et homophobe en prend plein la gueule c'est pour mieux se réinventer par la suite. Ce n'est pas pour rien qu'il s'appelle Lafaille! Il faut dire que c'est Alain CHABAT qui s'y colle et qu'il n'a pas son pareil pour rendre crédible ce genre de métamorphose. Je est un autre disait en son temps Arthur Rimbaud. Et voilà que "l'autre" comme Laurent appelle sa rivale Marijo (Josiane BALASKO) avec tant de mépris, ça pourrait bien être en fait une partie ignorée de lui-même. Ignorée et refoulée tant qu'il s'accroche à son rôle de mâle-alpha insupportablement macho avec les femmes, la sienne y compris qu'il néglige, trompe à tire-larigot et à qui il ne cesse de mentir. Pourtant elle aurait de quoi le combler parce qu'à peine Marijo débarquée dans leur vie, ça devient tout de suite très chaud et sans tabou entre elles. Et ça finit même par le contaminer, lui. Seulement voilà, il faut qu'il accepte Marijo pour qu'il voie enfin vraiment sa femme et qu'il se voie aussi vraiment lui-même. Et ça c'est un gros travail d'acceptation de soi à travers cet autre honni justement. Car Laurent et Marijo ont un point commun: ils aiment Loli (il faut dire qu'elle est irrésistible!) Et Loli les aime tous les deux. Alors Marijo est bien obligée d'aller au-delà de sa détestation des hommes et Laurent au-delà de ses préjugés sur les "camionneuses". Et ça pourrait même accoucher de nouvelles configurations amoureuses et familiales tout ça, peut-être peu orthodoxes mais qu'importe si tout le monde y trouve son compte et peut s'y épanouir et en sortir enrichi.

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The Lost City of Z

Publié le par Rosalie210

James Gray (2015)

The Lost City of Z

Je n'accroche pas plus que ça aux films de James GRAY, quel que soit le genre auquel il s'adonne (thriller, drame historique, épopée spatiale, récit d'aventures). C'est sans doute trop distancié à mon goût et pas toujours juste humainement. Mais ici, cette distance sert le film qui est une critique plutôt pertinente de la civilisation occidentale colonialiste, ses fétiches (titres, breloques dorées), ses chimères (gloire, toute-puissance), sa soif non de véritables découvertes mais de conquête, de pouvoir et d'appropriation, ses tendances destructrices et autodestructrices incarnées par la première guerre mondiale. Le tout s'incarne dans le personnage du bien nommé Percival Fawcett (Charlie HUNNAM), un explorateur britannique ayant réellement existé, obsédé durant toute sa vie par la recherche d'une cité perdue au coeur de l'Amazonie sans laquelle il pense ne jamais pouvoir atteindre la plénitude. Hanté par l'idée de laver l'honneur de son nom entaché par les défaillances de son père qui a fait de lui un paria dans la haute société, il en oublie son épouse (Sienna MILLER) qu'en parfait homme de son temps, il ne revoit que le temps de lui faire un nouveau gosse entre deux expéditions*, gosses qui grandissent avec une image de père héros mais surtout absent. Avec toujours la même conséquence au bout du compte: un fils aîné (Tom HOLLAND) qui après une période de rébellion adolescente bien naturelle finit par devenir un parfait clone de son père, n'ayant trouvé que ce moyen pour le rejoindre.

Mais en dépit de tout ce que le personnage peut avoir de rétrograde aux yeux d'un homme du XXI° siècle, Fawcett est montré comme atypique, notamment dans sa relation avec les indiens dans laquelle il pratique un "lâcher-prise" aux antipodes du comportement d'un Murray aux allures de saboteur (Angus MacFADYEN). Indiens avec lesquels il cherche à communiquer, dont il cherche à comprendre les us et coutumes (notamment le cannibalisme) sans les juger et dont il apprécie les compétences, par exemple en matière d'agriculture. On se dit en le voyant faire qu'il aurait pu être un excellent anthropologue, une sorte de Marcel Mauss britannique. Au lieu de cela, sa recherche jusqu'au-boutiste de la chimérique cité de Z aura considérablement influencé les artistes occidentaux, du "Monde Perdu" de Sir Conan Doyle aux aventures d'Indiana Jones en passant par celles de Tintin et de Bob Morane.

* La rhétorique bien conservatrice du bonhomme lorsque sa femme lui propose de l'accompagner dans ses expéditions souligne le carcan mental dans lequel il a été élevé "depuis la nuit des temps, les hommes et les femmes se sont dévolus chacun à leur rôle" comme si celui-ci procédait d'un ordre naturel et immuable alors qu'il s'égit bien évidemment d'une construction sociale.

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Moi, Léa

Publié le par Rosalie210

Inès Bigonnet, Aurélien Quillet (2020)

Moi, Léa

"Moi, Léa" est un court-métrage réalisé par une lycéenne de 16 ans atteinte du syndrome d'asperger, Inès Bigonnet, également auteure du script. Celle-ci a pu s'appuyer sur l'IMCA Provence (Centre de formatrion vidéo scénario) qui lui a fourni une caméra professionnelle et une équipe technique, des partenaires financiers locaux et une cagnotte en ligne lancée sur internet pour récolter des fonds. Au total une soixantaine de personnes ont pu participer au projet qui s'est étalé sur près de huit mois. Le film a été projeté en avant-première au cinéma le Vox d'Avignon juste avant le début du deuxième confinement et est disponible depuis fin novembre 2020 sur You Tube.

Si le projet s'est professionnalisé au fur et à mesure de son développement, c'est aussi en raison des thèmes qu'il aborde. Une adolescente qui doit assumer des responsabilités d'adulte en raison de la mort de son père et de sa mère défaillante. La passion du VTT considéré comme un sport peu féminin qui lui a valu des railleries. Et enfin les clichés autour du syndrome d'asperger, considéré à tort comme une maladie mentale et objet de harcèlement. Même si le film n'est pas exempt de maladresses en raison d'anachronismes dans un flashback censé se dérouler dans les années 60 mais qui ne fait pas illusion, le fait que Inès Bigonnet soit comparée à Antoine Doinel est un compliment prometteur et mérité qui compense largement le manque de moyens. On ne peut que saluer l'initiative et la détermination de cette jeune fille. Et la chanson finale est particulièrement percutante et bien interprétée. En voici les paroles:

"Ma différence, j’en fais une force, une fragilité
L’intelligence, pas de rejet, ne pas chercher
Je suis cet autre, que tu croises les yeux baissés
L’intolérance, c’est par ce geste déplacé

Mon existence est nourrie de diversité
Quand ma présence, à vos côtés peut vous gêner
Je suis cet autre, je suis un être singulier
Laisse tes méfiances, abolis donc tous tes clichés

Moi, j’ai une âme dans ce corps si contrarié
Garde tes distances, si tu ne veux pas l’accepter
L’altérité n’est un pas trouble, pas un drame
Aussi absurde que ce physique que tu blâmes
La vérité de vos raisons vaut bien la nôtre
Semblable, mais parmi vous, je suis cet autre

Mon espérance, est de vous voir un jour changer
Tant d’impuissance, devant tant d’ambiguïté
Je suis cet autre, quand mon langage vint à blesser
Tes défiances, tes cohérences sont dépassées

Dans le silence, la souffrance m’accompagnait
Un état de transe pour comprendre où je suis né
Je suis cet autre serait-ce à moi de m’adapter
Cette existence, d’une autre empreinte je suis fais

Moi, j’ai une âme dans ce corps si contrarié
Garde tes distances si tu ne veux pas l’accepter
L’altérité n’est un pas trouble, pas un drame
Aussi absurde que ce physique que tu blâmes
La vérité de vos raisons vaut bien la nôtre
Semblable, mais parmi vous, je suis cet autre

Moi, j’ai pris conscience de vos refus de liberté
Toutes vos confiances, cette pauvreté de vos idées
Je suis cet autre, je ferai tout pour tolérer
Ces déficiences, la platitude de vos pensées

Moi, j’ai une âme dans ce corps si contrarié
Garde tes distances si tu ne veux pas l’accepter
L’altérité n’est un pas trouble, pas un drame
Aussi absurde que ce physique que tu blâmes
La vérité de vos raisons vaut bien la nôtre
Semblable, mais parmi vous, je suis cet autre".
 

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Mado

Publié le par Rosalie210

Claude Sautet (1976)

Mado

"Mado" est le quatrième et dernier film tourné par Michel PICCOLI pour Claude SAUTET. Comme dans les précédents, il interprète un bourgeois quinquagénaire qui a bien du mal à rester sur les rails. Certes, sa voiture ne part pas en vrille comme dans "Les Choses de la vie" (1969) mais elle s'enlise dans la boue, comme celles de ses amis. Et il n'en est pas réduit à décharger son révolver comme dans "Max et les ferrailleurs" (1970) mais il provoque un règlement de comptes sanglant dont la victime est un escroc plus estimé par celle qu'il aime que lui-même*. Celle qu'il aime est d'ailleurs un bien grand mot pour qualifier une relation vénale mâtinée de sa part de possessivité et de jalousie. Mais plus il s'accroche et plus elle se dérobe cette Mado prolétaire (Ottavia PICCOLO) qui arrondit ses fins de mois en vendant ses charmes aux vieux friqués tout en étant pas dupe que leur obsession du contrôle dissimule un grand vide intérieur. Et c'est toute la finesse de Michel PICCOLI et à travers lui, de Claude SAUTET de suggérer derrière la maîtrise apparente d'un homme capable lorsque sa survie est en jeu de méthodes aussi véreuses en affaires que celles des requins qui cherchent à le bouffer toute la détresse d'un visage défait après une nuit blanche sous la pluie et le froid. Ainsi, comme tous les Sautet, les portraits de groupe et l'instantané social d'une France en crise et fracturée sur les plans social et générationnel dissimulent un drame des plus intime. Drame qui se reflète également dans un autre visage défait, celui d'Hélène (Romy SCHNEIDER) qui ne fait qu'une brève mais marquante apparition en ex-compagne démolie par l'alcool et le mal d'aimer. Visage que Simon semble tout de même davantage capable de regarder en face à la fin du film.

* Le personnage de Mado est fascinant en ce qu'elle remet en cause bien des idées reçues. Par exemple en différenciant l'amour et la morale (des hommes crapuleux peuvent être davantage capables d'amour que des bourgeois "vertueux") et en donnant une définition toute personnelle du bien et du mal (vivre au crochet des autres lui faisant plus de mal que de se prostituer).

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La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai)

Publié le par Rosalie210

Orson Welles (1947)

La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai)

Comme son labyrinthe de miroirs, "La Dame de Shanghai" est un film déroutant dans lequel Orson WELLES s'amuse à brouiller les pistes. C'est une aventure pleine de chausse-trappes dans laquelle les éléments d'exotisme foisonnent (croisière aux caraïbes, quartier chinois de San-Francisco) et sont pourtant démentis par des gros plans sur des bestioles vénéneuses renvoyant à l'atmosphère trouble qui règne à bord du huis-clos du bateau avec ces gros plans sur des visages parfois grimaçants et en sueur. Michael O'Hara (joué par Orson WELLES) définit très bien les relations entre les personnages: ce sont celles de requins sur le point de s'entretuer. Même si l'on reconnaît les ingrédients du film noir, les motivations des personnages sont si nébuleuses que l'on s'y perd. Et c'est volontaire comme le souligne le célébrissime dénouement du film dans la salle des miroirs qui démultiplie l'image de la femme fatale aux cheveux coupés courts, de son mari infirme et du pseudo amant sauveur. A moins qu'il ne fasse éclater ces archétypes justement, de la même façon qu'il sacrifie la longue chevelure flamboyante de Rita HAYWORTH. Car au-delà de la mise en scène éblouissante et de l'atmosphère malsaine (mais vraiment très malsaine) que distille le film, celui-ci tourne en dérision les illusions tournant autour de la princesse en détresse et de son chevalier servant. La première scène fonctionne presque comme une parodie de sauvetage tant le chevalier est mou et sa princesse peu effrayée par la situation dans laquelle elle se trouve. Mais lui y croit, il est même complètement aveuglé. La suite montre comment ce chevalier se retrouve pris au piège dans un ménage à quatre particulièrement glauque puis accusé de meurtre sans parvenir à se dépêtrer de la fascination qu'exerce sur lui la belle Elsa. Laquelle passe son temps à lui demander de "l'emmener" quelque part, continuant à jouer le rôle de la pauvre fille impuissante alors que tout dans son regard et son attitude trahit qu'elle est le véritable cerveau d'une vaste mascarade dans laquelle elle se joue des hommes avant de les manger.

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La Comtesse blanche (The White countess)

Publié le par Rosalie210

James Ivory (2005)

La Comtesse blanche (The White countess)

Très beau film romanesque sur deux âmes blessées prises dans la tempête de l'histoire, "La comtesse blanche" narre la rencontre dans le Shanghai de la fin des années trente de Sofia, une comtesse russe déchue (Natasha RICHARDSON, magnifiquement mélancolique) et de Todd Jackson, un diplomate américain aveugle (Ralph FIENNES, aussi vulnérable que résilient). La première subit une double peine inique. A l'exil vient s'ajouter le rejet de sa belle-famille qui pourtant vit à ses crochets mais qui se réfugie hypocritement derrière la religion pour condamner sa manière de leur rapporter de l'argent en jouant les entraîneuses et occasionnellement les prostituées. Elle tente également par tous les moyens de la séparer de sa fille qui subit soi-disant sa mauvaise influence. Le second qui a perdu toute sa famille et la vue dans des circonstances mystérieuses décide d'ouvrir un bar-cabaret en s'associant avec un japonais Matsuda et en enjoignant à Sofia de venir travailler pour lui. Mais ce relatif havre de paix qu'est "La comtesse blanche" (le nom du bar de Todd Jackson) n'est que temporaire. L'invasion japonaise de la ville oblige les personnages à fuir. C'est au beau milieu de la panique et des bombes, dans une atmosphère de ténèbres et de mort que la vérité des sentiments se fait jour, comme souvent chez James IVORY qui aurait pu faire sienne la phrase de Léonard Cohen "Il y a une fissure en chaque chose car c'est par là que la lumière peut entrer". La fin, subtilement mélancolique est superbe. Contrairement à beaucoup de critiques qui ont trouvé le film confus, je l'ai trouvé au contraire parfaitement limpide.

A noter que "La comtesse blanche" est la dernière collaboration de James IVORY avec Ismail MERCHANT, ce dernier étant décédé peu après la fin du tournage. Le scénario est de Kazuo ISHIGURO, l'auteur du roman "Les Vestiges du jour" dont l'adaptation fut l'un des plus grands succès de James IVORY.

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Coup de foudre à Bollywood (Bride and Prejudice)

Publié le par Rosalie210

Gurinder Chadha (2004)

Coup de foudre à Bollywood (Bride and Prejudice)

"Orgueil et Préjugés" à la sauce bollywoodienne revue et corrigée par Hollywood et la réalisatrice de "Joue-la comme Beckham" (2002) cela donne un film chatoyant et entraînant dans lequel on ne s'ennuie pas une seconde. Le livre de Jane Austen renommé en VO "Bride and Prejudice" est astucieusement transposé de nos jours entre personnes de la très bonne société certes mais issues de deux cultures différentes ce qui épice pas mal la sauce. Outre les chassés croisés dans les différents pays des protagonistes (l'Inde, le Royaume-Uni et les USA) on retrouve l'esprit melting-pot dans des chorégraphies qui évoquent autant Bollywood que Broadway. Les acteurs indiens sont globalement très bons avec une mention spéciale pour l'héroïne, Lalita. Aishwarya RAI est d'une beauté à couper le souffle (elle a été miss monde dix ans avant de jouer dans le film) et a beaucoup d'esprit et de caractère, bref elle est parfaite en Elizabeth indienne. L'autre acteur épatant, c'est Nitin Chandra Ganatra qui joue un M. Kohli (Mr. Collins) beaucoup plus sympathique que dans le roman, ridicule certes mais tendre. Il est clair que le film n'est pas une satire sociale comme peut l'être le roman d'origine, tout est fait pour faire rêver et divertir le spectateur à la manière des soap opera donc on ne parle pas des choses qui fâchent et on reste léger. Il n'empêche que le charme opère et que le film opte pour une direction clairement féministe. Les personnages masculins sont en effet pâlots à côté des filles de la famille Bakshi, y compris le pauvre Darcy joué par un bellâtre quelconque. C'est dommage mais le personnage est souvent sacrifié dans les adaptations au profit d'Elizabeth.

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Les Filles du Docteur March (Little Women)

Publié le par Rosalie210

Greta Gerwig (2019)

Les Filles du Docteur March (Little Women)

La dernière version (en date) du célèbre roman de Louisa May Alcott, déjà portée de multiples fois à l'écran est aussi l'une des plus réussies. Rien de révolutionnaire, la réalisatrice reste fidèle au roman d'origine y compris dans certaines de ses valeurs surannées dont on pourrait maintenant je pense se passer (les oeuvres de charité dévolues aux femmes par exemple, le sens du sacrifice utilisé comme moyen d'édification et la mort doloriste de Beth qui en résulte comme si cette pauvre fille n'avait de place qu'au cimetière. Mais c'est normal puisqu'elle incarne la sainteté qui n'est pas humaine). Néanmoins, il y a une belle vivacité dans le jeu des acteurs et des actrices qui secoue un peu l'aspect corseté de la société dans laquelle les personnages vivent. Le scénario qui fonctionne par flashbacks réagence intelligemment le roman de façon à éviter les redondances ou à créer un système d'échos entre le premier (l'adolescence) et le second volume du roman original ("le docteur March marie ses filles" alias trois mariages et un enterrement). Mais l'aspect que j'ai trouvé le plus intéressant c'est la mise en abyme du travail d'écrivain de Jo comme étant celui de l'auteure du roman qui n'a jamais caché que son héroïne était un double d'elle-même (et celle-ci devient également une projection de Greta GERWIG). Lorsque Jo est amenée à raconter sa véritable histoire plutôt que de s'évader dans des intrigues fantaisistes, elle se décrit comme une indécrottable célibataire qui refuse les propositions de mariage et souhaite rester vieille fille (ce qu'a été Louisa May Alcott). Mais son éditeur l'oblige à modifier la fin pour que le roman soit "bankable". Et Jo (et à travers elle Louisa et Greta) de souligner alors combien le mariage n'est qu'une opération financière et d'exiger logiquement en échange de cette concession l'intégralité des droits d'auteur (négociation qui a réellement eu lieu entre Louisa May Alcott et son éditeur). Jo reste donc célibataire comme l'aurait voulu son auteure et est même montrée comme légèrement queer avec ses faux airs de Virginia Woolf. Un petit coup de griffe bien senti, tout comme celui d'Amy à propos de ceux (et non de celles) qui jugent la qualité des oeuvres d'art et en écartent presque systématiquement celles qui sont réalisées par des femmes.

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