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La Maladie de Sachs

Publié le par Rosalie210

Michel Deville (1999)

La Maladie de Sachs

"La Maladie de Sachs" commence par un beau générique sur fond noir qui invite à écouter un enchaînement de voix off de patients qui adressent des demandes urgentes au docteur Bruno Sachs. Une partie du film est déjà là, dans ce recueil de la parole en souffrance dont le docteur Bruno Sachs a fait un sacerdoce. En effet, le cadre rural dans lequel il exerce et son dévouement sans limite qui lui a fait renoncer à avoir une vie privée font de lui une sorte de prêtre laïc et de son lieu de travail, un confessionnal ou un cabinet de psy. On voit donc durant tout le film les patients défiler ou bien lui-même se rendre à leur domicile afin de leur apporter avant tout écoute, compréhension et soutien, même et surtout lorsqu'il ne peut pas les guérir. Une approche humaniste de la médecine très éloignée de sa pratique souvent purement technicienne et menacée par la progression galopante des déserts médicaux lié à la sous-rémunération des généralistes. Mais le film ne s'en tient pas là et est un échange. Car avec un tel médecin forcément, les patients s'attachent et à côté de leurs paroles énoncées, on entend également en voix off leurs pensées, des remarques sur l'apparence ou le comportement de Sachs, de la curiosité sur sa mystérieuse vie privée. On découvre que Sachs tient un journal intime dans lequel il déverse le trop-plein reçu dans la journée. C'est sa thérapie à lui car lorsqu'on est perméable à la souffrance, on devient malade soi-même. Les origines de sa vocation tiennent justement à cette découverte ainsi que sa conception idéaliste de la médecine. Une ancienne patiente parvient à entrer dans son intimité et c'est à elle qu'il confie ses écrits. "la maladie de Sachs" est un film presque religieux, spirituel assurément construit comme une partition musicale polyphonique où l'écoute et la parole ont le rôle essentiel. Les acteurs sont parfaits, à commencer par Albert DUPONTEL qui avant d'être acteur se destinait à la médecine comme son père, Dominique REYMOND dans le rôle de son assistante et Valérie DRÉVILLE dans celui de Pauline, son grand amour.

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Devine qui vient dîner? (Guess Who's Coming to Dinner ?)

Publié le par Rosalie210

Stanley Kramer (1967)

Devine qui vient dîner? (Guess Who's Coming to Dinner ?)

"Devine qui vient dîner" est une comédie qui en dépit d'une mise en scène "sitcom" (mais sans les rires enregistrés) reste très amusante à regarder aujourd'hui en plus de sa valeur historique et sociologique indéniable. "Devine qui vient dîner", c'est le "Philadelphia" (1993) des relations interraciales. Il s'agit du premier film hollywoodien qui aborde la question des mariages interraciaux et par ricochet, du métissage. 1967 est une année clé en ce domaine: l'arrêt "Loving v Virginia" aboutit à l'abolition des lois qui criminalisaient ces unions dans les Etats sudistes (un aspect d'ailleurs évoqué dans le film). "Devine qui vient dîner" est d'ailleurs construit comme un film de procès avec ses plaidoiries et son verdict final. C'est aussi le dernier film de l'irrésistible duo formé par Katharine HEPBURN et Spencer TRACY, très malade lors du tournage et dont ce fut le dernier rôle. Il est intéressant de voir comment Stanley KRAMER a su les utiliser. Bien que le personnage de Katharine HEPBURN soit d'abord sidéré par l'identité de son futur gendre (la tête de l'actrice est alors à hurler de rire), il s'avère aussi progressiste que la plupart des rôles interprétés par l'actrice. Spencer Tracy incarne quant à lui le bon sens terrien confronté à ses contradictions: démocrate aux idées libérales comme son épouse mais effrayé par la transgression des barrières raciales dans son propre foyer. Face à eux, Sidney POITIER compose un personnage à l'évidente résonance autobiographique. On a beaucoup ironisé sur la "perfection" du docteur Prentice bien sous tous rapports et doté d'un statut professionnel et social prestigieux ne correspondant pas à la réalité vécue à l'époque par l'immense majorité des afro-américains mais Sidney POITIER, premier noir à avoir reçu l'Oscar du meilleur acteur n'était-il pas lui-même l'exception qui confirmait la règle? Il est certain que c'est lui qui s'exprime à travers son personnage lorsqu'il dit à son père que la différence entre eux c'est que lui se définit comme un homme et non comme un homme noir. Et le passage où il évoque avec le père de sa fiancée la possibilité qu'un jour un noir accède à la Maison-Blanche fait évidemment écho aujourd'hui à la cérémonie de remise de la médaille de la liberté (équivalent de la légion d'honneur) que Sidney POITIER reçut de Barack Obama en 2009, ce dernier ayant en commun avec l'acteur d'être un pionnier ayant ses origines ailleurs qu'aux USA et n'ayant de ce fait pas intériorisé les siècles d'esclavage et de racisme subis par la majeure partie des afro-américains. De ce point de vue, on savourera particulièrement le personnage de Tillie, héritière d'une longue lignée de nounous noires dans le cinéma hollywoodien (dont l'exemple le plus célèbre est celle de "Autant en emporte le vent") (1938) et qui regarde d'un très mauvais oeil l'arrivée de cet "intrus" qui dérange un ordre social établi depuis des siècles. Dommage que la fiancée du docteur Prentice, jouée par la nièce de Katharine HEPBURN (d'où un air de famille certain) soit une jeune écervelée dont on se demande aujourd'hui ce que ledit docteur peut bien lui trouver.

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Mirage de la vie (Imitation of life)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1959)

Mirage de la vie (Imitation of life)

Des diamants qui tombent un à un comme autant de larmes jusqu'à finir par en saturer l'écran. C'est par ce magnifique générique que débute le non moins magnifique "Mirage de la vie", le dernier film de Douglas SIRK et l'un de ses plus beaux, en tout cas mon préféré. Un mélodrame flamboyant comme il en avait le secret, à l'intrigue parfaitement lisible et pourtant aussi riche que rigoureux dans sa construction. Dès sa première scène sur la plage de Coney Island, tous les enjeux du films sont posés: l'émancipation de la ménagère WASP de moins de 50 ans qui ne veut plus être la femme-objet du désir masculin et de la société de consommation façonné par lui; le sacrifice du lien filial qu'implique ce désir, incarné par Susie, clone si parfait de sa mère qu'une fois adulte elle tombera amoureuse du même homme; la mère de substitution qu'incarne pour Susie l'afro-américaine Annie Johnson qui la recueille et lui donne à manger sans même la connaître; le malentendu d'entrée de jeu sur l'identité de Sarah-Jane, la fille d'Annie qui a le tort de ne pas refléter la négritude de sa mère et qui dans une société ségréguée "n'habite nulle part". "Mirage de la vie", c'est l'histoire de deux filiations perturbées, l'une par la question féministe et l'autre par la question raciale. C'est l'histoire de deux mères radicalement opposées, l'une, dans la lumière, ambitieuse et carriériste et l'autre dans son ombre, bonne et dévouée et de leurs deux filles qui désirent ce que l'autre a: une vraie mère pour l'une, une place au soleil pour l'autre. La meilleure critique que Douglas SIRK donne de la société américaine des années 50 consiste à dépeindre des choix de vie qui ne sont ni tout noirs ni tout blancs. Le choix de Lora de se réaliser en tant qu'actrice au détriment de sa vie de famille est une illusion dont elle ne mesure l'ampleur qu'à la fin mais elle aurait fait le choix inverse, n'aurait elle pas été tout aussi insatisfaite, désillusionnée (par les mirages de l'amour, du mariage, de la vie de femme au foyer) n'aurait elle pas fait payer à sa famille ses désirs inassouvis? Celui de Sarah-Jane de renier son identité d'origine pour intégrer le groupe dominant relève d'un choix tout aussi impossible: être soi-même dans une condition sociale inférieure, stigmatisante, marginalisante pour une histoire de taux de mélanine dans la peau ou bien mentir et accéder aux privilèges du groupe dominant mais en se coupant de soi-même. La scène grandiose des funérailles de sa mère Annie, cette femme de l'ombre qui accède à la gloire post-mortem en tant que martyre est profondément troublante et se prête à une grande variété d'interprétations: revanche de la communauté noire qui annonce le mouvement des droits civiques, adieu du réalisateur au cinéma, mort annoncée du clasissisme hollywoodien et de la société lui servant de support.

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Le Talentueux Mr. Ripley (The Talented Mr. Ripley)

Publié le par Rosalie210

Anthony Minghella (1999)

Le Talentueux Mr. Ripley (The Talented Mr. Ripley)

"Le Talentueux Mr Ripley" est la deuxième version du roman "Monsieur Ripley" de Patricia Highsmith après le cultissime "Plein soleil" (1960) de René CLÉMENT qui révéla Alain DELON. Le film de Anthony MINGHELLA n'a pas la même aura mythique que celui de René CLÉMENT qui osait quelque chose qui dans sa première partie flirtait avec "Le Mépris" (1963) de Jean-Luc GODARD (alors que François TRUFFAUT l'avait un peu trop vite catalogué "cinéma de papa", passons): le soleil, la mer, les passions à huis-clos (dans un bateau ou sur une île), un acteur/une actrice transformé en dieu/déesse, un côté épuré, bref quelque chose de l'ordre de la tragédie antique. Evidemment, le film de Anthony MINGHELLA ne se hisse pas à ce niveau. Son film est beaucoup plus conventionnel non dans son sujet mais dans son traitement. En lieu et place des tensions étouffantes sur le bateau, la première partie épouse l'enivrement de Tom Ripley qui goûte à la dolce vita de ses nouveaux amis en Italie. Les humiliations qu'il encaisse de la part de Dickie qui se plaît avec un certain sadisme à souffler le chaud et le froid à son égard se noient dans la tendance qu'ont les acteurs à cabotiner et une succession de scènes "touristiques" mettant en valeur le patrimoine culturel de l'Italie (le jour) et les boîtes de jazz (la nuit). Même une fois le Dickie coulé à pic, cette tendance à survaloriser le cadre au détriment des enjeux dramatiques demeure. Ainsi la place d'Espagne est trop envahissante pour être une bonne scène du petit théâtre de la manipulation mené par un Tom que ses mensonges finissent pourtant par dévorer comme il dévore les hommes qu'il désire. Car s'il y a un point fort à retenir du film de Anthony MINGHELLA, c'est que, époque oblige, il est beaucoup plus explicite que son prédécesseur sur le sous-texte homosexuel du roman. Et il s'appuie sur des acteurs offrant une résonance dans ce type de registre. Matt DAMON fait figure d'agneau en comparaison de Alain DELON mais Gus van SANT a su exploiter par la suite une relation de gémellité trouble entre lui et Casey AFFLECK dans "Gerry" (2002). Même chose en ce qui concerne Jude LAW. Evidemment on pense à "Bienvenue à Gattaca" (1997) où il donnait son identité génétique à un autre. Et quelques années plus tard, il jouera dans le remake de "Le Limier" (2007) dont les ressorts sado masochistes sur fond de lutte des classes et d'attraction sexuelle refoulée ne sont pas sans rappeler ceux du livre de Patricia Highsmith.

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Les Berkman se séparent (The Squid and the Whale)

Publié le par Rosalie210

Noah Baumbach (2006)

Les Berkman se séparent (The Squid and the Whale)

"Sexe, ego et nouvelle vague" aurait été un titre plus approprié que le plat "Les Berkman se séparent". En VO le titre est d'ailleurs plus intéressant, "Le calmar et la baleine", une allusion à la dernière scène du film dans laquelle Walt se retrouve au museum d'histoire naturelle en train d'observer les deux monstres des mers s'affronter, une allusion transparente à ses parents qui n'en finissent plus de se déchirer. Dans ce qu'un internaute a qualifié avec justesse de "Kramer contre Kramer réalisé par Woody Allen", on retrouve l'univers des bobos new-yorkais cher au cinéaste de "Manhattan" (1979) et l'un de ses acteurs des années 80, Jeff DANIELS mais avec une tonalité dépressive et au centre du jeu une famille en crise qui n'est pas sans rappeler les films de Wes ANDERSON dont Noah BAUMBACH a co-scénarisé "La Vie aquatique" (2003) (d'où peut-être le choix d'animaux marins pour symboliser le divorce). En effet, comme chez Wes ANDERSON, les membres de la famille Berkman vivent compartimentés et ne communiquent pas les uns avec les autres. S'y ajoute en prime une couche de ressentiment entre les parents qui se comportent de façon immature. En situation de rivalité sur le plan professionnel, ils le sont aussi vis à vis de leurs enfants dont ils se disputent la garde. A ce jeu là, le père surpasse largement son ex-femme (Laura LINNEY) qui rencontre le succès éditorial alors que lui n'y parvient plus. Il se venge alors de façon puérile en racontant à son fils aîné Walt les infidélités de celle-ci ("je suis une pauvre victime de cette méchante femme") et en débarquant à l'improviste chez elle sur le mode "j'ai besoin de mes enfants" (en se moquant complètement de ce qu'ils peuvent ressentir). Cette emprise sur Walt (Jesse EISENBERG) qui en vient à rejeter sa mère devient franchement malsaine lorsque le père s'immisce dans sa vie sentimentale en semant la zizanie entre lui et sa petite amie pour le jeter dans les bras de l'étudiante plus délurée (Anna PAQUIN) qu'il cherche lui-même à séduire. Une sorte de vengeance par procuration? Les dégâts les plus effrayants de cette inconséquence parentale se font sentir sur Frank dont le langage et le comportement sont en décalage avec son âge, comme s'il avait été expulsé prématurément de son enfance. Ainsi sous le vernis bobo intello bien-pensant bourré de références à la nouvelle vague perce une vraie histoire de maltraitance et c'est le fait d'adopter le point de vue des enfants (Noah BAUMBACH s'inspire de ses souvenirs personnels) qui fait l'intérêt du film.

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Peggy Sue s'est mariée (Peggy Sue Got Married)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1986)

Peggy Sue s'est mariée (Peggy Sue Got Married)

"Peggy Sue s'est mariée" fait partie des films sous-estimés de Francis Ford COPPOLA. Parce qu'il s'agit d'un film de commande qui ne devait pas être réalisé à l'origine par lui? Parce qu'il est d'allure modeste comparativement à la démesure d'un "Le Parrain" (1972) ou d'un "Apocalypse Now" (1976)? Parce qu'il s'agit d'une comédie à la tonalité (relativement) légère? Parce que le personnage principal est une femme? Parce que contrairement à un Steven SPIELBERG dont les films grand public du début des années 80 rencontrent un immense succès, la conversion du cinéaste du nouvel Hollywood contestataire des seventies au cinéma pop des eighties s'avère plus délicate? Sans doute un peu de tout cela à la fois.

Pourtant "Peggy Sue s'est mariée" n'est pas un film de seconde zone dans la carrière du cinéaste. Dès le premier plan, il nous propose une version bien à lui de "Alice de l'autre côté du miroir", celui du rétroviseur dans lequel vit la nostalgique Peggy Sue (Kathleen TURNER) qui à 43 ans pense avoir raté sa vie. Comme le titre l'indique, celle-ci se définit avant tout par son mariage, conclu au début des années 60 alors qu'elle n'avait que 18 ans. 25 ans plus tard, celui-ci est en train de s'écrouler alors plutôt que d'investir le présent, Peggy Sue préfère s'évader dans le passé, littéralement. On ne saura jamais comment le bal des anciens, fête typiquement américaine (bien qu'on trouve aussi ce genre de cérémonial de retrouvailles d'anciens élèves dans d'autres pays comme au Japon) se transforme en voyage dans le temps, mais voilà Peggy Sue transportée en 1960, dans son apparence d'adolescente (du moins pour son entourage) mais avec son expérience d'adulte d'âge mûr. Dans le bonus accompagnant le DVD du film, Jean-Baptiste Thoret souligne l'idéalisation des années 50 par le cinéma américain des années 80, en lien avec le triomphe de la politique réactionnaire de Ronald REAGAN (néo-conservatrice, néo-libérale, patriotique voire revancharde sur la scène internationale avec le "America is back" etc.) Ce n'est sans doute pas un hasard si "Peggy Sue s'est mariée" est l'exact contemporain de "Retour vers le futur" (1985) qui lui aussi emmenait son héros eighies à la rencontre de ses parents adolescents dans les fifties. Mais là où Marty tentait de transformer leur destin pour en faire de futurs winners du reaganisme (dans le premier volet, la suite étant nettement plus critique), Peggy Sue utilise cette expérience pour renouer avec sa famille défunte ou perdue de vue, réaliser ses désirs inassouvis en s'affichant avec des garçons marginaux et pousser son futur partenaire dans ses retranchements sans pour autant renoncer à lui. Car renoncer à lui signifierait renoncer à ses enfants et depuis "Le Parrain" (1972) on sait que pour Francis Ford COPPOLA, la famille s'est sacré. Tellement, même qu'il fait jouer dans le film sa fille Sofia COPPOLA et son neveu, Nicolas CAGE dans le rôle de Charlie, le mari de Peggy Sue dans l'un de ses premiers rôles où il s'avère déjà remarquable. On remarque aussi de futurs grands acteurs dans de petits rôles tels que Helen HUNT et Jim CARREY. Francis Ford COPPOLA fait donc moins de "Peggy Sue s'est mariée" un revival nostalgique des années 50 (et sa ménagère frustrée) qu'une variante pop, décalée, douce-amère de la comédie du remariage des années 30 et 40 où les femmes menaient la danse et les hommes par le bout du nez.

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Stromboli

Publié le par Rosalie210

Roberto Rossellini (1950)

Stromboli

"Stromboli" est le premier des cinq films que Roberto ROSSELLINI a tourné avec Ingrid BERGMAN. Une relation artistique fructueuse mais également un couple mal assorti qui est né d'un scandale dont "Stromboli" se fait l'écho. On y voit en effet une étrangère sophistiquée qui pour échapper dans l'après-guerre aux barbelés d'un camp d'internement épouse en toute hâte un pêcheur italien et se retrouve encore plus enfermée au coeur d'un territoire hostile: une île volcanique aride, misérable, peuplée de pêcheurs frustes. La relation entre la jeune femme et son environnement ne génère qu'incompréhension et rejet. Celle-ci n'a alors qu'une obsession: fuir. Mais l'île qui semble animée d'une vie propre grâce à son volcan en éruption lui oppose une force contre laquelle elle ne semble pas de taille à pouvoir lutter. On pense à "La femme des sables" (1963) qui racontait également le cheminement d'un homme pris au piège de forces qui le dépassaient et finissait par s'y abandonner. On peut donc voir dans ce film une métaphore de l'actrice se dépouillant volontairement du glamour hollywoodien pour tendre vers un cinéma qui la fascinait pour son côté vériste. Si, de fait, "Stromboli" est un grand film néoréaliste avec ses scènes documentaires de pêche au thon et de volcan en éruption (cette dernière supervisée par Haroun Tazieff), il s'agit aussi d'une oeuvre métaphysique dans laquelle le sacerdoce contraint de l'héroïne la conduit jusqu'à Dieu. Le fait que le personnage comme l'actrice soit enceinte ajoute encore une portée supplémentaire au film.

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Mytho

Publié le par Rosalie210

Fabrice Gobert, Anne Berest (2019)

Mytho

"Mytho" est une série de deux saisons de six épisodes d'environ 45 minutes chacun qui détone un peu dans le paysage audiovisuel français. C'est sans doute son étrangeté au carrefour de plusieurs genres (comédie, drame aux lisières du fantastique) et son aspect amoral inconfortable qui explique sans doute le relatif insuccès de sa deuxième saison qui a condamné la réalisation d'une troisième et dernière saison qui aurait sans doute offert une fin à une histoire qui reste en suspens. Dommage car la série est originale à plus d'un titre. Elle commence comme une sorte de "Desperate Housewives" (2004) à la française (on pense aussi à "La Vie domestique" (2013) qui est la transposition en France d'un roman anglo-saxon se déroulant dans les banlieues résidentielles aisées) et se termine presque comme "Scènes de la vie conjugale" (1972) où après s'être désuni, un couple se reforme selon des modalités différentes. L'ancrage dans un univers de banlieue américanisé est assez caractéristique du réalisateur, Fabrice GOBERT, ainsi le lycée de "Simon Werner a disparu…" (2009) également situé en banlieue avait en son centre un gigantesque campus. Autre élément commun, faire surgir l'étrangeté et l'énigmatique du quotidien le plus banal. On suit en effet sur plusieurs années les péripéties de la famille Giannini-Lambert dont la vie en apparence sans histoires suit en réalité des chemins de plus en plus tortueux. La première saison repose toute entière sur un mensonge que la mère, Elvira (Marina HANDS) élabore pour enfin exister aux yeux de sa famille qui la néglige. Mensonge dont on voit d'abord les effets bénéfiques sur les relations familiales et les avantages sociaux qu'elle en tire (non sans effets comiques ni sentiment de jouissance du spectateur qui connaît par ailleurs les autres petits secrets de chaque membre de cette famille composé de membres très individualistes) avant que tout ne se dérègle. La deuxième saison qui se déroule principalement à noël, fête familiale par excellence offre pourtant derrière sa façade lumineuse et colorée de sa banlieue un paysage de désolation qui s'étend bien au-delà de la famille Lambert, donnant à la série une tournure presque inquiétante. Les auteurs (Fabrice GOBERT et la scénariste Anne BEREST) multiplient les références au cinéma de Jacques DEMY et Agnès VARDA, les parents de Mathieu DEMY qui joue Patrick, le mari d'Elvira: le tarot, le cancer, l'errance, le métier de photographe, Nice et son casino, les soeurs jumelles échappées de "La Cité des enfants perdus" (1994), l'effroyable bonheur conjugal, la transidentité et l'homosexualité (tous deux portés par le fils des Lambert, Sam joué par Jérémy GILLET et sur un mode frustré et vachard par le patron d'Elvira joué par Yves JACQUES) et en point d'orgue, le thème de l'inceste qui est lui concentré entre les mains de Lorenzo (Luca Terracciano). Autre actrice dont ils utilisent l'aura, Catherine MOUCHET, la "Thérèse" (1986) de Alain CAVALIER dont la place devient de plus en plus importante au fur et à mesure que sa secte devient le refuge des membres de familles en rupture avec les leurs. A ces influences fortement revendiquées s'en mêlent d'autres, anglo-saxonnes surtout telle que la hache de "Shining" (1980) ou les écarts à la norme et pétages de plomb de "American Beauty" (1999) sans parler de forts relents de "Thelma et Louise" (1991) (mais le road-movie entre filles se fait plutôt dans les sciences occultes que dans le désert américain).

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Ma saison préférée

Publié le par Rosalie210

André Téchiné (1993)

Ma saison préférée

"Ma Saison préférée" est un film étrange et quelque peu "bâtard". D'ailleurs une scène résume assez bien le film tout entier: celle dans laquelle Berthe (Marthe VILLALONGA) qui cueille des cerises dans son jardin a une attaque et s'évanouit. André TÉCHINÉ filme d'abord en plongée la terre, les feuilles tombées au sol près de la vieille femme puis il lui fait ouvrir les yeux et contempler le ciel et les branches du cerisier en contre-plongée. On peut rajouter une troisième dimension qui est le temps: des plans sur de vieilles photos en noir et blanc que l'on devine être celles de Marthe VILLALONGA jeune qui voit ainsi son passé défiler. Le film navigue ainsi entre les vestiges d'un passé révolu idéalisé (les photos de jeunesse, l'évocation nostalgique des souvenirs, la maison de la mère, le temps qui passe et découpe le film en quatre temps, allusion aux saisons du titre), un présent solidement ancré dans une réalité sociale, familiale et territoriale qui est la principale force du film et ce qui semble relever du domaine du fantasme, qui est sa principale faiblesse. André TÉCHINÉ filme admirablement bien sa région d'origine (qui est aussi la mienne donc je peux d'autant plus apprécier que je connais bien la plupart des endroits où a été tourné le film*) et analyse avec un esprit pénétrant l'ambivalence de rapports familiaux dans lesquels chacun peut se reconnaître. Une mère inculte mais instinctive qui s'est sacrifiée pour la réussite sociale de ses enfants dans le monde "moderne" et en paye le prix (une fin de vie de décrépitude tristement solitaire), un frère, Antoine (Daniel AUTEUIL) et une soeur, Emilie (Catherine DENEUVE) fusionnels (le générique de début effectue un travelling sur une peinture qui montre des bébés siamois) qui en dépit de leur brillante réussite sociale (lui est neurologue, elle notaire) ne sont jamais parvenus à s'épanouir dans leur vie d'adulte. Antoine qui semble bloqué dans une éternelle adolescence (il rejette les montres, casse les horloges par procuration) vit seul et a un comportement assez immature. On comprend qu'il éprouve pour sa soeur une passion incestueuse assez proche de celle que Tony Montana éprouvait pour la sienne. Il ne va pas jusqu'à tuer son mari Bruno (Jean-Pierre BOUVIER) mais leur relation est électrique. Emilie paraît entourée mais est tout aussi seule. Son couple est en crise et sa relation avec ses enfants est tout aussi lointaine qu'elle ne l'est de sa mère (la culpabilité en moins). Catherine DENEUVE est l'interprète idéale de ce type de personnage bourgeois ayant une façade respectable mais rongé de doutes intérieurement.

Mais si l'analyse de ces trois personnages (Antoine, Emilie et leur mère Berthe) est remarquable, il n'en va pas de même avec les enfants d'Emilie et leur entourage, peu et mal utilisés (de plus était-ce une si bonne idée que cela de donner ces rôles à Chiara MASTROIANNI, la fille de Catherine DENEUVE et Carmen CHAPLIN, la petite-fille de Charles CHAPLIN dont le questionnement sur la sororité appartient à un tout autre plan que celui auquel le spectateur peut s'identifier). Enfin les passages relevant du fantasme sont pour la plupart très maladroitement amenés. Si la chute d'Antoine du balcon fait écho à celle de sa mère sous le cerisier et à la défenestration imaginaire de sa soeur, le passage où un jeune homme sorti de nulle part et qui ne prononce pas un mot poursuit Emilie de ses assiduités est grotesque. De même, le plan sur Ingrid CAVEN se mettant à chanter paraît gratuit à qui ne comprend pas la référence et la fin apparaît bien convenue et décevante.

* La scène de l'enterrement à Puycheval offre un aperçu des panoramas de coteaux que l'on peut admirer dans toute la région (à Cordes-sur-Ciel par exemple) alors qu'à l'image d'autres natifs du coin, les frères Larrieu, André TÉCHINÉ filme la place du Capitole et les bords de la Garonne à Toulouse, depuis l'appartement d'Antoine (là où Claude Nougaro s'en est offert un, une fois devenu célèbre).

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Billy Wilder, la Perfection Hollywoodienne

Publié le par Rosalie210

Clara Kuperberg, Julia Kuperberg (2016)

Billy Wilder, la Perfection Hollywoodienne

Quatrième documentaire des soeurs Clara KUPERBERG et Julia KUPERBERG que je découvre (après ceux consacrés à Anthony HOPKINS, Ida LUPINO et Jack LEMMON), c'est aussi celui qui m'a le moins convaincu. La raison en est simple: contrairement aux autres, elles ne sont pas parvenue à capturer l'essence de l'immense réalisateur qu'était Billy WILDER. La faute d'abord à un déséquilibre patent dans la construction du documentaire. Les soeurs ont choisi de privilégier la première partie de sa carrière hollywoodienne à la Paramount (jusqu'à "Sabrina") (1954) au détriment de la deuxième, à son propre compte et beaucoup plus personnelle (elle correspond à sa collaboration avec I.A.L. DIAMOND et Jack LEMMON). Elles ne consacrent donc que quelques minutes aux chefs-d'oeuvre que sont "Ariane" (1957), "Certains l aiment chaud" (1959) et la "La Garçonnière" (1960). Quant aux pépites méconnues de la fin de sa carrière (elles aussi intimistes), elles sont passées sous silence sauf "Fedora" (1978) en raison de ses liens avec "Boulevard du crépuscule" (1949). Ce n'est d'ailleurs pas la seule lacune dans l'évocation de sa filmographie puisque "Uniformes et jupon court" (1942) est présenté comme son premier film alors que c'est inexact: il s'agit de son premier film hollywoodien mais il avait réalisé lors de son passage en France après avoir fui le nazisme un premier film en 1934, "Mauvaise graine" (1934) avec Danielle DARRIEUX. Visiblement, ce qui a le plus intéressé les soeurs Kuperberg, c'est la relation que Billy Wilder entretenait avec le cinéma hollywoodien, la façon dont il s'est approprié le film noir, a contourné le code Hays ou a montré l'envers de l'usine à rêves. Pour un portrait plus approfondi de l'homme et de l'artiste, mieux vaut se plonger dans le "Billy Wilder et moi" de Jonathan Coe.

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