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La fureur de vivre (Rebel Without a Cause)

Publié le par Rosalie210

Nicholas Ray (1955)

La fureur de vivre (Rebel Without a Cause)

"La Fureur de vivre", film culte et film maudit est aussi un témoignage d'une incroyable puissance sur la fracture générationnelle des années cinquante. Cette époque fut marquée aux USA par le triomphe de l'American way of life, un modèle de société fondé sur une classe moyenne consumériste et matérialiste aux valeurs très conservatrices. C'est dans cette société qu'une nouvelle classe d'âge est apparue, celle des adolescents, se caractérisant à la fois par un pouvoir d'achat lui permettant d'affirmer une culture spécifique et un allongement de la durée des études. Une jeunesse trop à l'étroit dans les cadres normatifs des parents ce qui a expliqué son rôle essentiel dans l'avènement de la contre-culture.

C'est à cette jeunesse et à son mal-être que s'intéresse Nicholas Ray au travers des trois personnages principaux du film. Jim Stark (James Dean devenu le symbole de l'éternel ado rebelle autant par son charisme et son jeu que par sa mort prématurée peu de temps avant la sortie du film), Judy (Natalie Wood) et Platon (Sal Mineo) sont trois adolescents mal dans leur peau qui font connaissance dans un commissariat. Chacun d'eux réclame désespérément des repères que leurs parents semblent incapables de leur donner. Le père de Jim est une carpette écrasée par sa femme, celui de Judy ne sait que la rabrouer et la frapper, ceux de Platon ont démissionné et se contentent d'envoyer de l'argent à leur fils, confié aux soins d'une gouvernante.

Freud avait écrit au début des années trente "Le malaise dans la civilisation". Ce titre apparaît parfaitement approprié à une société qui n'offre que le néant à ceux qui représentent son avenir. Chaque scène culte est une représentation de ce grand désert affectif et existentiel: celle du planétarium souligne la solitude de ces jeunes et annonce la fin du monde, la course de voitures se termine dans un gouffre, la maison abandonnée est une sinistre caricature du foyer que cherchent Jim, Judy et Platon. Les figures d'adulte sont systématiquement discréditées. Soit elles sont faibles et ridicules soit elles sont brutales et répressives et souvent les deux  

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Amadeus

Publié le par Rosalie210

Milos Forman (1984)

Amadeus

Milos Forman ne pouvait qu'être séduit par le Mozart de la pièce de Shaffer en qui il a sans doute reconnu le frère de Randle McMurphy de Vol au dessus d'un nid de coucous et du hippie de Hair. Tous trois seront rejoints par la suite par Larry Flint et Andy Kaufman de Man on the Moon. L'ADN du héros de Forman, c'est le solitaire incompris, provocateur et anticonformiste aux prises avec une société aliénante qui l'oblige à se sacrifier pour faire triompher son art ou sa cause.

Peu importe que la vie de Mozart ne soit pas retranscrite avec fidélité, ce qui compte c'est la fidélité à l'esprit. Par son iconoclasme, le film est fidèle à ce qu'a été Mozart. Comme tous les génies, il n'entrait dans aucune case et était rétif à tout ce qui pouvait brider son génie créatif. On réalise mieux en visionnant le film l'audace qu'a représenté certains de ses choix comme "L'enlèvement au sérail" ou "Les noces de Figaro". Des choix largement rejetés par la cour viennoise, snob et gangrenée par les querelles de chapelle ce qui a conduit Mozart à composer "La flûte enchantée" pour un public plus populaire.

Autre intérêt majeur du film, l'affrontement entre Mozart et Salieri, deux hommes que tout oppose. D'un côté le jouisseur dont les manières grossières et le rire tonitruant détonent avec le génie musical, de l'autre l'ascète dissimulant sa jalousie derrière ses manières policées et compensant ses frustrations par sa gloutonnerie. Entre eux, une relation complexe, faite de fascination et de répulsion. Salieri a joué le rôle du mauvais génie du compositeur qu'il a contribué à ruiner et dont il a écourté la vie. Mais en s'abaissant ainsi, il s'est aussi condamné lui-même à une interminable agonie. En homme torturé qu'il est, Salieri est capable de reconnaître le génie chez l'autre tout en étant lucide sur sa propre médiocrité. Le film suggère également avec pertinence que Salieri n'est autre que la figure du père castrateur que Mozart n'a jamais réussi à tuer comme le démontre la fin de "Don Giovanni" où le jouisseur est précipité dans les flammes de l'enfer par le Commandeur.

Enfin, une fois n'est pas coutume, je suis très attachée à la VF années 80 de ce film. Les voix de Luq Hamet (Mozart), Claude Giraud (L'empereur) et Jean Topart (Salieri) sont inoubliables.

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Les héros sont immortels

Publié le par Rosalie210

Alain Guiraudie (1990)

Les héros sont immortels

Premier film réalisé par Alain Guiraudie, "Les héros sont immortels" est un court-métrage d'une quinzaine de minutes réalisé en 1990. Il constitue une excellente introduction à son univers. En dépit du fait qu'il a été réalisé avec 3 francs six sous, le film porte la patte du cinéaste aussi bien sur le plan formel que sur le plan thématique. Sur le plan thématique, le film se concentre sur la discussion de deux hommes qui se retrouvent chaque nuit devant la porte d'une église pour attendre leur Godot éditorial. L'un des deux n'est autre qu'Alain Guiraudie himself qui espère que le "renouveau de la culture" passera "par les places aveyronnaises". Son accent, celui de son compère et les nombreuses allusions régionales (à Decazeville et à Rodez) ancrent son cinéma dans un terroir bien défini. Sur le plan formel, la mise en scène se distingue déjà par sa rigueur et son sens de l'épure. Elle est rythmée par de subtiles variations autour d'un canevas immuable: la marche vue de dos de l'un des deux hommes sur fond musical le long de la rue qui mène à l'église, les retrouvailles, l'attente, le départ

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L'inconnu du lac

Publié le par Rosalie210

Alain Guiraudie (2013)

L'inconnu du lac

Je n'avais jamais entendu parler d'Alain Guiraudie avant la sortie de "L'Inconnu du lac". Mais le film a fait du bruit, non seulement pour les prix qu'il a reçu mais aussi pour son affiche, censurée à Versailles et à Saint-Cloud dans un contexte d'hystérie lié au débat sur le mariage gay. Pierre Deladonchamps a depuis "remis ça" avec l'affiche de "Nos années folles" d'André Téchiné elle aussi censurée à Senlis.

Le film a suscité des avis particulièrement contrastés. Certains se sont ennuyés ferme devant l'absence apparente d'intrigue, d'autres comme les Inrocks ont crié au chef-d'oeuvre et l'ont placé dans les 100 meilleurs films français de tous les temps. J'ai pour ma part trouvé qu'il s'agissait d'un excellent film qui m'a d'ailleurs durablement marqué et ce au moins pour trois raisons:

- Il y a peu de cinéastes qui manifestent une telle rigueur et une telle précision dans leur mise en scène. Celle-ci, volontairement épurée, se concentre sur un lieu, théâtre unique de l'action et sur quelques personnages dont elle s'attache à filmer les interactions dans ce qu'elles ont de plus primitif (la vision de la sexualité vue comme quelque chose de totalement naturel y est pour beaucoup, c'est quelque chose de trop rare et donc de précieux). Elle joue beaucoup aussi sur les variations de lumière. Une scène solaire ou une surface scintillante seront ensuite montrées sous un jour ou plutôt une nuit beaucoup plus sombre et inquiétante. Enfin l'absence de musique permet d'entendre le moindre bruit, chacun ayant une signification particulière.

- Tout ce dispositif donne un caractère très symbolique à l'histoire. Ceux qui cherchent à se divertir s'ennuieront effectivement car en surface il ne se passe rien. Dans les profondeurs du lac en revanche, il se passe beaucoup de choses et les allusions aux silures géants doivent être comprises comme un avatar du monstre qui se cache au fond de nous. La mythologie et la tragédie antique sont clairement convoquées au service d'un récit qui met en jeu les pulsions de vie (l'Eros) et les pulsions de mort (Thanatos) comme moteurs du désir. L'homme séduisant pour qui Frank éprouve une passion dévorante est aussi un dangereux tueur. Loin de le refroidir, cette ambivalence sert d'aiguillon à sa passion.

- Enfin, le film revêt aussi un caractère contemporain en ce qu'il interroge de façon critique notre époque. Ceux qui croient qu'il ne concerne qu'un petit milieu d'homosexuels masculins se trompent. A travers la description d'un lieu naturiste et libertin homo, Guiraudie questionne la capacité des êtres à s'extraire du principe de consommation tout-puissant. La seule présence d'Henri jette une ombre sur l'hédonisme triomphant du lac. Revenu de tout et surtout de la "baie des cochons" du Cap d'Agde (le pendant hétéro du lac de Guiraudie) il refuse désormais de jouer le jeu du consumérisme sexuel et se tient à l'écart des autres, se contentant de contempler le lac d'un air désabusé. A l'autre extrême, Michel qui profite puis se débarrasse de ses amants quand il s'en lasse est une caricature du système. Mais les autres habitués de la plage ne s'émeuvent pas davantage devant la disparition de l'un des leurs (dont les affaires et la voiture abandonnée sont pourtant bien visibles) tant ils ne sont centrés que sur la recherche de leur petit plaisir. Frank enfin passe son temps à naviguer d'Henri à Michel, du recul critique à sa passion du moment jusqu'à ce qu'il se retrouve seul et désemparé dans les broussailles. Lui dont on n'a vu jusque là que l'indécision et la capacité d'évitement va-t-il enfin assumer ses responsabilités?

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The Grand Budapest Hôtel

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (2014)

The Grand Budapest Hôtel

"Avant 1914 (...) il n'y avait pas de permis, pas de visas, pas de mesures tracassières (...) C'est seulement après la guerre que le national-socialisme se mit à bouleverser le monde, et le premier phénomène visible par lequel se manifesta cette épidémie morale de notre siècle fut la xénophobie: la haine ou tout au moins, la crainte de l'autre. Partout on se défendait contre l'étranger, partout on l'écartait." (Stéphan Zweig, Le monde d'hier, référence revendiquée ainsi que le reste de son œuvre par Wes Anderson comme source d'inspiration majeure pour "The Grand Budapest Hôtel.")

M. Gustave (Ralph Fiennes) un "homme d'hier", concierge au Grand Budapest Hôtel dans les années 30 refuse d'admettre que son monde s'est écroulé. Face aux distinctions de classe, à la montée du nationalisme et de la violence totalitaire, il tente de dresser les remparts dérisoires de ses manières dinstinguées, symbolisées par son parfum, "l'air de panache". Mais dans Le monde d'hier, Zweig constate avec désespoir l'échec de la civilisation (échec prédit par son ami Freud) face à la barbarie. M. Gustave ne peut pas gagner face à des soldats armés jusqu'aux dents qui persécutent son protégé d'origine immigrée, Zéro Mustapha dont les papiers ne sont pas en règle. L'ironie de l'histoire étant que Zéro Mustapha prendra la place de son mentor et deviendra à son tour un homme d'hier, tentant de préserver un peu du lustre passé de l'hôtel, dépouillé de son luxe et vidé de ses clients sous l'ère soviétique.

M. Gustave/Zéro Mustapha, c'est en quelque sorte Wes Anderson lui-même. Son film traverse toutes les guerres d'anéantissement du XXeme siècle et se situe dans l'un de ses épicentres: l'Europe centrale et orientale, entre "Rhin et Danube". Mais il tente de s'en protéger par toutes sortes d'illusions: décor d'opérette, style de vignettes de BD ligne claire à la Hergé (on est pas loin de la Syldavie), effets cartoon à gogo, situations décalées et burlesques, tout est fait pour nous distraire et nous faire oublier la noirceur du propos. Jusqu'à ce que les personnages finissent assassinés ou meurent sans descendance, Et qu'il ne reste plus rien de l'hôtel, lui aussi anéanti. Alors on se rappelle le sort de l'un des plus grands écrivains du XXeme siècle qui vécut et s'épanouit dans une Vienne cosmopolite avant de voir son monde s'écrouler sous la botte nazie et qui finit suicidé quelque part à Petropolis en 1942. Sans descendance.

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Martin se la raconte (Cars Toon)

Publié le par Rosalie210

John Lasseter (2008)

Martin se la raconte (Cars Toon)

"Martin se la raconte" est une mini-série de "Cars Toon". Elle comporte trois saisons au nombre d'épisodes variable. Il y a 11 épisodes en tout:

Saison 1 :
Martin à la rescousse.
Martin le grand.
El Martindor.

Saison 2 :
Martin Volant Non Identifié.
Tokyo Martin.
Martin poids lourd.
Heavy Metal Martin.
Martin lunaire.
Martin détective privé.

Saison 3 :
Air Martin.
Martin remonte le temps.

La série est dérivée du premier film "Cars". Elle était destinée à l'origine à être diffusée sur le web via le portail Disney sous le titre "Les grands contes de Martin". C'est pourquoi la durée varie d'un épisode à l'autre, le web étant moins contraignant que la télévision. Certains durent 2 minutes, d'autres 6 minutes. En France, elle a été diffusée par TF1 en 2009 avant de sortir en DVD en 2010 sous le titre "Martin se la raconte".

Chaque épisode de la série, fort bien troussé, obéit à des codes narratifs identiques (du moins pour les trois premières saisons). Martin raconte à Mc Queen ce qui semble être un très gros bobard dans lequel il est (au choix):
-Toréador
-Chanteur d'un groupe heavy metal
-Astronaute
-Cascadeur
-Pompier et docteur
-Catcheur
-Détective privé
-Voiture de course
-Voiture volante non identifiée
-Avion voltigeur
-Machine à voyager dans le temps (avec pour référence "Retour vers le futur") (1985)


Flash Mc Queen interrompt le délire de Martin en lui disant que c'est n'importe quoi. C'est alors que Martin introduit son ami "tu étais là toi aussi." Mc Queen est le plus souvent ridiculisé ou placé en situation d'infériorité ce qui met en valeur Martin. Les rôles sont donc inversés: Martin est le héros et Flash son faire-valoir.

Evidemment Mc Queen ne se souvient de rien. La conviction du spectateur selon laquelle Martin est le nouveau Pinocchio (sa devise au début de chaque épisode est "si je mens, je pers une dent") est renforcée mais c'est alors qu'un personnage du récit apparaît devant nos yeux, jetant le doute.

A noter que le court-métrage en bonus du DVD du premier Cars "Martin et la lumière fantôme" avait été intégrée à cette série TV alors qu'il n'en fait pas partie. Les principes narratifs y sont en effet très différents. Il en va de même de la quatrième saison de "Cars Toon", "Les contes de Radiator Springs".

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Annie Hall

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1977)

Annie Hall

Annie Hall marque en 1977 un premier tournant dans la carrière de Woody Allen. Jusque là réalisateur de comédies burlesques assez légères, le voilà qui bascule dans ce que l'on peut appeler une autofiction ou une autoanalyse où il se livre avec beaucoup de sincérité et un sens de l'autodérision absolument irrésistible.

Alvy Singer et Woody Allen ne font qu'un (mais Woody Allen est-il capable de jouer autre chose que lui-même?) Juif, new-yorkais et humoriste à succès, il se penche sur les raisons de ses échecs amoureux et tout particulièrement, de sa relation avec Annie Hall. Laquelle est interprétée par Diane Keaton dont le vrai nom est Hall, le surnom "Annie" et qui fut la muse et la compagne de Woody Allen pendant 10 ans. On voit ainsi comment réalité et fiction s'entremêlent. Car à partir de leur histoire, Allen réalise une comédie romantique qui n'est pas sans rappeler les screwball comédies des années 30. C'est madame qui porte la cravate et le pantalon, c'est madame qui conduit comme un chauffard pendant que monsieur a peur de tenir un volant et passe son temps à se plaindre. Tout les oppose (caractère, milieu social, culture, religion) comme le montrent différentes scènes en split-screen ou bien avec les dialogues contredits par les pensées. Mais contrairement aux screwball, ils ne découvrent pas qu'ils sont fait l'un pour l'autre à la fin, bien au contraire, ils s'éloignent de plus en plus l'un de l'autre.

En effet à ce canevas de comédie classique, Allen ajoute ses propres obsessions personnelles. Comme beaucoup de gens qui font rire, Woody Allen et ses doubles sont d'indécrottables névrosés. Toujours insatisfaits, perpétuellement angoissés, doutant de tout, remplis de pensées morbides, ils ont l'art de s'auto saboter. Allen multiplie les références à ses maîtres et aux œuvres qu'il admire et le moins que l'on puisse dire c'est que cela n'est pas très joyeux: Bergman, "Le chagrin et la pitié" et l'humour noir et cynique de Groucho Marx (ou de Freud c'est selon) "Je ne voudrais pas appartenir à un club qui aurait un membre dans mon genre."

Enfin Annie Hall est la première (mais pas la dernière) déclaration d'amour à New-York du cinéaste qui en revanche exècre Los Angeles et le fait savoir. La Californie est filmée comme un lieu bling-bling, irréel et sans âme alors que New-York très influencée par l'Europe garde un caractère de ville vivante avec une vie de quartier et des échanges intellectuels riches. 

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La fièvre dans le sang (Splendor in the Grass)

Publié le par Rosalie210

Elia Kazan (1961)

La fièvre dans le sang (Splendor in the Grass)

Kansas, 1928. Deux amoureux, Bud (Warren Beatty) et Deanie (Natalie Wood) s'embrassent dans une voiture sur fond de chutes d'eau. On les reverra souvent, ces chutes d'eau car ce qu'elles symbolisent, c'est le désir, libre, animal, indomptable. Mais même au beau milieu de cette nature sauvage, la morale conservatrice de l'Amérique profonde a si bien infusé dans leurs esprits qu'elle coupe tous leurs élans. Ce sont les ravages de ce puritanisme que filme Elia Kazan, la façon dont il embrigade des cerveaux, réprime la sexualité et au final, brise l'individu (comme n'importe quelle tradition patriarcale transmise de génération en génération: mariages arrangés, excision etc.). Les parents de Bud et Deanie sont de purs produits du système. Compensant leurs frustrations par un attachement névrotique à la réussite sociale et à l'argent (placés dans des actions dont la flambée nous le savons est due à une bulle spéculative qui s'achèvera un jeudi noir où les ruinés se défenestreront massivement), ils sont porteur d'un discours patriarcal bien rodé. Le père de Bud est un tyran domestique qui nourrit de grandes ambitions pour son fils à qui il ne donne pas le droit d'avoir des désirs propres. La mère de Deanie, obsédée par la conservation de la virginité de sa fille, lui soutient qu'une femme n'a de rapports qu'après le mariage pour avoir des enfants et satisfaire son mari car elle n'a pas de désirs et de besoins propres. Niés dans ce qu'ils ont de plus intime, le crâne bourré de cette idéologie nauséabonde on comprend pourquoi Bud et Deanie "tournent mal", tout comme Ginny, la sœur de Bud avant eux. La fin, douce-amère, apporte un apaisement certain sans pour autant dissimuler les dégâts que cette éducation a produit dans leur vie.

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Un air de famille

Publié le par Rosalie210

Cédric Klapisch (1997)

Un air de famille

Une comédie culte qui bénéficie de trois atouts majeurs:

-La réalisation inspirée de Cédric Klapisch qui réussit à donner du relief et du rythme à une adaptation théâtrale et à faire oublier la grisaille des décors: bistrot décrépi, terrain vague, cité. A l'image de certains cuisiniers qui parviennent à concocter des recettes savoureuses avec trois fois rien, Klapisch réussit une leçon de mise en scène avec un comptoir de bar, un juke-box, une table et quatre chaises.

-La finesse d'observation et d'écriture du duo Jaoui/Bacri qui fait mouche et a donné lieu à des répliques cultes à la fois cruelles et tendres qui écornent les relations familiales. Loin d'être un refuge, la famille est montrée comme un milieu d'incommunicabilité ou tout le monde parle mais personne ne s'écoute tant chacun est enfermé dans les projections-préjugés des autres autant que dans ses propres préoccupations.

-L'interprétation si remarquable qu'on a du mal à imaginer d'autres comédiens dans la peau de ces personnages. Catherine Frot joue génialement Yoyo l'épouse soumise et pas très maligne du suffisant et égocentrique Philippe (Vladimir Yordanoff), le fils préféré de la famille qui la méprise et la houspille. De même, Jean-Pierre Bacri compose un inénarrable Henri dont le "petit gilet du vendredi" est passé à la postérité. Henri est le mal-aimé de la famille, un homme bourru et irascible enfermé en lui-même mais non dénué de bonté. Ma préférence va toutefois au duo moins connu et assez anticonformiste Betty-Denis. Betty (Agnès Jaoui) la sœur cadette est une éternelle adolescente rebelle un peu garçon manqué qui forme un couple touchant avec Denis (Jean-Pierre Darroussin) le garçon de café rêveur délicat et lettré qui apporte une grande humanité au film.

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Titanic

Publié le par Rosalie210

James Cameron (1997)

Titanic

Bientôt 20 ans que ce film-événement, ce monument cinématographique est sorti et depuis il n'a pas vraiment été détrôné. Quel film aussi récent en effet peut se targuer d'avoir produit à sa sortie de telles files d'attente (du moins en France), et eu à plus long terme un tel impact sur l'imaginaire collectif? "I'm the king of the world" a ainsi succédé à "Je suis ton père" dans les phrases les plus pastichées de l'histoire du cinéma et Rose et Jack sont devenus un couple aussi mythique que Romeo et Juliette.

Ce film ressemble à un conte: une histoire en apparence très simple derrière laquelle se cachent à l'image des différents étages du bateau de multiples niveaux de lecture. Les contes de fée ont été psychanalysés par Bruno Bettelheim. On peut faire la même chose avec "Titanic". D'autant que le film qui commence de nos jours et offre un point de vue scientifique et détaché s'incarne à partir du moment où il entre dans la mémoire vivante de Rose. C'est donc une expérience humaine et charnelle que va retranscrire le film derrière l'événement historique à grand spectacle. Celle de Rose et derrière elle, celle de Cameron tant les thèmes de "Titanic" s'inscrivent dans la continuité de son œuvre.

Le film évoque le basculement d'un monde à un autre. L'Europe du XIXeme marquée par les castes imperméables cède sa place au triomphe de l'Amérique du XXeme, sa société de classes plus mobile et son melting pot. Parallèlement, c'est aussi un film sur le basculement d'un état à un autre. Celui d'une mort programmée à celui d'une renaissance via un accouchement dans le ventre du bateau. Rose DeWitt Bukater est une sorte d'Iphigénie moderne. Elle doit être sacrifiée sur l'autel d'un mariage arrangé pour que sa caste moribonde trouve un nouveau souffle (financièrement parlant). En attendant, elle est ligotée et enchaînée à sa mère qui veille au grain (et pas seulement lors de la scène symbolique du serrage de corset en forme de redressage de bretelles). Mais Rose tient davantage de l'animal indomptable que du frêle agneau. Pressentant d'instinct que ce bateau pourrait devenir son tombeau, elle cherche à le quitter en sautant à l'eau. Un acte désespéré qui lui permet de rencontrer Jack dont on peut dire qu'il symbolise l'Eros c'est à dire sa pulsion de vie face à Thanatos, sa pulsion de mort symbolisée par l'eau sombre de l'océan. Jack le vagabond, libre comme l'air avec qui elle retrouve le goût de vivre et la force de se rebeller. Il l'entraîne toujours plus loin dans les entrailles du navire (d'elle-même) jusqu'à la scène de la voiture qui ressemble à un accouchement dans le sens ou elle symbolise la séparation d'avec sa mère: Rose DeWitt Bukater devient Rose Dawson. C'est juste après cette scène que le navire heurte l'iceberg, commence à prendre l'eau et au terme d'un lent engloutissement, finit par se casser en deux parties avant de sombrer au fond de l'océan.

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