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Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève

Publié le par Rosalie210

VI

Le vent se lève

L'une des plus belles et aussi des plus terribles images de "Les Ailes du désir": la grâce et la mort peuvent également tomber du ciel.

L'une des plus belles et aussi des plus terribles images de "Les Ailes du désir": la grâce et la mort peuvent également tomber du ciel.

« Un vent d’est se lève néanmoins, Watson, un vent d’est tel qu’il n’en a jamais soufflé encore sur toute l’Angleterre. Il sera froid et mordant, Watson, et bon nombre d’entre nous n’aurons pas le bonheur d’assister à son accalmie. Mais c’est un vent divin, et des contrées plus saines, meilleures, plus fortes scintilleront sous le soleil quand la tempête aura passé. » (Son dernier coup d'archet, Conan Doyle).

Le "vent d'est" dont il est question c'est la première guerre mondiale qui s'annonce en toile de fond de la nouvelle de Conan Doyle. Mais la guerre est également présente par le biais de Watson qui en tant que médecin militaire a participé aux guerres menées par ce qui était alors le plus grand Empire colonial du monde à la fin du XIX° siècle. Dont celle d'Afghanistan qu'il est facile de transposer de nos jours (avec les américains à la place des anglais). Une façon de rappeler à quel prix les pays occidentaux ont construit leur suprématie sur le monde.

Watson blessé à l'épaule en ouverture de l'épisode spécial (en écho à l'épisode 1 dans lesquels il fait des cauchemars).

Watson blessé à l'épaule en ouverture de l'épisode spécial (en écho à l'épisode 1 dans lesquels il fait des cauchemars).

La métaphore du vent pour désigner la guerre se retrouve aussi dans le film de Hayao Miyazaki "Le Vent se lève" (2013) qui se situe dans l'entre-deux-guerres puis pendant la seconde guerre mondiale. Les avions (passion de Miyazaki), vecteurs de rêve se mettent alors à semer la mort et la désolation. Une ambiguïté qui traverse d'ailleurs toute son oeuvre depuis "Le Château dans le ciel" (1986). Celle-ci fait toujours la part belle aux engins volants de toutes sortes sans jamais dissimuler la part de noirceur qu'ils véhiculent lorsqu'ils sont utilisés à des fins destructrices. Néanmoins "Le Vent se lève" est avec "Porco Rosso" (1992), le plus ancré dans l'Histoire.

Le vent se lève, Hayao Miyazaki (2013) d'après le vers de Paul Valéry "Le vent se lève, Il faut tenter de vivre!" (Le cimetière marin) et "Porco Rosso" (1992).
Le vent se lève, Hayao Miyazaki (2013) d'après le vers de Paul Valéry "Le vent se lève, Il faut tenter de vivre!" (Le cimetière marin) et "Porco Rosso" (1992).

Le vent se lève, Hayao Miyazaki (2013) d'après le vers de Paul Valéry "Le vent se lève, Il faut tenter de vivre!" (Le cimetière marin) et "Porco Rosso" (1992).

Un autre film célèbre, Palme d'Or 2006 porte en VF le même titre et traite également de la guerre. En VO, il s'intitule "Le vent qui agite l'orge" ("The Wind That Shakes the Barkey") d'après une complainte irlandaise du XIX° siècle évoquant la capacité de la résistance irlandaise à toujours renaître pour lutter contre l'oppresseur britannique. "Le Vent se lève" de Ken Loach évoque la guerre d'indépendance irlandaise puis la guerre civile qui la suivit lorsque les irlandais se déchirèrent entre ceux qui acceptaient le traité avec les britanniques en pensant obtenir des avancées ultérieurement et ceux qui refusaient tout compromis avec en toile de fond la lutte des classes derrière la guerre de décolonisation religieuse et nationaliste. Comme lors des révolutions (française et russe), il est ainsi désolant de voir des frères (d'armes ou des frères tout court) qui ont combattu pour un noble but commun tellement pris dans l'engrenage de la violence que le moindre désaccord idéologique est aussitôt noyé dans le sang du plus faible (du moment) qui devient le nouveau "traître" à abattre tandis que les plus beaux idéaux dévoilent leur visage hideusement inhumain ("Liberté, que de crimes on commet en ton nom").

Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève

Les pays vaincus à la fin de la seconde guerre mondiale ont été entièrement rasés par les bombardements. C'est le cas du Japon et de l'Allemagne. Billy Wilder qui avait vécu à Berlin entre 1926 et 1933 y était revenu dès l'automne 1945 en tant que colonel de l'armée américaine puis en 1948 pour y tourner "La scandaleuse de Berlin" et avait pu filmer l'ampleur des dégâts:

" Quand l'avion a atteint la ville qui avait autrefois été la mienne, je n'en ai pas cru mes yeux. Elle était en ruine. [...] Le Romanisches Café? Disparu. Le bureau des studios Ufa sur la Friedrichstrasse? Disparu. Partout des ruines, et encore quelques personnes ici et là qui tentaient de survivre, comme des animaux. Il n'y avait pas eu d'été aussi chaud depuis des années et la ville empestait. Elle empestait les gens en train de mourir. Elle empestait les cadavres."

(Jonathan Coe, Billy Wilder et moi, p 217).

L'ouverture documentaire de "La Scandaleuse de Berlin" (A Foreign Affair, 1948) et la scène d'introduction de "Un deux trois" ("One two three", 1961) tourné juste avant la construction du mur et qui montre bien la différence entre les deux parties de Berlin.
L'ouverture documentaire de "La Scandaleuse de Berlin" (A Foreign Affair, 1948) et la scène d'introduction de "Un deux trois" ("One two three", 1961) tourné juste avant la construction du mur et qui montre bien la différence entre les deux parties de Berlin.
L'ouverture documentaire de "La Scandaleuse de Berlin" (A Foreign Affair, 1948) et la scène d'introduction de "Un deux trois" ("One two three", 1961) tourné juste avant la construction du mur et qui montre bien la différence entre les deux parties de Berlin.
L'ouverture documentaire de "La Scandaleuse de Berlin" (A Foreign Affair, 1948) et la scène d'introduction de "Un deux trois" ("One two three", 1961) tourné juste avant la construction du mur et qui montre bien la différence entre les deux parties de Berlin.

L'ouverture documentaire de "La Scandaleuse de Berlin" (A Foreign Affair, 1948) et la scène d'introduction de "Un deux trois" ("One two three", 1961) tourné juste avant la construction du mur et qui montre bien la différence entre les deux parties de Berlin.

 "Les Ailes du désir" rappellent par flashs à l'aide d'images d'archives ce passé d'autant plus traumatique qu'en 1987 à cause du mur qui coupait la ville en deux, le centre de Berlin n'avait toujours pas été reconstruit et portait les stigmates de ce passé avec des terrains vagues et de nombreuses ruines laissées en l'état. Vient s'y ajouter le tournage d'un film sur la seconde guerre mondiale qui explique la présence de Peter Falk (qui est d'origine juive). Et surtout le témoignage de Curt Bois, acteur juif allemand ayant dû s'exiler en 1934 dans le rôle de l'historien Homer qui tente de se remémorer le passé détruit par les bombes en se rendant dans ce qui était avant-guerre le centre de Berlin, la Potsdamer Platz où il n'observe que désolation:

" Je ne retrouve pas Potsdamer Platz! Non, je crois, ici... Ca ne peut pas être ça! Potsdamer Platz, c'est là qu'il y avait le café Josti. J'y venais l'après-midi faire la conversation, prendre un café et regarder le public, après avoir fumé mon cigare chez Löhse et Wolff, marchands de tabac réputés, ici, juste en face. Donc ça ne peut pas être Potsdamer Platz, non! Et personne à qui demander. C'était une place animée! Des tramways, des omnibus à chevaux et deux autos, la mienne et celle du chocolatier. Le magasin Wertheim aussi était ici. Et puis, soudain, des drapeaux sont apparus... Toute la place en était couverte. Et les gens n'étaient plus du tout aimables, la police non plus. Mais je n'abandonnerai pas tant que je n'aurai pas retrouvé Potsdamer Platz! Où sont mes héros, où êtes-vous mes enfants? Où sont les miens, les obtus, ceux des origines?"

"Les Ailes du désir" (1987)
"Les Ailes du désir" (1987)
"Les Ailes du désir" (1987)
"Les Ailes du désir" (1987)

"Les Ailes du désir" (1987)

Le poids de l'histoire tourmentée de la ville l'a tellement façonnée que je n'ai eu qu'à aller dans un centre commercial situé sous la Potsdamer Platz pour trouver une galerie de photos retraçant les transformations de ce lieu emblématique entre 1930 (photo 1) et aujourd'hui (photo 5) en passant par 1945 (photo 2), 1980 (photo 3) et 1989 (photo 4)
Le poids de l'histoire tourmentée de la ville l'a tellement façonnée que je n'ai eu qu'à aller dans un centre commercial situé sous la Potsdamer Platz pour trouver une galerie de photos retraçant les transformations de ce lieu emblématique entre 1930 (photo 1) et aujourd'hui (photo 5) en passant par 1945 (photo 2), 1980 (photo 3) et 1989 (photo 4)
Le poids de l'histoire tourmentée de la ville l'a tellement façonnée que je n'ai eu qu'à aller dans un centre commercial situé sous la Potsdamer Platz pour trouver une galerie de photos retraçant les transformations de ce lieu emblématique entre 1930 (photo 1) et aujourd'hui (photo 5) en passant par 1945 (photo 2), 1980 (photo 3) et 1989 (photo 4)
Le poids de l'histoire tourmentée de la ville l'a tellement façonnée que je n'ai eu qu'à aller dans un centre commercial situé sous la Potsdamer Platz pour trouver une galerie de photos retraçant les transformations de ce lieu emblématique entre 1930 (photo 1) et aujourd'hui (photo 5) en passant par 1945 (photo 2), 1980 (photo 3) et 1989 (photo 4)
Le poids de l'histoire tourmentée de la ville l'a tellement façonnée que je n'ai eu qu'à aller dans un centre commercial situé sous la Potsdamer Platz pour trouver une galerie de photos retraçant les transformations de ce lieu emblématique entre 1930 (photo 1) et aujourd'hui (photo 5) en passant par 1945 (photo 2), 1980 (photo 3) et 1989 (photo 4)

Le poids de l'histoire tourmentée de la ville l'a tellement façonnée que je n'ai eu qu'à aller dans un centre commercial situé sous la Potsdamer Platz pour trouver une galerie de photos retraçant les transformations de ce lieu emblématique entre 1930 (photo 1) et aujourd'hui (photo 5) en passant par 1945 (photo 2), 1980 (photo 3) et 1989 (photo 4)

En 1945, Billy Wilder a également réalisé un film documentaire sur les camps de concentration, "Death Mills" ("Les Moulins de la mort") au moment de leur découverte. Le visionnage des archives a constitué une terrible épreuve pour lui en ce qu'elles lui ont fait comprendre qu'il ne retrouverait jamais les siens, laissés en arrière lors de son exil en 1933:

"Qu'en était-il du reste de ma famille? C'était ça qui m'empêchait de dormir depuis quelques années - ou me donnait des cauchemars, quand je parvenais à dormir. Et je parle de véritables cauchemars. Le genre qui vous réveille en sursaut, couvert de sueur. [...] Pourquoi n'avais-je aucune nouvelle de ma mère? Etait-elle toujours à Vienne? Elle était censé y être. Mais je n'avais plus de ses nouvelles depuis des années. Rien. Je lui avait écrit, mais personne ne répondait jamais à mes lettres. Je lui avais téléphoné, mais personne ne décrochait jamais. [...]

- Pourquoi tu t'infliges ça? Pourquoi rester assis dans cette salle toute la journée à regarder ses scènes... d'horreur?

[...]

- Je cherche ma mère. [...] Ma mère, ma grand-mère et mon beau-père pour être tout à fait précis.

- Mais... tu regardes ces images tous les jours, ces images de cadavres, de corps décharnés, en espérant les voir, eux?

- "Espérer" n'est pas vraiment le terme que j'emploierais. "

(Jonathan Coe, Billy Wilder et moi pages 185, 203, 204)

Billy Wilder ne risquait pas de les retrouver parmi les cadavres. En raison de la confusion entre les lieux de concentration et d'extermination (tout particulièrement à Auschwitz-Birkenau), il ne savait pas que des siens, il ne restait plus que des cendres.

Death Mills (1945)

Death Mills (1945)

"- Iz m'a raconté une fois que vous vouliez adapter La liste de Schindler au cinéma.

- Exact

- Vous l'avez vu?" Demandai-je. La version de Spielberg était sortie trois ans plus tôt.

Billy opina et retomba dans le silence un long moment. Puis il dit " Oui, oui, je l'ai vu. Je l'ai regardé une fois. Je ne supporterais pas de le revoir. Je pense que c'est un des... des plus grands films  qui soient. Le plus grand de tous. Mieux que tout ce que j'aurais pu réaliser. [...]

- Je me souviens que vous m'avez dit une fois que Spielberg et les autres de son âge ne pourraient jamais vraiment réaliser de films sérieux parce qu'ils n'avaient pas vécu ce que vous, vous avez vécu. Les gens de votre génération. Les deux guerres.

Il leva les yeux

- J'ai dit ça?

J'acquiesçai.

- Et bien, c'étaient des conneries."

Avec ce film, c'est aussi un malentendu générationnel qui se dissipe. Car dix-huit ans plus tôt, Steven Spielberg avait rencontré le succès avec "Les Dents de la mer" ce qui avait conduit Billy Wilder à conclure que celui-ci faisait dans les gros poissons et pas dans l'être humain comme lui.

Lorsque j'ai écrit un avis sur "La Chute" ("Der Untergang" d'Oliver Hirschbiegel, 2004) consacré aux derniers jours de Adolf Hitler dans son bunker, voici les propos que j'ai tenus: "Bruno GANZ aura incarné au cinéma pour le meilleur et non pour le pire le meilleur et le pire de l’homme. Qui veut faire l’ange fait la bête disait Blaise Pascal et dans "La Marquise d O..." (1976) de Éric ROHMER, sommet de romantisme chrétien fondé sur la chute et la rédemption mais aussi sur une véritable ambiguïté morale, Edith CLEVER lui disait (lui prédisait ?) qu’il ne lui aurait pas semblé être le diable si à sa première apparition, elle ne l’avait pris pour un ange. Bruno GANZ en véritable « étoile noire » a donc incarné les deux polarités extrêmes de l’être humain, sa part céleste d’une part et la bête immonde tapie en lui de l’autre avec une profondeur proprement sidérante."

L'Affiche de "La Chute" et la première apparition de Bruno Ganz dans le rôle du comte qui semble littéralement tomber du ciel pour sauver la pauvre Julietta, sur le point de subir un viol collectif. Sauf que l'aura de souffre qui émane de lui laisse entrevoir toute l'ambiguïté du personnage ("La Marquise d'O...")
L'Affiche de "La Chute" et la première apparition de Bruno Ganz dans le rôle du comte qui semble littéralement tomber du ciel pour sauver la pauvre Julietta, sur le point de subir un viol collectif. Sauf que l'aura de souffre qui émane de lui laisse entrevoir toute l'ambiguïté du personnage ("La Marquise d'O...")

L'Affiche de "La Chute" et la première apparition de Bruno Ganz dans le rôle du comte qui semble littéralement tomber du ciel pour sauver la pauvre Julietta, sur le point de subir un viol collectif. Sauf que l'aura de souffre qui émane de lui laisse entrevoir toute l'ambiguïté du personnage ("La Marquise d'O...")

En révélant sa part de ténèbres, le comte déstabilise les conceptions rigides du bien et du mal et oblige la marquise à se confronter à ses propres pulsions.

Dans "Les Ailes du désir", quand Damiel s'incarne en homme, il ne chute pas tout de suite. L'empreinte de ses pas devient juste visible. C'est seulement dans un deuxième temps qu'une chute est suggérée par son armure (de soldat de Dieu) qui lui tombe sur la tête alors qu'il est évanoui au sol. En revanche, dans "Si Loin si proche", lorsque Cassiel s'incarne à son tour, c'est pour sauver une petite fille qui tombe du haut d'un immeuble et la caméra suggère bien qu'il s'agit d'une chute vertigineuse. Dans les deux cas, c'est la force de leur désir de s'impliquer dans l'existence (pour le premier, afin de rejoindre la femme qu'il aime et pour le second, de sauver une petite fille) au coeur d'une ville encore malade de son histoire puis en voie de cicatrisation qui les rend humains.

Les étapes de la métamorphose de Damiel d'Ange en homme: il peut alors aller à la rencontre de Peter Falk, puis de Marion. Les dernières scènes du film ont été tourné dans ce qu'il reste de l'hôtel Esplanade qui se situait sur la Potsdamer Platz, coeur battant du Berlin d'avant-guerre.
Les étapes de la métamorphose de Damiel d'Ange en homme: il peut alors aller à la rencontre de Peter Falk, puis de Marion. Les dernières scènes du film ont été tourné dans ce qu'il reste de l'hôtel Esplanade qui se situait sur la Potsdamer Platz, coeur battant du Berlin d'avant-guerre.
Les étapes de la métamorphose de Damiel d'Ange en homme: il peut alors aller à la rencontre de Peter Falk, puis de Marion. Les dernières scènes du film ont été tourné dans ce qu'il reste de l'hôtel Esplanade qui se situait sur la Potsdamer Platz, coeur battant du Berlin d'avant-guerre.
Les étapes de la métamorphose de Damiel d'Ange en homme: il peut alors aller à la rencontre de Peter Falk, puis de Marion. Les dernières scènes du film ont été tourné dans ce qu'il reste de l'hôtel Esplanade qui se situait sur la Potsdamer Platz, coeur battant du Berlin d'avant-guerre.
Les étapes de la métamorphose de Damiel d'Ange en homme: il peut alors aller à la rencontre de Peter Falk, puis de Marion. Les dernières scènes du film ont été tourné dans ce qu'il reste de l'hôtel Esplanade qui se situait sur la Potsdamer Platz, coeur battant du Berlin d'avant-guerre.
Les étapes de la métamorphose de Damiel d'Ange en homme: il peut alors aller à la rencontre de Peter Falk, puis de Marion. Les dernières scènes du film ont été tourné dans ce qu'il reste de l'hôtel Esplanade qui se situait sur la Potsdamer Platz, coeur battant du Berlin d'avant-guerre.

Les étapes de la métamorphose de Damiel d'Ange en homme: il peut alors aller à la rencontre de Peter Falk, puis de Marion. Les dernières scènes du film ont été tourné dans ce qu'il reste de l'hôtel Esplanade qui se situait sur la Potsdamer Platz, coeur battant du Berlin d'avant-guerre.

Cassiel s'incarne par accident contrairement à Damiel mais c'est bien sa détermination à agir qui le rend humain. Soit la traduction en images de la volonté de puissance de Nietzsche qui n'est que cela et rien d'autre.

Cassiel s'incarne par accident contrairement à Damiel mais c'est bien sa détermination à agir qui le rend humain. Soit la traduction en images de la volonté de puissance de Nietzsche qui n'est que cela et rien d'autre.

Comme "Les Ailes du désir", "Si Loin, si proche" qui a été tourné 6 ans après est un témoignage historique dans lequel on voit que le mur a disparu et que la Potsdamer Platz commence sa reconstruction (achevée aujourd'hui). D'autre part Wim Wenders peut enfin tourner dans les lieux qui étaient situés de l'autre côté du mur.
Comme "Les Ailes du désir", "Si Loin, si proche" qui a été tourné 6 ans après est un témoignage historique dans lequel on voit que le mur a disparu et que la Potsdamer Platz commence sa reconstruction (achevée aujourd'hui). D'autre part Wim Wenders peut enfin tourner dans les lieux qui étaient situés de l'autre côté du mur.
Comme "Les Ailes du désir", "Si Loin, si proche" qui a été tourné 6 ans après est un témoignage historique dans lequel on voit que le mur a disparu et que la Potsdamer Platz commence sa reconstruction (achevée aujourd'hui). D'autre part Wim Wenders peut enfin tourner dans les lieux qui étaient situés de l'autre côté du mur.
Comme "Les Ailes du désir", "Si Loin, si proche" qui a été tourné 6 ans après est un témoignage historique dans lequel on voit que le mur a disparu et que la Potsdamer Platz commence sa reconstruction (achevée aujourd'hui). D'autre part Wim Wenders peut enfin tourner dans les lieux qui étaient situés de l'autre côté du mur.
Comme "Les Ailes du désir", "Si Loin, si proche" qui a été tourné 6 ans après est un témoignage historique dans lequel on voit que le mur a disparu et que la Potsdamer Platz commence sa reconstruction (achevée aujourd'hui). D'autre part Wim Wenders peut enfin tourner dans les lieux qui étaient situés de l'autre côté du mur.
Comme "Les Ailes du désir", "Si Loin, si proche" qui a été tourné 6 ans après est un témoignage historique dans lequel on voit que le mur a disparu et que la Potsdamer Platz commence sa reconstruction (achevée aujourd'hui). D'autre part Wim Wenders peut enfin tourner dans les lieux qui étaient situés de l'autre côté du mur.

Comme "Les Ailes du désir", "Si Loin, si proche" qui a été tourné 6 ans après est un témoignage historique dans lequel on voit que le mur a disparu et que la Potsdamer Platz commence sa reconstruction (achevée aujourd'hui). D'autre part Wim Wenders peut enfin tourner dans les lieux qui étaient situés de l'autre côté du mur.

1987, année de la sortie de "Les Ailes du désir" est aussi l'année du mythique concert for Berlin au pied du mur durant lequel David Bowie qui avait des liens particuliers avec la ville a chanté "Heroes" composé dix ans auparavant alors qu'il y habitait. Les berlinois de l'est n'en perdent pas une miette car le mur n'arrêtait pas les sons au grand dam des autorités. ""Standing by the wall, And the guns shot above our heads , And we kissed as though nothing could fall, And the shame was on the other side." Deux ans plus tard, le mur tombait.

En 2013, dans son avant-dernier album "The Next Day", David Bowie revient avec nostalgie sur l'époque où il vivait à Berlin alors divisé par le mur (fin des années 70) qu'il confronte avec le Berlin réunifié de 2013.

Pour Sherlock, la chute est littérale puisque l'épisode dans lequel il fait "le saut de l'ange" (3° de la saison 2) s'intitule "La Chute du Reichenbach", adaptation de la nouvelle de Conan Doyle "Le dernier problème" dans laquelle Sherlock et Moriarty trouvent la mort. Mais sous la pression des fans (et des éditeurs avec un gros paquet d'argent à la clé), celui-ci décida 3 ans plus tard de ressusciter son héros en lui inventant une histoire abracadabrantesque pour justifier sa longue absence.

 

L'illustration originale de 1893 pour "Le dernier problème", sa transposition de nos jours à la fin de l'épisode 3 de la saison 2 et sa reconstitution dans l'épisode spécial de la série "Sherlock" qui se déroule en majeure partie à l'époque victorienne (en fait dans l'esprit de Sherlock dans lequel son ami vient le sauver).
L'illustration originale de 1893 pour "Le dernier problème", sa transposition de nos jours à la fin de l'épisode 3 de la saison 2 et sa reconstitution dans l'épisode spécial de la série "Sherlock" qui se déroule en majeure partie à l'époque victorienne (en fait dans l'esprit de Sherlock dans lequel son ami vient le sauver).
L'illustration originale de 1893 pour "Le dernier problème", sa transposition de nos jours à la fin de l'épisode 3 de la saison 2 et sa reconstitution dans l'épisode spécial de la série "Sherlock" qui se déroule en majeure partie à l'époque victorienne (en fait dans l'esprit de Sherlock dans lequel son ami vient le sauver).
L'illustration originale de 1893 pour "Le dernier problème", sa transposition de nos jours à la fin de l'épisode 3 de la saison 2 et sa reconstitution dans l'épisode spécial de la série "Sherlock" qui se déroule en majeure partie à l'époque victorienne (en fait dans l'esprit de Sherlock dans lequel son ami vient le sauver).
L'illustration originale de 1893 pour "Le dernier problème", sa transposition de nos jours à la fin de l'épisode 3 de la saison 2 et sa reconstitution dans l'épisode spécial de la série "Sherlock" qui se déroule en majeure partie à l'époque victorienne (en fait dans l'esprit de Sherlock dans lequel son ami vient le sauver).
L'illustration originale de 1893 pour "Le dernier problème", sa transposition de nos jours à la fin de l'épisode 3 de la saison 2 et sa reconstitution dans l'épisode spécial de la série "Sherlock" qui se déroule en majeure partie à l'époque victorienne (en fait dans l'esprit de Sherlock dans lequel son ami vient le sauver).

L'illustration originale de 1893 pour "Le dernier problème", sa transposition de nos jours à la fin de l'épisode 3 de la saison 2 et sa reconstitution dans l'épisode spécial de la série "Sherlock" qui se déroule en majeure partie à l'époque victorienne (en fait dans l'esprit de Sherlock dans lequel son ami vient le sauver).

Dans la série, cette chute en forme de mort et de résurrection (mourir pour renaître d'où la référence à Lazare de Béthanie) marque une césure dans la façon dont est traité le personnage. Sommé par John Watson d'assumer la responsabilité d'être son meilleur ami, bref, sommé de s'impliquer dans la vie réelle ordinaire (il était déjà un homme de terrain dans le domaine extraordinaire), il devient ce que Moriarty avait anticipé en le traitant justement avec mépris "d'homme ordinaire". Ou presque. Durant ce long atterrissage (la métaphore de la chute se poursuit jusqu'au dernier épisode de la quatrième saison), Sherlock va devoir faire face aux relations humaines qu'il fuyait, gérer ses émotions sous-jacentes qui se mettent à jaillir de façon incontrôlable et ravagent tout sur leur passage, lutter contre son addiction à la drogue, se libérer de la tutelle de son frère qui à trop le protéger l'empêche de grandir car sa plus grande peur est de le perdre ("ça m'anéantirait" se permet-il de dire en guise de cadeau de noël, seul moment de l'année où Mycroft s'autorise à émettre un sentiment humain ce qui va ensuite lui revenir dans la figure). 

L'humanisation de Sherlock grâce à Watson (et réciproquement car il n'est pas facile pour un ancien soldat de montrer ses faiblesses: "boys don't cry") est parfaitement résumée par ces deux images qui montrent le chemin parcouru (la première à la fin de la saison 2, la seconde, à la fin de la saison 4).
L'humanisation de Sherlock grâce à Watson (et réciproquement car il n'est pas facile pour un ancien soldat de montrer ses faiblesses: "boys don't cry") est parfaitement résumée par ces deux images qui montrent le chemin parcouru (la première à la fin de la saison 2, la seconde, à la fin de la saison 4).

L'humanisation de Sherlock grâce à Watson (et réciproquement car il n'est pas facile pour un ancien soldat de montrer ses faiblesses: "boys don't cry") est parfaitement résumée par ces deux images qui montrent le chemin parcouru (la première à la fin de la saison 2, la seconde, à la fin de la saison 4).

Le discours de Sherlock dans l'épisode 2 de la saison 3 est un moment important de la série. Pendant que Mycroft soigne ses kilos en trop et sa misanthropie bien au chaud dans sa coquille du club Diogène (qui comme son nom l'indique est un non-club, un club par l'absurde), son frère pourtant inadapté social notoire présentant des troubles du spectre autistique (ça se voit tout de suite pour un oeil averti, bien avant que cela soit mentionné dans l'épisode 2 de la saison 2) affronte un public rassemblé pour ce qui est la quintessence de l'événement social: un mariage. Celui de son meilleur ami en l'occurence dont il est le témoin ("best man" en VO ce qui implique qu'il doit devenir "le meilleur des hommes" après avoir été "le meilleur des détectives") et qui l'oblige à prononcer un long discours. C'est ce qui s'appelle se dépasser et ça peut se faire non seulement à l'occasion d'événements exceptionnels, mais aussi au quotidien, je peux en témoigner. Et la rencontre produit cette petite étincelle qui fait que l'un s'humanise au contact de l'autre. 

Après avoir traversé de multiples épreuves dans laquelle les deux hommes ont de nouveau testé la solidité de leur lien comme rempart au désespoir (en mode "je saute, tu me rattrapes"), ils arrivent enfin à se voir tels qu'ils sont à la fin de la 4° saison.

Watson a beau être rongé par le chagrin d'avoir perdu sa femme, le manque de communication entre eux avait fini par conduire celui-ci à en désirer une autre. Cette révélation a pour effet de briser l'image romantique que Sherlock avait de son ami et donc de le voir de façon plus réaliste.

Il en va de même pour Sherlock qui voit sa croyance en sa toute-puissance s'écrouler lorsque sa propension à enfoncer les gens qu'il méprise entraîne la mort de Mary Watson qu'il s'était pourtant juré de protéger. Cette désacralisation se répercute sur son apparence. Très propre sur lui et très hiératique jusqu'au milieu de la saison 3, on voit ensuite de plus en plus les manifestations de son organicité (sueur, tremblements, saignements, vomi, poils etc.)... au fur et à mesure que la facette obscure du junkie en manque c'est à dire du corps en souffrance prend le dessus sur l'esprit déconnecté du réel du détective génial planant dans les hautes sphères de la science ou de la philosophie. La "descente" prend des allures de descente aux enfers. Ce que Watson qui voit lui aussi son ami de façon plus réaliste résume en une formule lapidaire pleine d'ironie: "Le grand Sherlock Holmes va aller pisser dans un bocal" (épisode 3, saison 3).

Est-ce étonnant que dans les limbes de son esprit, Sherlock retrouve son obsession la plus névrotique, Moriarty?
Est-ce étonnant que dans les limbes de son esprit, Sherlock retrouve son obsession la plus névrotique, Moriarty?
Est-ce étonnant que dans les limbes de son esprit, Sherlock retrouve son obsession la plus névrotique, Moriarty?
Est-ce étonnant que dans les limbes de son esprit, Sherlock retrouve son obsession la plus névrotique, Moriarty?

Est-ce étonnant que dans les limbes de son esprit, Sherlock retrouve son obsession la plus névrotique, Moriarty?

Dans la réalité ce n'est guère mieux.

Dans la réalité ce n'est guère mieux.

Le crash du major Tom 11 ans après "Space Oddity", titre qui prend un nouveau sens lorsque Bowie évoque l'addiction à la drogue de son personnage. Mais le phénix du rock renaît toujours de ses cendres.

Comme Sherlock Holmes, le Comte de Monte-Cristo va perdre de sa superbe en tant que "juge suprême, maître de la vie et de la mort" lorsque son ancien moi, Edmond Dantès, qu'il avait laissé pour mort au château d'If le rattrape. Ses projets de vengeance sur les enfants de ses ennemis se retournent alors contre lui car il découvre que ceux-ci sont inextricablement liés à ceux qu'il aime.

- Il redécouvre par exemple qu'Albert, le fils de Fernand est aussi celui de Mercédès qui a été le grand amour d'Edmond. Il ne peut pas effacer son passé, ni rester insensible à ses sentiments comme le montre le chapitre 89: 

" J’ai vu celui que j’aimais prêt à devenir le meurtrier de mon fils !

Mercédès prononça ces paroles avec une douleur si puissante, avec un accent si désespéré, qu’à ces paroles et à cet accent un sanglot déchira la gorge du comte.

Le lion était dompté ; le vengeur était vaincu.

— Que demandez-vous ? dit-il ; que votre fils vive ? eh bien ! il vivra !

Mercédès jeta un cri qui fit jaillir deux larmes des paupières de Monte-Cristo, mais ces deux larmes disparurent presque aussitôt, car sans doute Dieu avait envoyé quelque ange pour les recueillir, bien autrement précieuses qu’elles étaient aux yeux du Seigneur que les plus riches perles de Guzarate et d’Ophir.

— Oh ! s’écria-t-elle en saisissant la main du comte et en la portant à ses lèvres, oh ! merci, merci, Edmond ! te voilà bien tel que je t’ai toujours rêvé, tel que je t’ai toujours aimé. Oh ! maintenant je puis le dire. [...]

Insensé, dit-il, le jour où j’avais résolu de me venger, de ne pas m’être arraché le cœur !"

- Il en va de même lorsqu'il découvre que Maximilien Morrel, le fils de celui qui a tenté de le sauver quand il n'était qu'Edmond est amoureux de Valentine de Villefort qui a été empoisonnée par sa belle-mère. A nouveau il se sent "mordu au coeur" car c'est lui qui a donné à Mme de Villefort la recette du poison. Il se sent donc responsable du malheur de Maximilien qu'il aime comme un fils car il pense qu'il est trop tard pour sauver la jeune fille. 

- Et effectivement, son autre grande découverte est qu'il n'est pas tout-puissant. S'il parvient à sauver Valentine, c'est uniquement parce que Noirtier a réussi en dépit de son handicap à la protéger jusqu'à ce qu'il prenne le relai. En retour, Valentine l'aide à renouer avec la vie (voir chapitre précédent). En revanche, il ne peut rien pour le jeune fils de Villefort, Edouard, victime innocente de sa vengeance qui le hantera jusqu'à la fin de ses jours. Il n'y a donc pas de retour en arrière possible, seulement un nouvel équilibre obtenu en réunifiant les différentes parties de sa personnalité: il est à la fois redevenu Edmond Dantès tout en restant à jamais le Comte de Monte-Cristo.

Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève

Comme ses congénères Monte-Cristo et Sherlock, Jack Lucas (Jeff Bridges) dans "Fisher King" de Terry Gilliam (1991) pense occuper un trône au-dessus de l'humanité en tant qu'animateur radio cynique dont le studio occupe le dernier étage d'une haute tour. Le titre de SNAP "I've got the power" (également utilisé sur "Bruce tout-puissant" (Tom Shadyac, 2003) ne laisse planer aucun doute sur la nature mégalomaniaque de Jack Lucas. Mais lorsqu'une remarque inconséquente de sa part entraîne un massacre, il perd pied et dévisse, littéralement. 

La chute de Jack Lucas, telle qu'elle est suggérée par les plans en plongée puis en contre-plongée de Terry Gilliam.
La chute de Jack Lucas, telle qu'elle est suggérée par les plans en plongée puis en contre-plongée de Terry Gilliam.
La chute de Jack Lucas, telle qu'elle est suggérée par les plans en plongée puis en contre-plongée de Terry Gilliam.
La chute de Jack Lucas, telle qu'elle est suggérée par les plans en plongée puis en contre-plongée de Terry Gilliam.
La chute de Jack Lucas, telle qu'elle est suggérée par les plans en plongée puis en contre-plongée de Terry Gilliam.

La chute de Jack Lucas, telle qu'elle est suggérée par les plans en plongée puis en contre-plongée de Terry Gilliam.

Comme Sherlock, Jack va devoir "ramer" pour conquérir son humanité. Selon le schéma désormais bien établi, il ne peut y parvenir qu'avec l'aide d'un compañero, Parry (Robin Williams), l'une des victimes du massacre, ancien professeur d'histoire médiévale clochardisé et traumatisé. Parry qui s'imagine vivre en plein Moyen-Age et être sur la quête du Graal fait de Jack son héros. Autrement dit il lui confère la même responsabilité que John vis à vis de Sherlock d'autant que dans les deux cas, les deux hommes se sont sauvés mutuellement la vie. Et si la culpabilité est plus écrasante pour Jack qui a sans le vouloir brisé la vie de Parry, elle existe aussi chez Sherlock qui a fait souffrir tous ses amis et se croit responsable de la mort de Mary.

Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.
Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.
Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.
Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.
Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.
Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.
Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.

Parry se rêve en chevalier du Saint-Graal (souvenir de son passé de professeur d'histoire médiévale) mais dès qu'il s'en approche de trop près, sa fêlure ressort et le renvoie dans l'événement qui l'a traumatisé c'est à dire en enfer.

Les deux hommes qui partagent un même enfer ne peuvent donc s'en sortir que l'un par l'autre. Jack Lucas ravale sa fierté et devient le chevalier dont Parry a besoin pour guérir (et au passage sauve la vie du milliardaire à qui il a volé la coupe). De même qu'il ravalera sa fierté pour avouer ses sentiments à la femme qu'il aime et partager les idées excentriques de son ami.

Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève
Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève
Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève
Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève
Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève
Les Héros du troisième type (6): Le vent se lève

Et puis bien sûr, on ne peut pas clore un chapitre consacré aux anges tombés du ciel sans parler du plus célèbre d'entre eux:

Le livre d'origine et un beau portrait animé de David Bowie (Thomas Jerome Newton) d'après son adaptation cinématographique "L'homme qui venait d'ailleurs" ("The Man Who Fell To Earth", Nicolas Roeg, 1976)
Le livre d'origine et un beau portrait animé de David Bowie (Thomas Jerome Newton) d'après son adaptation cinématographique "L'homme qui venait d'ailleurs" ("The Man Who Fell To Earth", Nicolas Roeg, 1976)

Le livre d'origine et un beau portrait animé de David Bowie (Thomas Jerome Newton) d'après son adaptation cinématographique "L'homme qui venait d'ailleurs" ("The Man Who Fell To Earth", Nicolas Roeg, 1976)

Certaines scènes du film rappellent la fascination de David Bowie (que je partage tout comme son amour pour Berlin) pour le Japon et annonce son futur rôle dans Furyo ("Merry Christmas Mister Lawrence") de Nagisa Oshima (1983).

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Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect

Publié le par Rosalie210

IV

Nobody's perfect

« La force de Wilder est de mettre en scène des crapules, des crétines, des imposteurs, des lâches et des assassins, puis d'en faire des êtres humains. » (Noël Simsolo).

Billy Wilder (1906-2002) et sa jeune (et fictive) interprète grecque, Calista sur le tournage en Grèce de Fedora (1978), allusion transparente à "L'interprète grec", l'une des nouvelles d'Arthur Conan Doyle dans laquelle on découvre pour la première fois Mycroft Holmes, le frère aîné de Sherlock et le club Diogène dont il est le co-fondateur. Mais bien que "Billy Wilder et moi" soit un roman, il se fonde sur des faits et propos bien réels grâce notamment à la rencontre entre l'auteur et le fils de I.A.L. Diamond (le scénariste de Billy Wilder à partir de 1957) qui lui a ouvert les archives de son père. Le résultat est remarquable car extrêmement vivant tout en étant méticuleusement documenté.

Billy Wilder (1906-2002) et sa jeune (et fictive) interprète grecque, Calista sur le tournage en Grèce de Fedora (1978), allusion transparente à "L'interprète grec", l'une des nouvelles d'Arthur Conan Doyle dans laquelle on découvre pour la première fois Mycroft Holmes, le frère aîné de Sherlock et le club Diogène dont il est le co-fondateur. Mais bien que "Billy Wilder et moi" soit un roman, il se fonde sur des faits et propos bien réels grâce notamment à la rencontre entre l'auteur et le fils de I.A.L. Diamond (le scénariste de Billy Wilder à partir de 1957) qui lui a ouvert les archives de son père. Le résultat est remarquable car extrêmement vivant tout en étant méticuleusement documenté.

En novembre 1993, j'ai vu pour la première fois un film de Billy Wilder, "La Garçonnière" ("The Apartment",1960), sur Arte, lors d'une soirée "Thema" qui était consacrée au célèbre réalisateur américain d'origine austro-hongroise. Comme Calista dans le roman de Jonathan Coe lorsqu'elle fait sa connaissance, je ne savais absolument pas qui il était car cela faisait peu de temps que je m'étais mise au cinéma. Je me souviens juste que ça a été le coup de foudre au point qu'un mois après, le soir de noël, je me repassais encore le film que j'avais enregistré, seule dans ma chambre avec une ferveur incroyable en me disant à peu près comme Edmond Dantès qu'il n'y avait qu'à "attendre et espérer". Car c'est de cela dont j'avais le plus besoin à l'époque et c'est à ce besoin-là que Billy Wilder répondait justement:

" Imagine une famille à Düsseldorf. Le mari est déprimé [...] La femme dit à son mari: "Ecoute, je suis amoureuse du dentiste et je te quitte". Le fils s'est fait arrêter [...] La fille est en cloque et elle a la syphilis. Et voilà que quelqu'un passe les voir et dit: "Ecoutez, je sais que vous avez eu une rude journée, mais allons nous remonter le moral. Allons voir Despair de Fassbinder. [...] La vie est moche. On le sait tous. Pas besoin d'aller au cinéma pour savoir que la vie est moche. Les gens y vont parce que ces deux heures apportent à leur existence une petite étincelle [...] Un soupçon de joie peut-être."

(Jonathan Coe, Billy Wilder et moi, p 260).

L'une des nombreuses affiches de "La Garçonnière" et une affiche de "Despair" de Rainer Werner Fassbinder. J'adore Dirk Bogarde mais les films dans lesquels il a tourné ne transpirent pas vraiment le bonheur. D'ailleurs parmi mes pires souvenirs en matière de films (au sens de films traumatisants et non de mauvais films) il y a un téléfilm de Fassbinder, "Martha" (1974) qui décrit un processus d'emprise terrifiant au sein d'un couple.
L'une des nombreuses affiches de "La Garçonnière" et une affiche de "Despair" de Rainer Werner Fassbinder. J'adore Dirk Bogarde mais les films dans lesquels il a tourné ne transpirent pas vraiment le bonheur. D'ailleurs parmi mes pires souvenirs en matière de films (au sens de films traumatisants et non de mauvais films) il y a un téléfilm de Fassbinder, "Martha" (1974) qui décrit un processus d'emprise terrifiant au sein d'un couple.

L'une des nombreuses affiches de "La Garçonnière" et une affiche de "Despair" de Rainer Werner Fassbinder. J'adore Dirk Bogarde mais les films dans lesquels il a tourné ne transpirent pas vraiment le bonheur. D'ailleurs parmi mes pires souvenirs en matière de films (au sens de films traumatisants et non de mauvais films) il y a un téléfilm de Fassbinder, "Martha" (1974) qui décrit un processus d'emprise terrifiant au sein d'un couple.

Si on m'avait dit en effet à cette époque que Billy Wilder était un réalisateur cynique, je serais "tombée des nues" ^^. Il m'est apparu comme un sauveteur (au sens de maïeuticien de l'âme). L'un des rares qui pouvait proposer un regard humaniste et une issue positive à des personnages en apparence irrécupérables: "Les gens me traitent de cynique et c'est vrai, j'ai réalisé quelques films cyniques, mais en réalité, je crois que j'ai une image assez romantique de ce que doit être un film." (p 263)

Ironie dès le générique: Baxter regarde de l'extérieur son propre appartement (son intimité) envahi et lui-même, en être exclu.

Ironie dès le générique: Baxter regarde de l'extérieur son propre appartement (son intimité) envahi et lui-même, en être exclu.

La Garçonnière raconte l'histoire d'un petit employé d'assurances, CC Baxter (joué par son acteur fétiche, Jack Lemmon) qui prête sa garçonnière à ses supérieurs (patron inclus) pour qu'ils y emmènent leurs maîtresses contre la promesse de gravir les échelons de son entreprise. Ce qu'il parvient à faire, se retrouvant à la fin adjoint du patron, tout en haut de la tour qui abrite les bureaux de la compagnie. Une satire corrosive de la sucess story autant que du parcours édifiant du héros américain, self-made-man parti de rien et arrivé au sommet par ses propres moyens, ici la prostitution par procuration.

La tour à gravir, le célèbre open space d'Alexandre Trauner puis l'exécutive office et enfin le bureau du patron.
La tour à gravir, le célèbre open space d'Alexandre Trauner puis l'exécutive office et enfin le bureau du patron.
La tour à gravir, le célèbre open space d'Alexandre Trauner puis l'exécutive office et enfin le bureau du patron.
La tour à gravir, le célèbre open space d'Alexandre Trauner puis l'exécutive office et enfin le bureau du patron.
La tour à gravir, le célèbre open space d'Alexandre Trauner puis l'exécutive office et enfin le bureau du patron.

La tour à gravir, le célèbre open space d'Alexandre Trauner puis l'exécutive office et enfin le bureau du patron.

Sauf qu'en fait Baxter n'est pas un arriviste. C'est une chiffe molle qui se laisse dicter sa conduite par les dirigeants de la société à qui il n'ose pas dire non. Tout le comique du film mais aussi sa profonde mélancolie repose sur un quiproquo entre l'image que renvoie Baxter à la société (celle du conquérant à qui tout réussit tant sur le plan professionnel que privé) et une réalité faite de solitude et d'asservissement. Fran, la jeune liftière jouée par Shirley MacLaine pour qui Baxter a le béguin résume parfaitement la réalité prédatrice de la société américaine "certains exploitent et d'autres se font exploiter". Double féminin de Baxter, elle aussi est manipulée par son patron qui lui fait miroiter de belles promesses qu'il n'a nullement l'intention d'honorer.  Et bien entendu Baxter ne se doute pas qu'elle passe une partie de ses nuits dans son propre lit mais avec un autre alors qu'il se gèle sur le trottoir en attendant de pouvoir rentrer chez lui.

Sans crier gare, le film bascule de la comédie satirique au drame poignant lorsque Baxter découvre sa propre fêlure dans le miroir brisé de Fran.

Sans crier gare, le film bascule de la comédie satirique au drame poignant lorsque Baxter découvre sa propre fêlure dans le miroir brisé de Fran.

C'est alors qu'intervient l'humaniste de l'histoire, double de Wilder en la personne du docteur Dreyfuss, voisin de palier de Baxter et témoin de ce qu'il croit être sa vie de jeune débauché irresponsable. Il ne va pas seulement se contenter de sauver Fran du suicide et du désespoir. Il va secouer Baxter en lui enjoignant de devenir un "Mensch" c'est à dire un véritable être humain au sens où Diogène l'entendait. Et ce juste au moment où ce dernier sort enfin de sa léthargie en accédant au sentiment amoureux qui est pour lui une révélation. Il devient alors un homme à part entière qui décide de se libérer de sa servitude et de protéger sa vie privée pour y accueillir Fran qui retrouve parallèlement le goût de vivre. Jack Lemmon qui introduisait le film lors de la soirée Thema disait que Billy Wilder avait réussi "à faire pousser une rose sur du fumier".

Les bons conseils du docteur Dreyfuss 😊.

Et la décision de Baxter de les suivre.

Les films de Billy Wilder que je préfère, tous co-scénarisés avec I.A.L. Diamond possèdent ce bouleversant pouvoir de métamorphose d'une marionnette en être humain, souvent grâce à la connexion ou à la reconnexion avec une partie ignorée de soi (la plus secrète et la plus précieuse, évidemment). L'exemple le plus célèbre est celui du musicien plutôt fade Jerry (Jack Lemmon) devenant l'irrésistible Daphné dans "Certains l'aiment chaud" (Some like it hot, 1959) mais Flannagan (Gary Cooper), le vieux séducteur blasé retrouvant ses émotions d'adolescent dans "Ariane" (Love in the afternoon,1954) devant la bravoure d'une gamine encore vierge (Audrey Hepburn) qui pour se mettre à "son niveau" s'invente une collection d'amants est tout aussi fascinant. Je me souviens encore de l'état d'enchantement dans lequel j'étais en sortant de la projection. Car celui-là, je l'ai vu dans un cinéma art et essai qui n'existe plus, le Rex à Toulouse, quelques mois après "La Garçonnière". Cinéma à qui je dois une bonne partie de ma culture cinématographique. 

Et la joie qui résulte du sentiment de plénitude retrouvé s'exprime en danse et en musique avec l'éternel orchestre dans un coin de l'image.

La signature Wilder: la fleur portée derrière l'oreille apparaît dans toutes les scènes de danse. Dans "Certains l'aiment chaud" elle est portée par Joe E. Brown (Osgood)

Dans "Ariane", la fleur épinglée au costume qui finit derrière l'oreille est portée par Gary Cooper (Flannagan) dans une scène bucolique

Cependant, je n'avais exploré qu'une facette de la personnalité de Billy Wilder. Deux ou trois ans après vers 1995, j'en ai découvert une seconde qui m'a tout autant marqué que la première. Pas la plus cynique (quoiqu'il y ait toujours une part de cynisme dans ses films, sinon on n'en dégusterait pas avec autant de délectation la part romantique). Mais la plus lugubre assurément. Celle de "l'ouverture des tombeaux", principalement dans les années 70 quand Billy Wilder devenu vieux et has been à Hollywood ("un homme d'hier" faisant "du cinéma d'hier" par rapport aux "jeunes barbus", Scorsese, Coppola, Spielberg) s'est penché avec nostalgie sur l'époque de sa jeunesse européenne brutalement interrompue par l'avènement du nazisme.

Les films de fantômes de la filmographie de Billy Wilder ne datent pas tous cependant des années 1970. "La Scandaleuse de Berlin" (1948) ressuscite l'Ange bleu (en version déchue) et "Boulevard du crépuscule" (1950), les vieilles gloires du cinéma muet (en version déchues également) en entremêlant fiction et réalité. "Boulevard du crépuscule" a d'ailleurs son miroir macabre (et dégradé) dans les années 70, "Fedora" (1978) avec le même acteur (William Holden) qui poursuit la chimère de faire tourner une nouvelle version de "Anna Karénine" à une ex-star recluse (et déchue pour changer) que chacun ne peut qu'identifier à Greta Garbo. On peut même inclure dans cet ensemble "La valse de l'Empereur" (1948) qui remonte aux dernières années de l'Empire austro-hongrois. Toutes ces périodes révolues ont un point commun. Elles sont issues d'une partie morte de l'existence de Billy Wilder. Sa vie d'avant: d'avant l'exil en France puis aux USA, d'avant la Shoah et la mort de sa famille, ce "Monde d'Hier" à jamais perdu dont parle son contemporain, Stefan Zweig. Seul "Fedora" s'aventure cependant du côté de l'expérimentation clinique façon "roman de la momie hollywoodienne", en faisant penser à la fois aux mutations du visage du film de Franju, "Les yeux sans visage" (1960) et à "La Piel que Habito" (2011) de Pedro Almodovar.

Mais le résultat est identique: ce sont tous des films de morts-vivants dans lesquels on sent bien qu'il y a une cassure dans la vie de Billy Wilder et que celle-ci est irréparable.

La géniale ouverture macabre tempérée d'humour noir de "Boulevard du crépuscule" avec son narrateur décédé flottant dans la piscine et la toute aussi joyeuse scène d'ouverture de "Fedora" (1978)
La géniale ouverture macabre tempérée d'humour noir de "Boulevard du crépuscule" avec son narrateur décédé flottant dans la piscine et la toute aussi joyeuse scène d'ouverture de "Fedora" (1978)

La géniale ouverture macabre tempérée d'humour noir de "Boulevard du crépuscule" avec son narrateur décédé flottant dans la piscine et la toute aussi joyeuse scène d'ouverture de "Fedora" (1978)

C'est exactement au carrefour de ces deux tendances, romantique et sépulcrale que se situe "La vie privée de Sherlock Holmes" ("The Private life of Sherlock Holmes") réalisé en 1970. Celui-ci était en effet un des personnages préférés de sa jeunesse et il voulu le traiter comme une personne ayant réellement existé et possédant de ce fait des failles on ne peut plus humaines. Pour cela, il a imaginé avec son complice scénariste I.A.L. Diamond l'exhumation d'une malle poussiéreuse entreposée dans une banque de Londres ayant appartenue à John Watson mais qui ne pouvait être ouverte que cinquante ans après sa mort. A l'intérieur, on y découvre un texte inédit du docteur consacré à ce qui est précisément occulté dans l'oeuvre volontairement fragmentaire de Arthur Conan Doyle: à savoir ce qui relève de la sphère privée de la vie du détective. C'est ainsi que Billy Wilder parvient à rendre hommage à l'oeuvre originale en complétant les "blancs" tout en se montrant extrêmement irrévérencieux à son égard.

La malle est à Watson mais tous les objets appartiennent à Sherlock Holmes, restes tangibles d'un monde perdu (un autre livre célèbre de Conan Doyle de 1912 qui s'est perpétué jusqu'à nos jours avec "Jurassic Park" (1993) de Steven Spielberg et toutes ses suites)

N'ayant pas saisi à l'époque tout ce qui faisait la complexité de ce cinéaste, je suis allée voir le film dans un cinéma du quartier latin qui le passait en même temps que "Avanti" (1972) en me disant naïvement que j'allais forcément y retrouver ce qui m'avait fait tant de bien dans les autres que j'avais vu de lui. Je me souviens en être sortie à la fois touchée au coeur, complètement déprimée et profondément troublée tant le décalage était immense entre l'image d'Epinal véhiculée par le célèbre détective dans la culture populaire (qui était la seule que je connaissais jusque là puisque je n'avais lu aucun livre de Conan Doyle ni vu aucune adaptation) et la vision d'outre-tombe qu'en donnait Billy Wilder. Comme si la mémoire collective avait opéré une sélection en ne conservant que ce qui l'arrangeait dans le personnage (son génie) en oubliant le reste (ses démons). Et cela n'est pas seulement imputable aux silences et aux omissions du docteur Watson (et donc de Conan Doyle). C'est aussi une question d'évolution des moeurs. Pas toujours dans le sens de ce que l'on croit d'ailleurs, comme le montre le chapitre 52 du Comte de Monte-Cristo intitulé "Toxicologie" dans lequel le sujet des drogues (fabrication et usage) est aussi décomplexé qu'il l'est dans les livres de Conan Doyle alors que de nos jours Edmond et Sherlock auraient quelques problèmes avec la justice (question réglée dans la série par le fait que le frère de Sherlock qui gravite dans l'ombre du pouvoir couvre tous ses écarts de conduite).

Chapitre 100% consacré aux meilleurs moyens de fabriquer des remèdes...et des poisons.

Chapitre 100% consacré aux meilleurs moyens de fabriquer des remèdes...et des poisons.

De la cocaïne pour soigner le mal de dents Carton publicitaire de 1885 Lloyd Manufacturing Company. Aujourd'hui, même les produits dérivés inoffensifs issus de ces drogues sont devenus tabous (sauf le Coca ^^), du moins en France. Aux Pays-Bas en revanche, l'esprit XIX° siècle est davantage demeuré (sucettes et glace au cannabis dans toutes les boutiques, exposition sur les drogues et les instruments pour les utiliser au musée national d'Amsterdam, coffee Shop permettant d'acheter et de consommer légalement du cannabis sous certaines conditions.)

De la cocaïne pour soigner le mal de dents Carton publicitaire de 1885 Lloyd Manufacturing Company. Aujourd'hui, même les produits dérivés inoffensifs issus de ces drogues sont devenus tabous (sauf le Coca ^^), du moins en France. Aux Pays-Bas en revanche, l'esprit XIX° siècle est davantage demeuré (sucettes et glace au cannabis dans toutes les boutiques, exposition sur les drogues et les instruments pour les utiliser au musée national d'Amsterdam, coffee Shop permettant d'acheter et de consommer légalement du cannabis sous certaines conditions.)

En surface, le film est souvent très drôle comme dans la scène où au fur et à mesure que la rumeur d'une relation homosexuelle Holmes/Watson se répand comme une traînée de poudre (^^), ce dernier qui danse avec des ballerines de l'Opéra se retrouve en fâcheuse posture (mais aujourd'hui, ce qui me fait le plus rire ce sont les mines outrées de Colin Blakeley à l'idée du qu'en dira-t-on dans son ancien régiment alors que le "respectable" docteur fournit par ailleurs de la came à son ami toxicomane tout en déplorant son vice). Nul doute que Le duo a été conçu pour se compléter, l'un jouant le rôle du clown blanc (Sherlock) et l'autre de l'auguste (Watson, Colin Blakeley étant par moments aussi désopilant que Jack Lemmon).

Dans "La vie privée de Sherlock Holmes", la fleur à l'oreille est portée par Colin Blakely (Watson).

Mais ce rire n'est que la politesse du désespoir, une expression que mon grand-père employait comme remède et dont j'ai fini par retrouver l'auteur, Chris Marker. Billy Wilder en était un grand adepte: "Quand je suis très heureux je fais des tragédies, quand je suis déprimé je fais des comédies. Pour Certains l'aiment chaud j'étais très déprimé, suicidaire."

Jonathan Coe consacre deux pages à la philosophie de ce rire qui était également essentielle chez I.A.L. Diamond dont on comprend qu'il était l'âme de la gaîté des films de Billy Wilder:

"Et cette fois je ris, en partie parce que je trouvais l'anecdote amusante, et en partie parce que j'aimais la manière dont monsieur Diamond l'avait racontée, la manière dont ses yeux brillaient au moment où il atteignait la chute, la façon dont, pendant un court instant, raconter cette plaisanterie suscitait chez lui un éclair de joie étrange et de lucidité sur le monde. Et je pris conscience que pour un homme fondamentalement mélancolique, un homme pour qui la marche du monde ne serait jamais qu'une source de regrets et de déceptions, l'humour n'était pas seulement beau mais nécessaire, que raconter une bonne blague pouvait faire naître un moment, fugace mais délicieux, où la vie prenait un sens particulier et ne semblait plus arbitraire, chaotique ni inexplicable. J'étais heureuse de penser que malgré toutes les inextricable difficultés du monde, il disposait de cette source de consolation." (p 125).

Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect

En profondeur, "La vie privée de Sherlock Holmes" laisse une trace de mélancolie et de douleur contenue ineffaçable. S'il revêt bien le genre de la quête à suspense et de l'aventure, c'est bien son caractère intimiste qui m'a le plus marquée en tant que portrait d'un homme malade. Comme l'est le film lui-même, amputé de quatre scènes par des producteurs qui le ramenèrent à une durée de 2h et comme l'était aussi l'acteur jouant le détective, Robert Stephens, bipolaire et alcoolique qui tenta de mettre fin à ses jours pendant le tournage (je ne suis d'ailleurs pas certaine que son teint livide et ses mains tremblantes relèvent seulement du jeu).

Quand on lit le début de la deuxième aventure de Sherlock Holmes, on comprend pourquoi la mémoire collective l'a fait passer à la trappe:

"Sherlock Holmes prit la bouteille au coin de la cheminée puis sortit la seringue hypodermique de son étui de cuir. Ses longs doigts pâles et nerveux préparèrent l’aiguille avant de relever la manche gauche de sa chemise. Un instant son regard pensif s’arrêta sur le réseau veineux de l’avant-bras criblé d’innombrables traces de piqûres. Puis il y enfonça l’aiguille avec précision, injecta le liquide, et se cala dans le fauteuil de velours en poussant un long soupir de satisfaction. [...] 

« Aujourd’hui, lui demandai-je, morphine ou cocaïne ? » [...] 

« Cocaïne, dit-il, une solution à sept pour cent. Vous plairait-il de l’essayer ?

– Non, certainement pas ! répondis-je avec brusquerie. Je ne suis pas encore remis de la campagne d’Afghanistan. Je ne peux pas me permettre de dilapider mes forces. »

[...] « Peut-être avez-vous raison, Watson, dit-il. Peut-être cette drogue a-t-elle une influence néfaste sur mon corps. Mais je la trouve si stimulante pour la clarification de mon esprit, que les effets secondaires me paraissent d’une importance négligeable.

- Mais considérez la chose dans son ensemble ! m’écriai-je avec chaleur. Votre cerveau peut, en effet, connaître une acuité extraordinaire ; mais à quel prix ! C’est un processus pathologique et morbide qui provoque un renouvellement accéléré des tissus, qui peut donc entraîner un affaiblissement permanent. Vous connaissez aussi la noire dépression qui s’ensuit : le jeu en vaut-il la chandelle ? Pourquoi risquer de perdre pour un simple plaisir passager les grands dons qui sont en vous." (Le signe des quatre).

Soit précisément le passage qui a rendu Billy Wilder fan du détective "Le premier Sherlock Holmes que j'ai lu, c'était Le Signe des quatre. Et dans les tout premiers paragraphes, il s'injecte de la cocaïne! Incroyable. J'étais mordu." (Jonathan Coe, Billy Wilder et moi, p 196-197).

"Nous avons tous nos défaillances. Heureusement, le docteur Watson ne relate jamais les miennes" (mais d'autres le font). "Qui se nourrit de canaris et d'acide sulfurique avec un moteur en guise de coeur?". "Sherlock, quand je t'ai dit de renoncer à cette affaire, ce n'était pas une suggestion, c'était un ordre". etc. le portrait se précise.

Le Sherlock de Billy Wilder a un certain nombre de points communs avec le Baxter de "La Garçonnière": la solitude, la marginalité, la déconnexion de soi et les problèmes d'identité qui en découlent ainsi que la difficulté à communiquer et l'incapacité à s'affirmer devant l'autorité (le patron étant remplacé par le grand frère, Mycroft joué par Christopher Lee, le Dracula des films du studio Hammer) et enfin l'inclination à la dépression et aux addictions. S'y ajoute, changement d'époque oblige des interrogations explicites sur le genre et la sexualité. Tout cela menant in fine directement vers l'autodestruction programmée, nul "sauveteur" ne se pointant dans cet horizon bouché.

Echec commercial et critique à sa sortie (logique au vu de son caractère non-conformiste), oublié à l'époque où je l'ai découvert, je ne me doutais pas qu'il deviendrait un serpent de mer dans ma vie ni qu'il allait devenir culte avec le temps et connaître une éclatante revanche 40 ans plus tard:

- D'une part grâce à la quête des parties manquantes effectuée par le passionné de Wilder (et de "La vie privée de Sherlock Holmes") qu'est Jonathan Coe (ayant acheté le DVD collector il y a deux ans, j'ai pu les visionner. Mais elles restent à l'état de fragments: ce sont tantôt des images, tantôt une bande-son, tantôt un script permettant de se faire juste une idée du projet initial de Wilder).

- De l'autre parce qu'étant également le film préféré de Mark Gatiss (qui comme Jonathan Coe l'a découvert quand il n'avait qu'une dizaine d'années), il a été une source d'inspiration majeure pour la série "Sherlock", l'empreinte du film de Billy Wilder (et par extension, de toute son oeuvre) s'y retrouvant un peu partout, des plus grosses évidences aux détails les plus subtils. L'humanisation de Sherlock est d'ailleurs l'ADN de cette série, sa raison d'être, comme elle l'était chez Wilder (d'où le passage au second plan des enquêtes dès la deuxième saison au profit des enjeux humains).

Mark Gatiss en plus d'être le co-créateur de la série joue le rôle de Mycroft, le frère aîné de Sherlock dont le rôle est considérablement étoffé par rapport à Doyle et à Wilder (qui a toutefois défini le type de relation qu'il entretient avec son frère).

"A scandal in Belgravia" (épisode 1, saison 2) reprend la plupart des passages clés de la joute érotico-platonique entre Sherlock et l'espionne allemande Gabrielle Valladon/Ilse von Hoffmanstal (Geneviève Page) qui est fusionnée avec la Irène Adler du canon surnommée la Femme. Quelques éléments diffèrent toutefois, qu'ils soient technologiques (le sms a remplacé le morse) ou sexistes (la misogynie affichée de Sherlock sur le thème "la femme est une traîtresse", même si Billy Wilder lui tord le cou par la suite est remplacée par une relation potentiellement sulfureuse - car non consommée à ce stade- entre une dominatrice professionnelle et un homme sexuellement bridé). Et contrairement à la version Wilder dans laquelle il ne parvient à obtenir qu'un sursis à Ilse, le Sherlock de la série réussit à la suivre clandestinement sur le terrain et à lui sauver la vie ce qui traduit un net changement quant au degré d'implication dans le réel du personnage et la manière dont il créé des liens qui s'avèrent ensuite indéfectibles. Le degré de conflictualité avec Mycroft est également nettement plus élevé dans la série qu'il ne l'est dans le film, sa tutelle écrasante suscitant plus de résistance.

Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.
Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.
Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.
Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.
Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.
Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.
Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.
Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.

Sherlock version Gatiss/Moffat refuse la version de la vie fataliste que lui raconte son frère depuis qu'il est tout jeune. Il déjoue donc logiquement son scénario morbide en une pulsion anti-létale qui est fondamentale pour comprendre l'évolution du personnage.

Autres éléments communs au film de Wilder et à la série: l'élément aquatique et le cimetière recouvrant des monstres qui ne demandent qu'à surgir... hors de l'inconscient.

Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect
Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect
Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect
Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect
Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect

Le personnage féminin inventé par Wilder et I.A.L Diamond a également influencé l'écriture de l'épouse de John Watson, Mary (Amanda Abbington) dans la série.

Gabrielle Ashdown, son pseudo dans le premier épisode de la saison 4 est en effet celui qu'utilise Ilse von Hoffmanstal quand elle se réfugie au Japon à la fin de "La vie privée de Sherlock Holmes". Il s'agit d'une déclaration d'amour à Sherlock qui l'a connue sous le pseudo de "Gabrielle Valladon" avant qu'elle et lui ne se fassent passer pour un couple marié, "M. et Mrs. Ashdown" pour les besoins de son enquête.

Il est vraisemblable que Billy Wilder lui-même soit transposé dans le personnage de Greg Lestrade qui partage avec Sherlock dans le premier épisode les mêmes patchs de nicotine sur le bras. Car "Ashdown" évoque à la fois l'addiction de Sherlock qui s'asphyxie dans son cabinet à force d'étudier et de répertorier les différentes sortes de cendres de tabac ("Respirer, respirer, quelle barbe!" dit-il dans le premier épisode de la saison 1) et le passé traumatique de Billy Wilder. Daniel Hermsdorf en 2009 a mis en évidence la récurrence dans son oeuvre des thèmes du train, du brouillard, de la fumée et des gaz dont le film est saturé jusqu’à l’étouffement. Il lie cela à des réminiscences inconscientes de la biographie de Wilder dont la famille mourut dans les camps nazis. 

J'ajoute que le quatrième film de Billy Wilder porte un nom évocateur en VF: "Le Poison" ("The Lost Weekend", 1945). Et que le célèbre décor d'Alexandre Trauner d'open space pour "La Garçonnière" a été conçu pour noyer le personnage dans la masse et provoquer une sensation d'oppression maximale.

Mariés au travail (kafkaïen) mais aussi au danger, à la nicotine, à la bouteille.
Mariés au travail (kafkaïen) mais aussi au danger, à la nicotine, à la bouteille.
Mariés au travail (kafkaïen) mais aussi au danger, à la nicotine, à la bouteille.
Mariés au travail (kafkaïen) mais aussi au danger, à la nicotine, à la bouteille.

Mariés au travail (kafkaïen) mais aussi au danger, à la nicotine, à la bouteille.

"Vous creusez votre tombe, il était temps que je revienne, il y a du laisser-aller". Les retrouvailles nicotinées Sherlock/Lestrade (épisode 1, saison 3). Ce n'est pas la dernière fois que Sherlock va se faire traiter de "salaud" pour la façon dont il (ma)traite les sentiments de ceux qui l'aiment.

Mais l'hommage que je trouve le plus émouvant reste la petite fleur à l'oreille que porte Watson dans le premier épisode de la saison 4 lorsqu'il rencontre pour la première fois Eurus, la soeur de Sherlock dans le bus. Ca c'est vraiment le genre de petit détail qui (me) tue.

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De ma découverte du cinéma de Billy Wilder a découlé un intérêt pour la culture et l'histoire juive qui ne s'est jamais tarie au fil des ans. De ma licence sur l'anthropologie des sociétés juives contemporaines en 1995 à ma maîtrise sur les écoles juives parisiennes en 1996, de mes stages au Mémorial de la Shoah, à Cracovie et à Auschwitz-Birkenau en 2015 à mon séjour à Berlin en 2018, j'ai tracé au fil du temps une seconde filiation, d'élection avec celui que je considère comme mon second grand-père et dont je pourrais dire comme le dit Watson sur la tombe de Sherlock: "j'étais tellement seule et je lui dois tant".

Les Héros du troisième type (4): Nobody's perfect

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Les héros du troisième type (3): Sur les cimes du désespoir

Publié le par Rosalie210

" Sur les cimes du désespoir" (1933) est une oeuvre du philosophe roumain Emil Cioran. Le type de bouquin qui m'intriguait par sa concision et son titre en forme de paradoxe nihiliste quand je le contemplais dans la bibliothèque de mon grand-père (tout comme "De l'inconvénient d'être né" publié en 1973).

Les héros du troisième type (3): Sur les cimes du désespoir

III

Sur les cimes du désespoir

"Il prit son violon, et il commença de jouer tandis que je m'allongeais. C'était un air rêveur et mélodieux; de sa propre composition certainement, car il savait improviser avec beaucoup de talent. Je me souviens vaguement de ses bras maigres, de son visage attentif et du va-et-vient de l'archet. Puis il me sembla que je m'éloignais paisiblement, flottant sur une douce mer de sons, pour ensuite atteindre le royaume des rêves où le joli visage de Mary Morstan se penchait vers moi" (Arthur Conan Doyle, Le signe des quatre.)

La magnifique BO de Miklos Rozsa pour "La Vie privée de Sherlock Holmes" de Billy Wilder (1970)

Plusieurs objets fétiches du célèbre détective ne sont pas spécialement passés à la postérité dans l'imaginaire collectif. Deux en particulier: son Stradivarius et sa seringue. C'est évidemment significatif. Je parlerai de la seconde dans le chapitre suivant. Dans celui-ci, je vais me concentrer sur la seule manière par laquelle il parvient à exprimer des émotions et des sentiments dans les oeuvres de Arthur Conan Doyle: la musique (en tant qu'instrumentiste mais également compositeur).

S'il y a un cinéma qui lui correspond, c'est celui de Claude Sautet, un réalisateur aussi mélomane que secret. S'il a longtemps plus ou moins caché son mal de vivre et sa solitude derrière la convivialité des groupes, ses derniers films, plus resserrés, plus épurés et plus intérieurs, en un mot, plus intimes, résonnent comme un témoignage de ce qu'il était vraiment. Ainsi, "Un coeur en hiver" (1992) campe le portrait assez glaçant d'un luthier (joué par Daniel Auteuil) solitaire, austère, économe de ses mots, véritable expert technique dans son domaine, "marié à son travail" (pour reprendre l'expression de Sherlock dans le premier épisode de la saison 1) et qui est si emmuré en lui-même qu'il ne ressent aucune émotion. Cette infirmité fait de lui un mort-vivant ou pour reprendre l'idée de Cioran, un mort-né qui détruit les autres autant qu'il se détruit lui-même. Beaucoup ont vu dans le personnage un portrait déguisé de Maurice Ravel, solitaire, marginal, incapable d'intimité... et grand collectionneur d'automates (personnellement j'ai toujours trouvé son "Boléro" mécanique et obsessionnel).

Seule la musique semble émouvoir Stéphane mais parce que "c'est du rêve", il ne se met pas en danger et dans ce cadre sécurisé, il peut se laisser aller comme le fait Stevens dans "Les Vestiges du jour" en lisant des romans sentimentaux.

Camille (Emmanuelle Béart), la jeune violoniste prodige pour qui travaille Stéphane tente par des assauts répétés et de plus en plus virulents de faire réagir, de faire parler cette âme qui se refuse à toute implication émotionnelle avec qui que ce soit de chair et de sang: son "ami" Maxime (André Dussollier) qu'il refuse d'appeler comme tel, préférant le terme de "partenaire" et précisant qu'ils se "complètent car c'est l'intérêt de chacun bien compris, rien de plus". Hélène (Elizabeth Bourgine) la libraire qui l'aime en secret: "c'est quelqu'un que j'apprécie, avec qui je m'entends bien." Et elle-même bien sûr qui lorsqu'elle lui avoue son désir et ses sentiments a droit à une fin de non-recevoir " Camille, je ne crois pas que je peux vous donner ce que vous cherchez [...] Vous parlez de sentiments que je ne ressens pas, qui n'existent pas. Je n'y ai pas accès. Je ne vous aime pas." On en a une belle variante dans l'épisode 1 de la saison 2 de Sherlock dans lequel celui-ci dit "Pour quelle raison voudrais-je dîner si je n'ai pas faim?" pour exprimer son manque de désir et aussi le fait que l'amour est pour lui un "inconvénient" (comme celui d'être né pour Cioran). 

Camille lui démontre l'absurdité d'une telle attitude qui confine à la fuite devant le réel, devant le présent, devant le changement, devant la vie: "vous n'êtes pas comme ça parce que personne n'est comme ça, ça n'existe pas". Quel que soit le baratin rationalisant qu'il peut se dire à lui-même, Stéphane n'a aucun contrôle sur les sentiments et les réactions des autres. Il n'a plus qu'à contempler les dégâts, la désolation que son attitude provoque autour de lui et reconnaître "qu'il y a quelque chose en lui qui ne vit pas". 

La dissection du violon et les petits automates qui rappellent l'univers de Ravel.
La dissection du violon et les petits automates qui rappellent l'univers de Ravel.

La dissection du violon et les petits automates qui rappellent l'univers de Ravel.

Stéphane vit dans une illusion de toute-puissance, s'imaginant à l'abri de tout ce qui pourrait l'atteindre et voyant les autres comme des gens faibles et manipulables. "C'est vrai que j'ai voulu vous séduire, sans vous aimer, par jeu, sans doute, contre Maxime. Parce que je l'avais décidé." Camille lui objecte "qu'on ne décide pas les choses, on les vit." A condition d'accepter de laisser la vie entrer en soi ce qui n'est pas le cas de Stéphane. C'est exactement le même portrait qui est fait de Stevens, le majordome de "Les Vestiges du jour" par Kasuo Ishiguro (adapté par James Ivory en 1993 avec les fabuleux Anthony Hopkins et Emma Thompson):

" Qu'est-ce que un grand majordome ? [...] Les grands majordomes sont grands parce qu'ils ont la capacité d'habiter leur rôle professionnel, et de l'habiter autant que faire se peut ; ils ne se laissent pas ébranler par les événements extérieurs, fussent-ils surprenants, alarmants ou offensants. Ils portent leur professionnalisme comme un homme bien élevé porte son costume : il ne laissera ni des malfaiteurs ni les circonstances le lui arracher sous les yeux du public ; il s'en défera au moment où il désirera le faire, et uniquement à ce moment, c'est à dire, invariablement, lorsqu'il se trouvera entièrement seul. C'est, je l'ai dit, une question de " dignité."

Cette "dignité" si constitutionnelle de la culture british (très proche par ailleurs de la culture japonaise, j'aurai l'occasion d'y revenir quand je parlerai des addictions) consiste en réalité à ne jamais se laisser distraire par les émotions et les sentiments, à agir purement fonctionnellement comme le montre le passage dédié à la mort de son père "Le lendemain j'étais très occupé à servir au salon lorsque Miss Kenton vint me prévenir que mon père venait de nous quitter. " Miss Kenton je vous en prie, ne me croyez pas grossier de ne pas monter voir mon père dans son état de décès à ce moment précis. Vous comprenez, je sais que mon père aurait souhaité que je continue mon travail maintenant ". Quand je dis que la conférence de 1923, et ce soir là en particulier, a constitué un tournant vital de mon évolution professionnelle, je me réfère à mes propres critères de valeur. Et je vais jusqu'à avancer que j'ai peut-être fait preuve, face à la situation, d'une " dignité " qui aurait pu convenir à un personnage tel que mon père et je m'aperçois que j'éprouve, à y repenser, un sentiment de triomphe." Sentiment de triomphe (de toute-puissance) qui revient à chaque fois qu'il est confronté à quelque chose qui pourrait le déstabiliser: la peur, la mort ou encore l'amour qu'il éprouve pour Miss Kenton l'intendante qu'il repousse et qu'il laisse partir faire sa vie ailleurs.

Lorsque Stevens réalise le gâchis qu'il a fait de sa vie, il est bien entendu trop tard comme il s'en rend compte en retrouvant Miss Kenton vingt ans plus tard.

" Quand j'ai quitté Darlington Hall, il y a bien des années, je n'avais pas conscience d'être réellement, vraiment en train de partir. Je crois que je prenais ça pour une de mes ruses, Mr Stevens, destinées à vous contrarier. Pendant longtemps j'ai été très malheureuse, vraiment malheureuse. Mais les années se sont écoulées, ma fille a grandi, et un jour je me suis aperçue que j'aimais mon mari. C'est un homme bon et tranquille, j'ai appris à l'aimer. Mais ça ne veut pas dire, évidemment, qu'il n'y a pas de temps à autre, des fois - des moments de grande tristesse - où on se dit en soi-même : " Quel terrible gâchis j'ai fait de ma vie " Et on se met à penser à une vie différente, à la vie meilleure qu'on aurait pu avoir. Par exemple, je me mets à penser à la vie que j'aurais pu avoir avec vous, Mr Stevens ".

Je ne crois pas avoir répondu immédiatement car la portée de ces paroles était de nature à susciter en moi une certaine douleur. En vérité - pourquoi ne pas le reconnaître -, à cet instant précis, j'ai eu le cœur brisé."

Les héros du troisième type (3): Sur les cimes du désespoir
Les héros du troisième type (3): Sur les cimes du désespoir

Stevens qui pense avoir été un GRAND majordome au service d'un GRAND homme, Lord Darlington a tout faux, sur toute la ligne. Il s'est juste manipulé lui-même en trichant avec ses sentiments et avec sa conscience par peur de la vie et de son aspect incontrôlable. Conséquence: il a détruit son existence, gâché (du moins en partie) celle de Miss Kenton qui avait des sentiments pour lui et tout cela pour servir un sympathisant nazi, soit la négation même de l'humanité. La réalité l'a rattrapé et lui a présenté une facture impitoyable.

D'un point de vue nietzschéen, ces personnages sont tout aussi éloignées du surhumain que la médiocrité des masses qui se laissent diriger aveuglément par une idéologie. En effet ce sont des personnes vides, incapables de se déployer et d'agir dans le réel alors que l'homme accompli tel qu'il l'envisage embrasse au contraire le chaos de la vie dans toutes ses dimensions pour se dépasser. Les Stéphane ou les Stevens qui se croient tout-puissants par leur maîtrise d'eux-mêmes et leur détachement sont juste des impuissants qui n'accouchent que d'un désert stérile. Ces hommes qui se pensent "grands" sont au contraire l'incarnation même de la petitesse, de l'étriquement, de la compression ou de la rétention émotionnelle et ce jusqu'à la mort par asphyxie complète. Comme le résume Camille dans la confrontation finale de "Un coeur en hiver": " C'est qui ce type? C'est quoi? Une oreille? Un bricoleur de génie comme le dit son ami Maxime? Qu'est ce que je dis, son ami! "L'intérêt de chacun bien compris, rien de plus. L'amitié ça n'existe pas. Il n'y a pas accès". [...] Et si c'était un jeu, il fallait aller jusqu'au bout! Il fallait me baiser! Vous auriez été un salaud mais au moins ça c'est dans la vie [...] Mais là c'est rien! Vous n'êtes rien! [...] Il est là, tout étriqué sur sa chaise! Il voudrait bien être ailleurs hien? Ah il paraît qu'il aime la musique! Parce que "c'est du rêve la musique! Parce ce que ça n'a rien à voir avec la vie". Mais le rêve, pauvre type, tu sais pas ce que c'est! Tu n'as pas d'imagination, pas de coeur, pas de couilles, pas de sève. Y'a rien là-dedans, y'a vraiment rien." 

Et pour parfaire le tableau de cette conscience totalement cadenassée:

"Tout ce que nous nous sommes dit!

Mais nous ne sommes rien dit, Camille."

Dans le documentaire que Arte lui a consacré "Le calme et la dissonance", Claude Sautet évoque pour expliquer sa propre difficulté à exprimer ses émotions par les mots la figure de son père, d'une pudeur maladive comme lui et qui "traînait en permanence le mal-être qu'il avait ramené de la grande guerre. Tout l'ennuyait dans la vie. Il délaissait sa famille qu'il voyait peu et à qui il ne racontait rien. Il ne s'intéressait qu'au sport et aux femmes, multipliant les aventures". Un grand vide affectif décrit de façon à peine voilée dans "Un mauvais fils" (1981) dont le documentaire souligne qu'il aurait pu s'appeler "Un mauvais père". Le film relate les relations conflictuelles entre un fils fragile et drogué (joué par Patrick Dewaere à fleur de peau, lui-même addict à la drogue et dont on connaît la fin tragique) et un père (Yves Robert) qui rejette sur lui tout le malheur familial. Tout transpire l'enfermement et le mal-être dans le film. Seul le personnage de libraire homosexuel (et mélomane) joué par Jacques Dufilho, sorte de père de substitution offre un peu de lumière en tendant la main au jeune homme et à une autre jeune toxicomane (jouée par Brigitte Fossey). Mais devant son impuissance à l'empêcher de replonger, il lui démontre que les échappatoires face aux problèmes de la vie sont en réalité des processus d'autodestruction ("Y'a pas de sortie, à part la fenêtre").

Dans son dernier film "Nelly et M. Arnaud" (1995), autoportrait à peine déguisé, "film en creux qui en dit long" comme j'ai pu l'écrire, Claude Sautet résume en une seule magnifique scène sa difficulté à se connecter avec la vie. Une scène qui m'a d'autant plus marquée qu'elle ressemble comme deux gouttes d'eau à la caresse sans contact de "Les Ailes du désir" (voir chapitre précédent).

Les héros du troisième type (3): Sur les cimes du désespoir

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