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Kenji, un héros que n'aurait pas renié Wim Wenders

Publié le par Rosalie210

Les parcours de Travis, héros du film "Paris, Texas" de Wim Wenders, et de Kenji Endo, personnage principal du manga de Naoki Urasawa "20th Century Boys" se ressemblent à plus d'un titre. Retour sur deux destins parallèles.

Kenji, un héros que n'aurait pas renié Wim Wenders

Le réalisateur Wim Wenders et le mangaka Naoki Urasawa n’ont pas que la ville de Düsseldorf*, l’histoire tourmentée de l’Allemagne ou la passion du rock en commun.

Ils partagent la même fascination pour un certain type de personnage, celui du mythique cow-boy solitaire à la recherche de lui-même.

Kenji, un héros que n'aurait pas renié Wim Wenders
Kenji, un héros que n'aurait pas renié Wim Wenders

« C’est l’histoire de quelqu’un qui est né dans un paysage beaucoup trop petit pour lui. »

Cette citation de Wim Wenders à propos de lui-même et des héros de tous ses films colle parfaitement à Kenji lorsqu’il est jeune. Des années 1960 aux années 1980, il rêve en effet de gloire et de grandeur mais ses aspirations se fracassent contre la réalité d’un environnement étriqué, codifié, contraignant et conformiste dans lequel il n’a aucune chance de se réaliser en tant qu’individu. Ce décalage entre les rêves de Kenji et la réalité familiale, sociale et culturelle dans laquelle il vit explique tous ses échecs initiaux :

Lorsqu’il fait part à sa mère de son désir de posséder une guitare, il se voit rétorquer que son avenir consiste à reprendre la boutique d’alcool de son père.

La prestation télévisée de son groupe Mad Mouse est coupée en plein direct.

Le groupe se sépare peu après.

Personne n’écoute Kenji lorsqu’il chante dans la rue.

Son ancien professeur lui dit qu’il n’est pas fait pour monter sur une scène.

Privé de la moindre estime pour lui-même, Kenji remise sa guitare au fond du placard et renonce à devenir quelqu’un pour se fondre dans une petite vie obscure et anonyme de gérant d’épicerie.

La culpabilité qu’il ressent devant sa sœur qui a un temps sacrifié ses études pour reprendre la boutique et ainsi lui permettre de tenter sa chance dans la musique achève de le faire rentrer dans le rang.

En ce sens, Kenji est bien mort une première fois à vingt-sept ans. Comme de nombreuses stars du rock**. À ceci près que la cause de son « décès » n’est pas la drogue mais le miroir tendu par la société. Désormais, une image colle à la peau de Kenji, celle du « loser » qui a « raté tout ce qu’il a entrepris ».

Il n’est guère étonnant qu’une société aussi aliénante ait pu donner naissance à un monstre tel qu’Ami. Très critique, Urasawa et Nagasaki nous suggèrent que le Japon n’a fait aucun travail de mémoire depuis les années 1930 et 1940, dates de son alliance avec l’Allemagne nazie, de sa participation à la guerre et de son aventure impérialiste dans le Pacifique. Or, « qui ne se souvient pas de son passé est condamné à le revivre » : les soldats de l’ONU qui occupent le Japon après la chute d’Ami ressemblent comme deux gouttes d’eau aux G.I américains de 1945…

Kenji, un héros que n'aurait pas renié Wim Wenders

Une identité trouble

En apparence, le Kenji des années 1990 a « tout oublié » et s’accommode bien de sa nouvelle vie de gérant d’épicerie. Il semble stable et satisfait, comme il le dit lui-même : « J’aimais bien cette vie ». Néanmoins, certains éléments démontrent qu’il s’agit d’une fuite et non d’un vrai choix, comme le fait qu’il préfère éviter par principe de chanter dans les karaokés. Kenji prétend également ne plus savoir ce qu’il a fait de sa guitare. Et il tente plus d’une fois de convaincre Yukiji de se marier, comme si cela pouvait le soulager qu’elle s’éloigne de lui.

Yukiji l’a en effet bien connu enfant et adolescent. Elle en garde l’image du « chevalier blanc » qui s’est porté à son secours alors qu’il n’avait aucune chance de l’emporter contre ses adversaires. Ce courage et cette détermination semblent l’avoir déserté et elle ne lui cache pas qu’elle est déçue par ce qu’il est devenu.

Ce renoncement à être soi-même pour se conformer aux attentes des autres a pour conséquence de faire croître le monstre tapi dans l’ombre. Ainsi, à une case montrant en gros plan les doigts de Kenji devenus raides par l’abandon de la pratique de la guitare répond une case identique montrant les doigts d’Ami en train de prononcer l’un de ses discours au Bûdokan. On s’imagine alors brièvement que Kenji et Ami sont la même personne.

Une impression renforcée lorsqu’Ami révèle qu’il est le père de Kanna, la nièce de Kenji, qu’il élève comme sa fille. Ami se servira d’ailleurs quelques années plus tard de cette proximité forcée pour inverser les rôles et introduire la confusion dans les esprits, y compris dans celui de Kenji.

20th CENTURY BOYS © 2000 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

20th CENTURY BOYS © 2000 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

Dans le film de Wim Wenders, Travis est également un personnage à l’identité problématique. Il ne sait pas bien d’où il vient. Il aurait été conçu à Paris, un trou perdu du Texas mais son père s’amuse à faire croire qu’il s’agit du Paris français. Cette incertitude sur ses origines empêche Travis (dont le nom signifie « travel », voyager) de se sédentariser et d’offrir un vrai foyer à sa famille, qui vit dans une caravane.

Travis est si instable qu’il détruit progressivement son couple. Il imagine que sa femme le trompe dès qu’il a le dos tourné. Il se met à boire et à s’absenter de longues heures afin de la rendre jalouse. Mais elle ne réagit pas comme il l’espère : en conséquence, il multiplie les scènes de cris et de destruction… Dans le même temps, il ne supporte pas de rester longtemps loin d’elle, ce qui l’amène à changer sans arrêt de travail. Enfin, à cette instabilité affective vient s’ajouter une instabilité financière.

Lorsque Travis finit par s’apaiser, après avoir appris que sa femme attendait son enfant, il est trop tard : elle se sent prisonnière et ne pense plus qu’à le fuir à son tour. Leur relation se dégrade tellement qu’il finit par la séquestrer et par la traiter comme un animal en lui fixant une clochette à la cheville. Une mesure dérisoire puisque son épouse parvient malgré tout à s’enfuir définitivement avec leur enfant, en laissant Travis à l’intérieur de la caravane en flammes.

Le terrain acheté à Paris, Texas par Travis pour y faire construire une maison (qui reste à l'état de projet).

Le terrain acheté à Paris, Texas par Travis pour y faire construire une maison (qui reste à l'état de projet).

Errance commune dans le désert

La disparition de sa famille et l’incendie de la caravane entraînent la désagrégation complète de l’identité déjà fragile de Travis. Désorienté, en état de choc, il s’enfuit le plus loin possible du lieu du drame et retourne progressivement à l’état sauvage. « Il s’est étonné de ne plus rien ressentir. Il voulait juste dormir. Et pour la première fois, il a souhaité être très loin. Perdu dans un vaste et profond pays où personne ne le connaîtrait. Un endroit sans langage et sans rues. Il a rêvé de cet endroit sans en savoir le nom. […] Il a couru jusqu’au lever du soleil, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus courir, et quand le soleil s’est couché, il a de nouveau couru. Pendant cinq jours il a couru jusqu’à ce que toute trace de l’homme ait disparu. »

L’assassinat d’un ami d’enfance de Kenji puis l’incendie de son épicerie par les adeptes d’Ami en 1997 n’a pas un effet aussi radical mais suffit à ébranler de nouveau son identité. Sa vie bascule dans la marginalité. Il est obligé de se cacher dans une station de métro désaffectée pour « faits de terrorisme ». Il multiplie les tentatives avortées pour s’opposer à Ami en hésitant entre la violence et la non-violence, preuve qu’il se cherche de nouveau. Il regrette de plus en plus d’avoir laissé tomber la musique et comprend qu’il n’aurait jamais dû arrêter ce qui constitue son « corps et son sang ». Cependant, il n’est pas encore intérieurement dévasté par ce qui lui arrive. Il réussit en effet à se recréer une cellule intime en emportant sa famille avec lui, en obtenant l’aide des sans-abri et en reprenant contact avec ses amis d’enfance.

Kenji, un héros que n'aurait pas renié Wim Wenders

C’est un autre incendie qui va balayer les derniers repères de Kenji et le plonger dans les « ténèbres insondables » : celui de Shinjuku, à l’aube du premier jour du XXIème siècle.

Lorsque le masque d’Ami tombe, Kenji découvre enfin l’ampleur du mal qu’il a involontairement contribué à faire croître et triompher. Ami s’est servi de lui pour monter une vaste mise en scène destinée à lui faire porter le chapeau de ses actes terroristes à Kenji tandis que le gourou endossera le rôle du sauveur.

L’échange d’identité est d’autant plus facile que c’est Kenji qui a provoqué l’incendie en plaçant de la dynamite dans le robot. Ce comportement terroriste est exactement celui qu’Ami affectionne. Un paradoxe d’autant plus ironique que Kenji est fondamentalement un non-violent (« Je ne sais pas frapper les gens »)… Mais il a une fois de plus aliéné sa personnalité pour faire ce qu’on attendait de lui.

La déflagration qui s’ensuit est une déflagration interne : c’est la personnalité de Kenji qui se disloque, qui est dynamitée de l’intérieur. Il « pète littéralement les plombs » et s’enfuit, traumatisé, privé d’identité, en proie à la confusion mentale la plus totale : « À minuit, le premier jour du XXIème siècle, au milieu de l’incendie de Shinjuku, j’ai sauvé ma peau mais j’ai perdu la mémoire et oublié que j’étais Kenji Endô. J’ai erré dans tout le pays, je suis même passé à Tokyo mais j’avais de sales souvenirs qui revenaient alors je suis reparti. J’avais la trouille et je fuyais. J’allais toujours plus loin, toujours plus loin de Kenji. »

Dans un cas comme dans l’autre, la vie des personnages est mise entre parenthèses. Ils sont comme morts, à eux-mêmes, aux autres et au monde. Il s’agit en réalité d’une fuite dans l’amnésie et l’anonymat voire d’une tentative de dissolution de l’être dans les grands espaces, expérience mystique s’il en est.

20th CENTURY BOYS © 2004 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

20th CENTURY BOYS © 2004 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

« On peut toujours devenir ce que l’on veut être, il n’est pas trop tard. »

Le retour est d’abord un retour à la vie. Il passe par la recherche d’une ressource vitale hors du désert : de l’eau. Dans deux scènes très similaires, on voit Travis et Kenji, hagards et dépenaillés s’arrêter devant une habitation avant de s’écrouler au sol, accablés par la soif.

Les personnes qui les recueillent réagissent différemment. Konchi ne cherche pas à percer le mystère de l’identité de son visiteur, qu’il laisse repartir « comme il était venu ». Le docteur trouve sur Travis un numéro de téléphone qui le mène directement à son frère. C’est grâce à lui que le héros de Wenders retourne à la civilisation en se recomposant une identité (« Je cherche le père, un père ça ressemble à quoi ? ») et en recherchant son ex-femme.

20th CENTURY BOYS © 2006 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan
20th CENTURY BOYS © 2006 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

20th CENTURY BOYS © 2006 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

En découvrant, au contact de son frère, que la rage qui l’a poussé à détruire son couple ne l’a jamais quitté, Travis décide de s’effacer pour réunir son ex-femme et son fils, qu’il avait contribué à séparer. Il lègue son histoire à ce dernier afin qu’il ne soit pas victime de la même souffrance que lui. Il poursuit alors son chemin, résolu à percer le mystère de son existence : 

Je me rappelle à peine de ce qui est arrivé. C’est comme un blanc mais cela m’a laissé si seul que je n’en suis pas remis. En cet instant j’ai peur, peur de m’en aller à nouveau. Peur de ce que je pourrais découvrir. Mais j’ai encore plus peur de ne pas affronter cette peur.

Il n’y a pas de retour à la civilisation pour Kenji. Et pour cause : il n’y a plus de civilisation. Celle dans laquelle Kenji a grandi et a vécu a été détruite par Ami en 2015. Le monde est devenu à la fois totalitaire et post-apocalyptique. Le chaos et la terreur règnent partout. Mais ce monde cauchemardesque est aussi un monde de possibles et de promesses que plus aucun cadre ne vient entraver.

C’est dans ce nouvel environnement semblable à celui d’un western que « ressuscite » Kenji, résolu à prendre « un nouveau départ » et à « en finir avec tout ça » dix-huit ans après sa disparition. Une réapparition saisissante qui convoque toute une série d’archétypes : celui du chevalier, celui du cow-boy et celui du hippie au confluent de Don Quichotte et d’Easy Rider. En guise de monture : une Harley. Sans oublier une guitare pour revolver et une chanson pour munitions.

Le charisme et la puissance dégagés par Kenji lui permettent d’entraîner – involontairement – une foule derrière lui, tel un nouveau Messie***. Le lecteur ne peut s’y tromper : cette fois, Kenji s’est trouvé et c’est bien pour ça qu’il va pouvoir sauver le monde de la folie d’Ami.

Cette nouvelle identité correspond en effet à ce qu’il voulait être au plus profond de lui depuis toujours : un justicier et un musicien reconnu, apprécié et écouté dans le monde entier. Ce qui le met hors de portée de toute nouvelle tentative de manipulation ou de « captation » d’identité.

Néanmoins, Kenji ne supporte pas qu’on le considère comme un héros car il est conscient d’avoir passé la plus grande partie de sa vie à fuir. Son objectif est désormais de se réconcilier avec lui-même. Ce qui implique de se réapproprier son nom, de compléter les parties manquantes de son histoire et enfin d’en finir avec la confusion entretenue par Ami entre leurs deux personnalités, entre le bien et le mal. En assumant ses responsabilités et en rachetant ses erreurs passées, Kenji sauve le monde, ceux qu’il aime et lui-même.

Certes, il ne le fait pas tout seul : chacun de ses amis apporte une aide déterminante ****. Mais c’est bien Kenji qui détient la clé du problème et donc la solution. L’humanité qui bégayait se remet à avancer et un avenir se dessine, aussi bien pour Kenji que pour ses proches. Ainsi, l’une des dernières scènes du manga montre Kanna et Chôno, les héritiers de Kenji, en train de creuser un puits dans le désert africain. Tout un symbole.

« On peut toujours devenir ce que l’on veut être ». L’identité, le « je » se forge à partir des choix de l’individu. Elle relève de la responsabilité de chacun. Y renoncer, se fondre dans la communauté, c’est faire le lit d’une violence ultérieure, contre soi-même ou contre les autres. Mais être soi-même demande un immense courage et une énorme persévérance. Et quand l’environnement ou l’histoire familiale étouffe toute velléité d’affirmation personnelle, il est toujours possible de changer d’horizon. Aucun mur n’a jamais réussi à définitivement abattre cette liberté humaine.

20th CENTURY BOYS © 2005 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

20th CENTURY BOYS © 2005 Naoki URASAWA/Studio Nuts/Takashi NAGASAKI/Shôgakukan

* La ville de naissance de Wenders est présente dans la plupart des mangas d’Urasawa : Mon-Chan y habite dans 20th Century Boys et le docteur Tenma y officie dans Monster.

** Le « club des vingt-sept » comprend Jimi Hendrix, Janis Joplin et Robert Johnson, qui sont tous trois cités dans le manga.

*** Il est difficile de ne pas penser, en voyant Kenji chanter devant des fusils braqués sur lui, à la célèbre photographie de Marc Riboud, datée des années 1960, où une jeune fille s’avance, seule, une fleur dans les mains, face aux baïonnettes de la garde nationale du Pentagone.

**** Notamment un personnage absolument fascinant, Yoshitsune, qui, comme Kenji, s’avère capable d’affronter seul et sans arme une forêt de fusils braqués contre lui, illustrant la maxime selon laquelle « ceux qui sont le plus aptes à exercer le pouvoir sont ceux qui ne l’ont jamais recherché ».

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Entre choix et destin: les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) Page 6

Publié le par Rosalie210

IV- Nouvelle famille, nouvel univers
"Là où on va, on a pas besoin de routes." (RVLF I, II et III)
"J'ai un bel avenir dans le passé." (RVLF III)
"Un vrai savant a plus d'un tour dans son sac." (RVLF III)

Le Galaxy Express 999 est un vaisseau spatial qui a l'aspect d'un train à vapeur. Il est issu d'une nouvelle de Kenji Miyazawa Ginga Tetsudo no Yoru (Train de nuit dans la voie lactée) ensuite adaptée en manga par Leiji Matsumoto sous le titre Ginga Tetsudo 999 (le chemin de fer de la galaxie) puis en série animée éponyme de 113 épisodes.

Le Galaxy Express 999 est un vaisseau spatial qui a l'aspect d'un train à vapeur. Il est issu d'une nouvelle de Kenji Miyazawa Ginga Tetsudo no Yoru (Train de nuit dans la voie lactée) ensuite adaptée en manga par Leiji Matsumoto sous le titre Ginga Tetsudo 999 (le chemin de fer de la galaxie) puis en série animée éponyme de 113 épisodes.

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Doc va fusionner son rêve vernien et celui de Clara et le concrétiser, l'inscrivant dans un courant très particulier du rétrofuturisme qu'est le steampunk ("le futur à vapeur"). Dans l’anthologie Futurs Antérieurs, Daniel Riche estime que ce sous-genre « s’efforce d’imaginer jusqu’à quel point le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt. » H. G. Wells et Jules Verne, qui anticipaient le futur, sont les principales sources d’inspiration de ce mouvement qui recrée le passé. Initié par Tim Powers (Les Voies d’Anubis), James Blaylock (Homunculus) et K. W. Jeter (Morlock night, Machines infernales) dans les années 80, le steampunk mélange des problématiques modernes et des univers anciens.

Le frigidaire à vapeur de RVLF III est un clin d'oeil. En effet la première version de la machine à voyager dans le temps de RVLF était un frigo! Pour mémoire, le premier frigidaire a été mis au point vers 1919 et s'est massivement répandu après la seconde guerre mondiale.

Le frigidaire à vapeur de RVLF III est un clin d'oeil. En effet la première version de la machine à voyager dans le temps de RVLF était un frigo! Pour mémoire, le premier frigidaire a été mis au point vers 1919 et s'est massivement répandu après la seconde guerre mondiale.

Entre choix et destin: les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) Page 6

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Le courant steampunk est né à un moment où, le futur paraissant bouché ou, du moins, peu propice au rêve et à la fantaisie, et le présent terriblement terne et décevant, le passé pouvait se révéler un territoire propice à une réécriture fantasmatique où l'extravagance le disputerait à la nostalgie. On peut y voir, par conséquent le prolongement de l'intérêt profond et vivace manifesté par les sociétés occidentales depuis environ quatre décennies pour l'histoire. "Certaines époques regardent davantage vers l'avant ; d'autres vers l'arrière," écrivait Jean-Marie Domenach en 1981 dans son Enquête sur les idées contemporaines (Editions du Seuil). "La nôtre, qui, dans les années soixante, lançait ses échelles à l'assaut des décennies suivantes fait volte-face. Le meilleur indice en est que l'histoire prend la place de la prospective et de la science-fiction."

De fait l'influence de Wells et de Verne plane sur toute la saga RVLF. Dans les cinq dernières minutes de la trilogie, elle trouve même une sorte d'accomplissement puisque Doc invente une nouvelle machine à voyager dans le temps (Wells) en forme de Nautilus (Verne). 

Oeuvre de jeunesse plusieurs fois réécrite entre 1888 et 1924, le livre est une satire de la société capitaliste dont les inégalités poussées à l'extrême finissent par donner naissance à deux clans de dégénérés au comportement barbare et inculte, les anciens esclaves se nourrissant de leurs anciens maîtres réduits à des sortes de pantins décérébrés.

Oeuvre de jeunesse plusieurs fois réécrite entre 1888 et 1924, le livre est une satire de la société capitaliste dont les inégalités poussées à l'extrême finissent par donner naissance à deux clans de dégénérés au comportement barbare et inculte, les anciens esclaves se nourrissant de leurs anciens maîtres réduits à des sortes de pantins décérébrés.

La machine à explorer le temps de George Pal a été réalisé en 1960. Si le film reprend la trame du livre, il porte la marque du contexte dans lequel il a été réalisé. Ainsi tous les arrêts temporels du personnage principal se font lors des guerres du XX°, le film extrapolant lui aussi une guerre nucléaire engloutissant la surface de Londres sous une couche de lave et obligeant les survivants à se réfugier sous terre (pour changer!). Zemeckis s'est inspiré du générique du film pour celui de RVLF I et les trois couleurs des lampes (jaune, rouge, verte) sont devenues celles du tableau de bord de la Deloréan.

La machine à explorer le temps de George Pal a été réalisé en 1960. Si le film reprend la trame du livre, il porte la marque du contexte dans lequel il a été réalisé. Ainsi tous les arrêts temporels du personnage principal se font lors des guerres du XX°, le film extrapolant lui aussi une guerre nucléaire engloutissant la surface de Londres sous une couche de lave et obligeant les survivants à se réfugier sous terre (pour changer!). Zemeckis s'est inspiré du générique du film pour celui de RVLF I et les trois couleurs des lampes (jaune, rouge, verte) sont devenues celles du tableau de bord de la Deloréan.

La nouvelle machine à voyager dans le temps de Doc est une locomotive à vapeur mâtinée de technologies futuristes. Son design s'inspire directement du Nautilus, 20 mille lieues sous les mers étant le roman de Jules Verne préféré de Doc. Et elle est surmontée d'un convecteur temporel identique à celui de feu la Deloréan.

La nouvelle machine à voyager dans le temps de Doc est une locomotive à vapeur mâtinée de technologies futuristes. Son design s'inspire directement du Nautilus, 20 mille lieues sous les mers étant le roman de Jules Verne préféré de Doc. Et elle est surmontée d'un convecteur temporel identique à celui de feu la Deloréan.

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Le film C'était demain alias en VO Time after time de Nicholas Meyer sorti en 1979 et tiré du livre éponyme plonge H.G Wells au coeur de sa propre fiction, prolonge le film de George Pal et au même titre que ces oeuvres constitue une source d'inspiration pour RVLF.
 

H.G Wells, un homme en avance sur son temps... c'est le moins que l'on puisse dire puisqu'il est transporté en 1979 (date de la sortie du film) pour mettre fin aux agissements de Jack l'éventreur qui s'y est enfui avec sa machine. Le film pose de la même manière que dans RVLF la question de la responsabilité d'une invention qui entre de mauvaises mains peut entraîner des conséquences redoutables.

H.G Wells, un homme en avance sur son temps... c'est le moins que l'on puisse dire puisqu'il est transporté en 1979 (date de la sortie du film) pour mettre fin aux agissements de Jack l'éventreur qui s'y est enfui avec sa machine. Le film pose de la même manière que dans RVLF la question de la responsabilité d'une invention qui entre de mauvaises mains peut entraîner des conséquences redoutables.

La séquence qui ouvre le film ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de la Machine à explorer le temps de George Pal. Mêmes décors, mêmes costumes, mêmes personnages. Et lorsque la machine se met en marche, le défilement du soleil et des nuages en accéléré par la baie vitrée est identique.

La séquence qui ouvre le film ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de la Machine à explorer le temps de George Pal. Mêmes décors, mêmes costumes, mêmes personnages. Et lorsque la machine se met en marche, le défilement du soleil et des nuages en accéléré par la baie vitrée est identique.

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Dix ans avant RVLF III Mary Steenburgen joue dans C'était demain le rôle d'une femme qui tombe amoureuse d'un homme de sciences qui n'est pas de son époque. Il est évident que c'est l'une des raisons qui ont poussé Zemeckis et Gale à la choisir (elle et personne d'autre, tout comme Michael J Fox). Mais malgré des dialogues parfois similaires, Amy n'est pas Clara. A l'image de l'absence de point de vue réel sur l'année 1979, son personnage n'a aucune consistance. Représentant soi-disant la "femme moderne", elle n'est finalement qu'une annexe du héros tout comme Jennifer. 

Pour la petite histoire lorsque Mary Steenburgen a joué dans RVLF III elle était en train de divorcer de Malcom McDowell (l'inoubliable interprète d'Alex dans Orange mécanique) qu'elle avait rencontré dans le film de Meyer.

Pour la petite histoire lorsque Mary Steenburgen a joué dans RVLF III elle était en train de divorcer de Malcom McDowell (l'inoubliable interprète d'Alex dans Orange mécanique) qu'elle avait rencontré dans le film de Meyer.

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Doc pensait que sa Deloréan était le couronnement de toute sa carrière mais le train Jules Verne dans lequel il voyage avec sa famille a encore plus de "gueule". Zemeckis termine ainsi la saga sur un ultime coup de génie visionnaire encore largement incompris aujourd'hui. Par ce geste, il montre qu'il sait casser les murs et élargir la perspective. Il rattache ainsi en effet RVLF à un courant dont la branche vernienne la plus féconde se trouve aujourd'hui dans la pop culture japonaise.

Si la Deloréan dans RVLF II n'a pas besoin de routes, le train Jules Verne n'a pas besoin de rails. Doc s'est rendu dans le futur pour convertir sa nouvelle machine en appareil volant.

Si la Deloréan dans RVLF II n'a pas besoin de routes, le train Jules Verne n'a pas besoin de rails. Doc s'est rendu dans le futur pour convertir sa nouvelle machine en appareil volant.

Durant toute la saga, Doc n'a cessé de se réinventer mais sa dernière entrée en scène avec Clara ne manque pas de panache!

Durant toute la saga, Doc n'a cessé de se réinventer mais sa dernière entrée en scène avec Clara ne manque pas de panache!

Les enfants de Doc et Clara s'appellent évidemment Jules (Erathostène) et Verne (Newton). Et la famille a récupéré le chien Einstein lors de son passage en 1985. Bref le mélange entre les trois époques (1885, 1985 et 2015) trouve ici son achèvement.

Les enfants de Doc et Clara s'appellent évidemment Jules (Erathostène) et Verne (Newton). Et la famille a récupéré le chien Einstein lors de son passage en 1985. Bref le mélange entre les trois époques (1885, 1985 et 2015) trouve ici son achèvement.

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La principale confluence entre l’héritage vernien, le steampunk et les arts graphiques se situe en effet aujourd'hui au Japon. La Science-Fiction japonaise est particulièrement développée dans le domaine de la bande dessinée (manga) et le dessin animé (anime). Le romancier français est une référence primordiale dans un pays, où l’informatique et la technologie font partie de l’univers quotidien des habitants, qui ne les perçoivent pas comme négatifs, mais comme un environnement presque « naturel ». C’est surtout le cas pour les générations qui n’ont pas connu la guerre et qui ont eu pour héros Doraemon et Atom (Astro boy), un robot chat et un robot enfant, qui leur a servi à la fois de compagnon de jeu et de modèle. Contrairement aux représentations inquiétantes de la technologie en Occident, les machines sont ainsi considérées comme des alliées voire des amies de l’humanité. L’interaction entre les hommes et les machines y est plutôt perçue comme un élément positif et enrichissant. Si l’oeuvre de Verne s’inscrit, pour le lecteur français, dans un fantasme d’omnipotence de la technologie, le lecteur japonais, plus ambivalent, y trouve (entre autres) l’écho lointain de l’écrasante défaite de 1945. L’Empire ayant été humilié par la technologie occidentale, il s’agit de vaincre l’ennemi du passé sur le terrain de sa victoire, d’affûter la recherche de pointe, le robot devenant le symbole de cette renaissance de l’orgueil national. Contrairement à son homologue occidental, devenu méfiant face aux dérapages de la science ou de la technologie, le lecteur japonais n’y verra qu’aspects bénéfiques et motifs de fierté.

Doréamon de Fujiko Fujio est apparu en manga à partir de 1969 et s'étale sur 45 volumes. Le robot chat a été envoyé depuis le futur à Nobita par son arrière-arrière petit fils afin de le responsabiliser et d'éviter la déchéance de la famille sur plusieurs générations.  Un scénario qui rappelle celui de RVLF II! Doréamon possède une poche en quatre dimensions qui lui permet de sortir des objets futuristes. L'ennui c'est que Nobita s'empare parfois de ces objets pour jouer à l'apprenti-sorcier avec...

Doréamon de Fujiko Fujio est apparu en manga à partir de 1969 et s'étale sur 45 volumes. Le robot chat a été envoyé depuis le futur à Nobita par son arrière-arrière petit fils afin de le responsabiliser et d'éviter la déchéance de la famille sur plusieurs générations. Un scénario qui rappelle celui de RVLF II! Doréamon possède une poche en quatre dimensions qui lui permet de sortir des objets futuristes. L'ennui c'est que Nobita s'empare parfois de ces objets pour jouer à l'apprenti-sorcier avec...

Les premières aventures deTetsuwan Atom (Astro le petit robot) d'Osamu Tezuka le père fondateur du manga et de l'anime japonais sont parues en 1952 . Son nom est dû au fait que son coeur est nucléaire. Coïncidence amusante, le cinéma Town de Hill Valley projette en 1955 un film intilulé Atomic Kid (qui n'a rien à voir avec un robot enfant!)

Les premières aventures deTetsuwan Atom (Astro le petit robot) d'Osamu Tezuka le père fondateur du manga et de l'anime japonais sont parues en 1952 . Son nom est dû au fait que son coeur est nucléaire. Coïncidence amusante, le cinéma Town de Hill Valley projette en 1955 un film intilulé Atomic Kid (qui n'a rien à voir avec un robot enfant!)

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En 1990, soit l'année de la sortie de RVLF III, les studios Gainax dévoilent une série de 39 épisodes inspirée d'un concept d'Hayao Miyazaki. En 1975, celui-ci avait projeté de créer une série pour la Toho autour de Vingt mille lieues sous les mers. Intitulée initialement Autour du monde sous la mer, elle racontait l'histoire de deux orphelins qui voyageaient avec le capitaine Némo et son équipage. Miyazaki reprit certains de ces éléments pour son long métrage Le château dans le ciel. Quant à la série, elle fut finalement réalisée par Hideaki Anno et devint Nadia des mers mystérieuses (Nadia et le secret de l'eau bleue chez nous) inspirée de plusieurs romans de Jules Verne: Vingt mille lieues sous les mers donc mais aussi L'Ile mystérieuse et Voyage au centre de la terre. La qualité globale de la réalisation, la richesse du scénario, la maturité dans l'approche de certaines questions abordées (notamment celle de la mort, du bien et du mal dans l'utilisation de la science et du deuil), l'originalité des personnages ont fait de cette série une oeuvre culte.

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Les points communs entre Nadia et RVLF  sont innombrables. A commencer par une histoire située cent ans avant la diffusion de la série soit en 1889-1890 mais où dès le prologue plane l'ombre des guerres mondiales du XX° siècle et de ses technologies de destruction massive (réacteur nucléaire, fusée spatiale etc.) Pour expliquer les anachronismes, la solution réside dans la présence des Atlantes, un peuple d'extra-terrestres à la technologie très avancée dont certains de ses membres se sont échoués sur terre plus de 2 millions d'années avant JC. Le capitaine Némo, sa fille Nadia et leurs antagonistes les néo-atlantes dirigés par Gargoyle en sont les descendants ce qui explique leur maîtrise des technologies les plus avancées. Le tout donne une série rétrofuturiste dont le point de départ est steampunk même si par la suite il s'en éloigne pour se rapprocher du space-opera. Mais comme on le verra avec Leiji Matsumoto, le space-opera est par bien des aspects un cousin du steampunk.

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Le Nautilus du capitaine Nemo apparaît comme un bijou de haute technologie réunissant les principales avancées de la science du XX° siècle . Jusqu'à l'épisode 22 il s'agit d'un sous-marin qui finit par être détruit par la forteresse de Gargoyle. Mais il renaît de ses cendres et réapparaît dans l'épisode 36 sous le nom de New Nautilus ou Excelion, un cuirassé capable de voler et même d'aller dans l'espace. Bref toutes les anticipations de Jules Verne réunies en un seul appareil.

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La science est au coeur de la série. L'un des principaux protagonistes, Jean est un adolescent inventeur passionné de sciences à la curiosité insatiable et à l'enthousiasme débordant. Mais sa rencontre avec Némo et la succession d'épreuves qu'il subit lui en font comprendre aussi les dangers: "Jean, la science est une chose merveilleuse. L'impossible devient possible. Mais elle a aussi une responsabilité dans tous les crimes liés à l'arbre de la connaissance. N'oublie jamais ça."

Le réacteur à particules nucléairse du Nautilus

Le réacteur à particules nucléairse du Nautilus

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Le leitmotiv de toutes les oeuvres japonaises liées à Jules Verne, comme celle de RVLF est que la science peut autant faire progresser l'humanité que la détruire. Au lieu de ne montrer que les aspects négatifs de son utilisation (caractéristique de l'occident depuis 1945), elles en montrent l'ambivalence: "Tant que le bien et le mal habiteront le coeur de l'humanité la science sera positive et négative car c'est l'homme qui l'utilise."

Le Nautilus et la forteresse volante de Gargoyle. Deux vaisseaux jumeaux mais aux intentions radicalement opposées.

Le Nautilus et la forteresse volante de Gargoyle. Deux vaisseaux jumeaux mais aux intentions radicalement opposées.

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L'autre aspect fondamental de Nadia sont les références culturelles qui doivent autant à la Bible qu'au mythe grec de l'Atlantide mais qui font écho aux sciences contemporaines. Dans la série, les Atlantes de la planète Nébula M78 se sont échoués sur terre à bord de vaisseaux surnommés les arches de Noé (Noah en anglais). Sur terre, ils ont construit au-dessus de leurs appareils des cités parmi lesquelles Tartessos en Afrique dont Némo était le roi et dont l'héritière est Nadia. Cette cité avait pour principale source d'alimentation la tour de Babel, symbole divin dont le coeur est constitué d'orichalque, le métal mystérieux associé à l'Atlantide. Cette tour avait également pour fonction de communiquer avec la planète d'origine, exactement comme les mégalithes extra-terrestre de 2001 l'Odyssée de l'espace de Kubrick. Enfin il s'agit d'une arme d'anéantissement qui produit un concentré d'énergie qui via 12 satellites peut être projetée n'importe où et détruire tout ou partie de l'humanité. Cette arme s'apparente donc à l'énergie nucléaire. Lorsque Gargoyle, le premier ministre de Némo tente de s'emparer de la cité, Némo retire l'orichalque de la tour qui explose, engloutissant la cité et tuant la plupart de ses habitants dont sa femme et son fils aîné.

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La pierre bleue de Nadia comme celle de Némo, les Toris Mejistos, sont des morceaux d'orichalque également associées à la pierre philosophale fabriquée sur la planète d'origine des atlantes. Elles permettent de guérir, de prolonger la vie et même de ressusciter les morts, mais s'il s'agit d'un humain elles perdent leur pouvoir et se changent en plomb. C'est pourquoi celui qui la détient peut être Dieu ou Diable selon le choix qu'il fait, équivalent à celui de l'utilisation des innovations scientifiques les plus sophistiquées. Nadia choisit de ressusciter Jean et en renonçant à être reine des Atlantes, elle choisit l'humanité. Même chose pour son père qui en lui donnant sa pierre renonce à l'immortalité.

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De nombreux éléments du concept initial de Nadia ont été repris et adapté dans les oeuvres de Miyazaki, un grand admirateur de l'oeuvre de Jules Verne, particulièrement dans la série Conan, fils du futur et Laputa : machines volantes diverses inspirées des premiers aéroplanes, cités industrielles basées sur l’énergie thermique, costumes des personnages s’apparentant à ceux du XIXe siècle. En outre, l'un de ses derniers films d’animation reprend en partie l’esthétique steampunk. Dans Le Château ambulant, l’héroïne devient ainsi la servante d’un magicien habitant une demeure faite de bric et de broc qui se déplace grâce à l’énergie thermique procurée par un esprit de feu. La demeure ambulante bricolée qui ouvre sur plusieurs mondes et plusieurs époques, soutenue par une énergie mystérieuse voilà un concept qui n'est pas sans rappeler le train Jules Verne.

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Calcifer, le génie du feu qui soutient le château et contient le coeur de son propriétaire.

Calcifer, le génie du feu qui soutient le château et contient le coeur de son propriétaire.

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Le Château ambulant et la trilogie RVLF  ont beaucoup d'autres points communs. A commencer par cet avatar du scientifique qu'est le magicien-sorcier, surtout quand il est sollicité pour participer à l'effort de guerre. Hauru se distingue justement par le fait qu'il rejette cette guerre qu'il considère injuste et refuse de prendre parti quitte à se mettre à dos sa hiérarchie. On retrouve ainsi dans le Château ambulant l'antimilitarisme et la dénonciation de l'utilisation perverse de la technologie comme dans les films de Kubrick et Zemeckis.

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La construction identitaire est également commune aux deux oeuvres. Il s'agit dans les deux cas d'un jeu sur les places, les rôles et les apparences. Contrairement à une idée reçue, l'identité peut évoluer tout au long de la vie. Dans RVLF  Doc en est la parfaite illustration au travers des univers qu'il traverse, des maisons qu'il habite, des tenues qu'il arbore ou de son âge de 1985 à géométrie variable et qui sont autant de manifestations de son état d'esprit en pleine mutation. Dans le Château ambulant l'identité de Sophie et de Hauru est tout aussi variable. Sophie comme Doc est une jeune fille solitaire qui subit son destin au travers d'un héritage (la chapellerie de son père) qu'elle ne remet pas en question. Jusqu'au jour ou à la suite d'un maléfice elle devient physiquement ce qu'elle est déjà intérieurement: une vieillarde. Comme Doc c'est la perte de sa jeunesse qui paradoxalement la libère, lui donne l'audace et le regain d'énergie pour prendre son destin en main et choisir sa manière de vivre avant que celle-ci ne lui échappe. Comme elle le dit elle-même, elle a peu à perdre. Tout au long du film, son âge ne cesse de varier selon son état d'esprit avant de se fixer vers la fin sur un ultime paradoxe. Elle retrouve l'apparence de ses 18 ans mais garde les cheveux blancs ou plutôt comme le dit Hauru "couleur de lune." Exactement la manière dont Clara décrit ceux de Doc ("une masse de cheveux argentés.") Comme quoi de multiples significations peuvent être attachées à cette couleur.

Sophie triste et résignée au début du film. Heureusement qu'un magicien va l'aider à s'envoler!

Sophie triste et résignée au début du film. Heureusement qu'un magicien va l'aider à s'envoler!

"Heureusement  que j'ai gardé mes dents" Cette phrase me fait penser à celle du Doc de 1955 se voyant dans la vidéo de 1985 "Mais c'est moi!  Ca alors, j'ai l'air d'un vieillard. Heureusement j'ai encore mes cheveux."

"Heureusement que j'ai gardé mes dents" Cette phrase me fait penser à celle du Doc de 1955 se voyant dans la vidéo de 1985 "Mais c'est moi! Ca alors, j'ai l'air d'un vieillard. Heureusement j'ai encore mes cheveux."

L'apparence définitive de Sophie.

L'apparence définitive de Sophie.

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Hauru est lui aussi un personnage en quête d'identité comme en témoigne ses changements de nom et de couleur de cheveux. Il semble très attaché à montrer de lui une apparence parfaite mais ses transformations démontrent qu'il ne la maîtrise pas cette identité parfaite ce qui le désespère. D'autre part Sophie découvre à la suite d'un voyage dans le passé qu'il a uni ses pouvoirs à ceux d'un démon du feu ce qui l'a privé de son coeur. Le démon alias Calcifer est enchaîné au château par le pacte qu'il a conclu avec Hauru. Quant à ce dernier, il n'a plus accès à ses émotions et se transforme lorsqu'il combat en oiseau nocturne qui a bien du mal à reprendre ensuite forme humaine. Sophie a la tâche de libérer Calcifer et de rendre son cœur à Hauru. 

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Publié le par Rosalie210

III- Le Dr Emmett Brown: vaincre le fantôme dans la machine

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"Ce soi-disant docteur Brown est une vraie calamité. Un cas. Un homme dangereux, sans nul doute. Sa place est à l'asile." 
"Peut-être pour vous répondit Marty. Moi je ne vois pas les choses comme ça." (première version du scénario novélisé de RVLF I)
"Le temps passait. Même pour Doc, cela avait parfois de l'importance." (scénario novelisé RVLF I)
"Je suis un homme à principes. " (RVLF II)
"L'avenir n'est pas écrit! Chacun peut changer le sien, tu le sais ça! Tout le monde peut faire ce qu'il veut de son avenir (...) Je dois vivre ma vie, en accord avec ce que j'estime être le bon choix, dans mon coeur." (RVLF III)

Le palais de justice de Hill Valley et les forces cosmiques qui se déchaînent autour symbolisent la dimension mythologico-religieuse du destin particulièrement compliqué d'Emmett Brown. Et le poids symbolique du père qui était le juge de la ville.

Le palais de justice de Hill Valley et les forces cosmiques qui se déchaînent autour symbolisent la dimension mythologico-religieuse du destin particulièrement compliqué d'Emmett Brown. Et le poids symbolique du père qui était le juge de la ville.

71.
Doc nous est présenté dès la première seconde comme l'archétype du savant fou. Tous les clichés y sont: cheveux blancs hirsutes, yeux exhorbités, grands gestes théâtraux, comportement fébrile au bord de la rupture, atelier-laboratoire rempli d'objets hétéroclites et de machines plus bizarres les unes que les autres, décalage avec la réalité, difficulté avec le quotidien etc. 

La première apparition de Doc, au croisement du mythe, de l'archétype et de l'histoire. Autant de paramètres qui rendent d'autant plus difficile et intéressante sa (re)conversion en homme libre.

La première apparition de Doc, au croisement du mythe, de l'archétype et de l'histoire. Autant de paramètres qui rendent d'autant plus difficile et intéressante sa (re)conversion en homme libre.

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Ajoutons le fait que Doc est à la fois un scientifique qui élabore des théories et un technicien bricoleur capable de fabriquer artisanalement toutes sortes de machines.

La machine à petit-déjeuner de 1955 révèle un intérieur négligé (toast cramés, cafetière électrique qui verse de l'eau sans le récipient, ouvre-boîte de nourriture pour chien qui déverse son contenu dans une écuelle qui déborde etc.) Doc a disparu pour faire les derniers réglages de sa Deloréan et a tout laissé en plan.

La machine à petit-déjeuner de 1955 révèle un intérieur négligé (toast cramés, cafetière électrique qui verse de l'eau sans le récipient, ouvre-boîte de nourriture pour chien qui déverse son contenu dans une écuelle qui déborde etc.) Doc a disparu pour faire les derniers réglages de sa Deloréan et a tout laissé en plan.

La même en version 1885. Doc est de nouveau occupé ailleurs mais cette fois sa machine fonctionne proprement.

La même en version 1885. Doc est de nouveau occupé ailleurs mais cette fois sa machine fonctionne proprement.

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Une autre caractéristique majeure du personnage est la distorsion, encore plus poussée que chez George entre l'âge physique et l'âge mental. Le censeur du lycée de Hill Valley, Strickland le définit d'ailleurs comme "un enfant qui n'a jamais grandi". Mais en fait c'est un peu plus compliqué. Doté d'un enthousiasme juvénile débordant et d'un tempérament qui ne supporte pas les compromissions, Doc a connu une période normale jusqu'en 1955 puis à la suite d'événements malheureux, une période de repli misanthrope jusqu'en 1985 durant laquelle il a régressé psychiquement et continué de vieillir physiquement. Jusqu'à ce que dans un ultime sursaut, il décide de se jeter dans le voyage temporel comme dans une sorte de quitte ou double, en profitant au passage pour faire "réajuster" son âge biologique et se redonner un avenir.

L'âge de Doc est particulièrement...élastique!

L'âge de Doc est particulièrement...élastique!

74.

Après Marty, Biff et Jennifer, Doc se croise aussi lui-même dans RVLF II: "On ne sait jamais, peut-être qu'on se rencontrera un jour futur." (Doc 1955)..."Ou un jour passé." (Doc 1985). Comme on l'a vu en introduction et dans le chapitre précédent, les deux doc n'ont pas du tout le même état d'esprit. Celui de 1955 s'est replié dans sa bulle scientifique après une série de désillusions (racontées dans les versions antérieures des scénarios). Celui de 1985 est confronté à la vieillesse et à la mort et cherche par tous les moyens à gagner du temps et à revenir en arrière car il a conscience d'avoir raté sa vie. Ils finissent en quelque sorte par fusionner ce qui rend au deuxième l'espérance de vie nécessaire (c'est à dire une seconde chance) pour se "consacrer à l'étude de l'autre grand mystère de l'univers: les femmes!" (RVLF II)

Doc 1 et Doc 2.

Doc 1 et Doc 2.

75.
Doc est un scientifique qui se réfugie facilement dans les explications rationnelles et a peur de ce qui est incontrôlable. Or sa machine s'avère dangereuse et dans le troisième film, le confronte à des émotions douloureuses. Doc se retrouve ainsi écartelé entre son cœur et sa raison. Le premier le pousse à transgresser les principes moraux qui le guident dans l'utilisation de sa machine alors que la deuxième s'y refuse. Mais si "science sans conscience n'est que ruine de l'âme", appliquer cette règle sans discernement s'avère être un piège mortifère. Car il n'est pas si simple de distinguer le bien du mal et les règles rigides pour rassurantes qu'elles soient ne mènent qu'à une impasse.

Doc renonce à son bonheur au nom de ses principes (incarnés par un Marty sinistre qui lui rappelle la Loi...du père -et de la société- évidemment). Pourtant si les règles suffisaient il n'y aurait pas besoin de juges, jurés et avocats!

Doc renonce à son bonheur au nom de ses principes (incarnés par un Marty sinistre qui lui rappelle la Loi...du père -et de la société- évidemment). Pourtant si les règles suffisaient il n'y aurait pas besoin de juges, jurés et avocats!

76.
"Ca me rappelle le temps où j'essayais d'atteindre le centre de la Terre, je dévorais les livres de mon auteur préféré, Jules Verne. J'ai passé des semaines à préparer l'expédition mais je ne suis pas arrivé à cette profondeur, évidemment je n'avais que 12 ans à l'époque. Tu vois, ce sont les écrits de Jules Verne qui ont complètement transformé ma vie, j'avais 11 ans quand j'ai lu pour la première fois 20 000 Lieues sous les mers, à ce moment là j'ai pris conscience que je devais consacrer ma vie à la science." (RVLF III)
Si Doc s'est mis sous le patronage de Newton, Franklin, Edison et Einstein quatre scientifiques majeurs de l'histoire de l'humanité des XVII°, XVIII°, XIX° et XX° siècle son plus grand père spirituel est sans conteste Jules Verne pour lequel il nourrit une véritable passion.

La gravitation universelle, le paratonnerre, l'électricité, la relativité, quatre découvertes essentielles pour les inventions de Doc mais aussi pour sa survie (le paratonnerre est un substitut du gilet pare-balles) et son avenir.

La gravitation universelle, le paratonnerre, l'électricité, la relativité, quatre découvertes essentielles pour les inventions de Doc mais aussi pour sa survie (le paratonnerre est un substitut du gilet pare-balles) et son avenir.

Voyage au centre de la terre et voyage dans les étoiles, Jules Verne démontre que si on ne peut dépasser le périmètre de Hill Valley, on peut creuser au-dessous ou s'envoler au-dessus, relier le ciel et la terre, agrandir l'espace.

Voyage au centre de la terre et voyage dans les étoiles, Jules Verne démontre que si on ne peut dépasser le périmètre de Hill Valley, on peut creuser au-dessous ou s'envoler au-dessus, relier le ciel et la terre, agrandir l'espace.

Les voitures volantes sur le stratosphérique, encore un moment jubilatoire de RVLF II.

Les voitures volantes sur le stratosphérique, encore un moment jubilatoire de RVLF II.

77.
Jules Verne est LE passeur de sciences de la seconde révolution industrielle, celui qui vulgarise par ses romans les découvertes de son temps à l'usage des adultes mais aussi des enfants. Et il le fait avec un esprit visionnaire qui lui fait anticiper bien des réalisations du XX°. Visionnaire et lucide car contrairement à la société de son temps il mesure bien le risque d'un détournement de la science à des fins de puissance et de destruction. De fait après 1918 et surtout après 1945, l'héritage vernien est associé aux horreurs de la guerre. Et la famille d'Emmett Brown a apporté sa pierre à cet édifice.

Le roman de Jules Verne chez Doc en 1955, une édition de 1925 (vraisemblablement celle qu'a lu Doc à l'âge de 11 ans, sa date de naissance la plus crédible étant 1914).
Le roman de Jules Verne chez Doc en 1955, une édition de 1925 (vraisemblablement celle qu'a lu Doc à l'âge de 11 ans, sa date de naissance la plus crédible étant 1914).

Le roman de Jules Verne chez Doc en 1955, une édition de 1925 (vraisemblablement celle qu'a lu Doc à l'âge de 11 ans, sa date de naissance la plus crédible étant 1914).

78.
"Une famille d'Américains moyens dans une banlieue tranquille, juste après dîner. Le père lit le journal du soir, sans se douter le moins du monde de ce qui va arriver. La mère fait la vaisselle, sans savoir que son petit univers va exploser en débris atomiques dans quelques secondes. Les enfants font leurs devoirs, dans leur chambre, pour la dernière fois. La force la plus terrifiante jamais créée par l'homme s'apprête à déferler sur eux… 
"Cinq… Quatre… Trois… Deux… Un" Sur l'image suivante, une espèce de tornade blanche d'une puissance inouïe s'engouffra dans la pièce. Les corps se désarticulèrent en accéléré. On vit des têtes, des bras et des jambes tournoyer un instant avant de disparaître. En un éclair, cette maison sereine s'était transformée en un magma rugissant de lambeaux de chair déchiquetée, de bois broyé, de briques liquéfiées et d'éclats de verre. Tout pris feu et fut aspiré par une espèce de trou noir qui sembla se dissoudre dans l'atmosphère torturée. Un long moment de silence pesant s'ensuivit, l'atroce déflagration s'amenuisant en doux écho surnaturel de fin du monde. 
La classe ne se montra pas particulièrement impressionnée par ce film catastrophe. Pas la plus petite manifestation de peur ni d'étonnement. Les élèves ne se sentaient carrément pas concernés. Mais le narrateur poursuivait vaillamment son commentaire. Le film datait de 1955." (première version du scénrio de RLVF I)

Le 12 novembre 1955 à la fin de RVLF II ce n'est heureusement pas la bombe mais (une fois de plus) la foudre qui s'abat sur la DeLoréan volante avec cette fois Doc à l'intérieur

Le 12 novembre 1955 à la fin de RVLF II ce n'est heureusement pas la bombe mais (une fois de plus) la foudre qui s'abat sur la DeLoréan volante avec cette fois Doc à l'intérieur

Un portail temporel s'ouvre et engloutit littéralement la voiture.

Un portail temporel s'ouvre et engloutit littéralement la voiture.

Ne laissant dans le ciel qu'une trace en forme de 99 inversé à cause du fait que pour atteindre les 88 milles à l'heure celle-ci a tourné sur elle-même au lieu d'avancer.

Ne laissant dans le ciel qu'une trace en forme de 99 inversé à cause du fait que pour atteindre les 88 milles à l'heure celle-ci a tourné sur elle-même au lieu d'avancer.

79.
Dans Retour vers le futur III on apprend que les Brown sont d'origine germanique et sont arrivés en Amérique en 1908 sous le nom de Von Braun avant d'angliciser leur nom pendant la première guerre mondiale. Les versions antérieures des scénarios précisent qu'il s'agit de sa famille paternelle. Ces informations (ainsi que d'autres distillées dans la trilogie) suffisent à comprendre de quelle famille il s'agit car elles font référence à une personnalité historique très connue aux USA, Wernher von Braun. Pour concrétiser son rêve d'enfance (aller sur la lune) ce dernier n'a pas hésité à franchir la ligne rouge et à pactiser avec le diable, n'assumant aucune responsabilité quand aux conséquences de ses actes.

Le premier a inventé le gaz moutarde, le second les missiles et le troisième est le père de la bombe nucléaire (à hydrogène). La guerre de 1914 marque en effet le début de la guerre industrielle et par conséquent de l'utilisation de la technologie à des fins de destruction de masse.

Le premier a inventé le gaz moutarde, le second les missiles et le troisième est le père de la bombe nucléaire (à hydrogène). La guerre de 1914 marque en effet le début de la guerre industrielle et par conséquent de l'utilisation de la technologie à des fins de destruction de masse.

Les fans de RVLF ont scruté chaque détail des décors et en ont ramené des trésors. Ici une affiche du café 80 du Hill Valley de 2015 entièrement remplie des différents modèles de navettes et de lanceurs envoyés dans l'espace par l'URSS, les USA et les autres pays du monde dont la Saturn V à laquelle a contribué Von Braun.

Les fans de RVLF ont scruté chaque détail des décors et en ont ramené des trésors. Ici une affiche du café 80 du Hill Valley de 2015 entièrement remplie des différents modèles de navettes et de lanceurs envoyés dans l'espace par l'URSS, les USA et les autres pays du monde dont la Saturn V à laquelle a contribué Von Braun.

80.
Wernher von Braun est un scientifique allemand d'origine aristocratique qui s'est mis au service du régime nazi pendant la seconde guerre mondiale. Il s'est illustré en 1944 en mettant au point les premiers missiles (V1 et V2) mais trop tardivement pour infléchir le cours de la guerre. Par la suite il a été exfiltré aux USA dans le cadre de l'opération Paperclip, comme d'autres cerveaux nazis où son sulfureux passé a été "effacé" (realpolitik de la guerre froide oblige). Naturalisé américain, il est devenu très populaire en contribuant au programme spatial des USA dans les années soixante mais aussi en fabriquant pour eux des missiles nucléaires. 

Von Braun au milieu de dignitaires nazis. Le nazisme, comme Vichy est un "passé qui ne passe pas" (Henry Rousso)

Von Braun au milieu de dignitaires nazis. Le nazisme, comme Vichy est un "passé qui ne passe pas" (Henry Rousso)

81.
Werhner Von Braun a été influencé de façon décisive durant son enfance par Jules Verne et a toujours manifesté plus d'intérêt pour l'exploration de l'espace que pour sa militarisation. Mais que ce soit au service de l'Allemagne ou de l'Amérique, cet opportuniste sans scrupules a toujours mélangé les deux objectifs et créé des engins à la fois porteurs de rêve et dispensateurs de cauchemar. Autrement dit il a peut-être rêvé d'aller sur la lune mais l'histoire a fait de lui un constructeur d'engins annihilateur d'hommes ce qui en fait un des hommes emblématiques de la science sans conscience. Ainsi il s’accommodera de son passé nazi en prétendant que ses premières fusées étaient juste tombées "au mauvais endroit" (grrrr...)

Von Braun a contribué de façon décisive à la construction de la fusée Saturn V qui a permis d'envoyer les premiers hommes sur la lune en 1969.

Von Braun a contribué de façon décisive à la construction de la fusée Saturn V qui a permis d'envoyer les premiers hommes sur la lune en 1969.

Affiche du film "L'homme dans l'espace" (1955). Disney et Braun ont étroitement collaboré pour mettre en images le rêve spatial de Jules Verne à des fins de propagande tout en dissimulant les finalités nucléaires de ce programme. L'attraction Space Mountain à Discoveryland (Tomorrowland en VO) dans les parcs Disney est une déclinaison de ce film.

Affiche du film "L'homme dans l'espace" (1955). Disney et Braun ont étroitement collaboré pour mettre en images le rêve spatial de Jules Verne à des fins de propagande tout en dissimulant les finalités nucléaires de ce programme. L'attraction Space Mountain à Discoveryland (Tomorrowland en VO) dans les parcs Disney est une déclinaison de ce film.

Walt Disney, Von Braun et entre les deux une fusée V2.  Un mélange plus que sulfureux.

Walt Disney, Von Braun et entre les deux une fusée V2. Un mélange plus que sulfureux.

82.
Von Braun a ainsi inspiré d'un des plus célèbres savants fous de l'histoire du cinéma, le Docteur Folamour de Stanley Kubrick (1964) qui est aussi l'un des films préférés de Zemeckis et un fil rouge de RVLF. Pour mémoire, ce bijou d'humour (très) noir filmé dans le contexte de la crise des fusées à Cuba imagine qu'un général paranoïaque donne l'ordre de larguer des bombes nucléaires sur la Russie ce qui déclenche la machine infernale entraînant une apocalypse sur la terre entière. Le docteur Folamour, ancien scientifique nazi au service des USA y voit alors l'occasion de mener une nouvelle expérience de selektion des meilleurs éléments humains pour les entraîner survivre sous terre. 

"Mein Führer! Je marche" (Et je tends le bras dans un geste bien phallique.) Rien n'excite plus sexuellement Folamour que la perspective d'une apocalypse nucléaire! Méchamment drôle (avec un Peter Sellers déjanté et génial). Tout le film est d'ailleurs une métaphore sexuelle qui montre que le désir de puissance via les armes conduit à la perte de l'humanité.
"Mein Führer! Je marche" (Et je tends le bras dans un geste bien phallique.) Rien n'excite plus sexuellement Folamour que la perspective d'une apocalypse nucléaire! Méchamment drôle (avec un Peter Sellers déjanté et génial). Tout le film est d'ailleurs une métaphore sexuelle qui montre que le désir de puissance via les armes conduit à la perte de l'humanité.

"Mein Führer! Je marche" (Et je tends le bras dans un geste bien phallique.) Rien n'excite plus sexuellement Folamour que la perspective d'une apocalypse nucléaire! Méchamment drôle (avec un Peter Sellers déjanté et génial). Tout le film est d'ailleurs une métaphore sexuelle qui montre que le désir de puissance via les armes conduit à la perte de l'humanité.

Robert Zemeckis rend hommage au Docteur Folamour dans Retour vers le futur I: le numéro de série de l'amplificateur dans l'atelier de Doc est celui que l'on retrouve dans l'avion américain qui largue ses bombes nucléaires en Russie: CRM 114. Capra, Wilder, Kubrick,: Zemeckis et moi avons les mêmes goûts. Comme c'est bizarre ah ah ah!

Robert Zemeckis rend hommage au Docteur Folamour dans Retour vers le futur I: le numéro de série de l'amplificateur dans l'atelier de Doc est celui que l'on retrouve dans l'avion américain qui largue ses bombes nucléaires en Russie: CRM 114. Capra, Wilder, Kubrick,: Zemeckis et moi avons les mêmes goûts. Comme c'est bizarre ah ah ah!

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Le scénario de la Jetée de Chris Marker écrit lui aussi pendant le contexte de la crise de Cuba et fondé lui aussi sur des voyages dans le temps reprend les mêmes idées. La jetée d'Orly qui venait d'être construite dans les années 60 était un symbole de progrès, celui des trente glorieuses. Il s'agissait d'un lieu de promenade dominical pour les familles qui regardaient décoller les avions. Marker, grand voyageur lui aussi très marqué par la lecture de Jules Verne brise cet élan en montrant un homme mourir puis en dévastant la terre avec la "la troisième guerre mondiale", nucléaire bien sûr. Les rares survivants doivent se cacher sous terre, comme des rats. Rien que ça.

Les voyages en avion n'étaient pas encore démocratisés et beaucoup de gens se contentaient d'en rêver.

Les voyages en avion n'étaient pas encore démocratisés et beaucoup de gens se contentaient d'en rêver.

Dans un plan-photo comme celui-ci, l'influence de Jules Verne sur Chris Marker (tant les livres que les gravures) est évidente sauf que l'homme est fauché en plein vol, face tournée vers le ciel alors qu'il s'apprête à rejoindre la femme qu'il aime au bout de la jetée. Car "On n'échappe pas au temps".

Dans un plan-photo comme celui-ci, l'influence de Jules Verne sur Chris Marker (tant les livres que les gravures) est évidente sauf que l'homme est fauché en plein vol, face tournée vers le ciel alors qu'il s'apprête à rejoindre la femme qu'il aime au bout de la jetée. Car "On n'échappe pas au temps".

Un monde post-apocalyptique où les rares survivants se terrent et servent de cobayes à une dictature de scientifiques qui les envoie dans le passé ou le futur pour réparer la catastrophe.

Un monde post-apocalyptique où les rares survivants se terrent et servent de cobayes à une dictature de scientifiques qui les envoie dans le passé ou le futur pour réparer la catastrophe.

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Le lien de parenté entre Werhner Von Braun et Emmett Brown est donc évident. Il s'agit de deux branches de la même famille ce qui est logique puisque les membres de l'aristocratie sont tous cousins. Lorsqu'au début de RVLF I celui-ci teste sa machine sur son chien en l'envoyant dans le futur, on ne peut s'empêcher de penser aux premières expériences de vol dans l'espace avec des animaux. Sa combinaison anti-radiations fait penser à un costume de cosmonaute (Marty sera pris pour un extra-terrestre par les habitants de 1955 à cause de cette même combinaison). Quant à la source d'énergie utilisée pour faire fonctionner le convecteur temporel, c'est le plutonium autrement dit l'énergie nucléaire. Comme le dit Marty "It's heavy" (c'est lourd).

Dès le générique, parmi toutes les informations relatives à Doc, il y a la caisse de plutonium. On comprend d'emblée que Doc est un personnage qui joue avec le feu et qui peut à tout moment se brûler les ailes.

Dès le générique, parmi toutes les informations relatives à Doc, il y a la caisse de plutonium. On comprend d'emblée que Doc est un personnage qui joue avec le feu et qui peut à tout moment se brûler les ailes.

Un film est inséparable du contexte de sa réalisation. En 1985, le monde est encore plongé dans la guerre froide et la menace nucléaire bien réelle (crise des euromissiles en 1983). D'autre part les procès impliquant des américains irradiés par les essais nucléaires US dans le désert du Nevada se multiplient.

Un film est inséparable du contexte de sa réalisation. En 1985, le monde est encore plongé dans la guerre froide et la menace nucléaire bien réelle (crise des euromissiles en 1983). D'autre part les procès impliquant des américains irradiés par les essais nucléaires US dans le désert du Nevada se multiplient.

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Bob Gale a donné des précisions sur les rapports entre Doc et le nucléaire, expliquant qu'il avait participé dans les années 40 au projet Manhattan mais qu'il avait ensuite décidé de tout arrêter pour faire ses propres expériences "dingues" destinées à œuvrer au bienfait de l'humanité (c'est à dire se racheter). C'est à partir de ce moment là qu'il a commencé à se marginaliser. Son titre de docteur laisse entendre qu'il donnait aussi des cours de sciences à l'université. Une première version du scénario précise que c'était effectivement le cas jusqu'en 1955. Mais le doyen de l'université a tenté de l'impliquer dans ses projets de développement d'entreprise en utilisant la relation qu'il avait avec sa fille comme moyen de pression. Moyennant quoi Doc a claqué la porte de l'université, s'est désocialisé et s'est émotionnellement anesthésié pendant trente ans. Un scénario (l'homme intègre crucifié par les requins de la société) directement inspiré des films de Frank Capra.  Au final pour ne pas ressembler à Wernher Von Braun, son "feu rouge moral", il a renoncé à toutes les formes de compromissions. Ce qui est une vertu en soi mais qui appliqué sans discernement s'avère être un piège mortel. Au sens propre du terme.

A l'origine, le retour de Marty devait se faire à l'aide d'une explosion nucléaire dans l'un des sites d'essai du Nevada (qui a réellement fonctionné de 1951 à 1992, à l'air libre jusqu'en 1963).

A l'origine, le retour de Marty devait se faire à l'aide d'une explosion nucléaire dans l'un des sites d'essai du Nevada (qui a réellement fonctionné de 1951 à 1992, à l'air libre jusqu'en 1963).

Le champignon atomique d'un essai de 1946 sur l'atoll de Bikini sur l'une des 6 chaînes que Marty junior regarde en simultané en 2015.
Le champignon atomique d'un essai de 1946 sur l'atoll de Bikini sur l'une des 6 chaînes que Marty junior regarde en simultané en 2015.

Le champignon atomique d'un essai de 1946 sur l'atoll de Bikini sur l'une des 6 chaînes que Marty junior regarde en simultané en 2015.

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Ainsi à peine a-t-il eu le temps de tester sa machine sur son chien qu'il est aussitôt assassiné par le groupe de terroristes libyens à qui il a dérobé le plutonium (et à qui il a quand même promis la fabrication d'une bombe nucléaire même s'il n'a aucune intention de le faire). Cette punition est une réactualisation du mythe de Prométhée qui est au fondement de la construction de l'archétype du savant fou. D'où la savoureuse expression de Doc "Great Scott" (déformation de "Great God") qui en VF devient "Nom de Zeus" d'autant qu'après le plutonium c'est l'énergie de l'éclair qu'il s'agit de canaliser dans RVLF I. La foudre, attribut divin que peut s'approprier Doc grâce à la connaissance du futur apportée par Marty (qui sait exactement où et quand la foudre va frapper).

Doc n'a même pas le temps de se servir de la machine qu'il a inventé, il reçoit 6 balles dans la poitrine. C'est Marty (qui n'a aucune "tare" héréditaire ou personnelle de ce genre) qui prend sa place.

Doc n'a même pas le temps de se servir de la machine qu'il a inventé, il reçoit 6 balles dans la poitrine. C'est Marty (qui n'a aucune "tare" héréditaire ou personnelle de ce genre) qui prend sa place.

 Prométhée est un Titan (fils des Dieux primordiaux, Gaïa -la Terre- et Ouranos -le Ciel-), qui se révèle protecteur des hommes, leur fait don du feu dérobé aux dieux et leur enseigne sciences et arts, transgressant une interdiction de Zeus. Pour le châtier, il l'enchaîne sur un mont caucasien, où un aigle lui dévore son foie qui repousse sans cesse. Les différentes versions du mythe soit accentuent l'orgueil de Prométhée soit la tyrannie de Zeus.

Prométhée est un Titan (fils des Dieux primordiaux, Gaïa -la Terre- et Ouranos -le Ciel-), qui se révèle protecteur des hommes, leur fait don du feu dérobé aux dieux et leur enseigne sciences et arts, transgressant une interdiction de Zeus. Pour le châtier, il l'enchaîne sur un mont caucasien, où un aigle lui dévore son foie qui repousse sans cesse. Les différentes versions du mythe soit accentuent l'orgueil de Prométhée soit la tyrannie de Zeus.

Tout ceci me ramène à cette phrase culte du générique de la série animée Ulysse 31 "Quiconque ose défier la puissance de Zeus doit être puni."

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Doc ne peut pas se dépêtrer tout seul d'une telle situation. C'est pourquoi sa rencontre avec Marty est de ce point de vue fondatrice. Pas tant celle des années 80 (d'autant qu'elle est annulée dès le premier voyage de Marty) que celle qui se déroule en 1955 dans Retour vers le futur I. Lorsque Marty débarque chez le docteur, celui-ci apparaît comme un asocial à moitié dingue, le parfait cliché du savant fou vu plus haut, dont les inventions ratent systématiquement et qui refuse tout d'abord de l'écouter. Ce portrait pittoresque est en réalité destiné à montrer qu'Emmett Brown est parfaitement inoffensif ou a fait en sorte de l'être en se mettant en marge de la société et en ne construisant que des machines qui ne marchent pas.

L'invention (ratée) par laquelle on découvre Doc en 1955 n'est pas aussi loufoque qu'elle en a l'air, rien n'étant laissé au hasard dans la saga. L'analyseur à ondes cérébrales avait pour but de découvrir les intentions des personnes à qui il avait affaire. (Echaudé par ses précédentes expériences, le Doc de 1955 redoutait de se faire manipuler de nouveau).

L'invention (ratée) par laquelle on découvre Doc en 1955 n'est pas aussi loufoque qu'elle en a l'air, rien n'étant laissé au hasard dans la saga. L'analyseur à ondes cérébrales avait pour but de découvrir les intentions des personnes à qui il avait affaire. (Echaudé par ses précédentes expériences, le Doc de 1955 redoutait de se faire manipuler de nouveau).

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Bob Gale a raconté comment Doc et Marty avaient fait connaissance dans les années 80. De façon assez logique, la curiosité de Marty a été piquée par les rumeurs qui couraient sur lui (dangereux, fou, cinglé etc.) Et un jour quand il avait 13-14 ans il s'est glissé dans son atelier et a"flashé" sur les inventions et la personnalité de Doc en qui il a reconnu un alter ego. Très heureux que Marty l'apprécie et l'accepte tel qu'il était, Doc lui a offert un poste d'assistant, rémunéré 50 dollars par semaine ainsi que l'accès à sa collection de disques vintage. Si on regarde attentivement les objets qui entourent Doc, on peut constater qu'il est lui aussi un passionné de musique: il possède un piano dans son manoir, un saxophone et un juke-box dans son garage sans parler de l'amplificateur qu'il a construit spécialement pour Marty.

Dans le film Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur  les enfants d'Atticus (avocat et homme juste de l'histoire) sont tellement fascinés par la maison de "Boo", leur mystérieux voisin reclus (il se protège de la laideur de Maycomb, la petite ville sudiste raciste dans laquelle ils vivent) qu'ils finissent par tenter d'y pénétrer.

Dans le film Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur les enfants d'Atticus (avocat et homme juste de l'histoire) sont tellement fascinés par la maison de "Boo", leur mystérieux voisin reclus (il se protège de la laideur de Maycomb, la petite ville sudiste raciste dans laquelle ils vivent) qu'ils finissent par tenter d'y pénétrer.

Idem avec l'autre grand succès de Zemeckis, Forrest Gump où la ville sudiste et raciste de Savannah rejette aussi son "idiot du village". Lequel semble sur le point de partir (la valise, l'arrêt de bus) mais en réalité ne bouge pas.

Idem avec l'autre grand succès de Zemeckis, Forrest Gump où la ville sudiste et raciste de Savannah rejette aussi son "idiot du village". Lequel semble sur le point de partir (la valise, l'arrêt de bus) mais en réalité ne bouge pas.

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Grâce à son savoir sur le futur de son ami, Marty change sa destinée. Tout d'abord une amitié très forte naît entre eux ce qui rompt l'isolement de Doc et le fait évoluer de façon irréversible. Une relation complexe car en un sens les deux personnages ont le même âge (le savoir de Marty sur le futur compense sa jeunesse et l'immaturité d'Emmett Brown son âge avancé) mais d'un autre côté il y a aussi une relation père-fils entre eux (réciproque, ils se confient, se protègent et se sauvent mutuellement un nombre incalculable de fois).

Lorsque Marty le serre contre lui (il a peur de ne plus jamais le revoir), Doc est tellement estomaqué qu'il met quelques secondes avant de savoir comment réagir!

Lorsque Marty le serre contre lui (il a peur de ne plus jamais le revoir), Doc est tellement estomaqué qu'il met quelques secondes avant de savoir comment réagir!

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Marty bouleverse également la vie de Doc en lui montrant la machine qu'il a fabriqué et en étant la preuve vivante de son fonctionnement. "Ca marche, ça marche, j'ai inventé quelque chose qui marche!"; " Tu as changé ma vie, tu m'as donné un but." "Merci à toi". C'est le moment où le temps qui s'était arrêté se met enfin de nouveau à avancer pour lui. Mais c'est aussi le début des problèmes de responsabilité avec cette machine dont l'utilisation entraîne des réactions en chaîne rapidement incontrôlables. Bref la sortie d'une certaine "innocence" de l'enfance qui a un prix.

Le jour où Marty rencontre Doc le 5 novembre 1955, celui-ci vient juste d'inventer le convecteur temporel (inspiré des théories d'Einstein sur la conversion Espace-Temps-Matière-Energie) qu'il a matérialisé sur un dessin.

Le jour où Marty rencontre Doc le 5 novembre 1955, celui-ci vient juste d'inventer le convecteur temporel (inspiré des théories d'Einstein sur la conversion Espace-Temps-Matière-Energie) qu'il a matérialisé sur un dessin.

Marty lui montre alors le convecteur temporel qui fait voyager la DeLoréan en 1985 et Doc réalise qu'il s'agit bien du système qu'il vient d'imaginer.

Marty lui montre alors le convecteur temporel qui fait voyager la DeLoréan en 1985 et Doc réalise qu'il s'agit bien du système qu'il vient d'imaginer.

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Doc va consacrer effectivement les trente années suivantes à fabriquer sa machine à voyager dans le temps. Pour y parvenir il fait sauter son manoir en 1962 et se réfugie dans son garage-atelier. Il le fait pour toucher la prime d'assurance et vendre son domaine afin de financer ses recherches sur la Deloréan. Mais c'est aussi un moyen de liquider un héritage encombrant et de repartir à zéro: le manoir rappelle en effet un peu trop la vieille aristocratie allemande qui s'est donnée à Hitler (sinon il aurait vendu sa maison, il ne l'aurait pas détruite). 1962 n'est pas une date choisie au hasard: c'est l'année de la crise des missiles à Cuba qui a failli se transformer en catastrophe nucléaire mondiale. Et qui est l'inventeur des missiles? Werhner Von Braun!

Le manoir de Doc en 1955, entouré d'un grand parc au 1640 avenue Riverside. Son garage est au bout de l'allée.

Le manoir de Doc en 1955, entouré d'un grand parc au 1640 avenue Riverside. Son garage est au bout de l'allée.

"Il a fait sauter son manoir parce qu'il y avait des fantômes?". Car de même que le temple, le manoir suscite des associations bien précises dans l'inconscient.

"Il a fait sauter son manoir parce qu'il y avait des fantômes?". Car de même que le temple, le manoir suscite des associations bien précises dans l'inconscient.

En 1985, l'avenue Riverside, devenue entre-temps l'avenue John Kennedy s'est recouverte de commerces. Doc survit au 1646 dans son garage exigu et mal chauffé à côté d'un Burger King et d'un Toys'R US. La réduction drastique de son espace vital cerné par la consommation triomphante est un symbole lourd de sens.

En 1985, l'avenue Riverside, devenue entre-temps l'avenue John Kennedy s'est recouverte de commerces. Doc survit au 1646 dans son garage exigu et mal chauffé à côté d'un Burger King et d'un Toys'R US. La réduction drastique de son espace vital cerné par la consommation triomphante est un symbole lourd de sens.

Dans Forrest Gump, les traumatismes d'enfance de Jenny sont symbolisés par la maison de son père que Forrest décidera de faire raser après la mort de celle-ci.
Dans Forrest Gump, les traumatismes d'enfance de Jenny sont symbolisés par la maison de son père que Forrest décidera de faire raser après la mort de celle-ci.

Dans Forrest Gump, les traumatismes d'enfance de Jenny sont symbolisés par la maison de son père que Forrest décidera de faire raser après la mort de celle-ci.

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Mais son héritage le rattrape avec la Deloréan comme le montrent les événements situés au début de RVLF I. C'est pourquoi Marty va tout essayer pour déjouer le destin en informant le Doc de 1955 de ce qui l'attend en 1985. C'est à ce moment là que le conflit se manifeste. Alors que Doc est complètement transporté à la perspective de savoir qu'il verra 1985 et qu'il réussira à voyager dans le temps il est effrayé à l'idée de connaître son avenir, se contredisant en affirmant que "l'homme ne doit pas connaître son destin. En savoir trop c'est se mettre en danger." "Les informations sur le futur peuvent être dangereuses." Et lorsque Marty lui dit "C'est un risque que vous devez prendre. Votre vie en dépend." il lui répond qu'il refuse d'accepter la responsabilité de "rompre le continuum espace-temps", celui-ci devant entraîner selon lui rien moins que la destruction de l'univers (avec le spectre de la bombe atomique en toile de fond.) 

Ne parvenant pas à se faire entendre, Marty écrit une lettre à Doc que celui-ci déchire aussitôt.

Ne parvenant pas à se faire entendre, Marty écrit une lettre à Doc que celui-ci déchire aussitôt.

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Heureusement, il comprend à temps l'absurdité de cette dérobade. Car il est trop tard, Marty a déjà transformé le présent et l'avenir de son père et donc rompu le "continuum spatio-temporel":

"Mon vieux a vraiment assuré, ça a marché, il a mis Biff KO d'un seul coup. Je savais pas qu'il pouvait le faire. Il a jamais tenu tête à Biff."

"Jamais??"

"Non. Pourquoi? Qu'y a-t-il?"

Car c'est lui, Emmett Brown qui a rendu cela possible. Il se rend compte qu'il doit en prendre la responsabilité, quelles que soient les perspectives effrayantes que cela ouvre.

Doc se rend compte qu'il est responsable d'un changement de l'histoire.

Doc se rend compte qu'il est responsable d'un changement de l'histoire.

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C'est pourquoi finalement il lit la lettre que Marty lui a écrite pour le prévenir du danger qui le menace et s'en prémunit à l'aide d'un gilet pare-balles. Et lorsque Marty lui rappelle ses réticences "Et tout ce baratin sur les événements futurs qu'il ne fallait pas faire foirer? Le continuum espace-temps?" Il lui répond "Je me suis dit: on s'en balance!" (la phrase libératrice par excellence, que certains qualifient d'irresponsable. Tout dépend en fait du contexte car rien n'est simple dans cette histoire!)

L'une des caractéristiques de Doc c'est qu'il parvient toujours à recoller les morceaux. A l'image de Christopher Lloyd d'ailleurs qui avait dans un premier temps mis le script de Retour vers le futur à la poubelle... Il a eu tout le temps depuis de méditer sur ce qu'aurait été son destin s'il ne l'avait pas récupéré.
L'une des caractéristiques de Doc c'est qu'il parvient toujours à recoller les morceaux. A l'image de Christopher Lloyd d'ailleurs qui avait dans un premier temps mis le script de Retour vers le futur à la poubelle... Il a eu tout le temps depuis de méditer sur ce qu'aurait été son destin s'il ne l'avait pas récupéré.

L'une des caractéristiques de Doc c'est qu'il parvient toujours à recoller les morceaux. A l'image de Christopher Lloyd d'ailleurs qui avait dans un premier temps mis le script de Retour vers le futur à la poubelle... Il a eu tout le temps depuis de méditer sur ce qu'aurait été son destin s'il ne l'avait pas récupéré.

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A la fin du premier film, Doc se rend dans le futur et trouve une solution au problème énergétique que posent les voyages dans le temps. Il substitue une énergie vertueuse, (le biogaz grâce au générateur de fusion qui remplace le réacteur nucléaire de la DeLoréan) aux énergies dangereuses précédemment utilisées.

Recycler les déchets pour les transformer en énergie, une idée visionnaire en 1985.

Recycler les déchets pour les transformer en énergie, une idée visionnaire en 1985.

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En revanche la question éthique des risques entraînés par la "rupture du continuum espace-temps" n'est pas réglée. Elle se repose dans l'épisode II à cause de la rencontre entre Jennifer jeune et Jennifer âgée que le Doc ne parvient pas à empêcher "Les risques sont trop gros, cet incident le prouve". Puis par le vol de la Deloréan par Biff Tannen pour se venger et s'enrichir "Cela montre que le voyage dans le temps peut être mal utilisé et que la machine doit être détruite."

J'adore le moment où Doc fait taire cette bécasse de Jennifer dont la principale préoccupation dans RVLF II est de savoir si elle a fait un beau mariage, s'ils vivent dans un beau quartier etc. Et le changement d'actrice n'a pas aidé, elle fait la gueule en permanence.

J'adore le moment où Doc fait taire cette bécasse de Jennifer dont la principale préoccupation dans RVLF II est de savoir si elle a fait un beau mariage, s'ils vivent dans un beau quartier etc. Et le changement d'actrice n'a pas aidé, elle fait la gueule en permanence.

Il n'y a pas mort d'homme et encore moins destruction de l'univers mais Jennifer en est quitte pour quelques heures d'évanouissement, bien pratiques pour l'évacuer du scénario (qui était obligé de la faire figurer dans l'histoire à cause de la fin de retour vers le futur I écrite sans avoir envisagé la suite)

Il n'y a pas mort d'homme et encore moins destruction de l'univers mais Jennifer en est quitte pour quelques heures d'évanouissement, bien pratiques pour l'évacuer du scénario (qui était obligé de la faire figurer dans l'histoire à cause de la fin de retour vers le futur I écrite sans avoir envisagé la suite)

Dans la version apocalyptique de 1985, Hill Valley est ravagée à l'image du lycée de Marty, détruit dans un incendie. La scène a été coupée parce qu'elle plombait trop l'ambiance (qui devait rester celle d'une comédie).

Dans la version apocalyptique de 1985, Hill Valley est ravagée à l'image du lycée de Marty, détruit dans un incendie. La scène a été coupée parce qu'elle plombait trop l'ambiance (qui devait rester celle d'une comédie).

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De plus en plus submergé par la perception maléfique de sa machine ("J'aimerais n'avoir jamais inventé cette machine infernale. Elle n'a su engendrer que malheurs et désastres"), Doc est donc prêt à la détruire sans l'avoir utilisée pour ses recherches scientifiques ou son bénéfice personnel (à l'exception de son gilet pare-balle et de sa cure de rajeunissement soit la survie et l'avenir). Il en a été empêché par les libyens puis il s'est consacré au sauvetage de Marty et de sa famille. Enfin il a contribué à sauver Hill Valley des griffes de Biff Tannen, autant d'utilisations vertueuses ou rédemptrices. C'est à ce moment précis que la foudre frappe la voiture et l'expédie en 1885, au Far West.

La machine comme transcription de l'inconscient humain trouve dans RVLF II l'une de ses plus brillantes illustration. Alors que Doc ne cesse d'affirmer qu'une fois leur mission accomplie en 1955 ils retourneront en 1985 pour détruire la machine, celle-ci affiche à deux reprises la date de destination du 1er janvier 1885 ce qui l'oblige à taper sur le panneau d'affichage pour la faire disparaître et à se justifier en disant qu'elle est détraquée! Un vrai "retour du refoulé"!

La machine comme transcription de l'inconscient humain trouve dans RVLF II l'une de ses plus brillantes illustration. Alors que Doc ne cesse d'affirmer qu'une fois leur mission accomplie en 1955 ils retourneront en 1985 pour détruire la machine, celle-ci affiche à deux reprises la date de destination du 1er janvier 1885 ce qui l'oblige à taper sur le panneau d'affichage pour la faire disparaître et à se justifier en disant qu'elle est détraquée! Un vrai "retour du refoulé"!

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L'année 1885 n'est pas un hasard, Doc l'avait programmée puis y avait renoncé ("Mon seul regret c'est que je n'aurais jamais l'occasion de visiter mon époque préférée, le Far West."). En s'abattant sur la voiture, la foudre a réactivé les circuits temporels et l'a expédié à la date précise qu'il avait choisi. Un sacré coup de pouce du destin.
1885 c'est d'abord pour Doc un rêve d'enfance qui rejoint celui de Jules Verne "J'ai toujours rêvé de jouer au cow-boy." Dans un brouillon du scénario de RVLF III daté de 1988, Doc confie à Marty qu'il a passé tous les étés de son enfance dans le ranch de son oncle maternel, Abraham Lathrop qui lui a appris à monter à cheval, à tirer et à lancer le lasso. Et qui a dit à ses parents "Ce garçon est fait pour vivre à l'air libre et dans les grands espaces et non confiné à l'intérieur d'une salle de classe."

Entre choix et destin: les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) Page 5

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Doc s'est également abreuvé de westerns des années 30, 40 et 50, notamment ceux de John Ford ("Fais-nous une chevauchée fantastique!") mais aussi de séries B avec l'acteur Roy Rogers. Dans les années 50, il n'a pas raté un seul épisode de l'émission de marionnettes Howdy Doody qui mélangeait cirque et Far West (et à laquelle Pixar rend aussi hommage dans Toy Story 2). Comme pour George et sa SF, les émissions TV de cette époque s'avèrent être un puissant vecteur d'imaginaire et de créativité.

Le western par la petite lucarne chez Doc en 1955.

Le western par la petite lucarne chez Doc en 1955.

Doc habille Marty en 1955 avec le costume criard de Roy Rogers qui fera de lui la risée des clients du saloon de Hill Valley. Le décalage générationnel entre les deux hommes s'incarne dans le fait que Marty -comme Zemeckis- ne jure que par Sergio Leone et Clint Eastwood que Doc ne connaît pas en 1955 (Clint débutait alors tout juste sa carrière au cinéma comme le rappellent les affiches clin-d'oeil du cinéma drive-in, Clint jouant alors de si petits rôles qu'il n'était même pas crédité au générique!).

Doc habille Marty en 1955 avec le costume criard de Roy Rogers qui fera de lui la risée des clients du saloon de Hill Valley. Le décalage générationnel entre les deux hommes s'incarne dans le fait que Marty -comme Zemeckis- ne jure que par Sergio Leone et Clint Eastwood que Doc ne connaît pas en 1955 (Clint débutait alors tout juste sa carrière au cinéma comme le rappellent les affiches clin-d'oeil du cinéma drive-in, Clint jouant alors de si petits rôles qu'il n'était même pas crédité au générique!).

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Mais surtout, aussi dure et violente soit-elle c'est une époque d'avant la chute de la technologie dans la barbarie. Bref à l'image du Far West, table rase est faite du passé et tout redevient possible. Dans un Hill Valley en construction, Doc peut refonder sa relation aux autres et sa place dans le monde. Il se dote à nouveau d'une identité sociale (il devient maréchal ferrant) tout en conservant la sienne mais en secret. C'est pour cela que cela ne lui pose pas de problème de conscience car il n'interfère pas avec le continuum espace-temps, imaginant simplement terminer sa vie paisiblement dans un cadre agréable.

La première apparition de Doc en 1885 annonce la couleur du renouveau. On n'a plus affaire au savant fou mais au héros romantique qui était caché dessous. Et sur le plan des armes, si celle qu'il utilisait en 1985 était en panne (à l'image de sa vie) son fusil-télescope lui fonctionne avec une précision chirurgicale!

La première apparition de Doc en 1885 annonce la couleur du renouveau. On n'a plus affaire au savant fou mais au héros romantique qui était caché dessous. Et sur le plan des armes, si celle qu'il utilisait en 1985 était en panne (à l'image de sa vie) son fusil-télescope lui fonctionne avec une précision chirurgicale!

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Mais le conflit qui l'habite n'est toujours pas réglé. La tombe du troisième film est là pour le rappeler. Car s'installer dans une époque qui n'est pas la sienne implique de prendre le risque d'interférer avec elle, donc de modifier le cours du temps. Et l'interférence la plus redoutable, c'est le coup de foudre qui est par définition incontrôlable. C'est la foudre qui a transporté Emmett Brown en 1885, c'est elle aussi, au sens figuré, qui s'abat sur lui lorsqu'il sauve Clara, le mettant dans une situation impossible.

Eros et Thanatos ont encore frappé. Même mécanisme que dans le premier film mais cette fois ce n'est pas la machine qu'il faut tuer dans l'oeuf mais cette histoire d'amour passionnelle avec Clara.

Eros et Thanatos ont encore frappé. Même mécanisme que dans le premier film mais cette fois ce n'est pas la machine qu'il faut tuer dans l'oeuf mais cette histoire d'amour passionnelle avec Clara.

Avec Doc, Thanatos n'est jamais très loin d'Eros et celui-ci se retrouve littéralement pris en sandwich entre sa pulsion de vie et sa pulsion de mort.

Avec Doc, Thanatos n'est jamais très loin d'Eros et celui-ci se retrouve littéralement pris en sandwich entre sa pulsion de vie et sa pulsion de mort.

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Pour la première fois dans la trilogie, Doc a fait ce qu'il redoutait le plus de faire. Il a rompu le continuum spatio-temporel en changeant lui-même de façon instinctive le destin d'un personnage. Dans la version originelle de l'histoire (sans Doc et sans Marty), Clara arrivait seule de la gare sur son chariot, ses chevaux s'emballaient, elle tombait au fond du précipice et mourait. Dans la version modifiée par la présence de Doc en 1885, il va la chercher à la gare mais c'est lui qui meurt trois jours après (en fait il est mortellement blessé par Buford dès le lendemain et met deux jours à succomber histoire d'en rajouter une couche dans le masochisme). Dans la version modifiée par la présence de Marty en 1885, Doc ne se rend pas à la gare car il espère éviter la rencontre avec Clara mais comme pour George ou pour Marty, on ne peut échapper à son destin. Doc est un sauveur (besoin de rédemption oblige) et Clara est sur son chemin, quoiqu'il fasse pour s'en écarter.

Entre choix et destin: les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) Page 5
On est à des années-lumière de l'atmosphère confinée du premier et du deuxième film! Pas étonnant que Doc puisse déployer ses ailes (Christopher Lloyd est en plus extrêmement doué en équitation ce qui conforte l'idée que Doc est comme un poisson dans l'eau dans cette époque).
On est à des années-lumière de l'atmosphère confinée du premier et du deuxième film! Pas étonnant que Doc puisse déployer ses ailes (Christopher Lloyd est en plus extrêmement doué en équitation ce qui conforte l'idée que Doc est comme un poisson dans l'eau dans cette époque).

On est à des années-lumière de l'atmosphère confinée du premier et du deuxième film! Pas étonnant que Doc puisse déployer ses ailes (Christopher Lloyd est en plus extrêmement doué en équitation ce qui conforte l'idée que Doc est comme un poisson dans l'eau dans cette époque).

103.
"Elle a dû avoir une sacrée frousse, après tout Mademoiselle Clayton a failli finir au fond du ravin Clayton. Le ravin Clayton ?

Oh la vache ! Eh Doc ! il a été baptisé comme ça à cause d'une institutrice, elle serait tombée dedans il y a 100 ans.

Il y a 100 ans ? mais c'est cette année ?

Tous les enfants connaissent cette histoire parce qu'ils aimeraient voir leur institutrice tomber dans le ravin.

Nom de Zeus ! Elle aurait dû tomber dans le ravin avec le chariot ! Mais alors, j'ai peut-être faussé le cours de l'histoire…"

Doc prend conscience de la "gravité" de ce qu'il vient de faire "Je me sens un peu responsable de ce qui est arrivé." Et pas qu'un peu! A 100%! Et maintenant il faut assumer...

Doc prend conscience de la "gravité" de ce qu'il vient de faire "Je me sens un peu responsable de ce qui est arrivé." Et pas qu'un peu! A 100%! Et maintenant il faut assumer...

104.
Avec ce dialogue, on touche à une question aussi délicate que la nitroglycérine: celle de la réécriture de l'histoire qui est à Zemeckis ce que la machine est à Doc. Zemeckis est un grand manipulateur d'images d'archives (on le voit déjà dans RVLF mais c'est encore plus flagrant dans Forrest Gump) et a été accusé à plusieurs reprises de révisionnisme néo-nazi (ou en France de lepénisme!) On lui a reproché par exemple d'avoir dépossédé la communauté noire de deux de ses contributions à l'histoire et la culture des USA: la genèse du rock et l'émancipation politique, toutes deux devenant des initiatives de Marty (qui souffle l'idée de la mairie à Goldie Wilson et de Johnny B Goode à Chuck Berry). Cela n'était sans doute pas conscient de la part de Zemeckis (c'était plutôt un jeu, un rêve) mais cela montre que le diable peut se cacher dans le moindre détail: la destruction de l'almanach ou d'une photo (un autodafé) ou les messages subliminaux (un viol des foules dans la propagande fasciste).

Biff Tannen et Marylin Monroe (RVLF II)

Biff Tannen et Marylin Monroe (RVLF II)

John Lennon et Forrest Gump. Difficile de distinguer le vrai du faux.

John Lennon et Forrest Gump. Difficile de distinguer le vrai du faux.

105.
En effet entre le révisionnisme (qui consiste à réinterpréter l'histoire en fonction de nouvelles sources ou d'un changement de contexte politique, social, culturel) et le négationnisme (qui consiste à effacer la mémoire de ses crimes en détruisant ou falsifiant ou dénigrant les preuves historiques) il n'existe que l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette. Celle de la conscience et de l'éthique. Et la frontière est d'autant plus ténue que les négationnistes emploient le mot révisionnistes pour se définir. 

Selon le Tao "Il n'y a pas l'épaisseur d'un fil d'araignée entre le bien et le mal. A chaque instant on peut basculer d'un côté ou de l'autre". A l'image de ses autres films The Walk sorti en 2015 est de facture artisanale, possède de multiples niveaux de lecture et reprend des thèmes qui lui sont chers (les rêves d'enfance, l'intégrité vis à vis de soi-même, le conflit avec le père, le goût des hauteurs, le sens de l'Histoire...) Zemeckis est un véritable trésor, en avoir la clé est un cadeau inestimable.

Selon le Tao "Il n'y a pas l'épaisseur d'un fil d'araignée entre le bien et le mal. A chaque instant on peut basculer d'un côté ou de l'autre". A l'image de ses autres films The Walk sorti en 2015 est de facture artisanale, possède de multiples niveaux de lecture et reprend des thèmes qui lui sont chers (les rêves d'enfance, l'intégrité vis à vis de soi-même, le conflit avec le père, le goût des hauteurs, le sens de l'Histoire...) Zemeckis est un véritable trésor, en avoir la clé est un cadeau inestimable.

106.
Zemeckis sait évidemment qu'il joue avec le feu (oui, lui aussi, bien sûr, forcément, puisque Doc est une projection de lui-même). Et en même temps, comment cela ne lui tiendrait-il pas à coeur? Lui aussi doit jongler avec ses racines.

Les négationnistes sont surnommés les faussaires de l'histoire. Zemeckis l'est aussi d'une certaine façon puisqu'il insère des personnages fictifs dans des images d'archives bien réelles et les fait interagir avec des personnages historiques. Mais leurs objectifs ne sont pas du tout les mêmes. Et il y a des barrières que les uns bafouent et pas l'autre.

Les négationnistes sont surnommés les faussaires de l'histoire. Zemeckis l'est aussi d'une certaine façon puisqu'il insère des personnages fictifs dans des images d'archives bien réelles et les fait interagir avec des personnages historiques. Mais leurs objectifs ne sont pas du tout les mêmes. Et il y a des barrières que les uns bafouent et pas l'autre.

107.
Les racines paternelles de Zemeckis se situent en Lituanie (pas de hasard, bien sûr...) La Lituanie fut l'un des épicentres de la Shoah car sa capitale Vilnius était un haut lieu de la culture juive européenne, "la Jérusalem de l'Europe du nord" et la haine antisémite très forte au sein de la population locale. De toutes les communautés juives d'Europe, celle de Lituanie fut la plus martyrisée. Plus de 95% des juifs lituaniens (254 mille sur 265 mille) furent exterminés par les nazis et les lituaniens collaborateurs. A cela s'ajoutèrent des formes de cruautés extrême comme l'interdiction faite à partir de 1942 aux femmes du ghetto de Kaunas d'accoucher sous peine de mort pour elles et leur famille ce qui les obligèrent à tuer leurs propres enfants. Aujourd'hui encore, ce pays n'assume pas son monstrueux passé collaborationniste. A quand le travail de mémoire de ce pays aussi nécessaire que celui qu'effectue en ce moment la Pologne?

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Pas question donc d'aller dans le passé pour effacer ses erreurs de jeunesse (l'achat de l'almanach ou la participation au programme Manhattan par exemple). Pas question non plus de réécrire la grande histoire. Doc ne fait que des choses qu'il pourrait parfaitement accomplir sans sa machine. C'est le cas lorsqu'il tranche le lien avec sa racine pourrie comme l'avait déjà fait son père avant lui et replante celles qui lui restent ailleurs (ce qui est plus ou moins l'histoire de la famille de Zemeckis). Le père de Doc, Erhardt Von Braun avait en effet déjà balisé le terrain en émigrant, en changeant de nom durant la première guerre mondiale et en épousant une jeune femme juive issue d'une famille de pionniers installés à Hill Valley depuis au moins les années 1880, Sarah Lathrop. 
 

Si la branche allemande des Von Braun (celle de Werhner) est purement aryenne, Doc est lui selon la terminologie nazie un "mischling", un sang-mêlé, comme l'est vraisemblablement aussi Zemeckis. Selon la religion juive, il est juif puisque la transmission de la judéité se fait par la mère. Cette double appartenance fait que Lathrop, le nom de jeune fille de sa mère est devenu son deuxième prénom. C'est dans un lieu souterrain que l'on découvre cette part de son identité -allusion au Voyage au centre de la terre- au début du troisième film. Les initiales E.L.B  (Emmett Lathrop Brown) deviennent alors sa signature en lien également avec le Far West et son oncle (le frère de sa mère, Abraham qui lui a appris l'essentiel de la vie de cow-boy).

Si la branche allemande des Von Braun (celle de Werhner) est purement aryenne, Doc est lui selon la terminologie nazie un "mischling", un sang-mêlé, comme l'est vraisemblablement aussi Zemeckis. Selon la religion juive, il est juif puisque la transmission de la judéité se fait par la mère. Cette double appartenance fait que Lathrop, le nom de jeune fille de sa mère est devenu son deuxième prénom. C'est dans un lieu souterrain que l'on découvre cette part de son identité -allusion au Voyage au centre de la terre- au début du troisième film. Les initiales E.L.B (Emmett Lathrop Brown) deviennent alors sa signature en lien également avec le Far West et son oncle (le frère de sa mère, Abraham qui lui a appris l'essentiel de la vie de cow-boy).

109.

Les erreurs ne sont pas effacées mais rachetées ce qui implique d'en assumer la responsabilité, tout le contraire des actes des nazis qui fuient ou nient les leurs. Ce sont sur les fils et petits-fils de bourreaux que pèse la culpabilité que leurs ancêtres n'ont pas assumé et rompre avec eux est le seul moyen de pouvoir revivre. Il en est ainsi par exemple de Rainer Höss, petit-fils de Rudolph Höss le commandant d'Auschwitz. Après une terrible période d'errements, il a rompu tous les liens avec sa famille et refondé sa filiation en se choisissant une grand-mère symbolique. Pas n'importe laquelle: une des jumelles survivante des expériences du docteur Mengele. Le fait que celle-ci ait accepté montre que le besoin est réciproque: "Je l'admire et je l'aime. Il a besoin de recevoir l'amour d'une famille, celle qu'il n'a jamais eu (...).Pardonnez à tous ceux qui vous blessent. Cela vous guérira de l'intérieur et vous rendra libre."'(Eva Mozes Kor).
Quant à ceux qui refusent cette voie, ils se suicident (soit directement soit en refusant d'avoir une descendance comme ce fut le cas des fils de Hans Frank, l'un des nazis jugés à Nuremberg) ou continuent de végéter dans l'idolâtrie mortifère de leurs ancêtres (comme la fille de Goering ou la majeure partie de la famille de Höss).

Rainer Höss et ses taouages (des noms de prisonniers, une étoile de david et la mention "N'oublie jamais." qui est au coeur de la culture juive "Zakhor".) Moi aussi j'admire cet homme qui a eu le courage de s'extraire d'une épouvantable hérédité pour en faire quelque chose de constructif.

Rainer Höss et ses taouages (des noms de prisonniers, une étoile de david et la mention "N'oublie jamais." qui est au coeur de la culture juive "Zakhor".) Moi aussi j'admire cet homme qui a eu le courage de s'extraire d'une épouvantable hérédité pour en faire quelque chose de constructif.

110.
Pour que l'insertion d'un personnage dans l'Histoire se fasse sans que cela ne passe pour du négationnisme, celui-ci doit bénéficier d'une protection spirituelle qui le rende imperméable à la corruption du monde. C'est pourquoi les personnages de Zemeckis sont très proches de ceux de Frank Capra: des candides au milieu des requins. Ils sont protégés par leur "innocence" qu'elle se nomme "idiotie " (dans le cas de Forrest Gump) ou "folie" (dans le cas de Doc). Ils sont évidemment rejetés par la société mais au final, ils réussissent sans vraiment le vouloir à devenir des sortes de guides spirituels car ce sont des figures christiques.

Longfellow Deeds, l'un des héros de Capra fait aussi partie de mes mentors spirituels depuis plus de 20 ans. Son comportement d'enfant-adolescent énigmatique (pour ceux qui ne jurent que par l'argent) conjugué à son fabuleux héritage (dont il ne veut pas) lui valent d'être la proie de tous les escrocs de New-York. Ils le prennent d'abord pour un idiot puis lorsqu'ils s'aperçoivent qu'il ne l'est pas et qu'il sait se défendre, ils tentent de le faire passer pour un fou. Jusqu'à ce qu'au tribunal s'engage un débat mémorable sur les notions de normalité et de différence, Deeds renvoyant à chacun le reflet de sa propre étrangeté.

Longfellow Deeds, l'un des héros de Capra fait aussi partie de mes mentors spirituels depuis plus de 20 ans. Son comportement d'enfant-adolescent énigmatique (pour ceux qui ne jurent que par l'argent) conjugué à son fabuleux héritage (dont il ne veut pas) lui valent d'être la proie de tous les escrocs de New-York. Ils le prennent d'abord pour un idiot puis lorsqu'ils s'aperçoivent qu'il ne l'est pas et qu'il sait se défendre, ils tentent de le faire passer pour un fou. Jusqu'à ce qu'au tribunal s'engage un débat mémorable sur les notions de normalité et de différence, Deeds renvoyant à chacun le reflet de sa propre étrangeté.

111.
Dans cette troisième version de la même histoire, Doc se retrouve donc face à un dilemme. D'un côté la crainte de manipuler le temps et de prendre le risque du paradoxe temporel bien plus que la perspective de se faire tuer (qui n'a jamais arrêté Doc, personnage courageux, téméraire, voire suicidaire): "je suis un scientifique, je dois me comporter comme tel. Je t'ai exhorté à ne jamais rompre le continuum pour ton profit personnel, c'est valable pour moi aussi." De l'autre la culpabilité d'avoir fait du mal à Clara car évidemment il n'est pas question de revenir en arrière et d'effacer le poids de ses actes (avoir choisi de vivre en 1885, avoir choisi de sauver la jeune femme et avoir entamé une relation amoureuse avec elle.) "Il ignorait comment il pourrait continuer à vivre en sachant la peine qu'il avait causé à cette jeune fille." Cette situation souligne encore une fois la règle morale implicite qu'ont choisi Gale et Zemeckis à propos de l'utilisation de la machine. Elle sert à donner une seconde chance de faire le bon choix et non à fuir (c'est à dire effacer) ses responsabilités.

"Je ne vais pas laisser une simple photographie décider de mon destin."

"Je ne vais pas laisser une simple photographie décider de mon destin."

112.
"On est pas à notre place ici. Ni vous ni moi Doc (...) Alors dites-moi, quel est le bon choix à faire, là-dedans" (Marty désigne son front, le siège du cerveau et donc de la raison).
Une première lecture peut laisser croire que celui qui se comporte comme un homme raisonnable dans cet épisode c'est Marty et que l'irresponsable est Doc. Une seconde lecture démontre que les deux personnages sont mûs par leurs pulsions et se comportent de façon irresponsable. L'attitude de Marty est dictée avant tout par la frustration et non par la raison. Qu'il compense par l'activisme viril via la manipulation des armes et le duel avec Buford (l'influence du Docteur Folamour, toujours...). Celle de Doc qui consiste à suivre Marty et à renoncer à Clara est une façon de fuir ses responsabilités, comme dans le premier film. Dans les deux cas la "raison" recouvre des motifs bien peu glorieux.

"Montre-nous donc que tu es un homme": le vendeur de foire qui offre le colt à Marty en bon publicitaire joue sur les clichés les plus éculés liés à la virilité. Vu le complexe de la mauviette qui mine Marty, celui-ci ne peut que mordre à l'hameçon ou plutôt au piège à c....

"Montre-nous donc que tu es un homme": le vendeur de foire qui offre le colt à Marty en bon publicitaire joue sur les clichés les plus éculés liés à la virilité. Vu le complexe de la mauviette qui mine Marty, celui-ci ne peut que mordre à l'hameçon ou plutôt au piège à c....

Même chose en ce qui concerne Doc qui croit régler son problème en mettant un terme à sa relation avec Clara alors qu'il ne fait que rajouter du mal sur ses craintes.

Même chose en ce qui concerne Doc qui croit régler son problème en mettant un terme à sa relation avec Clara alors qu'il ne fait que rajouter du mal sur ses craintes.

113.
C'est pourquoi en risquant sa vie pour le rejoindre, Clara oblige Doc à prendre ses responsabilités. Elle rejoue en effet la scène de leur rencontre puisqu'elle se retrouve à deux doigts de tomber à nouveau dans le ravin (ou sous les roues du train) et qu'une fois de plus il la sauve, scellant cette fois ci définitivement son destin. Il ne sont pas si nombreux, les films qui font une vraie place au désir féminin. Or c'est la force de ce désir qui balaie au final tous les obstacles, incarné par une Clara galopant à bride abattue sur son cheval, les cheveux au vent. Tout à fait à l'image de Lorraine adolescente dont Clara est en quelque sorte une version achevée, émancipée. (Et les parallèles entre les deux femmes sont nombreux, notamment dans la mise en scène avec la visite de l'atelier de doc ou la scène de bal ou encore la raclée exhutoire à Biff/Buford). Ce n'est pas un hasard: de même que Doc est une alternative à George, Clara est une alternative à Lorraine.

Les motifs de la chemise que porte Doc dans RVLF II montrent qu'il a déjà Clara dans la peau même s'il ne la connaît pas encore. Et dans le III il l'a encore sous forme de bandana. Ah ces messages subliminaux!

Les motifs de la chemise que porte Doc dans RVLF II montrent qu'il a déjà Clara dans la peau même s'il ne la connaît pas encore. Et dans le III il l'a encore sous forme de bandana. Ah ces messages subliminaux!

Aaaaah, que ça fait du bien! Encore! Encore!

Aaaaah, que ça fait du bien! Encore! Encore!

Le coup de pied de Clara à Buford qui l'a insultée.

Le coup de pied de Clara à Buford qui l'a insultée.

114.
La femme cristallise (et c'est exactement le mot qu'emploie Doc d'ailleurs "cristallisation émotionnelle") à la fois le bonheur et la souffrance liés aux voyages temporels aussi bien dans la Jetée, dans la Traversée du temps que dans Retour vers le futur. Dans les trois cas on a un homme venu d'un futur post-apocalyptique et voyageant dans le passé à la recherche d'un paradis perdu qui finit par s'incarner dans la figure d'une femme rédemptrice symbolisant la grâce divine. A la fin de RVLF III, Doc reçoit Clara comme un cadeau du ciel, une délivrance, une preuve qu'il est -enfin- pardonné.

"Cette image devait être la seule image du temps de paix à traverser le temps de guerre. Il ne savait pas s'il l'avait vue ou s'il avait créé ce moment de douceur pour étayer le moment de folie qui allait venir." La jeune femme de la Jetée est élevée au rang d'une véritable icône (la Jetée est une oeuvre profondément mystique ce qui explique que sa beauté touche souvent au sublime. Chaque fois que je la regarde, j'ai l'impression d'être dans une cathédrale).

"Cette image devait être la seule image du temps de paix à traverser le temps de guerre. Il ne savait pas s'il l'avait vue ou s'il avait créé ce moment de douceur pour étayer le moment de folie qui allait venir." La jeune femme de la Jetée est élevée au rang d'une véritable icône (la Jetée est une oeuvre profondément mystique ce qui explique que sa beauté touche souvent au sublime. Chaque fois que je la regarde, j'ai l'impression d'être dans une cathédrale).

Le tableau de paix d'influence bouddhiste pour lequel Chiaki est remonté dans le passé dans la Traversée du temps. "C'est un tableau étrange. remarque comme il apaise quand on le contemple (...) Il a été peint il y a des siècles alors que le pays de l'artiste était ravagé par une guerre très dure. Comment l'auteur a-t-il pu capter une telle sérénité alors que son monde était sur le point d'être anéanti?"

Le tableau de paix d'influence bouddhiste pour lequel Chiaki est remonté dans le passé dans la Traversée du temps. "C'est un tableau étrange. remarque comme il apaise quand on le contemple (...) Il a été peint il y a des siècles alors que le pays de l'artiste était ravagé par une guerre très dure. Comment l'auteur a-t-il pu capter une telle sérénité alors que son monde était sur le point d'être anéanti?"

Le télescope de Clara qui permet enfin de dégager l'horizon de Doc "Il n'y a personne qui soit né sous une mauvaise étoile, il n'y a que des gens qui ne savent pas lire le ciel." (Le Dalaï-Lama) Comme les deux films cités plus haut RVLF III a une dimension mystique très forte (que Bob Gale a d'ailleurs reconnu).

Le télescope de Clara qui permet enfin de dégager l'horizon de Doc "Il n'y a personne qui soit né sous une mauvaise étoile, il n'y a que des gens qui ne savent pas lire le ciel." (Le Dalaï-Lama) Comme les deux films cités plus haut RVLF III a une dimension mystique très forte (que Bob Gale a d'ailleurs reconnu).

115.
Rédemptrice, Clara l'est au plus haut point. C'est l'anti-Von Braun. Certes elle partage avec lui la passion pour Jules Verne et l'astronomie. Son père lui a offert son télescope quand elle avait 11 ans. Dans le cas de Wernher Von Braun c'est sa mère qui lui a offert son télescope quand il avait 13 ans. Mais Clara utilise ses connaissances dans un but de transmission (elle est institutrice) et non dans un but de puissance. Et elle a en plus un esprit tout aussi visionnaire que Doc ce qui en fait le symbole d'une possible refondation du rêve vernien.

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116.

 

"Des Clara, on en trouve une sur des millions, une sur des milliards, une sur x puissance infini." Les femmes de sciences ne courent pas les rues et lorsqu'elles existent, la société les annihilent d'une façon ou d'une autre: brûlées, lynchées, effacées des livres d'histoire (un négationnisme "à la source" dont on ne parle jamais, l'histoire étant largement écrite par des hommes). La chute de Clara dans le précipice est une excellente métaphore de la place qui l'attendait à Hill Valley. Les mentalités ont depuis bien peu changé. On ne compte plus les "soi-disant" fans de RVLF qui insultent Lorraine à longueur de page et rêvent de tuer Clara d'une façon ou d'une autre (et ils ont beaucoup d'imagination, j'ai pu le vérifier). Ils ne se rendent même pas compte que la trilogie leur tend un miroir, celui de Biff Tannen, la brute sexiste au cerveau de pois chiche qui ne jure que par ce qu'il a en dessous de la ceinture.

Voilà une excellente définition du fan hétéro-macho de base. L'influence du Docteur Folamour est encore une fois ici évidente. Le film de Kubrick ramène tout en effet à des querelles d'ego ou plutôt de phallus par le biais des armes (je recommande aussi le coup de "c'est qui qui a la plus haute (tour)? C'est moi le roi, non c'est moi le seigneur, non c'est moi l'Emir de Dubaï etc.").

Voilà une excellente définition du fan hétéro-macho de base. L'influence du Docteur Folamour est encore une fois ici évidente. Le film de Kubrick ramène tout en effet à des querelles d'ego ou plutôt de phallus par le biais des armes (je recommande aussi le coup de "c'est qui qui a la plus haute (tour)? C'est moi le roi, non c'est moi le seigneur, non c'est moi l'Emir de Dubaï etc.").

117.
"Emmett, croyez-vous qu'un jour viendra où nous pourrons nous embarquer pour la lune comme nous voyageons à travers le pays, en train ? (Clara)

Sans nul doute, remarquez il faudra attendre 84 ans et ce ne sera pas en train mais en véhicule spatial, en capsule envoyée dans les airs par des fusées, des appareils qui produisent de gigantesques explosions, des explosions si... si puissantes, qu'elles su... (Doc)

...Qu'elles suppriment tout effet de pesanteur et envoient le projectile dans la stratosphère !" (Clara)
De la terre à la lune est le roman préféré de Clara qui est complémentaire de Doc puisque lui rêve plutôt d'explorations sous-marines et souterraines. Cette complémentarité symbolise l'harmonie et la plénitude de leur union d'autant que ce dialogue a évidemment un double sens, celui du sublime Madame rêve qui est au féminin ce que Docteur Folamour est au masculin. D'ailleurs comme lors du moment où il l'invite à danser, Doc laisse sa phrase en suspens et c'est Clara qui d'un ton ferme et définitif la termine pour lui, à l'image d'une personnalité qui comme on le sait va jusqu'au bout de ses désirs. 

Le créateur et sa muse.

Le créateur et sa muse.

118.
Voilà pourquoi lorsqu'ils se rencontrent, Doc et Clara se reconnaissent comme deux personnes très spéciales, dont la place est partout et nulle part ce qui ouvre tous les possibles.

"Vous avez lu Jules Verne ? (Doc)

Ah j'adore Jules Verne ! (Clara)

Mais je l'adore aussi !" (Doc) (...)

"Je n'avais jamais rencontré une femme qui aime Jules Verne." (Doc)

"Je n'avais jamais, jamais rencontré quelqu'un comme vous." (Clara)

Plus rien ne s'oppose à la nuit.

Plus rien ne s'oppose à la nuit.

René Magritte, Désir.

René Magritte, Désir.

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Publié le par Rosalie210

II- "Grandir c'est mourir un peu": faire le deuil de l'amitié fusionnelle

47.
"Je croyais que nous trois c'était spécial et que nous resterions ensemble pour toujours. Je n'imaginais pas que ça pouvait s'arrêter." (Makoto, La traversée du temps)
"Comme ils étaient tous les deux des moutons noirs dans leur environnement respectifs, un lien étroit se forma entre eux." (Bob Gale à propos de Marty et de Doc)
"Marty, j'ai pris une décision. Je ne partirai pas avec toi demain. Je vais rester ici."(Doc, RVLF III)
"Doc ne reviendra plus jamais. Tu peux pas savoir comme il va me manquer." (Marty, RVLF III)
 

Chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve, chacun son destin...

Chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve, chacun son destin...

48.
La Traversée du temps de Mamoru Hosoda a beaucoup de points communs avec Retour vers le futur. Il s'agit d'un récit initiatique, mélangeant comme lui plusieurs genres et plusieurs tonalités (de la plus légère à la plus sombre). Makoto, l'héroïne, a le même âge que Marty et le film raconte par conséquent son passage de l'adolescence à l'âge adulte. Ce passage se fait comme pour Marty grâce aux voyages dans le temps. Un temps plus proche que dans RVLF: l'héroïne remonte le temps au cours d'une même journée. Cette journée est décisive pour son avenir car elle doit déterminer son destin.

Makoto, Chiaki, Kosuke, l'inséparable trio de "potes" du début du film.

Makoto, Chiaki, Kosuke, l'inséparable trio de "potes" du début du film.

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49.
Makoto est une adolescente particulièrement immature. Elle n'a aucune envie de se déterminer, aucune envie de prendre de décision, aucune envie d'avoir des responsabilités, aucune envie de grandir. A ceux qui la pressent de choisir une orientation professionnelle, elle donne des réponses fantaisistes montrant qu'elle ne prend pas cela au sérieux. De même, elle forme un trio amical fusionnel avec ses amis Kosuke et Chiaki qu'elle ne souhaite pas voir évoluer. Elle-même est une véritable garçon manqué.

"Tu prends quoi? Littéraire ou scientifique? C'est pas si facile de choisir!"

"Tu prends quoi? Littéraire ou scientifique? C'est pas si facile de choisir!"

La principale activité du trio: jouer au baseball

La principale activité du trio: jouer au baseball

50.
C'est dans ce contexte que Makoto reçoit le pouvoir de remonter le temps. C'est un pouvoir limité. Un compteur indique sur son bras le nombre de voyages possibles et elle ne peut remonter que de quelques minutes ou de quelques heures. Pendant un bon tiers du film, Makoto utilise ce pouvoir de façon complètement futile (traîner au lit, repasser ses examens pour améliorer ses notes, manger ses plats préférés plusieurs fois de suite etc.) sans se rendre compte que le temps lui est compté et qu'elle le gaspille.

La machine à remonter dans le temps est une simple noix. Au contact d'un corps humain, elle inscrit un compteur sur la peau qui permet ensuite à la personne de remonter le temps en effectuant un saut.

La machine à remonter dans le temps est une simple noix. Au contact d'un corps humain, elle inscrit un compteur sur la peau qui permet ensuite à la personne de remonter le temps en effectuant un saut.

Mais elle a lu à l'envers: il ne lui reste déjà plus que 6 voyages à accomplir.

Mais elle a lu à l'envers: il ne lui reste déjà plus que 6 voyages à accomplir.

L'un des sauts les plus spectaculaires de Makoto (plus elle saute haut et loin, plus elle recule dans le temps).

L'un des sauts les plus spectaculaires de Makoto (plus elle saute haut et loin, plus elle recule dans le temps).

51.
Un jour, Kaho, une jeune fille attirée par Kosuke lui fait une déclaration d'amour. Il la repousse mais cet événement suffit à déstabiliser le trio. Chiaki demande à son tour à Makoto de sortir avec lui, ce qu'elle ne veut surtout pas entendre. Elle utilise le pouvoir de remonter le temps pour effacer les paroles qui la dérangent. Chiaki se rapproche alors d'une autre fille. Pour ne pas rester en tête à tête avec Kosuke, elle remonte le temps jusqu'à ce qu'elle arrive à le faire sortir avec Kaho.

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52.
C'est alors seulement que Makoto découvre l'engrenage fatal de toutes ces petites manipulations temporelles. Au début du film, les freins de son vélo ont lâché la projetant sur les voies du train au passage à niveau. Elle a échappé à la mort en découvrant son pouvoir de remonter le temps mais a négligé de faire réparer son vélo. Plus loin dans le film, elle assiste avec horreur au même accident mortel au même moment mais cette fois c'est Kosuke et Kaho qui ont emprunté son vélo et sont projetés sur les voies. Leur mort n'est évitée que grâce à Chiaki qui fige le temps et se sacrifie à son tour. Il révèle alors à Makoto son secret: il vient du futur et a apporté puis égaré la noix qui a permis à Makoto de voyager dans le temps. Il a utilisé sa dernière cartouche temporelle pour sauver Kosuke ce qui le condamne à disparaître. Tour à tour, Makoto se voit mourir puis voit mourir ses deux amis ce qui symbolise la fin de leur trio.

L'accident (version n°1, Makoto meurt)

L'accident (version n°1, Makoto meurt)

L'accident (version n°2, Kosuke et Kaho meurent)

L'accident (version n°2, Kosuke et Kaho meurent)

Les adieux de Chiaki à Makoto avant sa disparition de l'existence

Les adieux de Chiaki à Makoto avant sa disparition de l'existence

53.
Il a fallu cette confrontation à la tragédie et à la mort pour ouvrir les yeux de Makoto. C'est alors seulement qu'elle comprend la portée de l'expression écrite sur le tableau de son lycée et aperçue au début du film.
 

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 4

54.
Lorsqu'elle découvre qu'elle dispose d'une dernière chance de remonter le temps, elle utilise tout ce qui lui reste d'énergie pour sauver la vie de Chiaki et lui permettre de rentrer chez lui. Elle s'engage alors à le rejoindre dans le futur (ce qui est une façon de déterminer son avenir à la fois sentimental et professionnel). Elle prend un autre engagement, symbolique celui-ci: protéger le fragile tableau de paix (restauré par sa tante) que Chiaki souhaite tellement voir au moins une fois dans sa vie afin qu'il existe encore à son époque. Et peut-être même contribuer à empêcher la guerre qui semble avoir ravagé la terre dans le futur (Chiaki lui décrit son époque comme presque vide d'hommes, sans rivière, sans ciel bleu, sans vélo, sans baseball, bref celle des souterrains post-atomiques de La Jetée de Chris Marker... c'est fou comme La Traversée du temps, la Jetée et Retour vers le futur se ressemblent.)

Alors qu'au début du film, Makoto était une adolescente qui se traînait mollement, elle saisit son ultime chance avec un tel sentiment d'urgence que le cadre de l'image ne peut même plus la suivre dans sa course folle.

Alors qu'au début du film, Makoto était une adolescente qui se traînait mollement, elle saisit son ultime chance avec un tel sentiment d'urgence que le cadre de l'image ne peut même plus la suivre dans sa course folle.

L'affiche montre le passage à niveau, la rue en pente de l'accident, Makoto et son vélo et enfin de l'autre côté et de dos Chiaki.

L'affiche montre le passage à niveau, la rue en pente de l'accident, Makoto et son vélo et enfin de l'autre côté et de dos Chiaki.

55.
Cette longue digression par La traversée du temps a pour but de mieux éclairer la fin de Retour vers le futur III. Lorsque Marty rentre en 1985, il se retrouve (lui aussi) sur une voie ferrée à un passage à niveau et  a juste le temps de s'éjecter avant que la Deloréan ne soit détruite par un train lancé à toute vitesse.

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56.
En contemplant les débris de la voiture, il pense qu'il ne reverra plus jamais Doc qui au dernier moment a fait demi-tour et a décidé de rester en 1885. Cette séparation affecte profondément Marty qui se retrouve livré à lui-même avec son avenir à construire. Le vent de folie et de liberté que lui a apporté Doc, il doit désormais le chercher en lui.

"Voilà Doc, elle est détruite, c'est ce que vous vouliez."

"Voilà Doc, elle est détruite, c'est ce que vous vouliez."

57.
C'est dans RVLF II que cette séparation a une première fois lieu. Lorsque Marty sort du tunnel poursuivi par Biff, Doc lui lance une guirlande de fanions arrimée à sa Deloréan volante. Marty s'accroche à cette guirlande et s'envole au nez et à la barbe de Biff. Un peu plus tard, lorsque la foudre frappe la voiture et l'expédie en 1885 le contact est brusquement coupé entre Doc et Marty qui communiquaient avec des talkie-walkie. De plus celui-ci voit la guirlande de fanions dont le bout a été calciné par l'éclair lui tomber dessus. On ne peut mieux illustrer l'expression "couper le cordon".

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58.
Cette séparation est ensuite soulignée au début du troisième film lorsque Doc envoie une lettre à Marty depuis l'année 1885: "Il ne faut pas, je dis bien il ne faut pas que tu essaies de venir me chercher dans le passé. Je suis parfaitement heureux de vivre ici en plein air, dans les grands espaces sauvages, et je crains que les voyages dans le temps intempestifs ne servent qu'à provoquer de nouvelles ruptures du continuum espace-temps (...) Telles sont mes volontés, je te demande de les respecter à la lettre. Et voilà Marty, il ne me reste plus qu'à te dire adieu et à te souhaiter bonne chance. Tu as toujours été un ami généreux et fidèle, sans toi ma vie n'aurait pas été la même. Je n'oublierai pas ce que nous avons vécu ensemble. Je penserai à toi avec beaucoup d'affection, et tu garderas toujours une place à part dans mon coeur.

Ton ami dans le temps : Doc Emmett Brown, 1er Septembre 1885"

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59.

Mais à cause de la découverte de la tombe indiquant la mort de son ami six jours seulement après l'envoi de la lettre, Marty prend le risque de désobéir. Il retrouve donc Doc en 1885 pour le prévenir et lui sauver la vie, un scénario qui semble très proche de celui de RVLF I. Cependant s'y rajoute un élément nouveau. Marty brûle également de découvrir qui est cette "bien-aimée Clara" qui a fait ériger la tombe en sa mémoire.

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60. 

Dans le premier film, Marty a assisté (à) la rencontre de ses parents, une rencontre qu'il a réorientée selon les codes d'un cliché viriliste qui s'est ensuite refermé sur lui comme un piège. Le voilà maintenant aux premières loges pour assister aux débuts de l'histoire d'amour entre Doc et Clara et en prendre de la graine. Et il va être servi, se prenant quelques claques bien senties au passage. Car dans ce domaine comme dans les autres, Doc ne fait les choses ni comme les autres, ni à moitié (tout comme Zemeckis et Gale qui ont eu le culot d'aller jusqu'au bout de leur idée "folle" comme ils le disent eux-même. A moi, leur idée me paraît très sensée au contraire ah ah ah!)

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61.

Ce que Marty voit, c'est que son ami s'éloigne inexorablement et surtout s'éclate ce qui produit compte tenu de leur différence d'âge un effet d'inversion des rôles générationnels aussi puissant et signifiant que dans le premier film. Deux scènes illustrent particulièrement cette nouvelle configuration plutôt subversive: celle durant le festival de Hill Valley où Marty se retourne pour parler à Doc et constate avec stupéfaction qu'il est parti danser avec Clara. Et celle du lendemain matin où Marty qui est hébergé dans l'atelier de Doc se réveille et constate que ce dernier a découché. 

Lorsque la facette hédoniste de Doc se révèle au grand jour, le choc est si violent pour Marty qu'il passe par toute une gamme d'émotions que Michael J Fox retranscrit avec beaucoup de finesse et que Zemeckis prend le temps de filmer: l'incrédulité ("Doc sait danser?!?!"), la détresse ("il m'abandonne") et même une sorte de colère rentrée ("il s'amuse et pas moi.").

Lorsque la facette hédoniste de Doc se révèle au grand jour, le choc est si violent pour Marty qu'il passe par toute une gamme d'émotions que Michael J Fox retranscrit avec beaucoup de finesse et que Zemeckis prend le temps de filmer: l'incrédulité ("Doc sait danser?!?!"), la détresse ("il m'abandonne") et même une sorte de colère rentrée ("il s'amuse et pas moi.").

Marty est tellement perdu dans ses repères qu'il a un court-circuit.

Marty est tellement perdu dans ses repères qu'il a un court-circuit.

Le coup de grâce, c'est la confrontation du lendemain matin entre un Marty au visage littéralement décomposé et un Doc qui ne cache pas sa joie! 100% jubilatoire même si à l'arrière-plan, la menace de mort plane toujours, telle une épée de Damoclès (une mise en scène qui reprend Pour une poignée de dollars de Sergio Leone).

Le coup de grâce, c'est la confrontation du lendemain matin entre un Marty au visage littéralement décomposé et un Doc qui ne cache pas sa joie! 100% jubilatoire même si à l'arrière-plan, la menace de mort plane toujours, telle une épée de Damoclès (une mise en scène qui reprend Pour une poignée de dollars de Sergio Leone).

62.

Cette inversion n'a pas -en dépit des apparences- le même sens que dans le premier film. Elle révèle l'étendue du vide affectif (et de la frustration sexuelle) dans lequel vit Marty et provoque systématiquement chez lui la même réaction de déni. Marty tourne le dos à ce qui le dérange et "compense" sa frustration en sortant son flingue. Comme le dit Buford Tannen, "s'amuser, c'est pour les mauviettes."

Avant d'aller s'entraîner au tir, Marty ne peut pas s'empêcher de jeter un dernier coup d'oeil à la scène qu'il vient de voir tant elle lui paraît irréelle!

Avant d'aller s'entraîner au tir, Marty ne peut pas s'empêcher de jeter un dernier coup d'oeil à la scène qu'il vient de voir tant elle lui paraît irréelle!

Marty vient surtout de voir qu'un autre monde existe fondé sur la trinité joie-liberté-désir. Un truc de mauviette pour les (gros) frustrés qui ne peuvent y accéder! Quand Buford tente de s'emparer de Clara par la force la première chose que celle-ci lui dit est "J'ai du mal à danser quand mon partenaire a une arme à la main."

Marty vient surtout de voir qu'un autre monde existe fondé sur la trinité joie-liberté-désir. Un truc de mauviette pour les (gros) frustrés qui ne peuvent y accéder! Quand Buford tente de s'emparer de Clara par la force la première chose que celle-ci lui dit est "J'ai du mal à danser quand mon partenaire a une arme à la main."

63.
De plus en plus dépassé par la situation (son ami qui s'échappe et qui lui échappe), Marty essaye de le remettre dans le droit chemin (toujours cette incroyable inversion des rôles qui ne manque pas de sel!). Il lui rappelle avec un sermon bien moralisateur semblable à celui de sa mère en version aigrie qu'il a une épée de Damoclès sur la tête et qu'en tant que scientifique il ne peut pas croire qu'il a un avenir en 1885. Doc n'est pas difficile à convaincre car il est toujours aussi tourmenté par son propre démon intérieur qui lui intime l'ordre de ne pas profiter personnellement de la machine qu'il a créé (voir III). Il décide donc de rompre avec Clara (après lui avoir dit la vérité, utilisant à peu près les mêmes mots que Chiaki "Je viens du futur, je dois retourner dans mon époque", mais sur le moment elle ne le croit évidemment pas) pour suivre Marty.

Et comme tout homme qui vient de s'auto saboter, il va ensuite ruminer ses idées noires au saloon avec l'intention de se prendre une bonne cuite (mais comme les personnages de Capra à qui il ressemble, il bénéficie d'une protection  intérieure contre tous les vices et ne supporte donc pas l'alcool)

Et comme tout homme qui vient de s'auto saboter, il va ensuite ruminer ses idées noires au saloon avec l'intention de se prendre une bonne cuite (mais comme les personnages de Capra à qui il ressemble, il bénéficie d'une protection intérieure contre tous les vices et ne supporte donc pas l'alcool)

Heureusement que le type à côté ira ensuite tout raconter à Clara! (merci le scénario).

Heureusement que le type à côté ira ensuite tout raconter à Clara! (merci le scénario).

De retour dans l'atelier de Doc, Clara découvre la maquette du train et de la DeLoréan, fait le rapprochement avec ce que Doc lui a dit la veille et comprend qu'elle n'a pas une minute à perdre.

De retour dans l'atelier de Doc, Clara découvre la maquette du train et de la DeLoréan, fait le rapprochement avec ce que Doc lui a dit la veille et comprend qu'elle n'a pas une minute à perdre.

64.
L'acte final se déroule donc grandeur nature sur les rails d'une voie de chemin de fer inachevée. Une locomotive lancée à toute vapeur pousse la DeLoréan pour lui faire atteindre les 88 milles à l'heure et la renvoyer en 1985 avant qu'elle ne tombe dans le précipice. Marty est dans la voiture, Doc après avoir chargé la locomotive s'apprête à sauter dans la voiture.

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65.

Sauf que Clara après une course folle contre le temps semblable à celle de Makoto a réussi à monter à bord du train d'extrême justesse: "Si tu ne vois pas arriver celui que tu attends, tu fonces tête baissée pour le retrouver." (La Traversée du temps).

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Clara qui a emprunté l'un des chevaux de Doc arrive juste à temps pour attraper le train en marche avant qu'il ne prenne de la vitesse.

Clara qui a emprunté l'un des chevaux de Doc arrive juste à temps pour attraper le train en marche avant qu'il ne prenne de la vitesse.

N'arrivant pas à faire remarquer sa présence à cause du bruit du train, elle a alors l'idée de tirer sur le sifflet de la locomotive.

N'arrivant pas à faire remarquer sa présence à cause du bruit du train, elle a alors l'idée de tirer sur le sifflet de la locomotive.

66.
Quand Doc l'aperçoit, il n'a pas encore sauté dans la voiture et il fait aussitôt demi-tour pour aller la chercher. Mais la locomotive a atteint le point de non-retour à une vitesse qui s'approche de 140km/h et ils perdent l'équilibre, accrochés aux rebords du flanc de la machine par les mains pour Doc et le bas de sa robe pour Clara. Marty comprend alors qu'ils vont mourir tous les deux. Ce qu'il va pour la dernière fois empêcher. Car sans lui, ni Doc ni Clara n'auraient survécu.

Le périlleux exercice d'équilibristes auquel se livrent Doc et Clara pour parvenir à se rejoindre fait que jusqu'au bout on ne sait pas s'ils vont basculer du côté de la vie ou du côté de la mort. Le funambulisme est au coeur du dernier film de Zemeckis, The Walk sorti en 2015.

Le périlleux exercice d'équilibristes auquel se livrent Doc et Clara pour parvenir à se rejoindre fait que jusqu'au bout on ne sait pas s'ils vont basculer du côté de la vie ou du côté de la mort. Le funambulisme est au coeur du dernier film de Zemeckis, The Walk sorti en 2015.

67.
Au moment le plus critique, Marty a l'idée d'envoyer l'hoverboard à Doc qui peut ensuite récupérer Clara juste au moment où la Deloréan disparaît dans le futur et quelques secondes avant la chute de la locomotive dans le ravin. Une véritable chaîne de transmission qui défie le temps et l'espace (2015 pour l'hoverboard, 1985 pour Marty et la Deloréan, 1885 pour le train).

La planche de salut (c'est dans ce sens là que l'hoverboard est devenu pour moi aussi un objet culte!).

La planche de salut (c'est dans ce sens là que l'hoverboard est devenu pour moi aussi un objet culte!).

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68.
Et c'est ainsi que leurs chemins se séparent définitivement. Marty rentre seul en 1985 laissant derrière lui Doc et Clara qui restent en 1885 (voir III).

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 4
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69.

Beaucoup de fans n'ont jamais digéré cette fin et continuent à réclamer depuis 25 ans au réalisateur Robert Zemeckis un quatrième opus bien régressif (alors qu'il y a déjà pas mal de produits dérivés de ce genre). Même chose du côté des studios qui espèrent remplir leur tiroir-caisse. Zemeckis leur a répondu que tant que lui ou Bob Gale seraient en vie, ils s'y opposeraient farouchement: " Bob Gale est le gardien de l'intégrité de Retour vers le futur. Nous contrôlons ces personnages et n'avons pas l'intention de laisser qui ce soit faire un remake de ces films." Ca les rend fous (...) C'est un succès assuré qui ferait carton plein à son ouverture (...) c'est tout ce qui compte pour eux."  
Rajoutant un brin fataliste "Après notre mort, je suis sûr qu'ils essaieront sauf  si nous trouvons un moyen de l'empêcher."
Alors je leur tire mon chapeau une fois de plus et je leur souhaite une très longue vie.

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Publié le par Rosalie210

I- Marty Mc Fly et son père George: surmonter la fatalité héréditaire

 

1.
"Ca le mettait toujours en boule qu'on le mette dans le même sac que son père" (scénario novélisé de RVLF I).
"Oh ce que tu es nouille! C'est à se demander comment je suis venu au monde." (RVLF I)
"Personne, je dis bien PERSONNE ne me traite de mauviette." (RVLF II)
"Tu ne vas pas perdre tout discernement chaque fois qu'on te traite de quelque chose, c'est à cause de ça que tu auras cet accident dans le futur !" (RVLF III)

La Rock and Roll attitude de Marty c'est d'abord l'envie de tout casser! Et chez qui se défoule-t-il? Chez Doc bien sûr, le seul qui peut comprendre et partager cet état d'esprit. La différence d'âge, "on s'en balance!" (j'avais 12 ans quand j'ai vu le premier RVLF et je me suis tout de suite identifiée à Doc donc je n'ai jamais eu besoin qu'on m'explique comment c'était possible une amitié entre deux personnes d'âge aussi différents).

La Rock and Roll attitude de Marty c'est d'abord l'envie de tout casser! Et chez qui se défoule-t-il? Chez Doc bien sûr, le seul qui peut comprendre et partager cet état d'esprit. La différence d'âge, "on s'en balance!" (j'avais 12 ans quand j'ai vu le premier RVLF et je me suis tout de suite identifiée à Doc donc je n'ai jamais eu besoin qu'on m'explique comment c'était possible une amitié entre deux personnes d'âge aussi différents).

2.
Marty voyage dans le temps parce qu'il y est poussé par les circonstances et non avec le but clairement affiché de changer sa propre vie ou celle de sa famille. C'est le chemin parcouru à la fin de la trilogie qui donne un sens à sa trajectoire.

La première expérience de déplacement dans le temps  de Marty avec la DeLoréan.La lumière blanche est la porte temporelle qui s'ouvre brièvement lorsque se produit une décharge électrique de 1,21 gigawatts dans le convecteur temporel de la machine couplé à un compte/tour de 88 milles à l'heure (environ 140 km/h).
La première expérience de déplacement dans le temps  de Marty avec la DeLoréan.La lumière blanche est la porte temporelle qui s'ouvre brièvement lorsque se produit une décharge électrique de 1,21 gigawatts dans le convecteur temporel de la machine couplé à un compte/tour de 88 milles à l'heure (environ 140 km/h).
La première expérience de déplacement dans le temps  de Marty avec la DeLoréan.La lumière blanche est la porte temporelle qui s'ouvre brièvement lorsque se produit une décharge électrique de 1,21 gigawatts dans le convecteur temporel de la machine couplé à un compte/tour de 88 milles à l'heure (environ 140 km/h).

La première expérience de déplacement dans le temps de Marty avec la DeLoréan.La lumière blanche est la porte temporelle qui s'ouvre brièvement lorsque se produit une décharge électrique de 1,21 gigawatts dans le convecteur temporel de la machine couplé à un compte/tour de 88 milles à l'heure (environ 140 km/h).

3.
Cette trajectoire est indissociable de la relation que Marty entretient avec son père. En dépit de leurs différences apparentes de caractère, les destinées du père et du fils Mc Fly sont profondément liées. Tous deux devront surmonter leur manque de confiance en eux pour pouvoir s'accomplir. Cependant seul le fils voyage dans le temps et peut donc changer la destinée de son père. Comme il s'agit d'un acte contre-nature ("Un gamin qui apprend à son père à être un homme" pour reprendre l'expression de Bob Gale), il lui faudra ensuite s'affranchir de toute référence paternelle (biologique) pour pouvoir exister pleinement par lui-même.

Tu seras un homme mon père/mon fils. Une question virile symbolisée par la main.

Tu seras un homme mon père/mon fils. Une question virile symbolisée par la main.

4.
Au début de l'histoire dans un 1985 non (encore) modifié par les voyages dans le temps, George Mc Fly nous est présenté comme un type absolument pathétique, un pauvre adolescent attardé dans la peau d'un homme de 47 ans, préférant se réfugier dans les rediffusions de vieilles séries TV des années 50 plutôt que de s'affirmer et de s'occuper de sa famille. 
En 1955, George déclare à Marty qu'il ne peut pas inviter Lorraine au bal car sinon il raterait son programme TV préféré, le Petit théâtre de la science-fiction.  En 1985 il regarde une rediffusion d'une autre série TV de 1955, The Honeymooners. Cela donne une idée du degré d'immaturité du personnage et de son incapacité à évoluer...

En 1955, George déclare à Marty qu'il ne peut pas inviter Lorraine au bal car sinon il raterait son programme TV préféré, le Petit théâtre de la science-fiction. En 1985 il regarde une rediffusion d'une autre série TV de 1955, The Honeymooners. Cela donne une idée du degré d'immaturité du personnage et de son incapacité à évoluer...

5.

Soumis, résigné et veule, il subit sans broncher les brimades de son chef de bureau Biff Tannen qui l'humilie et l'exploite (il lui fait notamment rédiger ses rapports dont il s'attribue ensuite la paternité). Pour se justifier aux yeux de son fils consterné il lui dit qu'il "n'a jamais su affronter les situations conflictuelles."

"Allo, allo? Y'a personne au bout du fil?" Effectivement l'esprit de George est plutôt avec les extra-terrestres que sur terre.

"Allo, allo? Y'a personne au bout du fil?" Effectivement l'esprit de George est plutôt avec les extra-terrestres que sur terre.

6.

Toute sa famille subit les conséquences de son comportement irresponsable: sa femme Lorraine est alcoolique, ses deux premiers enfants sont des ratés sans parler de son beau-frère qui est en prison. Leur niveau de vie est modeste et la voiture de Georges, emboutie par Biff est inutilisable.

L'addiction de Lorraine à la vodka n'est que le reflet de toutes les frustrations de sa vie d'adulte, à des années-lumière de son tempérament de feu d'adolescente...

L'addiction de Lorraine à la vodka n'est que le reflet de toutes les frustrations de sa vie d'adulte, à des années-lumière de son tempérament de feu d'adolescente...

7.

Seul Marty, le plus jeune et le plus dynamique des enfants Mc Fly semble vouloir échapper à ce sinistre destin. Cependant son rêve de devenir une rockstar se heurte à l'atavisme familial et social. 

Face aux prédictions de M. Strickland le censeur du lycée de Hill Valley "Votre orchestre doit auditionner. Laissez tomber. Vous n'avez aucune chance. Vous ressemblez trop à votre père. Dans toute l'histoire de Hill Valley aucun Mc Fly n'est jamais arrivé à rien." Marty oppose une autre prédiction "Vous savez l'histoire, elle va changer."

Face aux prédictions de M. Strickland le censeur du lycée de Hill Valley "Votre orchestre doit auditionner. Laissez tomber. Vous n'avez aucune chance. Vous ressemblez trop à votre père. Dans toute l'histoire de Hill Valley aucun Mc Fly n'est jamais arrivé à rien." Marty oppose une autre prédiction "Vous savez l'histoire, elle va changer."

8.
Lorsque Marty passe son audition, son fougueux talent se heurte aussitôt à un jury conservateur et coincé qui l'élimine dès la première minute avec ce verdict: "C'est assourdissant". Le message est clair: Marty n'a aucune chance de s'épanouir artistiquement à Hill Valley.

9.

"Marty, un échec c'est quand même pas la fin du monde".

"Non je dois vraiment pas être fait pour la musique."

"Mais tu es très doué, faut absolument que tu continues, la maquette que tu as faite est super géniale, il faut que tu l'envoies à une maison de disques!" 

Incompris par sa famille, rejeté par le jury local, Marty manifeste des doutes vis à vis de son talent qui handicapent déjà son objectif de réussite. Dans une scène coupée il va jusqu'à s'autocensurer en décidant au dernier moment de ne pas envoyer sa maquette. 

Jennifer est plutôt agréable dans cet épisode. Elle est jouée par une actrice pétillante, elle est positive et bienveillante et ne manifeste pas d'obsession particulière  pour les apparences (Marty est bien plus matérialiste qu'elle avec son obsession du 4x4 bien clinquant destiné à l'impressionner). Mais cela ne va pas durer...

Jennifer est plutôt agréable dans cet épisode. Elle est jouée par une actrice pétillante, elle est positive et bienveillante et ne manifeste pas d'obsession particulière pour les apparences (Marty est bien plus matérialiste qu'elle avec son obsession du 4x4 bien clinquant destiné à l'impressionner). Mais cela ne va pas durer...

10.

C'est dans ce contexte de crise que Marty est projeté 30 ans en arrière, en 1955 et se retrouve confronté à ses parents au même âge que lui. Cette expérience d'un passé qui redevient présent se transforme en moyen de modifier le destin de ses parents (puisque l'on ne peut agir que dans le présent) tout en en apprenant plus sur eux. Au passage il découvre un Hill Valley pimpant, aux antipodes du centre-ville dégradé et dévitalisé de 1985, traduction du désengagement néolibéral de l'Etat et de la croissance des centres commerciaux et lotissements de banlieue.

"Les pieds seraient le point sensible des hommes du futur, c'est peut-être dû à un accroissement de la pesanteur." Effectivement, l'année 1955 apparaît légère comparée à l'année 1985 (crise économique, abandon de l'Etat-providence, explosion de la précarité...)

"Les pieds seraient le point sensible des hommes du futur, c'est peut-être dû à un accroissement de la pesanteur." Effectivement, l'année 1955 apparaît légère comparée à l'année 1985 (crise économique, abandon de l'Etat-providence, explosion de la précarité...)

11.
Il découvre notamment qu'adolescent, son père est déjà le souffre-douleur de Biff Tannen et d'autres élèves du lycée. Face à eux, il se comporte comme un petit garçon impuissant "Ils sont plus grands que moi". Comme le prophétise Goldie Wilson le futur maire de Hill Valley  qui est garçon de café en 1955 "Si tu laisses les gens te marcher dessus, ils te marcheront dessus toute ta vie."

Marty assiste à la scène miroir de celle dont il a été témoin en 1985. Biff utilise exactement les mêmes brimades contre Georges ("Allo, allo? Il y a quelqu'un là-dedans?"; "Tes lacets sont défaits!") et l'exploite de la même manière (sauf qu'au lieu de rédiger ses rapports, il rédige ses devoirs!)

Marty assiste à la scène miroir de celle dont il a été témoin en 1985. Biff utilise exactement les mêmes brimades contre Georges ("Allo, allo? Il y a quelqu'un là-dedans?"; "Tes lacets sont défaits!") et l'exploite de la même manière (sauf qu'au lieu de rédiger ses rapports, il rédige ses devoirs!)

12.
Timide et peu courageux, il est également incapable d'avouer ses sentiments à Lorraine dont il est amoureux. Il préfère jouer les voyeurs caché dans un arbre ce qui consterne Marty, profondément honteux du comportement de son père. En effet il comprend grâce au récit que lui a fait sa mère que c'est à la suite de cet événement peu glorieux qu'il a été percuté par la voiture de son futur beau-père et qu'en le soignant, Lorraine a éprouvé des sentiments pour lui ("l'effet Florence Nightingale" ou l'infirmière qui tombe amoureuse de son patient). Telle la belle au bois dormant (!), George a subi passivement les événements.

Difficile de croire que Marty est le fils de George au vu des brimades incessantes que celui-ci subit sans se défendre ("A mon avis tu as été adopté. Qu'est-ce que ta mère a pu trouver à ce garçon?" lui dit même Doc, consterné par ce spectacle).

Difficile de croire que Marty est le fils de George au vu des brimades incessantes que celui-ci subit sans se défendre ("A mon avis tu as été adopté. Qu'est-ce que ta mère a pu trouver à ce garçon?" lui dit même Doc, consterné par ce spectacle).

Le voyeurisme, indice flagrant d'immaturité et/ou de frustration sexuelle (on retrouve une scène quasi identique dans RVLF II avec Doc à la place de George et des jumelles juste un peu plus futuristes).

Le voyeurisme, indice flagrant d'immaturité et/ou de frustration sexuelle (on retrouve une scène quasi identique dans RVLF II avec Doc à la place de George et des jumelles juste un peu plus futuristes).

Pfff!

Pfff!

13.

Face à ce désastre ambulant qu'est George, la tentation de l'effacer du tableau familial se réalise à deux reprises. Mais loin de libérer Marty, le meurtre de son père menace directement son existence. En 1955 sans le vouloir, Marty empêche ses parents de se rencontrer en se faisant percuter par la voiture à la place de son père. De ce fait il se retrouve dans une situation oedipienne avec sa mère qui entraîne ni plus ni moins que la disparition progressive des enfants Mc Fly.

Marty allongé sur le sol aux pieds de son grand-père et à la place de son père (à gauche) qui s'enfuit

Marty allongé sur le sol aux pieds de son grand-père et à la place de son père (à gauche) qui s'enfuit

Les avances de plus en plus pressantes de Lorraine à Marty mettent celui-ci au supplice!

Les avances de plus en plus pressantes de Lorraine à Marty mettent celui-ci au supplice!

La photo des trois enfants Mc Fly à différents moments du film montrant leur effacement progressif de l'existence.

La photo des trois enfants Mc Fly à différents moments du film montrant leur effacement progressif de l'existence.

14.

En 2015 dans le deuxième film, Marty achète un almanach donnant les résultats des paris sportifs sur les cinquante dernières années dans le but de retourner en 1985 pour s'enrichir plus vite (que ne l'a fait son père avec ses livres et que pourrait donc le faire Marty avec sa musique). Après tout la réussite de son père à la fin du film I, très "années 80" n'est-elle pas imprégnée de matérialisme, laissant entendre que le bonheur vient avec la réussite? 

Comme on peut le voir, les auteurs avaient visé assez juste. Les ordinateurs et TV à tube cathodique sont déjà remplacés dans les foyers par des écrans plats et les cassettes audio ont également disparu.

Comme on peut le voir, les auteurs avaient visé assez juste. Les ordinateurs et TV à tube cathodique sont déjà remplacés dans les foyers par des écrans plats et les cassettes audio ont également disparu.

"Je deviens quoi, une rockstar pleine aux as?" L'obsession de Marty pour l'argent est le reflet de celle de sa famille.

"Je deviens quoi, une rockstar pleine aux as?" L'obsession de Marty pour l'argent est le reflet de celle de sa famille.

15.

Mais l'almanach (confisqué par Doc qui ne veut pas que sa machine serve pour un quelconque profit personnel, voir III) tombe finalement aux mains de Biff Tannen âgé de 77 ans. Celui-ci trouve en cet objet un moyen de changer son destin qui s'est retourné en sa défaveur à la fin de RVLF I. Il vole la Deloréan et remonte donc jusqu'au 12 novembre 1955 (date à laquelle il a été mis KO par George à la fin de RVLF I) pour se le donner à lui-même.

Quand Biff se rencontre lui-même avec 60 ans de plus.

Quand Biff se rencontre lui-même avec 60 ans de plus.

Evidemment, comme ça, facile de devenir un winner!

Evidemment, comme ça, facile de devenir un winner!

L'homme le plus chanceux de la terre, tu parles! Il a dû bien s'amuser Thomas F. Wilson à prendre ces poses frimeuses...

L'homme le plus chanceux de la terre, tu parles! Il a dû bien s'amuser Thomas F. Wilson à prendre ces poses frimeuses...

16.

Lorsque Marty retourne en 1985, il se retrouve dans une réalité autre que celle qu'il a quitté, un 1985 dystopique où Biff, devenu milliardaire et régnant en tyran sur la ville a assassiné George, épousé Lorraine (de nouveau alcoolique et dotée de faux seins), fait interner Doc à l'asile et est sur le point d'assassiner Marty à son tour (avec le pistolet qui a "refroidi" son père). Bref chaque personnage est confronté à la pire version possible de son destin quand Biff trouve le moyen d'accomplir le sien.

Marty avait peut-être besoin de cette leçon mais les scénaristes y sont allés fort!

Marty avait peut-être besoin de cette leçon mais les scénaristes y sont allés fort!

Evidemment la mort de George plonge Marty dans des abîmes de culpabilité. Tuer le père est la pire chose qui pouvait lui arriver.

Evidemment la mort de George plonge Marty dans des abîmes de culpabilité. Tuer le père est la pire chose qui pouvait lui arriver.

"Je ne t'épouserai pas, même pour un million de dollars" dit Lorraine à Biff en 1955. Hélas, son statut d'épouse dépendante économiquement de son mari la pousse à changer d'avis quand George est tué puis à laisser Biff faire ce qu'il veut d'elle et de ses enfants. Effrayant mais instructif: les femmes plus encore que les hommes ont les pires difficultés à faire des choix libres, même quand elles ont de la personnalité et des désirs.

"Je ne t'épouserai pas, même pour un million de dollars" dit Lorraine à Biff en 1955. Hélas, son statut d'épouse dépendante économiquement de son mari la pousse à changer d'avis quand George est tué puis à laisser Biff faire ce qu'il veut d'elle et de ses enfants. Effrayant mais instructif: les femmes plus encore que les hommes ont les pires difficultés à faire des choix libres, même quand elles ont de la personnalité et des désirs.

Dans l'univers de Biff, il n'y a de place que pour la guerre, l'argent et le sexe (il suffit de regarder les devantures des magasins pour s'en rendre compte.) Tout ce qui relève de la science et de la culture est éliminé du paysage et Doc qui est déjà à peine toléré dans la version "normale" de 1985 en fait les frais puisque sa pire crainte se réalise (après tout il n'y a qu'une lettre d'écart entre Hill et "ill").

Dans l'univers de Biff, il n'y a de place que pour la guerre, l'argent et le sexe (il suffit de regarder les devantures des magasins pour s'en rendre compte.) Tout ce qui relève de la science et de la culture est éliminé du paysage et Doc qui est déjà à peine toléré dans la version "normale" de 1985 en fait les frais puisque sa pire crainte se réalise (après tout il n'y a qu'une lettre d'écart entre Hill et "ill").

17.

Il est d'ailleurs frappant de constater à quel point le scénario de Retour vers le futur II a une connotation religieuse: celle de la chute (alors qu'à l'inverse dans le troisième film, c'est le thème de la grâce qui domine.) A l'origine, les deux films n'en formaient qu'un seul et peuvent être vus comme un diptyque. On peut aussi souligner le fait que 2015 et le 1985 alternatif expriment les angoisses des deux Bob quant au futur. Un futur où il ne serait plus possible de créer, ou la logique commerciale et financière aurait tout envahi, aboutissement d'un processus déjà largement avancé dans le 1985 "normal". Un pessimisme qui s'est malheureusement avéré assez réaliste (comme le montre l'ascension de Donald Trump, modèle de Biff Tannen).

Biff Tannen, figure luciférienne centrale du deuxième volet à qui Marty et Doc ont involontairement donné les moyens de bâtir son empire, l'un avec son almanach des résultats sportifs et l'autre avec sa machine à voyager dans le temps. L'argent et la technologie, deux instruments de "damnation". On est loin du climat optimiste du premier film!

Biff Tannen, figure luciférienne centrale du deuxième volet à qui Marty et Doc ont involontairement donné les moyens de bâtir son empire, l'un avec son almanach des résultats sportifs et l'autre avec sa machine à voyager dans le temps. L'argent et la technologie, deux instruments de "damnation". On est loin du climat optimiste du premier film!

Il n'y a également qu'une lettre d'écart entre "Hill" et "Hell" ce qui suggère que la version dystopique de 1985 n'est pas si éloignée que ça de la version normale... .

Il n'y a également qu'une lettre d'écart entre "Hill" et "Hell" ce qui suggère que la version dystopique de 1985 n'est pas si éloignée que ça de la version normale... .

18.

Cette variante de 1985 offre donc un nouveau scénario oedipien par le truchement de Biff, une nouvelle impasse fatale qui ne sera réparée qu'après être retourné en 1955 pour voler et brûler l'almanach maudit avant que celui-ci ne s'en serve.

"C'est de ma faute, tout est de ma faute. Si je n'avais pas acheté ce satané bouquin, rien ne serait arrivé." Une chose est sûre, Marty est vacciné à vie de la tentation de l'argent facile.

"C'est de ma faute, tout est de ma faute. Si je n'avais pas acheté ce satané bouquin, rien ne serait arrivé." Une chose est sûre, Marty est vacciné à vie de la tentation de l'argent facile.

19.

Marty fait aussi d'autres découvertes instructives sur son père en 1955. Ainsi il apprend à sa grande surprise qu'il nourrit comme lui des ambitions artistiques puisqu'il écrit des histoires de science-fiction. Mais il ne veut les faire lire à personne. Et quand Marty lui demande pourquoi, il lui répond qu'il n'ose pas prendre le risque (ben tiens!): "Et si elles ne plaisaient pas aux lecteurs. S'ils me trouvaient nuls?" Soit presque les mêmes mots employés par Marty pour justifier son refus d'envoyer sa maquette à une maison de disques: "Et si j'envoie la cassette et qu'elle ne leur plaît pas! S'ils me trouvent nuls, s'ils disent que je n'ai aucun avenir? Je ne supporterais pas un refus. Je me mets à parler comme mon vieux!" C'est d'autant plus vrai que George dit à propos de Lorraine qu'il ne supporterait pas un refus s'il prenait le risque de l'inviter.

Les ambitions artistiques contrariées du père et du fils Mc Fly sont le reflet de celles de Zemeckis et Gale dont le scénario a essuyé une quarantaine de refus avant d'être finalement produit par Spielberg et Universal.

Les ambitions artistiques contrariées du père et du fils Mc Fly sont le reflet de celles de Zemeckis et Gale dont le scénario a essuyé une quarantaine de refus avant d'être finalement produit par Spielberg et Universal.

20.

En empêchant ses parents de se rencontrer selon les modalités qui les ont conduit au naufrage de leur couple en 1985, Marty s'est mis dans une situation périlleuse mais il donne aussi à ses parents une nouvelle chance de reconstruire leur relation sur des bases plus saines. Dans un saisissant renversement des rôles générationnels (et ce n'est que le début!), Marty devient alors le mentor de son père. Il l'encourage à écrire, à inviter Lorraine au bal, à s'affirmer. 

"Tu crois que je dois jurer ?

Mais oui ! Absolument George, putain jure ! hein !

Après, tu t'approches de moi, tu m'envoies un direct dans l'estomac, je vais au tapis pour le compte, et Lorraine et toi vivrez heureux et vous aurez beaucoup d'enfants.

Comme ça, ça à l'air très facile. Le seul... le seul problème c'est que j'ai une de ces trouilles !

George enfin, y'a aucune raison d'avoir peur, essaye d'avoir un peu confiance en toi !"

"Quand on veut vraiment quelque chose, on finit toujours par y arriver." ou comment la phrase de Doc transmise à Marty est transmise à son tour à George.

"Quand on veut vraiment quelque chose, on finit toujours par y arriver." ou comment la phrase de Doc transmise à Marty est transmise à son tour à George.

21.

Marty monte de toutes pièces une scène destinée à montrer à Lorraine que George peut être un battant, un homme fort capable de se défendre et de protéger celle qu'il aime (c'est ce qu'elle attend d'un homme). Il emmène Lorraine au bal dans la voiture de Doc et sur le parking, s'apprête à l'agresser sexuellement pour que George vienne ensuite la sauver. Mais il est complètement tétanisé par cette situation oedipienne et ne peut rien faire. Dans une scène coupée, il confie même à Doc qu'il a peur de devenir gay. Celui-ci qui se méprend sur le sens du mot (il ne s'est pas encore répandu en 1955 pour désigner l'homosexualité) lui répond "qu'il n'y a pas de mal à être heureux" ce qui est une allusion directe à l'un des réalisateurs préférés de Zemeckis, Billy Wilder et son "Personne n'est parfait." Zemeckis est un cinéaste de la différence et le mot gai désigne à l'origine toutes les personnes qui sortent de la norme.

On se demande effectivement comment Marty va s'en sortir (et les scénaristes ont longtemps buté sur cette scène avant d'imaginer que Lorraine se rende compte par elle-même qu'il n'y a aucun désir qui passe entre elle et lui).

On se demande effectivement comment Marty va s'en sortir (et les scénaristes ont longtemps buté sur cette scène avant d'imaginer que Lorraine se rende compte par elle-même qu'il n'y a aucun désir qui passe entre elle et lui).

22.

Heureusement, le destin (ça doit être jubilatoire parfois d'être scénariste) s'en mêle et remet les choses dans le bon ordre. Au dernier moment l'homme que doit affronter George pour conquérir Lorraine s'avère être Biff qui a éjecté Marty de la voiture et a pris sa place. En effet, à chaque fois qu'un personnage doit faire quelque chose de décisif pour son destin/avenir, il est obligé d'affronter la situation qu'il redoute le plus, quoiqu'il fasse pour y échapper (c'est en effet aussi le cas de Marty et de Doc dans le film III). Or Biff est l'archétype de "l'hétéro beauf" qui concentre toutes les peurs de George et qui est donc l'obstacle à abattre. 

Biff ne connaît que le rapport de forces et ne cesse de harceler Lorraine (Le sexisme est une marque de fabrique de la famille Tannen, pour eux, les femmes sont toutes des p****).

Biff ne connaît que le rapport de forces et ne cesse de harceler Lorraine (Le sexisme est une marque de fabrique de la famille Tannen, pour eux, les femmes sont toutes des p****).

Evidemment après Lorraine, c'est au tour de George de se faire agresser. Thomas F. Wilson, l'acteur qui joue Biff s'est inspiré de sa propre expérience d'ex souffre-douleur pour construire son personnage.

Evidemment après Lorraine, c'est au tour de George de se faire agresser. Thomas F. Wilson, l'acteur qui joue Biff s'est inspiré de sa propre expérience d'ex souffre-douleur pour construire son personnage.

23.

C'est à cette occasion que George découvre le pouvoir de son poing gauche et terrasse Biff. Cet événement change le cours de sa vie. Il conquiert virilement Lorraine, est admiré de tous, réussit une carrière d'écrivain et acquiert un mode de vie bourgeois.

La main gauche de George, symbole de sa force virile retrouvée

La main gauche de George, symbole de sa force virile retrouvée

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 3
La stupéfaction de Lorraine qui découvre que George est un homme selon l'idée qu'elle s'en fait: quelqu'un de fort qui est capable de la protéger. Cette attente préfigure son rôle d'épouse dépendante (financièrement et psychiquement) de son mari et son renoncement au tempérament rebelle de son adolescence qui aurait pu la mener à la liberté.

La stupéfaction de Lorraine qui découvre que George est un homme selon l'idée qu'elle s'en fait: quelqu'un de fort qui est capable de la protéger. Cette attente préfigure son rôle d'épouse dépendante (financièrement et psychiquement) de son mari et son renoncement au tempérament rebelle de son adolescence qui aurait pu la mener à la liberté.

George et Lorraine scellent leur destin au bal de la féérie dansante des sirènes, sorte de rituel de passage entre l'adolescence et l'âge adulte et entre la vie de célibataire et la vie de couple.

George et Lorraine scellent leur destin au bal de la féérie dansante des sirènes, sorte de rituel de passage entre l'adolescence et l'âge adulte et entre la vie de célibataire et la vie de couple.

24.

Lorsque Marty revient en 1985 à la fin de RVLF I il trouve sa famille complètement transformée: ses parents sont riches, amoureux et sûrs d'eux, son frère a réussi socialement, sa sœur accumule les succès amoureux, Biff désormais soumis travaille pour eux  etc. Cette assimilation du bonheur à la réussite sociale des années reaganienne n'est qu'un leurre. Elle est abandonnée dans le film suivant, l'enrichissement étant au contraire l'instrument du malheur. Le film I est le portrait d'une époque sur laquelle les auteurs avaient du recul car ils ne s'y retrouvaient pas. Sinon ils n'auraient pas érigé des moutons noirs en héros ni montré un centre-ville en lambeaux avec du porno à la place des lieux culturels...

Une couverture éloquente qui montre bien le rôle d'entremetteur que Marty "l'extra-terrestre" a joué dans la rencontre de ses parents. Quant au titre "Coup de foudre dans l'espace", il peut s'appliquer à toute la trilogie!
Une couverture éloquente qui montre bien le rôle d'entremetteur que Marty "l'extra-terrestre" a joué dans la rencontre de ses parents. Quant au titre "Coup de foudre dans l'espace", il peut s'appliquer à toute la trilogie!
Une couverture éloquente qui montre bien le rôle d'entremetteur que Marty "l'extra-terrestre" a joué dans la rencontre de ses parents. Quant au titre "Coup de foudre dans l'espace", il peut s'appliquer à toute la trilogie!

Une couverture éloquente qui montre bien le rôle d'entremetteur que Marty "l'extra-terrestre" a joué dans la rencontre de ses parents. Quant au titre "Coup de foudre dans l'espace", il peut s'appliquer à toute la trilogie!

25.

Justement celui qui ne s'y retrouve pas c'est Marty. La réalité qu'il a connu, même s'il n'y était pas bien était la sienne. Celle qu'il découvre lui est étrangère. Et l'on peut souligner le fait que le fossé avec sa famille (son père surtout) ne s'est pas réduit. Celui qui voyage dans le temps ne se transforme pas avec la réalité qu'il transforme. Il reste issu de l'histoire qu'il a quitté. Il n'est donc plus chez lui nulle part et est plus seul que jamais. Comme si en changeant le destin de ses parents, il avait sacrifié le sien. Ce qui est logique en un sens. Marty a joué le rôle du père de son père. Si bien qu'au lieu de s'en s'affranchir et de grandir, il l'a réparé au prix de sa castration symbolique. C'est pourquoi l'enjeu des films 2 et 3 va être celui de propre sauvetage.

Un père qui castre symboliquement son fils en lui coupant la main, thème central d'une autre saga à succès: Star Wars!

Un père qui castre symboliquement son fils en lui coupant la main, thème central d'une autre saga à succès: Star Wars!

Et derrière le père, il y a le père de nos pères et ainsi de suite... C'est une chaîne sans fin.

Et derrière le père, il y a le père de nos pères et ainsi de suite... C'est une chaîne sans fin.

26.

Durant son premier voyage, Marty a pu concrétiser son plus grand rêve l'espace d'un court moment. Il est en effet monté sur scène pour interpréter Johnny B. Goode, le hit de Chuck Berry trois ans avant sa sortie officielle devant un parterre en délire (en 1955 contrairement à 1985, on apprécie le rock!). Ce qui fait de lui l'inventeur (par usurpation) de l'une des plus grandes chansons de rock jamais crées, le cousin de Chuck Berry lui téléphonant pendant la séquence pour lui faire écouter ce "son nouveau". Au passage Marty en profite pour se défouler une fois encore et en imitant le style des plus grands guitaristes, il "repousse les murs".

27.

Pourtant lorsque l'on retrouve Marty âgé de 47 ans dans le 2015 de Retour vers le futur II, il n'a plus rien de rock and roll. C'est un homme courbé, éteint, harassé, qui n'arrive plus à sortir le moindre son harmonieux de son instrument. Que s'est-il donc passé dans sa vie?

Mieux vaut être prévenu: dans la famille Baines-McFly, on aime les barreaux! L'oncle de Marty et frère de Lorraine, Joey Baines incarne cet atavisme familial jusqu'à la caricature puisque bébé il refuse de sortir de son parc et qu'adulte, il sera connu comme "Joey le taulard." Dans la version alternative de 1985 où Biff est tout puissant c'est le frère de Marty, Dave qui devient taulard. Et en 2015, c'est au tour des enfants de Marty de prendre le même chemin.

Mieux vaut être prévenu: dans la famille Baines-McFly, on aime les barreaux! L'oncle de Marty et frère de Lorraine, Joey Baines incarne cet atavisme familial jusqu'à la caricature puisque bébé il refuse de sortir de son parc et qu'adulte, il sera connu comme "Joey le taulard." Dans la version alternative de 1985 où Biff est tout puissant c'est le frère de Marty, Dave qui devient taulard. Et en 2015, c'est au tour des enfants de Marty de prendre le même chemin.

Marty loser ressemble évidemment beaucoup à son père avant sa transformation mais aussi à sa mère en version aigrie (alcoolisme excepté).

Marty loser ressemble évidemment beaucoup à son père avant sa transformation mais aussi à sa mère en version aigrie (alcoolisme excepté).

28.

Le premier film prophétise déjà le funeste destin de Marty lorsqu'il commence à effacer sa main, l'empêchant de jouer de la guitare. Choix tout sauf anodin car lui couper la main revient à lui couper les ailes, à le priver d'avenir.

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 3

29.

Dans le deuxième film, on découvre que juste après son retour en 1985 il a encastré le 4x4 offert par son père dans une Roll's Royce. A la suite de cet accident il a perdu l'usage de sa main et a dû abandonner la musique.

La reconstitution de l'accident fatal à Marty. L'ironie de l'histoire veut que le 4x4 fatal soit justement celui qui attise tant sa convoitise dans le film I...

La reconstitution de l'accident fatal à Marty. L'ironie de l'histoire veut que le 4x4 fatal soit justement celui qui attise tant sa convoitise dans le film I...

30.
Devenu un obscur employé de bureau comme son père en version loser avant d'être rapidement licencié par son patron, Marty habite à Hilldale, la banlieue soi-disant de "rêve" vantée par les panneaux publicitaires de 1985. Et comme Marty est bien conditionné, quand il apprend qu'il y vivra en 2015, il s'en réjouit. Seulement entre-temps, elle est devenue une "bidonzone", à l'image de la ghettoïsation de Lyon Estates, la banlieue où il a grandi et que les panneaux publicitaires de 1955 vendaient comme le must de l'American way of life. Bref en se soumettant aux diktat de la société dans laquelle il vit, Marty passe complètement à côté de sa vie.

La critique de la société américaine permise par les voyages temporels est une des choses que je trouve parmi les plus réjouissantes de toutes. Rien de tel que de se projeter 30 ans plus tard pour démonter un rêve de pacotille.  Le lotissement Lyon  est celui où vit la famille Mc Fly en 1985 dans une maison identique à celle de l'affiche.

La critique de la société américaine permise par les voyages temporels est une des choses que je trouve parmi les plus réjouissantes de toutes. Rien de tel que de se projeter 30 ans plus tard pour démonter un rêve de pacotille. Le lotissement Lyon est celui où vit la famille Mc Fly en 1985 dans une maison identique à celle de l'affiche.

Lyon Estates en 1985, banlieue miteuse très loin du rêve vanté par l'affiche. Et en 2015 c'est carrément la zone.

Lyon Estates en 1985, banlieue miteuse très loin du rêve vanté par l'affiche. Et en 2015 c'est carrément la zone.

Mais qu'à cela ne tienne! L'histoire est un éternel recommencement et Marty est prêt à tomber dans même panneau que ses parents. (La maison représentée est celle où on le voit vivre en 2015 avec Jennifer dans RVLF II.)

Mais qu'à cela ne tienne! L'histoire est un éternel recommencement et Marty est prêt à tomber dans même panneau que ses parents. (La maison représentée est celle où on le voit vivre en 2015 avec Jennifer dans RVLF II.)

"Si l’épisode précédent permettait à Marty de réparer les erreurs passées de ses parents, il se retrouve cette fois confronté à la vision de ses propres erreurs futures potentielles". (Jerôme Muslewski, On rembobine.fr, Retour vers le futur II)

"Si l’épisode précédent permettait à Marty de réparer les erreurs passées de ses parents, il se retrouve cette fois confronté à la vision de ses propres erreurs futures potentielles". (Jerôme Muslewski, On rembobine.fr, Retour vers le futur II)

31.
Marty est donc devenu en 2015 le clone de son père en version loser comme si rien n'avait changé depuis le début du premier film, comme si l'histoire bégayait inlassablement. Jennifer l'a épousé parce qu'elle avait pitié de lui (exactement comme Lorraine avec George dans la première version de leur histoire de couple). Si bien qu'en 2015 son couple périclite et ses enfants ne lui parlent quasiment plus à l'image de la famille Mcfly de la première version de 1985.

"Qu'est-ce qui nous arrive dans le futur ? On va devenir des vieux cons ou quelque chose comme ça ?" Lorsque Marty pose cette question à Doc à la fin du premier film, il lui dit immédiatement non (car il ne devait pas y avoir de suite). Lorsqu'il lui repose la question au début du deuxième film (qui commence par la reconstitution de la scène finale du film 1), Doc cette fois hésite à répondre car il sait que Jennifer et Marty sont effectivement devenus des "vieux cons".

"Qu'est-ce qui nous arrive dans le futur ? On va devenir des vieux cons ou quelque chose comme ça ?" Lorsque Marty pose cette question à Doc à la fin du premier film, il lui dit immédiatement non (car il ne devait pas y avoir de suite). Lorsqu'il lui repose la question au début du deuxième film (qui commence par la reconstitution de la scène finale du film 1), Doc cette fois hésite à répondre car il sait que Jennifer et Marty sont effectivement devenus des "vieux cons".

32.

Tout ceci fait la joie du vieux Biff Tannen qui rumine depuis 60 ans sa vengeance et qui est trop heureux d'accabler le fils de l'homme qui l'a humilié en 1955: "Ton père est un pauvre type, M. Loser. Loser avec un grand L." dit-il à celui qu'il croit être Marty junior et qui est en fait le Marty de 1985 projeté en 2015.

Le Marty de 1985 s'étant déguisé en son propre fils (à qui il ressemble comme deux gouttes d'eau puisque c'est lui qui interprète les deux rôles), Biff le confond avec lui lorsqu'il lui parle de son père de 47 ans Marty senior. On peut constater que Marty junior se fait maltraiter à longueur de journée par les Tannen, l'atavisme familial jouant alors à plein son rôle de génération en génération. Dé-ses-pé-rant.

Le Marty de 1985 s'étant déguisé en son propre fils (à qui il ressemble comme deux gouttes d'eau puisque c'est lui qui interprète les deux rôles), Biff le confond avec lui lorsqu'il lui parle de son père de 47 ans Marty senior. On peut constater que Marty junior se fait maltraiter à longueur de journée par les Tannen, l'atavisme familial jouant alors à plein son rôle de génération en génération. Dé-ses-pé-rant.

33.

Rien ne semble pouvoir éclairer le sombre tableau familial des Mc Fly. Marty junior, le fils de Marty, est -comme George en 1955- un gamin immature, peureux, toujours plongé dans la TV, tyrannisé et manipulé par Griff Tannen le petit-fils de Biff. Ce dernier l'implique dans de sales coups qui doivent le faire condamner à 15 ans de prison, rejoint peu après par Marlene sa sœur jumelle qui avait voulu le faire évader et qui elle en prend pour 20 ans! (dans une autre version du scénario, elle se suicide). 

Un dîner familial chez les Mc Fly en 2015 qui n'est pas sans rappeler celui de 1985 au début du premier film avec la junkfood et les lunettes connectées qui comme la TV en 1985 empêchent de communiquer.

Un dîner familial chez les Mc Fly en 2015 qui n'est pas sans rappeler celui de 1985 au début du premier film avec la junkfood et les lunettes connectées qui comme la TV en 1985 empêchent de communiquer.

34.

Le fait que Michael J. Fox joue les trois rôles (le père et ses deux enfants) est lourd de sens sur l'avenir bouché qui les attend. En effet la seule famille où un acteur joue tous les rôles est celle de Biff Tannen (Buford l'aïeul de 1885, Biff à 17, 47 et 77 ans, son petit-fils Griff et même la voix de sa grand-mère qui semble être la seule personne à l'élever dans un vide familial et identitaire intersidéral.) Une famille maudite à travers les âges, brutes sans cervelle de père en fils sans espoir d'évolution possible. 

Un homme qui se reproduit ainsi à l'identique de génération en génération illustre son incapacité à évoluer et la prison mentale dans laquelle il s'est enfermé sous la coupe symbolique de son propre père dont il n'a pas su se défaire.

Un homme qui se reproduit ainsi à l'identique de génération en génération illustre son incapacité à évoluer et la prison mentale dans laquelle il s'est enfermé sous la coupe symbolique de son propre père dont il n'a pas su se défaire.

35.

Quant à Jennifer, aaaah Jennifer, c'est l'archétype de la girlfriend made in années 80 dont toutes les préoccupations tournent à partir de RVLF II autour des signes extérieurs de richesse. En cela elle est bien le pendant féminin du côté matérialiste et conformiste de la personnalité de Marty qui par ailleurs comme nous le savons possède aussi une personnalité rebelle qui comme celle de sa mère est "rentrée dans le rang". Ce qui la consterne dans RVLF II c'est moins de voir son mari anéanti que le fait d'avoir fait un mariage minable (au sens pécunier du terme). Bref l'illustration parfaite de la dépendance matérialiste qui tue tout espèce de joie, de liberté et de désir (je parle des vrais désirs et non des pâles ersatz que propose la société de consommation "on nous inflige, des désirs qui nous affligent...").

Jennifer rencontre Jennifer

Jennifer rencontre Jennifer

36.

Seule l'intervention du Marty fringant de 1985 (avant l'accident qui lui a coûté sa main) informé et épaulé par Doc qui est allé le chercher après avoir suivi toute l'histoire en se déplaçant dans le temps permet d'empêcher la chute définitive de toute sa lignée.

Avant l'intervention de Marty et de Doc

Avant l'intervention de Marty et de Doc

Et après leur intervention. Comme très souvent dans la trilogie, ce sont les journaux qui témoignent des modifications du destin des personnages.

Et après leur intervention. Comme très souvent dans la trilogie, ce sont les journaux qui témoignent des modifications du destin des personnages.

37.

Cette intervention ne règle pas la situation de Marty. Les raisons du naufrage de sa vie sont exposées au début du deuxième film par Lorraine sa mère

"Le gros problème de ton père Marlene, c'est qu'il perd son sang-froid quand on le traite de mauviette. Combien de fois l'a-t-on entendu dire: "Maman, je ne veux pas qu'il croie que je suis une mauviette." Il y a 30 ans, ton père a essayé de prouver qu'il n'était pas une mauviette. Il a fini par avoir un accident de voiture (...) cet accident a causé une réaction en chaîne et a gâché la vie de Marty. Sinon la vie de ton père aurait été différente. Le type n'aurait pas porté plainte, Marty ne se serait pas cassé la main, il aurait continué à jouer et n'aurait pas passé sa vie à se lamenter." 

Et pour en rajouter une couche Needles (celui qui entraîne Marty dans la course de voiture qui provoque l'accident) n'est autre que le bassiste du groupe Red hot chili peppers. Dur dur de résister, surtout quand on a une fierté virile mal placée. Pour mémoire, Buzz défie Jim Stark dans la Fureur de vivre en employant exactement le même mot, provoquant leur duel au couteau, puis la course de voitures qui lui sera fatale.

Et pour en rajouter une couche Needles (celui qui entraîne Marty dans la course de voiture qui provoque l'accident) n'est autre que le bassiste du groupe Red hot chili peppers. Dur dur de résister, surtout quand on a une fierté virile mal placée. Pour mémoire, Buzz défie Jim Stark dans la Fureur de vivre en employant exactement le même mot, provoquant leur duel au couteau, puis la course de voitures qui lui sera fatale.

38.

Le complexe de Marty est apparu immédiatement après son premier voyage temporel dans le premier film. Inutile de s'étendre sur le pourquoi de ce rapport désormais pathologique à la virilité, c'est une conséquence de l'inversion des rôles père-fils du film I. Marty est littéralement enfermé dans ce schéma autodestructeur, Marlene le dit d'ailleurs au début du film II: " Quand le réparateur a traité papa de mauviette, papa l'a jeté hors de la maison. Personne ne va le réparer." 

Et c'est qui le chef de bureau de Marty? Needles bien sûr qui a fait de Marty son souffre-douleur comme Biff l'avait fait avec son père 30 ans plus tôt! L'histoire se répète décidément inlassablement, mécaniquement quand on ne fait rien pour secouer le joug qui nous écrase...

Et c'est qui le chef de bureau de Marty? Needles bien sûr qui a fait de Marty son souffre-douleur comme Biff l'avait fait avec son père 30 ans plus tôt! L'histoire se répète décidément inlassablement, mécaniquement quand on ne fait rien pour secouer le joug qui nous écrase...

39.

Dans le troisième film situé en 1885, Marty retombe évidemment dans les mêmes ornières. Sauf que cette fois-ci dans le contexte du Far West ce n'est plus son bonheur qui est en jeu mais sa vie. Pour sauver Doc que Buford Tannen s'apprête à tuer, il s'interpose (avec un frisbee!) et finit par accepter un duel avec celui-ci après avoir été traité de "yellow belly" ("trouillard" en français). 

Pour dissimuler son identité aux Mc Fly de 1885, Marty s'éclate en se faisant appeler Clint Eastwood (en référence au célèbre acteur des westerns spaghettis de Sergio Leone). Jusqu'au moment où il découvre son nom sur la photo de la tombe à la place de celui de Doc.

Pour dissimuler son identité aux Mc Fly de 1885, Marty s'éclate en se faisant appeler Clint Eastwood (en référence au célèbre acteur des westerns spaghettis de Sergio Leone). Jusqu'au moment où il découvre son nom sur la photo de la tombe à la place de celui de Doc.

Le croque-mort lui fait manifestement comprendre que sa dernière heure est arrivée, un hommage à Pour une poignée de dollars de Sergio Leone avec les cercueils qui attendent leurs "heureux" propriétaires.

Le croque-mort lui fait manifestement comprendre que sa dernière heure est arrivée, un hommage à Pour une poignée de dollars de Sergio Leone avec les cercueils qui attendent leurs "heureux" propriétaires.

40.
RVLF III marque un retour aux origines (celles qui sont inscrites dans les deuxièmes prénoms de Marty et de Doc, Seamus et Lathrop voir III). C'est aussi bien un voyage spirituel qu'une plongée au coeur des pulsions. On y retrouve la problématique (exacerbée) du premier film. Face à un ennemi qui se comporte comme un chien enragé (le surnom de Buford est "Mad dog" ou "Molosse" en français), Marty s'enferme dans l'attitude du (com)battant qui en réalité s'abaisse au niveau de son adversaire, la seule alternative qu'il connaisse étant celle de la mauviette (= celui qui n'a rien dans le pantalon). L'influence déterminante du Docteur Folamour de Kubrick (voir préambule et III) joue ici à plein son rôle. Le flingue est un substitut phallique censé prouver la toute-puissance de celui qui le possède mais qui en réalité le dépossède de tout ce qui vaut la peine d'être vécu.

Marty prépare son duel en reprenant la célèbre scène du film Taxi Driver ("You're talking to me?") et la réplique culte de L'inspecteur Harry (Clint Eastwood, encore...) "Vas-y, qu'est-ce que t'attends? Fais-moi plaisir..." Des répliques pleines de testostérone!

Marty prépare son duel en reprenant la célèbre scène du film Taxi Driver ("You're talking to me?") et la réplique culte de L'inspecteur Harry (Clint Eastwood, encore...) "Vas-y, qu'est-ce que t'attends? Fais-moi plaisir..." Des répliques pleines de testostérone!

Tannen représente dans les trois films les pires aspects de la personnalité de Marty.

Tannen représente dans les trois films les pires aspects de la personnalité de Marty.

41.

Heureusement sa rencontre avec Seamus, son arrière-arrière grand-père irlandais fraîchement immigré aux Etats-Unis va contribuer à le sauver. Contrairement à George, Seamus est un homme mature, sage et avisé. C'est lui qui va donner à Marty les conseils du père dont il a besoin pour grandir.

Et encore un rôle pour Michael J Fox qui aura joué presque tous les hommes de la famille Mc Fly (et même une femme!) Seamus est le deuxième prénom de Marty ce qui conduit à penser qu'il rencontre en fait une part de lui-même qu'il ignore.

Et encore un rôle pour Michael J Fox qui aura joué presque tous les hommes de la famille Mc Fly (et même une femme!) Seamus est le deuxième prénom de Marty ce qui conduit à penser qu'il rencontre en fait une part de lui-même qu'il ignore.

"Vous l'aviez eu monsieur Eastwood, vous n'aviez qu'à tourner les talons, vous auriez gardé l'estime de tout le monde, il n'en serait resté que des mots en l'air, des vantardises de fiers à bras. Au lieu de ça vous l'avez laissé... vous échauffer la bile, il vous a amené à jouer son jeu, avec ses règles à lui". Seamus montre l'exemple en ne répondant jamais à Buford Tannen qui le traite de "pied-tendre" sans pour autant apparaître veule ou lâche. Il l'ignore tout simplement.

"Vous l'aviez eu monsieur Eastwood, vous n'aviez qu'à tourner les talons, vous auriez gardé l'estime de tout le monde, il n'en serait resté que des mots en l'air, des vantardises de fiers à bras. Au lieu de ça vous l'avez laissé... vous échauffer la bile, il vous a amené à jouer son jeu, avec ses règles à lui". Seamus montre l'exemple en ne répondant jamais à Buford Tannen qui le traite de "pied-tendre" sans pour autant apparaître veule ou lâche. Il l'ignore tout simplement.

42.

Seamus lui révèle également le triste sort de son arrière-arrière grand-oncle, un certain Martin Mc Fly (pour rappel Marty est le diminutif de Martin):

"Il me rappelle le pauvre Martin.

Qui ça ?

Mon frère.

Attendez une minute, attendez. Vous a... vous avez un frère qui s'appelle Martin McFly ?

J'avais un frère. Martin laissait n'importe qui le provoquer en duel. Il redoutait que les gens le prennent pour un froussard s'il avait refusé. Et on l'a retrouvé avec un poignard planté dans l'estomac dans un saloon de Virginia City.

Jamais il n'imaginait l'avenir ce pauvre Martin. Que Dieu veille sur son âme !"

La famille McFly en 1885 avec Seamus (assis devant) et son fils William (debout à l'arrière). Au début de RVLF III Doc et Marty se rendent à la bibliothèque de Hill Valley pour consulter les archives municipales de la fin du 19° ce qui est un moyen d'évoquer leurs origines.

La famille McFly en 1885 avec Seamus (assis devant) et son fils William (debout à l'arrière). Au début de RVLF III Doc et Marty se rendent à la bibliothèque de Hill Valley pour consulter les archives municipales de la fin du 19° ce qui est un moyen d'évoquer leurs origines.

"Vois comme le bébé l'aime bien, d'habitude William n'aime pas les étrangers. C'est un peu comme si il avait des liens avec lui.  Ca va William ? Alors comme ça tu es mon arrière-grand-père, tu es le premier McFly né en Amérique... et tu m'as fait pipi dessus."

"Vois comme le bébé l'aime bien, d'habitude William n'aime pas les étrangers. C'est un peu comme si il avait des liens avec lui. Ca va William ? Alors comme ça tu es mon arrière-grand-père, tu es le premier McFly né en Amérique... et tu m'as fait pipi dessus."

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Marty espère longtemps échapper au duel en réussissant à quitter le Hill Valley de 1885 avant qu'il ait lieu. Mais pour évoluer, il doit affronter la situation (comme l'a fait son père face à Biff en 1955). Son départ est donc retardé, essentiellement à cause des errements de Doc confronté lui aussi à un choix crucial pour son avenir (voir II et III). Si bien que le jour j et l'heure h (moins 5 minutes mais Buford ne sait pas lire...) il se retrouve dans le saloon de la ville avec Buford qui l'attend dehors et tous les clients qui ont parié sur lui et le mettent sous pression. Et c'est là qu'à lieu le déclic. Parce qu'il a changé d'identité (donc de filiation) il peut s'offrir la liberté de dire non:

"Partout, tout le monde dira que Clint Eastwood est le pétochard qui a le plus les foies de l'Ouest (...)

"C'est un sale con! Ce que dit Tannen, je m'en fiche, et je me fiche bien de ce que peuvent dire les autres !"

Marty coincé par le coma éthylique de Doc est face à son destin (symbolisé par l'horloge) avec Seamus au premier plan qui sent que ce moment est important pour l'avenir de la lignée McFly.

Marty coincé par le coma éthylique de Doc est face à son destin (symbolisé par l'horloge) avec Seamus au premier plan qui sent que ce moment est important pour l'avenir de la lignée McFly.

Marty sent que cette fois, il joue sa vie et il ne dissimule pas sa peur.

Marty sent que cette fois, il joue sa vie et il ne dissimule pas sa peur.

44.

Marty est finalement obligé d'affronter Buford qui a pris Doc en otage mais il trouve une ruse pour ne pas se laisser prendre au piège. Il jette son arme (son fardeau héréditaire) à terre et survit à la balle que lui envoie son adversaire. En effet il se confectionne un gilet pare-balles de fortune à la manière de son mentor spirituel, Clint Eastwood dans Une poignée de dollars de Sergio Leone (dont Biff regarde un extrait dans le deuxième film). Après avoir neutralisé définitivement Buford qui est enfin arrêté, il fait don de son arme (un colt pacificateur, la bonne blague!) à Seamus. Celui-ci va immédiatement le changer contre un nouveau chapeau. Fin de l'histoire.

Quand Marty jette son arme à terre (sans jamais l'avoir utilisée), il jette aussi le fardeau qui l'obligeait par un réflexe quasi-pavlovien à défendre son honneur et celui de son père. C'est ainsi qu'il gagne enfin sa liberté.

Quand Marty jette son arme à terre (sans jamais l'avoir utilisée), il jette aussi le fardeau qui l'obligeait par un réflexe quasi-pavlovien à défendre son honneur et celui de son père. C'est ainsi qu'il gagne enfin sa liberté.

Le recours au gilet pare-balles est aussi une référence implicite à Doc qui a utilisé le même procédé dans le premier film pour survivre aux balles des libyens. Autre trait commun, Doc s'est fait tirer dessus après avoir jeté son arme à terre, une arme qui ne fonctionnait évidemment pas. Le cimetière dans lequel se trouve sa tombe dans le film 3 s'intitule d'ailleurs le "cimetière des ratés de la gâchette" ah ah ah!

Le recours au gilet pare-balles est aussi une référence implicite à Doc qui a utilisé le même procédé dans le premier film pour survivre aux balles des libyens. Autre trait commun, Doc s'est fait tirer dessus après avoir jeté son arme à terre, une arme qui ne fonctionnait évidemment pas. Le cimetière dans lequel se trouve sa tombe dans le film 3 s'intitule d'ailleurs le "cimetière des ratés de la gâchette" ah ah ah!

Merci qui? Merci Clint! (Un tour de passe-passe caractéristique de la saga)

Merci qui? Merci Clint! (Un tour de passe-passe caractéristique de la saga)

45.

Au terme de ce voyage initiatique, Marty retourne en 1985 et reçoit comme cela avait été le cas pour son père une seconde chance. Il revit la scène de l'accident et cette fois, ne répond pas à la provocation, sauvant ainsi sa main et son avenir.

"Tu me crois pas assez bête pour faire la course avec ce taré ? (...)

La vache ! J'aurais percuté la Rolls Royce !"

Comme un petit air de James Dean dans la Fureur de vivre... En arrière-plan, le quartier de Hilldale où Marty et Jennifer sont censés vivre en 2015.

Comme un petit air de James Dean dans la Fureur de vivre... En arrière-plan, le quartier de Hilldale où Marty et Jennifer sont censés vivre en 2015.

Au lieu de foncer tout droit, cette fois Marty fait demi-tour.

Au lieu de foncer tout droit, cette fois Marty fait demi-tour.

Et c'est ainsi que son 4X4 ne s'encastre pas dans la Rolls Royce blanche.

Et c'est ainsi que son 4X4 ne s'encastre pas dans la Rolls Royce blanche.

46.

Ayant retrouvé l'intégralité de ses capacités, Marty a désormais toutes les cartes en main pour percer dans la musique et dire bye bye à Hill Valley et à tout ce qui va avec. D'autant qu'il a reçu un précieux sésame de la part de Doc. Un personnage crucial pour Marty qui a besoin de s'identifier à un autre modèle que celui de sa famille biologique. Encore faut-il que Doc fasse sa révolution copernicienne et change de statut, de rôle, de place.

Je n'avais pas d'affection particulière pour Marty dans les années 80-90 mais aujourd'hui je le considère comme un de mes élèves dont je me plais à imaginer l'avenir (le plus beau possible évidemment et ni Hill Valley, ni Jennifer ne font partie du décor)!

Je n'avais pas d'affection particulière pour Marty dans les années 80-90 mais aujourd'hui je le considère comme un de mes élèves dont je me plais à imaginer l'avenir (le plus beau possible évidemment et ni Hill Valley, ni Jennifer ne font partie du décor)!

En guise de conclusion, Doc donne à Marty la photo dédicacée de leur aventure et lui rappelle que l'avenir n'est pas écrit, qu'il a son destin en main et qu'il sera ce qu'il en fera.

En guise de conclusion, Doc donne à Marty la photo dédicacée de leur aventure et lui rappelle que l'avenir n'est pas écrit, qu'il a son destin en main et qu'il sera ce qu'il en fera.

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Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 2

Publié le par Rosalie210

Introduction

L'histoire (1)

26 octobre 1985. Martin Seamus Mc Fly surnommé "Marty" est un lycéen de 17 ans passionné de rock et de skate. Il joue dans un groupe, les Pinheads, et rêve de devenir une rockstar. Il semble en décalage avec une famille de losers complètement ringarde dans laquelle il souffre et une petite ville bien plan-plan dans laquelle il étouffe. Pour y échapper, il se réfugie chez Emmett Lathrop Brown dit Doc, un  (apparemment) vieux scientifique excentrique et solitaire, en décalage avec le monde qui l'entoure lui aussi. Ce dernier met au point une machine permettant de voyager dans le temps à partir d'une Deloréan modifiée. C'est le point de départ de toute la saga.

Mon premier rêve d'être une rockstar, mon second rêve de voyages extraordinaires et mon troisième est la baguette magique qui permet de les réaliser!

Mon premier rêve d'être une rockstar, mon second rêve de voyages extraordinaires et mon troisième est la baguette magique qui permet de les réaliser!

L'histoire (2)
Quel est le véritable sujet de RVLF?
Autant s'y habituer, pour comprendre ce qui est essentiel dans cette saga (et en quoi celle-ci est essentielle et certainement pas anecdotique), il faut décrypter l'image et regarder attentivement ce qui se trouve dans ses coins, ses marges (ou parfois au centre mais toujours de façon "codée").
Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 2

Dans la chambre de Lorraine (la mère de Marty) adolescente se trouve un recueil de poèmes les "Sonnets portugais" d'Elizabeth Barrett Browning. Cette poétesse de l'époque victorienne a vécu cloîtrée dans sa chambre jusqu'à l'âge de 40 ans. Officiellement elle avait une santé fragile et était paralysée. En réalité ses maux d'origine hystériques étaient dûs à des traumatismes (mort de sa mère, de son frère préféré) et à l'oppression exercée par son père tout-puissant. Il voulait garder ses enfants près de lui et exerçait un subtil chantage affectif sur eux afin qu'ils ne se marient pas. Elisabeth avait parfaitement intégré les besoins de son père auxquels elle répondait par sa maladie qui permettait à celui-ci de la maintenir à l'état de petite fille. Sa situation était si désespérée qu'elle se voyait déjà enterrée. L'oeuvre d'Elisabeth est devenue son seul contact avec le monde extérieur. Elle a tant touchée le poète Robert Browning qu'il a débuté une correspondance avec elle puis a fait des pieds et des mains pour pouvoir la rencontrer. Ils finissent par se marier clandestinement et s'enfuir en Italie. Comme par hasard, les troubles hystériques d'Elisabeth disparaissent une fois libérée de sa prison, mariée et établie en Italie. Evidemment après cette "trahison", son père n'a plus jamais voulu lui adresser la parole: "Aucun de ses enfants ne se mariera jamais sans rupture."

Des personnages enfermés dans une prison physique et mentale sans issue apparente et qui cherchent et parfois parviennent à s'en évader grâce à leur créativité, voilà le véritable sujet de RVLF. "Vous êtes maîtres de votre vie et qu'importe votre prison, vous en avez les clés."(Le Dalaï-Lama).

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 2
Le cadre: Hill Valley morne plaine
Alors que les voyages dans le temps sont au coeur de la saga, les personnages restent en effet enfermés dans un périmètre très étroit, celui de la ville fictive de Hill Valley située en Californie du nord. C'est un espace clos sur lui-même où le temps s'est arrêté et où les personnages tournent en rond depuis des générations. L'omniprésence des scènes nocturnes dans des culs de sac (garages, ruelles étroites, parkings, stations service...) renforce cette impression de confinement. Du moins jusqu'au troisième volet où, sans déroger à l'unité de lieu, l'espace s'ouvre, laissant passer l'air et la lumière.
Le seul soleil radieux du premier film est sur la plaque d'immatriculation de la Deloréan tout comme ceux du deuxième qui se trouvent sur les chemises hawaïennes de Doc, le tout annonçant le "je pars m'éclater au soleil" du troisième film. Ce qui me rappelle une anecdote personnelle. Un jour où j'étais coincée dans une situation particulièrement claustrophobique, l'un des membres du petit groupe dans lequel je me trouvais m'a alors proposé une solution-devinette en 4 lettres C--O. J'ai proposé "Ciao" et il m'a répondu: "non, Clio [sa voiture de l'époque]: mais c'est la même chose", ah ah ah!

Le seul soleil radieux du premier film est sur la plaque d'immatriculation de la Deloréan tout comme ceux du deuxième qui se trouvent sur les chemises hawaïennes de Doc, le tout annonçant le "je pars m'éclater au soleil" du troisième film. Ce qui me rappelle une anecdote personnelle. Un jour où j'étais coincée dans une situation particulièrement claustrophobique, l'un des membres du petit groupe dans lequel je me trouvais m'a alors proposé une solution-devinette en 4 lettres C--O. J'ai proposé "Ciao" et il m'a répondu: "non, Clio [sa voiture de l'époque]: mais c'est la même chose", ah ah ah!

Hill Valley est l'archétype de la petite ville américaine hyper-conformiste où règne l'American way of life dans toute sa splendeur. Le fait de ne pouvoir s'en échapper me fait toujours penser à Truman Burbank coincé à Sea Heaven dans le film de Peter Weir The Truman Show. Et la cause de son enfermement, c'est un Dieu-père tout puissant qui contrôle toute sa vie et dont il doit se libérer, quitte à en mourir. Pas très différent de la quête de nos héros évidemment (le choix d'un temple greco-romain comme centre de "gravité" de la ville est à lui seul un sacré signe!)...

Hill Valley est l'archétype de la petite ville américaine hyper-conformiste où règne l'American way of life dans toute sa splendeur. Le fait de ne pouvoir s'en échapper me fait toujours penser à Truman Burbank coincé à Sea Heaven dans le film de Peter Weir The Truman Show. Et la cause de son enfermement, c'est un Dieu-père tout puissant qui contrôle toute sa vie et dont il doit se libérer, quitte à en mourir. Pas très différent de la quête de nos héros évidemment (le choix d'un temple greco-romain comme centre de "gravité" de la ville est à lui seul un sacré signe!)...

Le contexte du Far West du troisième volet élargit considérablement le cadre, Hill Valley (réduite à quelques baraques en construction pour la plupart) apparaissant soudain toute petite dans l'immensité des grands espaces. Comme le dit Wim Wenders à propos du héros de Paris Texas "C'est l'histoire d'un homme né dans un paysage trop petit pour lui." Et qui doit donc l'élargir "Il faut voir grand dans la vie!" (Doc à Marty, RVLF I)

Le contexte du Far West du troisième volet élargit considérablement le cadre, Hill Valley (réduite à quelques baraques en construction pour la plupart) apparaissant soudain toute petite dans l'immensité des grands espaces. Comme le dit Wim Wenders à propos du héros de Paris Texas "C'est l'histoire d'un homme né dans un paysage trop petit pour lui." Et qui doit donc l'élargir "Il faut voir grand dans la vie!" (Doc à Marty, RVLF I)

Un carburant nommé désir (1)

Pour quelle raison malgré ses 30 ans la saga n'a-t-elle pas pris une ride? C'est parce qu'elle déborde d'énergie! Tous ceux qui y ont participé à commencer par les acteurs se sont donnés sans compter. Par exemple Michael J. Fox a tourné le premier film en 12 semaines essentiellement la nuit en même temps qu'une série TV le jour. Il ne lui restait que quelques heures pour dormir. De même Robert Zemeckis, le réalisateur a vécu une période de cinq mois tout aussi dingue en 1989 où pendant qu'il tournait le jour Retour vers le futur III, il montait la nuit Retour vers le futur II, faisant des dizaines d'allers-retours en jet privé entre les studios d'Hollywood et la Californie du nord.

Pauvre Michael J. Fox, ça ne se voit pas du tout qu'il est complètement décalqué!

Pauvre Michael J. Fox, ça ne se voit pas du tout qu'il est complètement décalqué!

Un carburant nommé désir (2)
"Quand on veut très fort quelque chose, on finit toujours par y arriver." Cette incantation quasi-magique que Marty communique à son père lui vient en fait de Doc. RVLF est sous-tendu par de puissants désirs, le premier d'entre eux étant celui qui a conduit Doc à inventer sa machine à voyager dans le temps au bout de 30 ans de recherches. En effet pour supprimer l'effet de pesanteur et s'envoyer dans la stratosphère, il faut un carburant "qui arrache". Le carburant le plus puissant de l'être humain, c'est l'énergie sexuelle. Particulièrement en ce qui concerne les trois bombes prêtes à exploser le carcan puritain que sont Marty, sa mère Lorraine et bien sûr Doc. Pour les dégoupiller, les auteurs avaient imaginés dans un premier temps de situer une partie de l'action du deuxième film en 1967 pendant le Summer Love histoire que Marty découvre le vrai visage de sa mère en robe à fleurs et celui de son ami (et crypto-père) sous LSD (visiblement il en a gardé des traces dans les années 80 ah ah ah!) mais ils ont finalement renoncé à cette idée et il leur a fallu trouver un autre moyen de parvenir au même résultat.

Le brouillage des âges et des rôles entre Doc, Marty et Lorraine s'explique aussi par le fait que tous trois partagent la même nature profonde. On les découvre ainsi selon les versions de l'histoire tantôt aigris ou vieillis ou bien au contraire épanouis. Mais des trois, un seul réussit vraiment à se libérer, il s'agit de Doc dans les toutes dernières minutes de RVLF III. On ne peut qu'imaginer le futur (définitif) de Marty. Quant à Lorraine, elle cumule trop d'handicaps pour aller au bout de ses désirs et doit passer le relai à une autre femme, plus émancipée qu'elle (dans le III toujours).

Le brouillage des âges et des rôles entre Doc, Marty et Lorraine s'explique aussi par le fait que tous trois partagent la même nature profonde. On les découvre ainsi selon les versions de l'histoire tantôt aigris ou vieillis ou bien au contraire épanouis. Mais des trois, un seul réussit vraiment à se libérer, il s'agit de Doc dans les toutes dernières minutes de RVLF III. On ne peut qu'imaginer le futur (définitif) de Marty. Quant à Lorraine, elle cumule trop d'handicaps pour aller au bout de ses désirs et doit passer le relai à une autre femme, plus émancipée qu'elle (dans le III toujours).

Sous ses airs de jeune fille sage, Lorraine adolescente est en réalité une rebelle à la libido exacerbée (Léa Thompson l'a dit elle-même, elle s'est basée sur l'image d'une chatte en chaleur pour l'interpréter!). Marty le découvre à ses dépends dans le premier film. Effet comique garanti.

Sous ses airs de jeune fille sage, Lorraine adolescente est en réalité une rebelle à la libido exacerbée (Léa Thompson l'a dit elle-même, elle s'est basée sur l'image d'une chatte en chaleur pour l'interpréter!). Marty le découvre à ses dépends dans le premier film. Effet comique garanti.

Doc n'a jamais été conçu comme un pur esprit et ce dès le premier film. En 1955 lorsque Marty arrive chez lui, Doc n'a pour contenter sa libido que des photos de pin-up accrochées aux murs de son garage. Mais dans une hilarante scène coupée (et également dans la novélisation de RVLF I) il découvre dans sa valise de 1985 un magazine qui existe pourtant depuis 1953 mais dont le tirage n'explose que dans les années 70 (et qui en matière de libération sexuelle s'avère visionnaire en devançant celle des années 60). Conclusion: "Le futur me plaît soudain beaucoup plus" Ah ah ah! On ne le lui fait pas dire!

Doc n'a jamais été conçu comme un pur esprit et ce dès le premier film. En 1955 lorsque Marty arrive chez lui, Doc n'a pour contenter sa libido que des photos de pin-up accrochées aux murs de son garage. Mais dans une hilarante scène coupée (et également dans la novélisation de RVLF I) il découvre dans sa valise de 1985 un magazine qui existe pourtant depuis 1953 mais dont le tirage n'explose que dans les années 70 (et qui en matière de libération sexuelle s'avère visionnaire en devançant celle des années 60). Conclusion: "Le futur me plaît soudain beaucoup plus" Ah ah ah! On ne le lui fait pas dire!

Un discours subliminal

Retour vers le futur est une œuvre cryptée. Ses auteurs (Robert Zemeckis le réalisateur et scénariste et Bob Gale le producteur et co-scénariste) ont transformé beaucoup d'éléments narratifs en signes ou en symboles. Si bien qu'aussi réfléchis et fignolés qu'ils soient, les films n'apparaissent jamais pour ce qu'ils sont vraiment car leur forme divertissante fait écran. Bref les deux Bob sont les rois de l'illusionnisme et du tour de passe passe, la profondeur de leur oeuvre ne transparaissant que de façon subliminale. Le but de la manoeuvre étant de faire passer comme une lettre à la poste auprès des studios et du grand public un message subversif qui serait rejeté s'il était perçu consciemment.

Bob Gale et Robert Zemeckis sur le tournage de Retour vers le futur, devant le palais de justice en forme de temple gréco-romain. Leurs scénarios relèvent du travail d'orfèvre, de la mécanique d'horlogerie et n'aboutissent qu'après une longue gestation (quatre ans d'écriture pour le premier film, autant pour les deux autres réunis dans un premier temps sous le titre Paradoxe). Ce caractère artisanal de l'amour du travail bien fait les opposent radicalement au système hollywoodien "tout de suite, toujours plus, vite fait, mal fait." Pas étonnant qu'ils soient persuadés (et moi aussi) que l'on ne pourrait plus faire Retour vers le futur aujourd'hui. Pas dans cet esprit là en tout cas.

Bob Gale et Robert Zemeckis sur le tournage de Retour vers le futur, devant le palais de justice en forme de temple gréco-romain. Leurs scénarios relèvent du travail d'orfèvre, de la mécanique d'horlogerie et n'aboutissent qu'après une longue gestation (quatre ans d'écriture pour le premier film, autant pour les deux autres réunis dans un premier temps sous le titre Paradoxe). Ce caractère artisanal de l'amour du travail bien fait les opposent radicalement au système hollywoodien "tout de suite, toujours plus, vite fait, mal fait." Pas étonnant qu'ils soient persuadés (et moi aussi) que l'on ne pourrait plus faire Retour vers le futur aujourd'hui. Pas dans cet esprit là en tout cas.

Un univers ludique...
L'emballage de la trilogie est en effet léger, ludique, humoristique et enlevé bref "cool" et "fun". 
Premier exemple, le mythique hoverboard qui fait rêver déjà depuis deux générations (l'hologramme du film Les dents de la mer 19 n'est pas mal non plus...);

L'art de la glisse aérienne. Toujours cette obsession de s'arracher à la gravité par tous les moyens.

L'art de la glisse aérienne. Toujours cette obsession de s'arracher à la gravité par tous les moyens.

Je n'aimerais pas me faire croquer par un requin dans la rue, même pour de faux! Entre parenthèses, la spécialisation actuelle des studios hollywoodiens dans le recyclage à l'infini des mêmes films (sous forme de suites, remake, reboot et autres spin-off) avait été bien anticipée par Zemeckis et Gale. Chapeau!

Je n'aimerais pas me faire croquer par un requin dans la rue, même pour de faux! Entre parenthèses, la spécialisation actuelle des studios hollywoodiens dans le recyclage à l'infini des mêmes films (sous forme de suites, remake, reboot et autres spin-off) avait été bien anticipée par Zemeckis et Gale. Chapeau!

Deuxième exemple de cette légèreté, les déguisements successifs de Marty qui à chacun de ses voyages temporels endosse une panoplie différente,

Marty en Dark Vador, enfin presque... (RVLF I)

Marty en Dark Vador, enfin presque... (RVLF I)

Marty agent secret (RVLF II)

Marty agent secret (RVLF II)

Marty-Clint (RVLF III)

Marty-Clint (RVLF III)

Doc lui préfère les véhicules-jouets grandeur nature (encore que son costume estampillé "2015" vaille à lui seul le détour):

La Deloréan est déjà une voiture ringarde dans les années 80 mais Doc l'adore "Quitte à voyager dans le temps au volant d'une voiture autant en choisir une qui a de la gueule." Effectivement en version volante avec ses portes papillon elle a comme de faux airs de son ancêtre, le cheval Pégase...

La Deloréan est déjà une voiture ringarde dans les années 80 mais Doc l'adore "Quitte à voyager dans le temps au volant d'une voiture autant en choisir une qui a de la gueule." Effectivement en version volante avec ses portes papillon elle a comme de faux airs de son ancêtre, le cheval Pégase...

Ah!Ah!Ah! Juste excellent! Surtout quand on sait que les lunettes sont opaques et que Christopher Lloyd ne voit rien.. Idéal pour conduire! Dans les trois films, Doc fait une entrée en scène spectaculaire qu'il jaillisse de façon azimutée de la Deloréan dans le I et le II ou qu'il s'avance de façon hiératique dans le III.

Ah!Ah!Ah! Juste excellent! Surtout quand on sait que les lunettes sont opaques et que Christopher Lloyd ne voit rien.. Idéal pour conduire! Dans les trois films, Doc fait une entrée en scène spectaculaire qu'il jaillisse de façon azimutée de la Deloréan dans le I et le II ou qu'il s'avance de façon hiératique dans le III.

"J'ai toujours rêvé de faire ça." c'est à dire actionner le sifflet de la locomotive à vapeur dans un western! (RVLF III )

"J'ai toujours rêvé de faire ça." c'est à dire actionner le sifflet de la locomotive à vapeur dans un western! (RVLF III )

Dernier exemple: les rencontres entre deux versions du même personnage dans le film II (version jeune/version âgée, version film I/version film II dont une partie se déroule au sein des événements du film I etc.) qui donne lieu à des situations parfois assez surréalistes.

Marty en mission top secrète dans RVLF II tente de ne pas se faire repérer par son double du film I (tout en commentant ce qu'il dit)!

Marty en mission top secrète dans RVLF II tente de ne pas se faire repérer par son double du film I (tout en commentant ce qu'il dit)!

... Sur lequel plane l'ombre menaçante de la mort

L'une des références de Retour vers le futur est la Fureur de vivre de Nicholas Ray, sorti en 1955 (année clé de la saga de Zemeckis). Les deux films mettent en scène des adolescents en manque de repères face à des adultes démissionnaires. Par conséquent ces jeunes se mesurent en permanence à la mort ce qui hypothèque leur passage à l'âge adulte. Dans chaque film de la trilogie, Marty manque de peu se faire assassiner et lutte pour sauver de la mort l'un ou l'autre de ses deux pères. L'énergie débordante de Marty et de Doc est liée à la situation de crise dans laquelle ils sont plongés. C'est l'énergie du désespoir ou plutôt d'un l'ultime espoir, celui de trouver une issue à une situation qui ne semble en présenter aucune.

Marty ne doit son salut au début de RVLF I qu'à la chance et un incroyable concours de circonstances.

Marty ne doit son salut au début de RVLF I qu'à la chance et un incroyable concours de circonstances.

Marty poursuivi par les terroristes libyens.

Marty poursuivi par les terroristes libyens.

.. Et dans lequel l'ordre des générations est détraqué
Marty a une place bien particulière. Il est le chef d'orchestre d'une saga dont les personnages centraux sont des variantes de la figure paternelle. Son père biologique George est le héros du premier film, Biff, l'anti-héros et ennemi de George devient son terrifiant beau-père dans le deuxième film et enfin Doc son inséparable ami et père spirituel est le héros du troisième. Les voyages dans le temps ont donc aussi pour fonction de remettre dans le bon ordre de marche un ordre des générations détraqué. Les adultes qui entourent Marty se comportent en effet comme des adolescents attardés (voire de grands enfants) et n'occupent pas la place qui devrait être la leur. Celui-ci est donc là pour remettre les pendules à l'heure avec des répercussions considérables sur sa propre existence.
Référence explicite à Harold Lloyd suspendu aux aiguilles d'une horloge dans Safety Last, l'une des pendules de Doc annonce la séquence où il sera lui-même suspendu aux aiguilles de l'horloge de Hill Valley peu de temps avant que la foudre ne s'abatte et ne détruise son mécanisme. L'horloge en panne de Hill Valley illustre alors tout comme la plaque "outatime" l'échappée hors du temps mécanique et linéaire qui ouvre tous les possibles.

Référence explicite à Harold Lloyd suspendu aux aiguilles d'une horloge dans Safety Last, l'une des pendules de Doc annonce la séquence où il sera lui-même suspendu aux aiguilles de l'horloge de Hill Valley peu de temps avant que la foudre ne s'abatte et ne détruise son mécanisme. L'horloge en panne de Hill Valley illustre alors tout comme la plaque "outatime" l'échappée hors du temps mécanique et linéaire qui ouvre tous les possibles.

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 2
Vous vous appelez Lloyd? Vous êtes acteur? Vous êtes de toute évidence condamné à finir accroché à une horloge!

Vous vous appelez Lloyd? Vous êtes acteur? Vous êtes de toute évidence condamné à finir accroché à une horloge!

Le destin: un produit du libre choix... 

Le destin est l'un des thèmes centraux de la trilogie. Deux questionnements se superposent: est-il écrit d'avance ou bien est-il ce que l'on en fait? Et nos choix sont ils réellement libres? Le premier film tend à être une démonstration à travers l'exemple de George de la toute-puissance du volontarisme ("Quand on veut, on peut.") Néanmoins il laisse entrevoir des moments plus troubles comme lorsque George fait un lapsus en tentant de se déclarer à Lorraine.

Au lieu de dire à Lorraine "Je vous suis destiné" George dit "Je suis votre densité." La destinée, une affaire d'attraction cosmique?

Au lieu de dire à Lorraine "Je vous suis destiné" George dit "Je suis votre densité." La destinée, une affaire d'attraction cosmique?

...Ou de la fatalité?

A partir du deuxième film quand l'intrigue se resserre sur Marty et sur Doc, les choses se compliquent. Un événement dans leur histoire (passée ou future) a brisé leur vie qui était pourtant pleine de promesses. Comment se libérer de cette fatalité? Question à laquelle Doc aimerait bien répondre avant qu'il ne soit trop tard (doux euphémisme) et qui l'a conduit à inventer sa machine à voyager dans le temps "Je veux avoir une perception plus précise de l'humanité. Notre passé, notre futur, les embûches, les possibilités, les périls et les espérances. Répondre à cette question universelle: pourquoi?" Car la machine permet de changer son destin donc de déjouer la fatalité. A condition de comprendre les mécanismes qui ont conduit à l'issue fatale pour ne pas les répéter!

L'un des'objectifs des voyages dans le temps est de substituer une réalité à une autre à savoir une réalité fondée sur le désir en lieu et place d'une réalité fondée sur une mécanique répétitive symbolisée par les 150 horloges qui ornent l'atelier de Doc (et qui lui rappellent qu'il ne lui reste pas beaucoup de temps s'il veut se réaliser...)

L'un des'objectifs des voyages dans le temps est de substituer une réalité à une autre à savoir une réalité fondée sur le désir en lieu et place d'une réalité fondée sur une mécanique répétitive symbolisée par les 150 horloges qui ornent l'atelier de Doc (et qui lui rappellent qu'il ne lui reste pas beaucoup de temps s'il veut se réaliser...)

L'échappée hors du temps, moyen de changer de réalité. L'obsession de Doc pour le temps est inscrite jusque dans son prénom ("Emmett" à l'envers = "Time" comme l'un des personnages de Si loin si proche de Wim Wenders qui s'appelle Emit Flesti = "Time itself")

L'échappée hors du temps, moyen de changer de réalité. L'obsession de Doc pour le temps est inscrite jusque dans son prénom ("Emmett" à l'envers = "Time" comme l'un des personnages de Si loin si proche de Wim Wenders qui s'appelle Emit Flesti = "Time itself")

Le voyage dans le temps comme moyen de changer son destin

Le parcours de Marty et de Doc à travers des points précis du temps (deux dates clés du passé, 1885 et 1955 et une date clé du futur, 2015) entraîne des modifications sur leur présent (1985).

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 2

Il n'y a en effet pas une seule version de 1985 mais au moins trois:

-Première version (avant les voyages dans le temps): tous les personnages sont des losers sauf le méchant Biff Tannen qui est un petit chef tyrannique.

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 2

-Deuxième version (après les voyages de Marty en 1955 dans RVLF I et RVLF II puis en 1885 dans RVLF III): tous les personnages ont réussi leur vie et se sont épanouis sauf Biff Tannen devenu à son tour un loser.

Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) page 2

-Troisième version de 1985: la vengeance de Biff Tannen dans RVLF II. Devenu milliardaire grâce à l'almanach et la DeLoréan, Biff a transformé Hill Valley en enfer et assassiné ou asservi tous les personnages:

Cette version de Biff est inspirée d'un personnage bien réel...Donald Trump. Zemeckis et Gale étaient visionnaires!

Cette version de Biff est inspirée d'un personnage bien réel...Donald Trump. Zemeckis et Gale étaient visionnaires!

Si on y regarde de plus près, il existe également (au moins) trois versions des autres dates, toujours à cause des interventions de Marty et de Doc (Biff n'a volé la DeLoréan qu'une seule fois).
Les décisions des personnages à un point H de l'histoire s'avèrent donc déterminantes, les lignes temporelles pouvant être modifiées par les voyages dans le temps. C'est cette variation du thème de la"seconde chance" qui rend l'histoire si passionnante. 

Les lieux eux-mêmes portent la marque de ces changements. Ci-dessus le parking de la promenade des deux pins en 1985 avant le voyage de Marty en 1955.

Les lieux eux-mêmes portent la marque de ces changements. Ci-dessus le parking de la promenade des deux pins en 1985 avant le voyage de Marty en 1955.

Le parking s'est transformé en promenade du pin solitaire après le voyage de Marty en 1955 (la DeLoréan a détruit l'un des deux pins du ranch Peabody sur lequel a été ensuite construit le parking). On peut également voir que Marty arrive trop tard pour sauver Doc et assiste une deuxième fois à son assassinat par les libyens. On croit alors qu'il n'a pas réussi à changer le destin de ce dernier mais les apparences sont trompeuses...

Le parking s'est transformé en promenade du pin solitaire après le voyage de Marty en 1955 (la DeLoréan a détruit l'un des deux pins du ranch Peabody sur lequel a été ensuite construit le parking). On peut également voir que Marty arrive trop tard pour sauver Doc et assiste une deuxième fois à son assassinat par les libyens. On croit alors qu'il n'a pas réussi à changer le destin de ce dernier mais les apparences sont trompeuses...

Les quatre étapes de la transformation du lieu dans le premier film (image 1: 1985 avant le voyage temporel, images 2 et 3 pendant le voyage temporel en 1955, image 4 après le voyage temporel, Marty revient dans un 1985 modifié).

Les quatre étapes de la transformation du lieu dans le premier film (image 1: 1985 avant le voyage temporel, images 2 et 3 pendant le voyage temporel en 1955, image 4 après le voyage temporel, Marty revient dans un 1985 modifié).

Le voyage dans le temps, puissant moteur de transformation de soi
"Les jeux de passage d’une époque à l’autre ouvrant sur des vies alternatives pour chaque personnage ne sont pas gratuits. Il s’agit d’apprendre à faire les bons choix pour mener une existence heureuse". (Titiou Lecoq, Libération.fr, 21 octobre 2015) 
Retour vers le futur est un récit initiatique, un récit où les personnages apprennent de leurs erreurs et se transforment. Mais son enjeu n'est pas simplement celui du passage de l'adolescence à l'âge adulte. Il s'agit de comprendre comment on devient un adulte heureux c'est à dire accompli. Pour Marty comme pour Doc, cela passe par un combat ardu avec la fatalité essentiellement liée à une hérédité problématique (I et III). Par un sacrifice nécessaire: celui de leur amitié fusionnelle dont la fin marque aussi celle de la saga. (II). Et enfin par la construction d'une nouvelle généalogie et d'un nouvel univers (IV).

En dépit des apparences la trilogie va toujours de l'avant...

En dépit des apparences la trilogie va toujours de l'avant...

...mais certainement pas tout droit!

...mais certainement pas tout droit!

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Entre choix et destin: Les voyages dans le temps comme accomplissement de soi dans la trilogie Retour vers le futur (1985, 1989, 1990) Page 1

Publié le par Rosalie210

Préambule

La nuit où la foudre s'abattit sur Hill Valley

La nuit où la foudre s'abattit sur Hill Valley

"Les plus grands rois (...) prisent les fous plus que les sages austères."
Erasme, Eloge de la folie, XXXVI

Préambule

J'ai toujours pris les comédies au sérieux, au point de les préférer bien souvent aux drames. L'humour et le rire sont de formidables moyens de faire passer les messages les plus subversifs. Parmi les films que je préfère, les comédies sont omniprésentes. J'aime tout particulièrement ces chefs-d'oeuvre que sont L'Extravagant M. Deeds de Frank Capra, La Garçonnière de Billy Wilder, Docteur Folamour de Stanley Kubrick, Soupe au Canard de Léo Mc Carey (le meilleur film des Marx Brothers) sans parler de Brazil de Terry Gilliam qui s'apparente aussi à une comédie par certains de ses aspects. Parmi ces films, plusieurs ont eu une influence majeure sur les auteurs de RVLF, Robert Zemeckis et Bob Gale comme le prouve l'un de leurs premiers scénarios adapté au cinéma, 1941.

L'extravagant M. Deeds comme tous les Capra délivre un message profondément humaniste. La question de la normalité et celle de l'exploitation de l'homme par l'homme y sont centrales.  Le docteur Emmett Brown tout comme Forrest Gump  sont des personnages capriens ce qui créé dans le premier cas un mélange détonnant avec le docteur Folamour, autre inspiration majeure de Zemeckis.

L'extravagant M. Deeds comme tous les Capra délivre un message profondément humaniste. La question de la normalité et celle de l'exploitation de l'homme par l'homme y sont centrales. Le docteur Emmett Brown tout comme Forrest Gump sont des personnages capriens ce qui créé dans le premier cas un mélange détonnant avec le docteur Folamour, autre inspiration majeure de Zemeckis.

Docteur Folamour ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe de Stanley Kubrick. Via les armes (de la bombe nucléaire aux colt en passant par les fusées) les véhicules et leurs ancêtres, les chevaux ou via la main comme substitut phallique, la question de la virilité est absolument centrale dans la trilogie RVLF et la référence à Folamour y est explicite de plus d'une façon.

Docteur Folamour ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe de Stanley Kubrick. Via les armes (de la bombe nucléaire aux colt en passant par les fusées) les véhicules et leurs ancêtres, les chevaux ou via la main comme substitut phallique, la question de la virilité est absolument centrale dans la trilogie RVLF et la référence à Folamour y est explicite de plus d'une façon.

1941 est le quatrième film de Spielberg et l'un des premiers scénarios du tandem Zemeckis-Gale adapté au cinéma. Ceux-ci venaient tout juste de quitter l'université. Film maudit devenu culte avec le temps, 1941 est une comédie burlesque anarchisante qui comme les premiers films des Marx Brothers  met en pièce le décor et tourne en dérision l'armée et la famille (au grand dam de John Wayne qui traitera le film "d'anti-patriotique"). 1941 fait ressortir les thèmes et motifs favoris du duo qui sont alors dans la provocation: antimilitarisme, goût pour la subversion, attirance pour les personnages complètement cinglés, allusions sexuelles permanentes (mention spéciale à l'actrice des "Dents de la mer" embrochée non cette fois par un requin mais par un périscope sans parler de la nymphomane obs

1941 est le quatrième film de Spielberg et l'un des premiers scénarios du tandem Zemeckis-Gale adapté au cinéma. Ceux-ci venaient tout juste de quitter l'université. Film maudit devenu culte avec le temps, 1941 est une comédie burlesque anarchisante qui comme les premiers films des Marx Brothers met en pièce le décor et tourne en dérision l'armée et la famille (au grand dam de John Wayne qui traitera le film "d'anti-patriotique"). 1941 fait ressortir les thèmes et motifs favoris du duo qui sont alors dans la provocation: antimilitarisme, goût pour la subversion, attirance pour les personnages complètement cinglés, allusions sexuelles permanentes (mention spéciale à l'actrice des "Dents de la mer" embrochée non cette fois par un requin mais par un périscope sans parler de la nymphomane obs

Bien qu'à la croisée de plusieurs genres RVLF s'inscrit dans le registre de la comédie. Mais à la différence de toutes celles que j'ai cité, elle souffre encore aujourd'hui de son étiquette de divertissement populaire. Tout au plus a-t-elle gagné avec le temps le statut "d'oeuvre culte" (il faut bien trouver une explication facile au fait que trente ans après elle reste dans le coeur de toute une génération alors que tant de films "auteurisant" sont tombés depuis longtemps dans les limbes de l'oubli). Quant à son réalisateur, Robert Zemeckis, il est lui aussi largement sous-estimé (les critiques en sont encore à débattre pour savoir s'il est un auteur ou un simple "faiseur", pffff!) Ce jugement condescendant explique au moins en partie qu'aucune analyse approfondie n'ait été menée à ce jour sur les films de Zemeckis.

Nos sociétés pleines de certitudes, de suffisance et d'arrogance auraient pourtant bien besoin d'écouter ses fous et autres idiots. Car si le bouffon a pour premier rôle d'amuser il en a un second, celui de révéler, de tendre un miroir grotesque qui est aussi un facteur de progrès (ou de blocage selon que la société veut ou non s'y contempler). Or tout, absolument tout dans Retour vers le futur fait sens, il faut juste faire l'effort de décoder son langage subliminal.

Jan Matejko, portrait de Stanczyk. Fou des rois de Pologne au XVI° siècle, Stanczyk est le premier à prendre conscience de la tragédie qui se joue (la lettre sur la table annonce l'invasion du pays par les russes.) Et il réfléchit au moyen de l'annoncer au roi et à ses invités qui continuent à s'amuser à l'arrière-plan. Le fou est en réalité toujours plus lucide que ceux qu'il est chargé de divertir. Et ce portrait montre aussi l'humanité du personnage derrière sa fonction.

Jan Matejko, portrait de Stanczyk. Fou des rois de Pologne au XVI° siècle, Stanczyk est le premier à prendre conscience de la tragédie qui se joue (la lettre sur la table annonce l'invasion du pays par les russes.) Et il réfléchit au moyen de l'annoncer au roi et à ses invités qui continuent à s'amuser à l'arrière-plan. Le fou est en réalité toujours plus lucide que ceux qu'il est chargé de divertir. Et ce portrait montre aussi l'humanité du personnage derrière sa fonction.

J'ai analysé la trilogie au sens large c'est à dire en incluant toutes les versions existantes des trois scénarios (qui se complètent), les scènes coupées, les éléments des décors et de la mise en scène et les commentaires oraux de ses deux créateurs, Robert Zemeckis et son co-scénariste Bob Gale. En effet tous ces éléments apportent énormément d'éclairages à un univers qui fonctionne beaucoup sous forme d'allusions. Comme la plupart des autres films de Zemeckis, RVLF possède plusieurs niveaux de lecture et sa simplicité apparente cache des personnages et des questionnements complexes.

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Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

Publié le par Rosalie210

CONCLUSION

CXXI
" Il n'y a ni bonheur ni malheur en ce monde, il y a la comparaison d'un état à un autre, voilà tout. Celui-là seul qui a éprouvé l'extrême infortune est apte à ressentir l'extrême félicité. Il faut avoir voulu mourir [...] pour savoir combien il est bon de vivre." (Edmond Dantès)
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXII
Jacquot de Nantes fait écho à l'un des films les plus célèbres d'Agnès Varda: Cléo de 5 à 7 réalisé trente ans auparavant en 1961: " Pour Jacquot, Agnès retrouve l'état de grâce et d'amertume qui hantait Cléo de 5 à 7 lorsque la mort annoncée vient éclairer d'une même lumière les instants d'aujourd'hui et les heures passées."
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

Le titre est volontairement équivoque. Moi-même j'ai longtemps cru avant de le voir que Cléo avait un rendez-vous galant alors que le tirage des tarots par la cartomancienne au début du film annonce d'emblée la couleur.

Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
Ce "5 à 7", c'est le temps (filmé en temps réel) qui sépare la séance de tarots du résultat des examens médicaux qui doivent confirmer si oui ou non Cléo est atteinte d'un cancer.
 
CXXIII
Durant quatre-vingt dix minutes, Cléo va effectuer un parcours dans Paris et un parcours intérieur durant lequel elle va se métamorphoser, passant de la jeune fille frivole obsédée par le reflet du miroir à la jeune femme tournée vers les autres et empreinte de gravité. D'image factice modelée par des fantasmes masculins standardisés, elle devient une personne autonome qui regarde et qui agit.
Cléo prisonnière du miroir

Cléo prisonnière du miroir

A mi-chemin du film (45° minute), Cléo arrache sa perruque, enlève son déshabillé et s'en va seule, discrètement vêtue.

A mi-chemin du film (45° minute), Cléo arrache sa perruque, enlève son déshabillé et s'en va seule, discrètement vêtue.

 Cléo se découvre anonyme et perdue dans la foule. Le miroir pourvoyeur d'images factices est brisé.

Cléo se découvre anonyme et perdue dans la foule. Le miroir pourvoyeur d'images factices est brisé.

De la rue de Rivoli jusqu'à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, toutes sortes de messages subliminaux disséminés dans la ville lui envoient des signaux qui ravivent son angoisse: "Rivoli deuil", "Bonne santé", "Pompes funèbres", "Boulevard de l'hôpital".

Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXIV
L'un des moments les plus forts du film se situe dans le parc Montsouris. Sous la cascade, elle rencontre Antoine, un soldat permissionnaire sur le point de repartir dans l'enfer de la guerre d'Algérie. Parce qu'ils sont tous deux en danger de mort, les jeunes gens ont des échanges paisibles et dépourvus de tout artifice. Ils se soutiennent mutuellement dans l'épreuve: Antoine accompagne Cléo à l'hôpital puis elle se rend avec lui à la gare. N'étant plus seule, elle n'a plus peur.
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXV
Cléo révèle alors à Antoine son véritable prénom: Florence. Cléo est le pseudo d'une chanteuse de variétés périssables. Florence renvoie à la Renaissance. Les sculptures comme toutes les oeuvres d'art authentiques gravent pour l'éternité la beauté de ce qui est fragile, éphémère et mortel. Elles sont le fruit d'un vrai regard et non d'un miroir aux alouettes.
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXVI
Durant la réalisation du film, Agnès Varda avait en tête un tableau d'Hans Baldung Grien intitulé La jeune fille et la mort et dont une reproduction est affichée dans l'appartement de Cléo.
 
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

"La lumière ne se comprend que par l'ombre et la vérité suppose l'erreur. Ce sont ces contraires qui peuplent notre vie, lui donnent saveur et enivrement. Nous n'existons qu'en fonction de ce conflit dans la zone où se heurtent le blanc et le noir alors que le blanc ou le noir relèvent de la mort." (Agnès Varda)

CXXVII

En 1993 peu avant de succomber à l'épidémie de sida à seulement 35 ans, le réalisateur français des Nuits Fauves Cyril Collard accorde un entretien où il fait également référence au tableau de Hans Baldung: " C'est d'ailleurs très romantique cette lutte entre l'amour et la mort, Eros et Thanatos. Laura pense que l'amour la préserve du danger, que rien ne peut lui arriver. Cet acte, c'est du romantisme pur et dur, c'est aussi la folle passion de George Sand et de Chopin."
"Les Nuits Fauves sont nés de l'idée d'assembler deux contraires, le sombre et le solaire. Rien n'est jamais noir ou blanc mais noir et blanc."
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXVIII
Il s'agit bien entendu ici d'une réflexion sur ce qu'est la mort intérieure: la séparation des contraires pour en éliminer le versant indésirable (en version "normale" la mort, le mal, la laideur, la souffrance et l'inverse en version "perverse", les deux allant de pair.)
C'est l'un des axes de réflexion majeur du cycle Harry Potter de JK Rowling dont les versions audio françaises des quatre premiers tomes ont eu Bernard Giraudeau pour narrateur. 
Dès le tome 1, JK Rowling livre sa philosophie à ce sujet au travers d'un paquet de friandises apparemment anodin, les dragées surprise de Bertie Crochue. Si l'on regarde attentivement les goûts proposés, on trouve aussi bien banane, citron, cannelle, noix de coco, cacahuète ou pomme verte que cérumène, crotte de nez, foie et tripes, moutarde, poivre noir, poubelle, savon ou vomi. Toutes les saveurs de l'existence réunies dans un même paquet et impossible de savoir à l'avance ce que l'on mange.
Un risque à chaque bouchée, comme dans la vie réelle.

Un risque à chaque bouchée, comme dans la vie réelle.

CXXIX
A Poudlard il y a quatre maisons portant le nom de leurs quatre fondateurs (Godric Gryffondor, Helena Serdaigle, Helga Poufsouffle et Salazar Serpentard). La quatrième maison, la maison Serpentard, verdâtre, glauque et souterraine, est clairement identifiée comme étant la maison du mal puisque la plupart des Mangemorts (partisans de Voldemort) et Voldemort lui-même en sont issus.

Le symbole reptilien et la couleur verte si semblable à l'antre d'Edmond d'Une chambre en ville de Jacques Demy.

Le symbole reptilien et la couleur verte si semblable à l'antre d'Edmond d'Une chambre en ville de Jacques Demy.

Il serait donc "plus raisonnable de s'en débarrasser. Mais ce serait aller à l'encontre de la philosophie de JK Rowling (...) le mal n'est pas repoussé en tremblant. On ne se contente pas non plus de lui opposer une force courageuse. On le traite avec compassion. A plusieurs reprises, Dumbledore a démontré que des sorciers déchus pouvaient se racheter. Chacun des quatre fondateurs de Poudlard a des qualités qui lui sont propres et qui font partie d'un ensemble équilibré. Même l'ambition de Serpentard peut servir la bonne cause, à condition qu'elle soit équilibrée par les caractéristiques des autres. Cela fait partie de la réalité de chaque individu tout comme Harry a un peu de Voldemort en lui. Essayer de l'éliminer serait aussi dérisoire qu'impossible. " (David Colbert)

Le blason de Poudlard réunit les quatre maisons (Le lion de Gryffondor en rouge, le serpent de Serpentard en vert, le blaireau de Poufsouffle en jaune et l'aigle de Serdaigle en bleu) et celui-ci s'accompagne d'une devise: " Ne chatouillez pas un dragon qui dort."

Le blason de Poudlard réunit les quatre maisons (Le lion de Gryffondor en rouge, le serpent de Serpentard en vert, le blaireau de Poufsouffle en jaune et l'aigle de Serdaigle en bleu) et celui-ci s'accompagne d'une devise: " Ne chatouillez pas un dragon qui dort."

CXXX
Mon personnage préféré dans Harry Potter est Severus Rogue parce qu'il est à la croisée de tous les chemins. Ancien élève de Serpentard, c'est un ex-Mangemort devenu professeur de potions à Poudlard. Tout semble noir en lui. Il donne ses cours dans un cachot, est vêtu de noir des pieds à la tête, porte la marque des ténèbres sur son bras et emploie vis à vis de la magie noire un ton quasi "amoureux". De plus il déteste Harry et ne rate pas une occasion de l'humilier parce qu'il lui rappelle son père James, son ennemi juré à Poudlard qui lui faisait subir toutes sortes d'humiliations. 

La marque des ténèbres.

La marque des ténèbres.

Sur le bras de Rogue.

Sur le bras de Rogue.

CXXXI

Mais Rogue est également passionnément amoureux de son amie d'enfance,Lily, la mère de Harry qui symbolise la grâce divine.

Rogue est le premier sur les lieux après le meurtre des parents de Harry par Voldemort. Alan Rickman est absolument parfait dans un rôle dont il connaissait tous les méandres dès le départ (les premiers films sont sortis bien avant la publication de la fin de l'histoire qui se déroule sur 7 volumes).

Rogue est le premier sur les lieux après le meurtre des parents de Harry par Voldemort. Alan Rickman est absolument parfait dans un rôle dont il connaissait tous les méandres dès le départ (les premiers films sont sortis bien avant la publication de la fin de l'histoire qui se déroule sur 7 volumes).

Il se reproche sa mort (et le fait de ne jamais avoir réussi à lui avouer ses sentiments...) et est prêt pour se racheter et sauver son fils à tous les sacrifices, y compris celui de sa propre vie. "C'est la magie du personnage de Rogue: est-il bon, est-il méchant, est-il héroïque? Il est tout cela à la fois." (Editions Gallimard) ; " Jusqu'à la fin, Rogue a été guidé par deux sentiments opposés, l'amour et la haine, à travers le couple Potter." (Meziane Hammadi); "Qu'en est-il du troisième garçon perdu -après Harry et Voldemort-, cet amalgame complexe d'ombre et de lumière, l'agent double et assassin, le protecteur et l'adversaire?" (William Irwin et Gregory Bassham).
"L'histoire de Severus Rogue est celle d'un personnage torturé et ce depuis l'enfance. Un personnage tiraillé entre l'envie de faire souffrir comme il a souffert et l'envie d'aimer." (Solveig). Effectivement dans les scènes où on le découvre enfant, il manifeste simultanément des pulsions sadiques (envers Pétunia la soeur de Lily) et des élans de générosité pure venus du coeur (envers Lily). Bref, le pire et le meilleur de l'humanité réunis en une seule personne.

Le patronus de Rogue, bouclier de lumière repoussant les forces du mal, représente Lily sous sa forme animale qui est une biche.

Le patronus de Rogue, bouclier de lumière repoussant les forces du mal, représente Lily sous sa forme animale qui est une biche.

CXXXII
En donnant à l'un de ses fils -celui qui a les yeux de Lily- le prénom de Rogue, Harry accepte implicitement cet héritage, c'est à dire sa double identité de Gryffondor et de Serpentard.
 

J'aime particulièrement les illustrations de Jean-Claude Götting pour le septième tome (les Reliques de la mort), méditatives à souhait.

J'aime particulièrement les illustrations de Jean-Claude Götting pour le septième tome (les Reliques de la mort), méditatives à souhait.

"Rogue est l'un des personnages les plus marquants, les plus poignants de la saga Harry Potter. Il tient une place à part dans nos coeurs à cause de cette complexité, de cette ambiguïté qui le caractérise et surtout, à cause de ses multiples facettes, dont la plus belle et la plus vraie ne nous est révélée qu'au tout dernier moment. Enfin ce héros de l'ombre entre dans la lumière et le sera pour toujours puisqu'il est mort en oeuvrant pour le bien, motivé par un amour plus fort que la mort, plus fort que tout." (Solveig)
La double identité de Rogue (Gryffondor/Serpentard) est inscrite jusque dans son nom. En anglais il se nomme Severus Snape ce qui à une lettre près signifie "serpent" (snake). Mais son anagramme est "Perseus Evans", un héros tueur de serpent qui correspond à sa plus grande qualité, le courage. Quant à Evans, c'est le nom de jeune fille de Lily, le grand amour de sa vie.

Rogue et Lily enfants à Carbone-les-Mines, la ville industrielle où habitent leurs familles. La profonde amitié qui lie Rogue et Lily repose sur leur expérience commune de l'exclusion au sein du monde moldu (non-sorcier), y compris au sein de leur propre famille. Le père moldu de Rogue rejette sa femme et son fils alors que Pétunia, moldue elle aussi traite sa soeur de monstre. Harry fera lui-même cette douloureuse expérience d'isolement et de rejet en étant élevé (ou plutôt maltraité) par Pétunia et son mari après la mort de ses parents.

Rogue et Lily enfants à Carbone-les-Mines, la ville industrielle où habitent leurs familles. La profonde amitié qui lie Rogue et Lily repose sur leur expérience commune de l'exclusion au sein du monde moldu (non-sorcier), y compris au sein de leur propre famille. Le père moldu de Rogue rejette sa femme et son fils alors que Pétunia, moldue elle aussi traite sa soeur de monstre. Harry fera lui-même cette douloureuse expérience d'isolement et de rejet en étant élevé (ou plutôt maltraité) par Pétunia et son mari après la mort de ses parents.

CXXXIII
JK Rowling aime les personnages oxymoriques. 
En dehors de Rogue, il y a le parrain de Harry, Sirius Black dont le prénom contredit le nom car il s'est révolté contre sa famille d'aristocrates mages noirs de sang-pur et a rejoint les Gryffondor et l'Ordre du Phénix. A cause de son origine il a été accusé à tort de meurtre et a passé 13 ans en prison. Sirius possède cependant aussi des côtés sombres: il traite en esclave les êtres qu'il juge inférieurs à lui, se montre intolérant, impulsif et irréfléchi. 
Son petit frère Regulus à l'inverse est un Mangemort qui finit par se sacrifier par empathie pour l'une des créatures qui servent de domestique aux sorciers et qui est particulièrement maltraitée par Voldemort. 
Le meilleur ami de Sirius, Lupin est un homme doux et affable possédant un démon intérieur qui prend possession de lui tous les mois. 
James le père de Harry est un jeune homme solaire qui prend plaisir à tourmenter les élèves plus faibles que lui. 
Dumbledore a un goût immodéré du pouvoir auquel il a renoncé par sagesse mais au nom de la lutte contre Voldemort, il n'hésite pas à utiliser des techniques dignes de Machiavel (manipulations, mensonges, dissimulation).
 
La mort de Regulus Black, qui se sacrifie pour venger son elfe de maison et affaiblir Voldemort.

La mort de Regulus Black, qui se sacrifie pour venger son elfe de maison et affaiblir Voldemort.

Sirius, le parrain de Harry en cavale (Le prisonnier d'Azkaban).

Sirius, le parrain de Harry en cavale (Le prisonnier d'Azkaban).

Lupin Jekyll et Lupin HydeLupin Jekyll et Lupin Hyde

Lupin Jekyll et Lupin Hyde

Le passe-temps favori de James.

Le passe-temps favori de James.

Les fréquentations sulfureuses du jeune Dumbledore que Harry découvre dans les Reliques de la Mort (ici bras dessus bras dessous avec le mage noir Grindelwald dont il est amoureux).

Les fréquentations sulfureuses du jeune Dumbledore que Harry découvre dans les Reliques de la Mort (ici bras dessus bras dessous avec le mage noir Grindelwald dont il est amoureux).

CXXXIV
Il n'y a pas un seul monde dans Harry Potter mais plusieurs. Le monde des vivants et le monde des morts, celui des sorciers et celui des moldus, celui des sorciers et celui des autres créatures magiques. Tous ces mondes sont poreux les uns aux autres même s'ils ne se mélangent pas. La présence des morts est perceptible par les sorciers car quelques formes d'interactions limitées sont possibles (fantômes, portraits, pierre de résurrection). Des sorciers sans pouvoirs magiques (les cracmols) vivent dans le monde des moldus comme la voisine de Vernon et Pétunia Dursley, Arabella Figg qui veille sur Harry quand il est chez eux. Beaucoup de manifestations magiques ont lieu dans le monde des moldus mais elles restent invisibles à leurs yeux. Des enfants de moldus se révèlent dotés de pouvoirs magiques et entrent à Poudlard comme Lily et Hermione car depuis la nuit des temps des sorciers épousent des moldus (et vice-versa) ce qui entraîne une transmission génétique du pouvoir magique à leur descendance en sautant parfois plusieurs générations. Des créatures magiques pactisent avec le monde des sorciers comme Dobby, l'elfe de maison, Firenze le centaure ou Graup le géant demi-frère d'Hagrid.
Chaque maison de Poudlard a son fantôme: Le Baron sanglant (Serpentard), Le moine gras (Poufsouffle), Nick quasi-sans-tête (Gryffondor) et la Dame grise (Serdaigle). Le fantôme est un sorcier mort-vivant qui préfère rester en arrière que de s'enfoncer dans les secrets de la Mort. Il revient sous une forme affaiblie là où il a vécu. Très peu de sorciers choisissent cette voie.

Chaque maison de Poudlard a son fantôme: Le Baron sanglant (Serpentard), Le moine gras (Poufsouffle), Nick quasi-sans-tête (Gryffondor) et la Dame grise (Serdaigle). Le fantôme est un sorcier mort-vivant qui préfère rester en arrière que de s'enfoncer dans les secrets de la Mort. Il revient sous une forme affaiblie là où il a vécu. Très peu de sorciers choisissent cette voie.

Les anciens directeurs de Poudlard ont droit à leur portrait animé dans le bureau directorial après leur mort.

Les anciens directeurs de Poudlard ont droit à leur portrait animé dans le bureau directorial après leur mort.

CXXXV
Pour changer de monde, il faut emprunter un passage (to cross en anglais). La gare moldue de King's Cross à Londres est une plateforme qui contient une voie parallèle, la voie 9 3/4 sur laquelle le Poudlard Express emmène les élèves sorciers jusqu'à l'école de Poudlard. C'est aussi à cet endroit que Harry en état de mort imminente rencontre l'esprit de Dumbledore qui est décédé. Le pub du Chaudron Baveur sur Charing Cross Road permet d'accéder au chemin de Traverse dans lequel se trouve les boutiques et la banque des sorciers. En revanche le voile du département des mystère est à sens unique, de la vie vers la mort. Comme le traverser signifie mourir, il est impossible de revenir en arrière. Mais selon son degré de croyance en l'au-delà, il est possible d'entendre les murmures qui s'élèvent derrière le voile.
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXXVI
L'univers de Harry Potter est peuplé d'hybrides. Au sens strict un hybride dans l'univers pottérien désigne un humain qui a un parent ou un ancêtre non-humain. Demi-géants comme Hagrid ou Olympe (tous deux issus d'un couple sorcier/géant), Quart de Vélane comme Fleur dont la grand-mère maternelle était l'une de ces créatures fantastiques à la beauté surnaturelle ou Filius Flitwick le directeur de la maison Serdaigle qui a un ancêtre gobelin. Les centaures sont également traités "d'hybrides" par Dolores Ombrage qui ne les supporte pas. Même chose pour Remus Lupin qui a été mordu par un loup-garou et se métamorphose tous les mois à la pleine lune. A ces hybrides s'ajoutent tous les sorciers de sang-mêlés (issus d'un couple sorcier/moldu ou sorcier né-moldu) comme Harry, Rogue et Voldemort.
Pour rester avec leur ami Rémus lorsqu'il devient loup-garou, James Potter et Sirius Black se transforment en animagus (cerf pour James et chien pour Sirius). Alias Lunard, Cornedrue et Patmol.

Pour rester avec leur ami Rémus lorsqu'il devient loup-garou, James Potter et Sirius Black se transforment en animagus (cerf pour James et chien pour Sirius). Alias Lunard, Cornedrue et Patmol.

CXXXVII
Par conséquent le racisme est au coeur de l'histoire. Deux systèmes de valeurs s'affrontent. L'un est portée par le quatrième fondateur de Poudlard, Salazar Serpentar. Il est relayé par Voldemort (qui renie ses origines moldues) et nombre de familles de sorciers au sang pur ou prétendus tels qui gangrènent le ministère de la magie comme Dolorès Ombrage. Il rejette toutes les formes de métissage et souhaite exclure voire éliminer les impurs ("sang-mêlés" et "sang-de-bourbe") ainsi que les hybrides du monde des sorciers. L'autre est portée par les trois autres fondateurs de Poudlard et Dumbledore. Il défend au contraire la diversité au sein de Poudlard et au sein du monde des sorciers.
La fontaine de la fraternité magique située dans l'atrium du ministère de la magie n'a de fraternel que le nom. En réalité il s'agit d'un message idéologique du ministère de la magie destiné à montrer que les sorciers dominent le monde magique et que les autres créatures sont à leurs pieds. Au mépris de la vérité puisque les gobelins et les centaures n'éprouvent que méfiance et ressentiment à leur égard.

La fontaine de la fraternité magique située dans l'atrium du ministère de la magie n'a de fraternel que le nom. En réalité il s'agit d'un message idéologique du ministère de la magie destiné à montrer que les sorciers dominent le monde magique et que les autres créatures sont à leurs pieds. Au mépris de la vérité puisque les gobelins et les centaures n'éprouvent que méfiance et ressentiment à leur égard.

Lorsque Voldemort prend le pouvoir sur le ministère de la Magie, l'art devient totalitaire au service de la toute-puissance des sorciers de sang-pur écrasant les moldus (titre de l'oeuvre: "la magie est puissance").Lorsque Voldemort prend le pouvoir sur le ministère de la Magie, l'art devient totalitaire au service de la toute-puissance des sorciers de sang-pur écrasant les moldus (titre de l'oeuvre: "la magie est puissance").

Lorsque Voldemort prend le pouvoir sur le ministère de la Magie, l'art devient totalitaire au service de la toute-puissance des sorciers de sang-pur écrasant les moldus (titre de l'oeuvre: "la magie est puissance").

L'ordre du phénix qui combat Voldemort et ses partisans est à l'inverse des plus hétéroclites avec des sang-mêlés, un loup-garou, un voleur, un prisonnier évadé, un demi-géant, un ex-mangemort...

L'ordre du phénix qui combat Voldemort et ses partisans est à l'inverse des plus hétéroclites avec des sang-mêlés, un loup-garou, un voleur, un prisonnier évadé, un demi-géant, un ex-mangemort...

CXXXVIII
Même le bras droit de Dumbledore, directrice de la maison Gryffondor et future directrice de Poudlard est le fruit d'un croisement: " les consonances latines ou grecques se mêlent à bien d'autres langues, sous-langues, allusions...dont la plus brillante est l'identité du grand professeur féminin de Poudlard, Minerva McGonagall! Minerve-Athéna, la plus intellectuelle des déesses antiques, associée à un nom de clan écossais haut en couleurs...donne la mesure du métissage et des courts-circuits culturels et civilisationnels dont Poudlard est le cadre bienveillant. C'est pour la défendre que Harry jette le sort d'Endoloris/Crucio lorsque le Mangemort Amycus Carrow lui crache à la figure. C'est assez rare pour être noté." En effet c'est la seule fois dans l'histoire qu'Harry utilise le sortilège de la torture, l'un des trois sortilèges impardonnables avec Impero (sortilège qui place une personne sous le contrôle d'une autre) et Avada Kedavra (le sortilège qui tue instantanément quiconque le reçoit, l'arme favorite de Voldemort).
C'est Minerva McGonagall qui a rendu Maggie Smith célèbre dans le monde, à juste titre tant cette immense actrice est parfaite dans le rôle. Dans son autobiographie son ex-mari, Robert Stephens fustige ses "origines mêlées" (mi-anglaises, mi-écossaises). La réalité rejoint la fiction.

C'est Minerva McGonagall qui a rendu Maggie Smith célèbre dans le monde, à juste titre tant cette immense actrice est parfaite dans le rôle. Dans son autobiographie son ex-mari, Robert Stephens fustige ses "origines mêlées" (mi-anglaises, mi-écossaises). La réalité rejoint la fiction.

CXXXIX
Chaque tome marque une étape de l'évolution de Harry vers la maturité. Dans le septième et dernier tome, il acquiert une sagesse et une clairvoyance nouvelle. Jusque là, il s'est toujours comporté en véritable tête brûlée, confondant action et précipitation (avec des conséquences funestes comme la mort de son parrain Sirius). Confronté une fois de plus à la mort d'un proche, il prend cette fois le temps de réfléchir et fait un choix déterminant: " L'énormité de sa décision de renoncer à prendre Voldemort de vitesse pour s'emparer de la baguette avant lui continuait d'effrayer Harry. Il ne se souvenait pas d'avoir jamais choisi dans sa vie de ne pas [en italique dans le texte] agir." C'est par le renoncement à l'emprise, à la volonté de maîtrise, par le lâcher-prise que Harry prend le dessus sur Voldemort et non par des actes héroïques et glorieux.
"Il regarda l'océan et sentit, en cet instant où l'aube se levait, qu'il se rapprochait du but, que la clé de tout était plus près de lui" (Les Reliques de la Mort)

"Il regarda l'océan et sentit, en cet instant où l'aube se levait, qu'il se rapprochait du but, que la clé de tout était plus près de lui" (Les Reliques de la Mort)

CXL
Ce choix sauve Harry moralement car il lui permet d'échapper à l'impossible alternative que lui prédestine la prophétie : bourreau ou victime. Même face au pire des traîtres ou des assassins, Harry refuse d'utiliser le troisième sortilège impardonnable pour tuer. Lorsque Voldemort tente à l'inverse de tuer Harry avec la baguette volée dans la tombe de Dumbledore, le sort se retourne contre lui et le tue. La baguette dont s'est emparé Voldemort refuse en effet de lui obéir car elle reconnaît en Harry celui qui a désarmé son ancien propriétaire (Drago qui avait lui-même désarmé Dumbledore). Sans l'avoir jamais possédée, ni même touchée, Harry s'en est rendu le maître. La véritable puissance magique procède de la non-violence.
La baguette de sureau, la plus puissante baguette de tous les temps et l'une des trois reliques de la mort n'est pas qu'un objet de convoitises. Elle est aussi, comme les autres baguettes un sujet qui choisit son sorcier. Elle n'accepte de changer d'allégeance qu'à la condition que son nouveau propriétaire puisse désarmer l'ancien (lui enlever la baguette des mains en lui jetant un sort).

La baguette de sureau, la plus puissante baguette de tous les temps et l'une des trois reliques de la mort n'est pas qu'un objet de convoitises. Elle est aussi, comme les autres baguettes un sujet qui choisit son sorcier. Elle n'accepte de changer d'allégeance qu'à la condition que son nouveau propriétaire puisse désarmer l'ancien (lui enlever la baguette des mains en lui jetant un sort).

CXLI
"Tous mes personnages sont définis par leur comportement face à la mort et la possibilité de mourir. Voldemort est terrifié par la mort, il est prêt à tout pour l'éviter, il fuit devant la mort. Pour Dumbledore, la mort n'est qu'une grande aventure de plus. Harry finit par accepter que la mort est un destin naturel et inéluctable. Il refuse l'immortalité que pouvait lui offrir la possession des trois reliques." (JK Rowling)
 
"Tu crois donc que les morts que nous avons aimés nous quittent vraiment? Tu crois que nous ne nous souvenons pas d'eux plus clairement que jamais lorsque nous sommes dans la détresse? Ton père vit en toi, Harry, et il se montre davantage lorsque tu as besoin de lui." (Le prisonnier d'Azkaban)
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
LISTE (NON EXHAUSTIVE) DES COUPLES DE CONTRAIRES
 
" Le bonheur, c'est d'accepter la contradiction" (Agnès Varda)
 
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

- Passion/ Bonheur

- Mortalité/ Immortalité
- Ascèse/ Débauche
- Vie/ Mort
- Rêve/ Réalité
- Beauté/ Laideur
- Blanc/ Noir
- Bien/ Mal
- Joie/ Souffrance
- Masculin/ Féminin
- Hétérosexualité/ Homosexualité
- Paradis/ Enfer
- Santé/ Maladie
- Ici/ Ailleurs
- Endogamie/ Exogamie
- Inceste/ Métissage
- Le même /L'autre
- Dedans/ Dehors
- Lumière/ Ombre
- Raison/ Folie
- Vérité/ Mensonge
- Actif/ Passif
- Contrôle/ Lâcher-prise
- Associé/Dissocié
- Création/ Destruction
- Unité/ Dualité
- Amour/Haine
- Jeune/ Vieux
- Paisible/ Tourmenté
- Bon/ Mauvais
- Héros/ Anti-Héros
- Gryffondor/Serpentard
 
 
BIBLIOGRAPHIE
 
- JACQUES DEMY
 
Jean-Pierre Berthomé, Jacques Demy et les racines du rêve, l'Atalante, 1982, édition augmentée de 1996
 
Camille Taboulay, Le cinéma enchanté de Jacques Demy, les Cahiers du cinéma, 1996
 
Olivier Père et Marie Colmant, Jacques Demy, éditions de la Martinière, 2010
 
Le monde enchanté de Jacques Demy,catalogue de l'exposition du même nom à la cinémathèque française du 10 avril au 4 août 2013
 
Jacques Demy l'enchanteur, hors-série les Inrocks 2013
 
Jacques Demy le puritain malicieux, Critikat.com, 9 avril 2013
 
-AGNES VARDA
 
Varda par Agnès, éditions Cahiers du cinéma et Ciné-Tamaris, 1994
 
-BERNARD GIRAUDEAU
 
Bernard Giraudeau, Le Marin à l'ancre, éditions Métailié, 2001
 
Bernard Giraudeau, Les Hommes à terre, éditions Métailié, 2004
 
Bernard Giraudeau, Les dames de nage, éditions Métailié, 2007
 
Bernard Giraudeau, Cher amour, éditions Métailié, 2009
 
Christian Cailleaux /Bernard Giraudeau, R97, les hommes à terre, Casterman, 2008
 
Christian Cailleaux/Bernard Giraudeau, Les longues traversées, Dupuis, 2011
 
Bertrand Tessier, Bernard Giraudeau, le baroudeur romantique, l'Archipel, 2011
 
Andrée Chedid, L'Autre, Flammarion, collection J'ai lu, 1969
 
-ETTORE SCOLA
 
Catherine Brunet, Le monde d'Ettore Scola, la famille, la politique, l'histoire, l'Harmattan, 2012
 
Iginio Ugo Tarchetti, Fosca, les éditions du Sonneur, 2009
 
-HARRY POTTER
 
JK Rowling, Harry Potter, tomes 1 à 7, Gallimard, 1998 (tome 1), 1999 (tomes 2 et 3), 2001 (tome 4), 2003 (tome 5), 2005 (tome 6), 2007 (tome 7)
 
David Colbert, Les mondes magiques de Harry Potter, le Pré aux clercs, 2001, nouvelle édition augmentée de 2007
 
Méziane Hammadi, Les messages cachés de Harry Potter, éditions Alphée, Jean-Paul Bertrand, 2008
 
William Irwin et Gregory Bassham, Harry Potter, mythologie et univers secrets, Original Books, 2010
 
Isabelle-Rachel Casta, Petrificus Totalus! Langue du sacré, langue du secret, l'Antiquité dans l'imaginaire contemporain, Classiques Garnier, 2014, pp 359-374.
 
solveigboissay.blogspot.com/.../severus-snape-entre-lumiere-et-tenebres
 
-LADY OSCAR
 
Anime Comics tomes 9 à 12, Chuko Comic Souris, 1994
 

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Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)

Publié le par Rosalie210

XCI
La réforme de Bernard scandalise son père qui considère cet abandon comme un désaveu personnel. Les relations avec son fils se tendent d'autant plus qu'il découvre que celui-ci a quitté son poste de contrôleur à l'usine SIMCA où il l'avait fait entrer. Exaspéré, il le chasse de la maison en lui disant qu'il ne pourra revenir que le jour où il aura trouvé un vrai travail, répétant en cela ce que son propre père lui avait fait subir quand il était jeune (lui même avouera peu avant de mourir le sentiment d'avoir raté sa vie).
"Simca, le royaume de l'aventure pour une jeunesse avide de grands espaces." Telle est l'ironique slogan qu'il écrit à la craie sur son établi.

"Simca, le royaume de l'aventure pour une jeunesse avide de grands espaces." Telle est l'ironique slogan qu'il écrit à la craie sur son établi.

XCII
Complètement paumé, Bernard Giraudeau erre quelques temps dans la ville, s'essayant à divers petits métiers entre lesquels se glissent de multiples aventures, des lectures dans les bistrots, une fréquentation assidue de la cinémathèque et des boîtes de nuit. Là encore, il comprend qu'il doit rapidement trouver une issue ("Ce n'était pas là que j'écrirais le roman de ma future existence. Il était hors de question que ma vie soit une imitation.")
Il a découvert le plaisir de monter sur scène (déguisé en Sheila) à l'occasion des fêtes de noël  organisées à bord de La Jeanne d'Arc.

Il a découvert le plaisir de monter sur scène (déguisé en Sheila) à l'occasion des fêtes de noël organisées à bord de La Jeanne d'Arc.

XCIII
Jusqu'au jour où il se fait embaucher à la maison de la culture de La Rochelle en tant que mécanicien. Mais très vite, sa sensibilité entre en résonance avec celle de l'équipe. Il commence à interpréter de petits rôles mais il est encombré par sa démarche chaloupée de marin et des difficultés d'élocution. Il est alors envoyé chez Colette Milner, la fondatrice du conservatoire de danse de la Rochelle. Il se met à la danse classique avec un acharnement perfectionniste, trois-quatre heures par jour (alors qu'au départ on lui demandait de prendre deux cours par semaine!). Il fait aussi du cheval, de l'escrime, du piano et prend des cours d'articulation. Bref, il change de peau, il se réinvente sous une autre forme pleine de créativité et de grâce.
Seul son âge trop avancé (20 ans) empêche Bernard Giraudeau d'entamer une carrière de danseur professionnel. En revanche il orientera ses frères vers le même parcours. L'un deux, Philippe deviendra chorégraphe à Londres.Seul son âge trop avancé (20 ans) empêche Bernard Giraudeau d'entamer une carrière de danseur professionnel. En revanche il orientera ses frères vers le même parcours. L'un deux, Philippe deviendra chorégraphe à Londres.

Seul son âge trop avancé (20 ans) empêche Bernard Giraudeau d'entamer une carrière de danseur professionnel. En revanche il orientera ses frères vers le même parcours. L'un deux, Philippe deviendra chorégraphe à Londres.

XCIV
"Nous étions la seule ville, avec Paris et Lyon, à faire une classe de garçons. Elle avait du succès, car ceux qui venaient étaient souvent confrontés au refus de leur famille, de leurs amis, voire même de la société ! Ils étaient donc plus motivés que les filles. Durant ma carrière, j'ai vu 70 garçons faire une carrière de danseur professionnel". (Colette Milner)

Mais Colette Milner est bien plus qu'une professeur de danse pour Bernard Giraudeau. C'est une mère de substitution qui incarne à elle seule l'esprit de mai 1968, à des années-lumière de ce qu'il a vécu jusque là. Sa maison est un refuge ouvert à tous à la manière de La maison de papier (Françoise Mallet-Joris) ou de La clé sur la porte (Marie Cardinal). Bernard y trouve un second foyer dans lequel il reste trois ans. Pour remercier ceux qui l'hébergent, il effectue de petits travaux, jardine et cuisine. Son cadet de huit ans Philippe devient un autre habitué de la communauté et part faire le conservatoire avec le fils de Colette Milner. 
Toute sa vie, il s'appuiera sur des femmes initiatrices (voire quelque peu Pygmalion) qui l'aideront à s'accomplir de Colette Milner à Anne-Marie Métailié son éditrice en passant par Annie Duperey.
Colette Milner aujourd'hui entourée des photos de Bernard Giraudeau prises à l'époque où il vivait chez elle

Colette Milner aujourd'hui entourée des photos de Bernard Giraudeau prises à l'époque où il vivait chez elle

La Locandiera de Goldoni à la maison de la culture de la Rochelle. Au centre Bernard Giraudeau, à gauche Colette Milner.

La Locandiera de Goldoni à la maison de la culture de la Rochelle. Au centre Bernard Giraudeau, à gauche Colette Milner.

XCV
En 1971, il monte à Paris où il décroche son premier rôle dans la pièce de théâtre boulevardière de Jean Cau Pauvre France où un jeune garçon tente de cacher son homosexualité à son père. Puis il intègre le conservatoire d'art dramatique d'où il sort premier (encore...) en 1974 à la suite d'une interprétation mémorable du monologue de Figaro.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
XCVI
La Comédie-Française s'offre à lui mais il refuse d'y entrer par rejet des institutions et peur d'être enchaîné à un nouvel engagement de longue durée. Il se tourne vers des pièces de théâtre du répertoire littéraire et vers la télévision et le cinéma qui lui ouvrent leurs portes. On l'aperçoit quelques secondes dans La poursuite implacable de Sergio Sollima (1973) mais ses véritables débuts au cinéma ont lieu dans Deux hommes dans la ville de José Giovanni (1973) avec Delon et Gabin.
La poursuite implacable où il joue le jeune homme ensanglanté

La poursuite implacable où il joue le jeune homme ensanglanté

Deux hommes dans la ville au premier plan à gauche

Deux hommes dans la ville au premier plan à gauche

XCVII
Alors qu'avec le talent qu'il avait on pouvait s'attendre à ce qu'il fasse une carrière flamboyante au théâtre, cela n'a pas tout à fait été le cas. Il a surtout joué dans des pièces contemporaines d'Anouilh, de Giraudoux, de Carrière, de Schmitt (La guerre de Troie n'aura pas lieu, La Répétition ou l'Amour puni, L'aide-mémoire, Le libertin, Becket ou l'Honneur de Dieu etc.) ou bien dans des adaptations d'oeuvres littéraires (Les liaisons dangereuses).
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce sous-emploi. Tout d'abord il souffrait du complexe de l'autodidacte et donc d'une autocensure inconsciente vis à vis des grands textes (d'autant qu'avec son perfectionnisme maladif, il pensait ne jamais être assez bien). Ensuite il avait la réputation d'être ingérable à cause de son caractère volcanique et de son désir de tout contrôler. Enfin son image légère au cinéma lui a nui aussi au théâtre: " Avignon [dans lequel il n'a jamais joué], on en prend la mesure dans ces moments là, comme jamais, n'est pas le festival de tous les grands comédiens de France".(Armelle Héliot)
Il n'aborde les grands classiques qu'en 2005 avec Richard III de Shakespeare mais il n'a le temps que de donner quelques représentations à La Rochelle et à Angers avant d'être hospitalisé car son cancer récidive comme par hasard juste à ce moment là et il crache du sang sur la scène.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
XCVIII
De manière encore plus flagrante qu'au théâtre, sa carrière au cinéma ne s'avère pas à la hauteur de son talent. 
A la fin des années soixante-dix et dans la première moitié des années quatre-vingt, il joue d'abord dans des films commerciaux qui mettent en avant soit son allure de jeune premier et son pouvoir de séduction soit ses qualités physiques et sportives. Soit le mélange Delon + Belmondo. Pour Giraudeau, ces films sont un moyen de vivre une adolescence par procuration mais il s'en détourne très vite de peur d'être enfermé dans un seul type de rôle. 
Waouh! Super canon mon prof d'allemand! (La Boum, 1980 de Claude Pinoteau). Gnan-gnan à souhait.

Waouh! Super canon mon prof d'allemand! (La Boum, 1980 de Claude Pinoteau). Gnan-gnan à souhait.

Viens chez moi j'habite chez une copine de Patrice Leconte (1981), sympathique comédie satirique sur deux trentenaires particulièrement immatures!

Viens chez moi j'habite chez une copine de Patrice Leconte (1981), sympathique comédie satirique sur deux trentenaires particulièrement immatures!

Les spécialistes de Patrice Leconte (1985), sorte de super disneyland du film d'action avec Gérard Lanvin qui a fait un triomphe et aurait pu déboucher sur 25 clones si Giraudeau n'avait pas mis le holà .

Les spécialistes de Patrice Leconte (1985), sorte de super disneyland du film d'action avec Gérard Lanvin qui a fait un triomphe et aurait pu déboucher sur 25 clones si Giraudeau n'avait pas mis le holà .

Les longs manteaux (Gilles Béhat, 1986) tourné en Argentine. Une sorte de western parc d'attraction d'une désolante vacuité qui s'est ramassé en salles. Le film est le point de départ de la passion de Bernard pour l'Amérique du sud et de façon plus générale pour les voyages lointains dans les grands espaces.

Les longs manteaux (Gilles Béhat, 1986) tourné en Argentine. Une sorte de western parc d'attraction d'une désolante vacuité qui s'est ramassé en salles. Le film est le point de départ de la passion de Bernard pour l'Amérique du sud et de façon plus générale pour les voyages lointains dans les grands espaces.

XCIX
Soucieux de casser cette image trop lisse,Bernard Giraudeau recherche en parallèle des rôles plus sombres non sans difficulté. 
Ainsi au moment de réunir la production du film Rue Barbare (1983) la directrice de l'unité cinéma d'une chaine de télévision tique sur le nom de Giraudeau "Lui en ouvrier? Vous n'y pensez pas! Giraudeau, c'est le jeune homme de bonne famille qui a raté son bac!"
Gilles Béhat le réalisateur du film lui rétorque alors "Savez-vous quelle a été la vie de Bernard avant qu'il devienne acteur?" 
Pas difficile pourtant de deviner le mécano-marin derrière l'acteur.

Pas difficile pourtant de deviner le mécano-marin derrière l'acteur.

Violent et glauque, le film libère en effet le fauve qui sommeille en Giraudeau et montre de lui un côté plus sombre et plus crade. Mais il ne va quand même pas très loin. Certes rescapé d'un gang, Chet est en réalité un chevalier blanc parti à la rescousse des "petites filles" enlevées par l'ignoble Hagen (joué un Bernard Pierre Donnadieu au sommet de sa forme).

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
C
En effet cette recherche de rôles plus consistants se heurte à des contradictions. Il a développé un rapport ambigu à son image. D'un côté son physique avantageux l'encombre et le fait douter de son talent, de l'autre il fait tout pour se mettre en valeur y compris dans les films où il malmène sa belle gueule.
Dans Le ruffian (1983), il interprète un ancien pilote de formule 1 devenu paraplégique suite à un accident. Cet handicap en fait une proie facile et le condamne à une certaine passivité. Néanmoins son personnage est bien sous tous rapports.

Dans Le ruffian (1983), il interprète un ancien pilote de formule 1 devenu paraplégique suite à un accident. Cet handicap en fait une proie facile et le condamne à une certaine passivité. Néanmoins son personnage est bien sous tous rapports.

Dans Rue Barbare où il se fait sérieusement amocher il avait quand même veillé à ce que le chef-opérateur braque en permanence sur lui un projecteur de 250W recouvert de gélatine bleue, histoire de bien mettre en valeur ses yeux. Pffff!

Dans Rue Barbare où il se fait sérieusement amocher il avait quand même veillé à ce que le chef-opérateur braque en permanence sur lui un projecteur de 250W recouvert de gélatine bleue, histoire de bien mettre en valeur ses yeux. Pffff!

Dans Poussière d'ange (Edouard Niermans, 1986) un film noir où il joue le rôle d'un flic alcoolique, il encaisse avec anxiété le virage brutal d'une apparence et d'un jeu dépourvu de tout clinquant. Cependant là encore, son personnage se ressaisit très vite au nom de la défense de la veuve et de l'orphelin.

Dans Poussière d'ange (Edouard Niermans, 1986) un film noir où il joue le rôle d'un flic alcoolique, il encaisse avec anxiété le virage brutal d'une apparence et d'un jeu dépourvu de tout clinquant. Cependant là encore, son personnage se ressaisit très vite au nom de la défense de la veuve et de l'orphelin.

Enfin dans L'homme voilé (Maroun Badgadi, 1987), il interprète un médecin ayant basculé dans la vengeance criminelle suite à ses quatre années passées dans l'enfer de la guerre du Liban. Mais une fois de retour à Paris, les retrouvailles avec sa fille, la bien-nommée Claire (Laure Marsac) l'entraînent rapidement sur la voie de la rédemption et du retour à la vie.

Enfin dans L'homme voilé (Maroun Badgadi, 1987), il interprète un médecin ayant basculé dans la vengeance criminelle suite à ses quatre années passées dans l'enfer de la guerre du Liban. Mais une fois de retour à Paris, les retrouvailles avec sa fille, la bien-nommée Claire (Laure Marsac) l'entraînent rapidement sur la voie de la rédemption et du retour à la vie.

CI
Durant cette période il a eu une occasion en or de changer une fois pour toutes de statut et de donner un nouveau tour à sa carrière mais il l'a sabordée en se dérobant au dernier moment alors que le film qui lui était proposé correspondait pourtant à ses aspirations profondes.
En lisant Le Marin à l'ancre, je me suis demandée pourquoi il n'avait jamais joué dans un film de Bertrand Blier tant les affinités avec son univers me paraissaient évidentes. Or c'est d'abord à lui que Bertrand Blier avait pensé pour le rôle d'Antoine dans le film Tenue de soirée après le suicide de Patrick Dewaere. Dans un premier temps Bernard Giraudeau accepte la proposition croyant que le film serait une farce mais lorsque Bertrand Blier lui lit le script, il lui oppose un refus sans appel et sans explications. Un peu plus tard celles qu'il donnera relèvent de la pure mauvaise foi.
Ce n'est pas tant le fait de jouer un homosexuel qui posait problème (Bernard Giraudeau en a interprété un certain nombre) que le fait qu'il s'agissait d'un être dominé, humilié et manipulé. Là ça coinçait vraiment car il ne supportait pas de passer pour un faible ce qui au final était un aveu de fragilité.

Ce n'est pas tant le fait de jouer un homosexuel qui posait problème (Bernard Giraudeau en a interprété un certain nombre) que le fait qu'il s'agissait d'un être dominé, humilié et manipulé. Là ça coinçait vraiment car il ne supportait pas de passer pour un faible ce qui au final était un aveu de fragilité.

CII
Il lui faut attendre dix ans et son propre film Les caprices d'un fleuve pour voir des réalisateurs de films d'auteur s'intéresser enfin à lui. Néanmoins le type de rôle qu'on lui propose est un peu toujours le même: celui du prédateur, dominant dans le jeu de pouvoir, rôle dans lequel il excelle car il ressemble à une part de lui-même. Il peut à la fois briller et en même temps montrer la fragilité sous-jacente de ces personnages sans prendre trop de risques.
En 1995, Patrice Leconte devenu entre temps un réalisateur de films beaucoup plus ambitieux lui offre un second rôle marquant dans Ridicule, celui de l'abbé de Vilecourt, un débauché dont la langue assassine divertit une cour de Versailles frivole et dissolue à la veille de la Révolution. Il en oublie cependant que sa position ne repose que sur le bon plaisir du roi qui le brise au premier faux pas.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)

En 1999 François Ozon lui offre le rôle de Léopold dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes (1999) d'après une pièce de Fassbinder quelque peu autobiographique qui étudie (comme souvent chez lui) les rapports de domination/soumission ici entre quatre personnages enfermés dans un appartement dont les fenêtres ne s'ouvrent pas. 

Mieux vaut ne pas être claustrophobe. Le film est étouffant malgré quelques pauses humoristiques.

Mieux vaut ne pas être claustrophobe. Le film est étouffant malgré quelques pauses humoristiques.

Léopold est à la fois un grand prédateur pervers, tortionnaire domestique et quasi-maquereau et un être souffrant angoissé par la vieillesse et la mort, désireux de rester en enfance (il joue aux petits chevaux, il danse...) 
Sous sa férule, un véritable harem où toutes les sexualités sont représentées: hétérosexualité avec Anna (Ludivine Sagnier), bisexualité avec Eva (Anna Thomson) qui a changé de sexe pour Léopold et homosexualité avec Frantz (Malik Zidi).
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
CIII
La même année, il tourne dans Une affaire de goût (1999) réalisé par Bernard Rapp. Ce film raconte l'histoire de Nicolas, un jeune homme un peu paumé qui tombe sous l'emprise de Frédéric, un grand patron pervers et narcissique (pour changer!) qui veut en faire un clone de lui-même. Pour cela, tel Pygmalion, il va le modeler à son image afin de vivre une nouvelle jeunesse par procuration.
 
Vous ne trouvez pas qu'on se ressemble de plus en plus?

Vous ne trouvez pas qu'on se ressemble de plus en plus?

Je veux que nous ayons le même palais, les mêmes papilles, le même odorat. Désormais, nous partageons les mêmes phobies alimentaires.

Je veux que nous ayons le même palais, les mêmes papilles, le même odorat. Désormais, nous partageons les mêmes phobies alimentaires.

Derrière cette relation sado-masochiste passionnelle, un non-dit et un interdit majeur, celui de la relation homosexuelle, suggérée entre autre à l'aide de phrases équivoques (du genre "Je lirai dans vos yeux que nous partageons le même plaisir" ou "C'est la première fois que je tolère quelqu'un dans mon intimité".) L'issue ne peut être que tragique, un meurtre (ou suicide par procuration).

Comme chez Hitchcock, Rapp filme une scène de meurtre comme une scène d'amour avec un Frédéric qui s'offre littéralement à la lame du couteau.

Comme chez Hitchcock, Rapp filme une scène de meurtre comme une scène d'amour avec un Frédéric qui s'offre littéralement à la lame du couteau.

CIV
Comme Jacques Demy, Bernard Giraudeau a vécu sa jeunesse à une époque où l'homosexualité était un tabou qui pesait des plombes. Dans la marine, elle était impitoyablement réprimée ce qui n'empêchait nullement celle-ci de s'exercer en secret. L'un des héros des Dames de nage est un ancien marin Marco réformé de l'armée pour cette raison. Débarqué brutalement au Chili il survit en se prostituant, travesti en fille, sous le pseudo de Marcia, et souhaite réunir l'argent pour se faire opérer. Marc Austère et Marcia deviennent très proches, ce dernier frôle la limite avec elle mais ne la franchit pas sans qu'on sache exactement si c'est parce qu'il n'en a pas envie (c'est ce qu'il prétend) ou si c'est parce qu'il s'autocensure (ce qui semble être beaucoup plus vraisemblable et lui-même a l'honnêteté de se poser la question). Cette attitude ambiguë de fascination-répulsion est exactement celle de Bernard Giraudeau. D'un côté, il aime exprimer cette part de sa personnalité, de l'autre il met toujours beaucoup de barrières physiques et psychiques quand il interprète ce genre de personnage (voir Tenue de soirée). Dans la vie, idem. Sa quête assez obsessionnelle du double entraîne fatalement ce genre d'attirance qu'il finit soit par sublimer soit par torpiller (ah cette interview sur la chaîne KTO en 2009 où il dit à un moment "j'aime regarder les filles...et aussi les mecs mais je ne suis pas homo.")
Le grand pardon (Alexandre Arcady, 1981)

Le grand pardon (Alexandre Arcady, 1981)

Le fils préféré dans lequel il joue le rôle du frère homosexuel de Gérard Lanvin (Nicole Garcia, 1994)

Le fils préféré dans lequel il joue le rôle du frère homosexuel de Gérard Lanvin (Nicole Garcia, 1994)

CV
Globalement insatisfait par les rôles qu'on lui donne dans le cinéma français et désireux de passer derrière la caméra, Bernard Giraudeau se met à la réalisation de films de fiction et de documentaires pour la télévision (dont les carnets de voyage tournés aux quatre coins du monde). Il réalise deux longs-métrages pour le cinéma qui reflètent ses obsessions intimes: l'Autre (1991) adapté du livre d'Andrée Chedid et Les caprices d'un fleuve (1995).
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
CVI
L'Autre (film aujourd'hui introuvable) qui se situe dans un pays oriental indéterminé est l'histoire d'un vieil homme Simm qui après un tremblement de terre tente de sauver un jeune occidental enseveli sous les décombres. 
 
"-Que penses-tu de la mort?
- La mort, la vie... Ca ne peut pas se séparer, ça se regarde ensemble."
 
"-Depuis que je suis ici Ben avec la mort dans le dos, c'est étrange comme la vie est devenue...comment t'expliquer?...Avant, je n'aurais jamais osé dire: J'aime la vie. Maintenant, je le dis. Je le crie au fond de moi."
 
"Si nous parlons Jeph, c'est parce que la terre est une, aujourd'hui. De plus en plus."
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
CVII
Les caprices d'un fleuve atteignent le sommet du paradoxe puisque avec ce film Giraudeau invente le métissage incestueux. 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Jean-François de la Plaine son héros librement inspiré de la vie du chevalier de Boufflers est un noble qui trois ans avant la Révolution française est obligé d'aller s'exiler au Sénégal parce qu'il a tué en duel un proche du roi Louis XVI. Il devient gouverneur de la colonie de Gorée, plateforme du commerce triangulaire et entame une liaison avec une signare (reine mulâtresse marchande d'esclaves)  alors que sa maîtresse est restée en France. 
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)

Peu à peu, il perd ses certitudes et ses repères d'occidental comme le montre l'évolution de son rapport au miroir.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Un roi trafiquant lui offre en cadeau une petite esclave peule de dix ans que Jean-François nomme Amélie et qu'il élève comme sa fille. 
 
Un échange de regards qui se substitue au miroir
Un échange de regards qui se substitue au miroir

Un échange de regards qui se substitue au miroir

Sauf que devenue grande, il tombe amoureux d'elle et réciproquement. Fille, soeur, épouse et mère.
 
Amélie, lit de mon âme (Les dames de nage)

Amélie, lit de mon âme (Les dames de nage)

Alors qu'il doit retourner en France pour être jugé par la Convention, elle meurt en accouchant de leur fils. Jean-François revient au Sénégal pour faire sa connaissance.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
CVIII
Oeuvre très personnelle, Les caprices d'un fleuve illustre les contradictions de son réalisateur. Fasciné très jeune par les horizons lointains et les couples mixtes, arpenteur du monde, amoureux passionné de l'Afrique noire et de l'Amérique du sud Bernard Giraudeau a fantasmé la filiation métissée dans son oeuvre littéraire comme cinématographique: " C'est ça l'amour, c'est ça le couple, c'est ça l'avenir, le métissage, l'avenir du monde, c'est le métissage, moi mon film est uniquement là-dessus, il est sur le métissage".
Cependant, dans la vie il a fait exactement le contraire. Ses deux enfants sont issus de sa relation avec Annie Duperey, son gémeau, son clone, son double. Même taille, même âge, même silhouette, même sourire, même métier, même façon de se présenter au public, même caractère indépendant. Frère et soeur siamois, l'union incestueuse parfaite: " J'ai toujours eu envie dans mes rêves de coucher avec ma soeur. J'ai toujours été incestueux.".
"On avait un côté gémellaire". Franchement ça ne se voit pas du tout!

"On avait un côté gémellaire". Franchement ça ne se voit pas du tout!

CIX
C'est justement à partir de la naissance de ses enfants dans les années quatre-vingt que Bernard Giraudeau va fuir cette situation étouffante qu'il a lui-même créé (car c'est lui qui a poussé Annie Duperey à vivre en couple avec lui et à avoir un enfant alors qu'elle ne voulait pas en entendre parler au départ).Voyages, raids, tournages tout est bon pour être le plus loin possible de la famille et de son quotidien domestique qu'il perçoit comme asservissant. Attitude qui reproduit exactement celle de son père, stratégie d'évitement pour ne pas être trop directement confronté aux besoins affectifs des enfants en bas âge. Et comme Annie Duperey manque de repères en matière de couple et de famille (elle a perdu ses parents à l'âge de huit ans, a été séparée de sa soeur etc.) elle supporte cette situation un certain nombre d'années.
Lorsque qu'elle se décide à le quitter, elle aura pourtant les plus grandes difficultés à le décramponner de son rêve d'harmonie familiale. Alors que dans la réalité il est soit absent soit invivable et qu'il refuse toute communication et toute introspection il ira déménager juste au-dessus puis dans la rue juste à côté, incapable de couper définitivement le cordon pendant un certain temps. 
"Bernard aimait construire des fenêtres. Quand elles étaient finies, ils les ouvrait pour partir." (Philippe Giraudeau) Annie Duperey finira par devenir la seule propriétaire de la maison construite par Bernard dans la Creuse. Toutefois avec le recul du temps, cette maison à laquelle elle reste viscéralement attachée apparaît comme un acte de générosité et de foi en la vie puisque qu'elle représente les racines dont elle a été privée.

"Bernard aimait construire des fenêtres. Quand elles étaient finies, ils les ouvrait pour partir." (Philippe Giraudeau) Annie Duperey finira par devenir la seule propriétaire de la maison construite par Bernard dans la Creuse. Toutefois avec le recul du temps, cette maison à laquelle elle reste viscéralement attachée apparaît comme un acte de générosité et de foi en la vie puisque qu'elle représente les racines dont elle a été privée.

CX
Non seulement Bernard Giraudeau est de plus en plus instable, impatient, toujours dans l'urgence, toujours en mouvement mais il manifeste dans tout ce qu'il entreprend un perfectionnisme qui confine à la folie furieuse. Goût du défi, de la conquête et du dépassement de soi deviennent une drogue. Il ne conçoit le sport que comme une compétition ou une quête des sommets. Lors d'un de ses raids à Madagascar, il est victime d'une insolation mais refuse d'abandonner pour ne pas pénaliser son équipe. Lors du tournage des Caprices d'un fleuve dont il veut maîtriser tous les aspects, il  est si habité (voire possédé) qu'il se consume littéralement sous les yeux ébahis de l'équipe: "Tu dors pas, tu manges pas, tu pisses pas, tu travailles tout le temps." (Le Marin à l'ancre) "Il avait la fièvre, la fièvre tout le temps." (Richard Bohringer). Ce sont ses amis et ses collaborateurs qui finissent par lui mettre des limites, essuyant parfois ses monstrueuses colères.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
CXI
Parmi eux, il établit une relation particulièrement forte voire fusionnelle avec le compositeur, peintre et écrivain chilien Osvaldo Torres, guevariste rescapé de la dictature de Pinochet et réfugié en France. Ils tournent ensemble Un ami chilien en parcourant le pays du nord au sud et Osvaldo compose la musique de nombre d'autres de ses oeuvres cinématographiques et littéraires (en version CD audio). 
Bien qu'ils fonctionnent en miroir l'un de l'autre (la quête du double toujours...), Osvaldo est plus mûr, plus posé. Il lui impose le respect et réussit à percer une brèche dans la muraille qu'il a édifié contre les sentiments. Les histoires personnelles et familiales pleine de romanesque d'Osvaldo illuminent les Dames de nage et Cher amour. De même leur voyage au Chili prend l'allure d'une catharsis. Osvaldo et son frère reviennent sur les lieux où ils ont été torturés et leur parole se libère. A son retour en France, Osvaldo commence une psychothérapie qui est le point de départ de celle que finira par suivre Bernard Giraudeau. 
"Te voilà chez toi, métis, criollo, moitié d'Indien et d'Espagnol, tu chantes tes deux pôles, tes deux moitiés, c'est toi qui m'a dit ça" (Cher amour).  Osvaldo Torres a créé une musique métissée dans laquelle il mélange tradition indienne et tradition espagnole.

"Te voilà chez toi, métis, criollo, moitié d'Indien et d'Espagnol, tu chantes tes deux pôles, tes deux moitiés, c'est toi qui m'a dit ça" (Cher amour). Osvaldo Torres a créé une musique métissée dans laquelle il mélange tradition indienne et tradition espagnole.

CXII
A travers Osvaldo, le personnage d'Amélie des Caprices d'un fleuve ou celui de Thérèse dans la nouvelle Indochine (Les Hommes à terre) Giraudeau règle (expie?) un lourd passif familial avec le racisme, la colonisation et l'esclavage. Il a notamment découvert dans les archives de la Rochelle que certains de ses ancêtres avaient armé des bateaux négriers. Sans parler des guerres coloniales de son père. Toutes les formes d'injustice provoquent chez lui une réaction de révolte épidermique comme ce célèbre passage de Cher amour au sujet de la population survivant dans une décharge de Manille " Il y a des enfants nus, de très jeunes enfants, presque des bébés qui poussent dans la merde des autres, les pieds dans l'ordure et la tête au soleil. Ca ne fait pas rire. C'est irréparable. On y laisse quelque chose de soi, un morceau arraché."
En même temps, il garde l'espoir quelque peu utopique que certains de ces enfants échapperont à la fatalité d'une vie misérable par la grâce d'une bonne rencontre un peu comme ce fut le cas pour lui-même.
Chacabuco, camp de prisonniers politiques de Pinochet filmé dans Un ami chilien
Chacabuco, camp de prisonniers politiques de Pinochet filmé dans Un ami chilien

Chacabuco, camp de prisonniers politiques de Pinochet filmé dans Un ami chilien

CXIII
En même temps son parcours est marqué par un refus masochiste du plaisir, du bonheur, du succès et de la reconnaissance au travers d'une obsession de la perfection qui confine à l'autopunition permanente. En lui existe un furieux compétiteur qui ne gagne jamais (il n'a remporté aucun prix sauf pour ses deux derniers livres écrits quand il n'était plus en conflit avec lui-même). De même un trop grand succès public au lieu de le combler ouvre des abîmes d'angoisse (celle d'être enfermé, celle d'être à la hauteur ou tout simplement digne de ce succès). 

La maison des esclaves de Gorée à Dakar.

La maison des esclaves de Gorée à Dakar.

CXIV
Le cancer ou plutôt la récidive de ce cancer en 2005 ne change pas fondamentalement les choses mais elle en modifie radicalement l'équilibre. Ce qui était sous-jacent (la quête de sens, la quête de soi) passe au premier plan et s'il accepte enfin de se calmer, de se poser, de s'ouvrir et de se remettre en question, c'est parce que l'approche de la mort pèse désormais de tout son poids sur lui et qu'il lui faut s'y préparer. Sa vie tumultueuse lui en a fait prendre conscience très tôt, son ombre l'a accompagné partout où il allait. La nouveauté c'est qu'au lieu de continuer à fuir en lui tournant le dos, il a décidé de s'arrêter et d'y faire face. Et de faire avant qu'il ne soit trop tard ce voyage intérieur qu'il a fui presque toute sa vie: " La maladie, il le disait, l'avait contraint d'affronter ses contradictions, celles qui l'avaient construit, celles qui le déchiraient et pouvaient le faire souffrir." (Armelle Héliot)
Bernard acquiert la paix de l'âme alors que son corps part en morceaux (on lui retire un rein en 2001, deux côtes en 2007...)

Bernard acquiert la paix de l'âme alors que son corps part en morceaux (on lui retire un rein en 2001, deux côtes en 2007...)

CXV

Ayant pris du recul, il se révèle très lucide sur lui-même et critique ses comportements passés particulièrement dans Les dames de nage et Cher amour:
"Moi qui aimait partir en cherchant la peur comme un baume, comme une excitation délicieuse, un peu mordante, je paniquais devant l'inconnu qui m'habitait. Aucun voyage, aucune fuite ne me révélerait à moi-même. La solution était en moi et je ne savais pas comment y entrer. Je pressentais qu'il fallait ne plus penser, perdre le contrôle, se laisser aller, enfin".
"Ah! Les hommes d'action, les actifs! Comme ils se fatiguent et nous fatiguent pour ne rien faire, et quelle bête de vanité que celle que l'on tire d'une turbulence stérile! Comme il avait raison Gustave [Flaubert]."
" Je suis seul devant le gâchis et l'orgueil responsable, la vie arrêtée nette au bord de l'abîme, la chair au-dedans déchirée." 
Vis à vis de ses proches, il tente de réparer tout ce qui peut encore l'être. Il se rapproche de ses enfants qu'il a parfois négligés et mis sous pression. Il noue un dialogue avec Annie Duperey qui leur permet de véritablement tourner la page. Et ainsi de suite.
Frédérique Tirmont qui l'a croisé deux ans avant sa mort dira "C'était la première fois qu'il me parlait vraiment, qu'il me regardait vraiment, qu'il me demandait comment j'allais vraiment."
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)

CXVI
Dans Cher amour, c'est l'expression des sentiments qui passe au premier plan. 
Dédicacé à une certaine madame T à qui il s'adresse, on comprend assez vite qu'il s'agit de cette femme rêvée qui l'a accompagnée tout au long de sa vie. Sauf qu'elle finit par s'incarner "je n'envisage pas de continuer cette vie tumultueuse sans aimer. Je ne peux pas éternellement écrire à une ombre, sans lui dire, lui parler et ne jamais avoir de réponse." Madame T prend alors les traits d'une femme bien réelle, celle avec laquelle il a passé les dernières années de sa vie (Thora Mahdavi). Cher amour esquisse la réunification entre l'imaginaire et le réel,  la sexualité et les sentiments.
"Je vous aimerai telle que vous êtes, non telle que je vous ai imaginée. Ce sera ma force et ma guérison. Ainsi commence ce jour le vrai voyage de ma vie puisque ce qui fut vécu n'était qu'un rêve effleuré." 
"Il ne faudra pas oublier les gestes, même esquissés, qui disent la tendresse, les gestes si souvent négligés, oubliés comme un repli du coeur. Je serai encore un peu maladroit mais vous allez m'aider mon amour."

"Ce n'est pas un personnage de théâtre qui souhaite avidement vous tenir dans ses bras, c'est un homme nu, sans costume aucun, sans texte appris par coeur, sans mise en scène longuement élaborée qui veut briser tous les miroirs pour découvrir derrière les éclats de sa vie la femme et l'amour qui s'échappent depuis si longtemps, la fiction dans laquelle je vis encore." (Cher amour)

"Ce n'est pas un personnage de théâtre qui souhaite avidement vous tenir dans ses bras, c'est un homme nu, sans costume aucun, sans texte appris par coeur, sans mise en scène longuement élaborée qui veut briser tous les miroirs pour découvrir derrière les éclats de sa vie la femme et l'amour qui s'échappent depuis si longtemps, la fiction dans laquelle je vis encore." (Cher amour)

CXVII
17 juin 2010, à l'aube
"Le voyage est une aube qui n'en finit pas. Comme Jim Harrison, je trouve que c'est beau, l'aube, les aubes du monde, à Saint-Petersbourg, au Kenya, au Mexique, partout, que ce soit avec l'éléphant qui boit, les usines qui fument, les Andes poudrées, Paris la brume derrière Belleville. C'est l'aube qui est belle parce qu'elle embellit. C'est l'annonce de l'éblouissement, la naissance de la vie incompréhensible. Tu regardes l'aube, mon amour, non, tu la vis, tu es en elle, tu t'abîmes pour renaître. Le bonheur du voyage, c'est de faire tout pour la première fois." (Cher amour)

"Le voyage est une aube qui n'en finit pas. Comme Jim Harrison, je trouve que c'est beau, l'aube, les aubes du monde, à Saint-Petersbourg, au Kenya, au Mexique, partout, que ce soit avec l'éléphant qui boit, les usines qui fument, les Andes poudrées, Paris la brume derrière Belleville. C'est l'aube qui est belle parce qu'elle embellit. C'est l'annonce de l'éblouissement, la naissance de la vie incompréhensible. Tu regardes l'aube, mon amour, non, tu la vis, tu es en elle, tu t'abîmes pour renaître. Le bonheur du voyage, c'est de faire tout pour la première fois." (Cher amour)

CXVIII

La vision panoramique qu'Oscar a d'elle-même,peu de temps avant de mourir

La vision panoramique qu'Oscar a d'elle-même,peu de temps avant de mourir

CXIX
Octobre 2014
Pendant notre séjour à La Rochelle, nous nous rendons sur les lieux qui ont nourri l'imaginaire de Bernard Giraudeau dans son enfance, constatant qu'ils ont été symboliquement détruits les uns après les autres.
En application du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (une conséquence des attentats du 11 septembre 2001), le port de la Pallice a été clôturé et interdit au public. Il a perdu jusqu'à son nom (n'étant plus relié au quartier de la Pallice il a été rebaptisé "port atlantique").

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2 (suite)

Le boulevard Emile Delmas, désormais séparé du port s'est dévitalisé (le Sea men's club, nouveau lieu de détente pour les marins se situant dans l'enceinte du port).
 

L'impasse à laquelle mène aujourd'hui le boulevard.

L'impasse à laquelle mène aujourd'hui le boulevard.

L'inauguration du pont reliant l'île de Ré au continent en 1988 a ouvert une boîte de Pandore. Ne reconnaissant plus le terrain de jeu sauvage de son enfance, défiguré par endroits par les villas de stars et le tourisme de masse, Bernard Giraudeau a fini par revendre la maison qu'il y possédait.
 

La barrière, le port, le pont.

La barrière, le port, le pont.

CXX

En attendant l'ouverture imminente de la maison du port, un bâtiment H.Q.E (haute qualité environnementale) qui désenclavera l'extrémité du boulevard Delmas et permettra enfin aux Rochelais et aux touristes de revenir contempler le trafic du port. Seulement, ils seront parqués sur une plateforme panoramique de 150 m2 qui permettra de voir de loin mais pas de toucher ou de respirer l'odeur des grumes. Ni de lire leur provenance "Le Libéria? Ca doit être un pays où tout le monde est libre..." (Bernard Giraudeau)

 

Un balcon sur la mer.
Un balcon sur la mer.

Un balcon sur la mer.

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Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2

Publié le par Rosalie210

DEUXIEME PARTIE

LXI
" Je suis double. L'un est là pour embêter l'autre, l'un détruit ce que l'autre entreprend, sans que je sache lequel." (Bernard Giraudeau à propos de son signe astrologique)
Doté d'une personnalité à la fois créatrice et destructrice, hyperactive et contemplative, murée en elle-même et avide de liberté, masculine et féminine, sombre et solaire, généreuse et égoïste, courageuse et prompte à la dérobade, franche et pudique, entière et adepte des faux-semblants, énergique et dépressive, rebelle et docile, dure et (hyper)sensible, forte et fragile, autoritaire et en recherche d'autorité, à la conquête du monde et en quête de sens, Bernard Giraudeau a passé l'essentiel de sa vie à se chercher tout en se fuyant. Une quête d'identité qu'il a effectué dans de grands espaces et des scènes de théâtre, au coeur de la forêt équatoriale et au sommet de la cordillère des Andes. Mais une quête tourmentée, longtemps figée au stade infantile, véritable enfer pour lui-même et pour son entourage. Ce sont les épines d'acacia dans sa poitrine qui l'ont fait grandir d'une seule traite, qui l'ont fait "passer des ténèbres à la sagesse" avant qu'elles ne se referment une fois pour toutes sur leur proie.
"Moi qui aimait les déserts, avec l'infini des robes minérales, je savais impossible ma retraite en cette austérité. Pourtant, quelque chose accrochait le ventre et vous sommait d'ouvrir les bras au soleil. Il faut être soudain poreux pour aimer. La terre se donne. Si elle repousse, c'est qu'on a fermé quelque chose en soi." (Les dames de nage)

"Moi qui aimait les déserts, avec l'infini des robes minérales, je savais impossible ma retraite en cette austérité. Pourtant, quelque chose accrochait le ventre et vous sommait d'ouvrir les bras au soleil. Il faut être soudain poreux pour aimer. La terre se donne. Si elle repousse, c'est qu'on a fermé quelque chose en soi." (Les dames de nage)

LXII
" Les autres officiers et moi-même nous sommes des êtres frustes, vulgaires. Fosca est cultivée, elle a un esprit délicat, subtil. Dès que je vous ai vu je me suis dit: voilà le type d'homme que Fosca aimera. Vous êtes beau, et sensible. Malheur à ceux qui viennent au monde avec la marque de ce péché originel." 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
Passion d'amour réalisé en 1981 par Ettore Scola grave magistralement dans le marbre les tourments d'un homme qui, à 34 ans, était alors au faîte de sa jeunesse et de sa beauté. Une beauté quasi surréelle parce que déjà hantée par la mort. Il l'avait frôlée à plusieurs reprises à la fin de son adolescence et une chiromancienne lui avait prédit qu'il allait mourir jeune. "Un homme solaire et inquiet."; "On voyait l'ombre de la mort sur son visage et en même temps il était lumineux."
 
LXIII
Le film est l'adaptation d'un roman aux résonances autobiographiques de Iginio UgoTarchetti. Il ne put achever celui-ci, emporté.... à tout juste 30 ans par la tuberculose.
Tarchetti s'est dépeint aussi bien dans le personnage de Fosca que dans celui de Giorgio Barchetti (qui à une lettre près est son nom de famille).

Tarchetti s'est dépeint aussi bien dans le personnage de Fosca que dans celui de Giorgio Barchetti (qui à une lettre près est son nom de famille).

LXIV
Passion d'amour se déroule au XIX° siècle dans le Piémont italien. Un jeune et fringant capitaine de cavalerie, Giorgio Barchetti est affecté dans une garnison isolée au coeur des Alpes. A son grand désespoir, il doit s'éloigner de sa belle maîtresse, Clara qui est mariée et a un enfant.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
 
Mais dans sa nouvelle affectation, il fait la connaissance d'une jeune fille de son âge, Fosca ("obscure"). Celle-ci vit quasiment cloîtrée car frappée à la fois par une terrible laideur et une maladie potentiellement mortelle. 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2

Fosca est bouleversée par la beauté de Giorgio mais aussi par sa sensibilité si semblable à la sienne et totalement insolite chez un homme de ce temps et de ce milieu. Elle tombe passionnément amoureuse de lui et révèle sa force de caractère hors du commun (prodigieuse Valeria d'Obici!). En effet ses sentiments se manifestent de façon intense, opiniâtre, douloureuse et oppressive au travers de crises d'hystérie particulièrement terrifiantes. 

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2

Après une longue lutte interne entre répulsion instinctive et attraction irrésistible, Giorgio finit par découvrir et accepter en lui un sentiment d'une intensité supérieure à tout ce qu'il a vécu jusque-là.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2

 Mais cette passion lorsqu'elle se concrétise finit par les détruire tous les deux.

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LXV
Ettore Scola choisit Bernard Giraudeau pour jouer le rôle de Giorgio Barchetti après avoir rencontré près d'une cinquantaine de comédiens différents: " Immédiatement, le courant passe entre les deux hommes: le scénario renvoie Bernard à ses propres interrogations sur la beauté." (Bertrand Tessier).
Bernard Giraudeau est très surpris voire incrédule d'avoir été choisi par l'un des maître du cinéma italien alors qu'à la même époque il ne tourne en France que des grosses productions populaires à succès "Scola, très psychologue, a dû comprendre qu'intérieurement j'étais plus angoissé, plus fragile et plus violent que je ne le laissais paraître" (B.G)
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LXVI
La beauté et son contraire, la laideur occupent une place centrale dans le film. Mais là où l'histoire s'avère profondément originale et moderne, c'est que ces deux notions sont sexuellement inversées. La beauté qui est d'essence féminine s'incarne dans un corps masculin alors que la laideur, attribuée traditionnellement au masculin (de la Belle et la Bête à Cyrano de Bergerac en passant par Quasimodo et Esméralda) s'incarne ici dans un corps féminin.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
LXVII
Plus l'histoire progresse, plus la nature féminine de Giorgio se révèle: "Le cheminement de Giorgio a été pour moi une expérience extrêmement douloureuse. C'était très difficile d'accepter cette évolution. Giorgio est passif, il ne dit rien, il ne fait rien, il subit l'autre." (BG)
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Bien évidemment, Ettore Scola ne lui a pas attribué ce rôle innocemment: " Les séducteurs ont toujours une part importante de féminité en eux. Sur le tournage, je m'amusais à l'appeler "mon actrice préférée." (Ettore Scola)
 
LXVIII
La mue est achevée quand Giorgio, atteint des mêmes manifestations hystériques que Fosca est réformé de l'armée. L'hystérie est traditionnellement associée aux femmes, hystera signifiant utérus. 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
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LXIX
Le second thème majeur du film est l'incompatibilité entre le bonheur et la passion. Au début du film, Fosca refuse de se montrer de peur d'être rejetée par Giorgio. Ils dialoguent par livres interposés qu'il fait monter dans sa chambre. Parmi eux La Nouvelle Héloïse de Rousseau devient un véritable sésame. Fosca a souligné en effet une phrase lourde de sens dans le livre (voir Jackie Demaistre dans la première partie): " Les passions les plus douloureuses procurent une jouissance qui supplée au bonheur." Comment ne pas songer à Truffaut et à cette phrase récurrente dans son oeuvre: "vous aimer est à la fois une joie et une souffrance."
Dans le manga de la Rose de Versailles (dont Lady Oscar est une adaptation), le comte de Girodelle (qui a demandé la main d'Oscar) se moque d'André en lui suggérant de lire La nouvelle Héloïse qu'il juge "enfantin". Après l'avoir lu et s'y être reconnu dans son amour impossible pour Oscar, André pense qu'"il n'y a des amours qui ne sont unies que par la mort."

Dans le manga de la Rose de Versailles (dont Lady Oscar est une adaptation), le comte de Girodelle (qui a demandé la main d'Oscar) se moque d'André en lui suggérant de lire La nouvelle Héloïse qu'il juge "enfantin". Après l'avoir lu et s'y être reconnu dans son amour impossible pour Oscar, André pense qu'"il n'y a des amours qui ne sont unies que par la mort."

LXX
Troisième thème fondamental du film: la sexualité mortifère. Fosca avec son visage d'épouvante et son corps tourmenté est une cousine pas très lointaine du Nosferatu de Murnau et du Cri de Munch. 
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Elle s'aggripe à Giorgio, le prive peu à peu de sa force vitale, le vampirise. Plus le film progresse, plus celui-ci s'affaiblit et s'obscurcit, finissant par s'enrouler dans sa cape noire à la manière d'une grosse chauve-souris.

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LXXI
Elle finit par l'entraîner avec elle dans le monde des ténèbres et même par l'absorber complètementAlmodovar dans son court-métrage en N et B "L'Amant qui rétrécit" (Parle avec elle 2002) illustre cette angoisse latente d'être avalé par le sexe féminin à la façon de l'origine du monde de Courbet. C'est cette crainte qui a entraîné la chasse aux sorcières au Moyen-Age car selon le Maleus Maleficarum "toute sorcellerie vient des passions charnelles qui dans les femmes, sont insatiables."

Quant à Fosca, sa laideur l'a tenue à l'écart des hommes puis l'a rendue malade lorsqu'elle a été flouée par un escroc qui s'est enfui le jour de ses noces avec sa dot. Depuis, la sexualité lui est interdite sous peine de mort. C'est justement pour cela qu'elle passe outre avec Giorgio avec les mêmes conséquences que dans La Belle au Bois dormant"Le jour de ses 16 ans, elle se piquera le doigt avec un fuseau et elle en mourra."

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
LXXII
" J'aurai dû être marin toute ma vie, pas acteur. Je suis un marin acteur." (Le Marin à l'ancre) Aussi (sur)doué pour la gymnastique intellectuelle et l'expression artistique que pour le travail manuel ou les exploits sportifs Bernard Giraudeau a eu plusieurs vies et autant de métiers ou d'occupations différentes. Outre les deux professions déjà citées (de loin les plus importantes), il a été contrôleur à la chaîne, colleur d'affiches, fabricant de colliers et de bracelets, vendeur de placards publicitaires, manutentionnaire, danseur, karatéka, alpiniste, parachutiste, réalisateur...
Les marins perdus (2003) réalisé par Claire Devers d'après le roman du même nom de Jean-Claude Izzo. Un bateau à quai qui symbolise l'impasse existentielle dans la vie de trois hommes de mer. La réalisatrice a engagé Giraudeau sans connaître son passé de marin. Celui-ci infléchit certains passages du film qui prennent une résonance autobiographique.

Les marins perdus (2003) réalisé par Claire Devers d'après le roman du même nom de Jean-Claude Izzo. Un bateau à quai qui symbolise l'impasse existentielle dans la vie de trois hommes de mer. La réalisatrice a engagé Giraudeau sans connaître son passé de marin. Celui-ci infléchit certains passages du film qui prennent une résonance autobiographique.

LXXIII
Et puis il y a l'écriture "ce désir d'enfance d'écrire au monde". Il griffonne sur des carnets de notes durant les années de marine nationale comme durant la période de vedettariat.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
Son talent d'écrivain n'éclate au grand jour que dans les années 2000 quand la maladie le contraint à l'ascétisme et à l'introspection. Comme Proust qui a toujours su lui résister puisqu'en qu'en dépit de ses efforts il n'est jamais parvenu à terminer A la recherche du temps perdu. Plutôt irritant quand on est un perfectionniste.
 
LXXIV
Entre 2001 et 2009, Bernard Giraudeau a publié cinq livres: une correspondance (Le Marin à l'ancre), un recueil de contes pour enfants (Les contes d'Humahuaca), un recueil de nouvelles (Les Hommes à terre) et deux romans Les dames de nage et Cher amour. A cela il faut rajouter les deux bandes dessinées réalisées d'après ces mêmes ouvrages avec le dessinateur Christian Cailleaux: R97-Les hommes à terre (2008) et Les longues traversées publiées à titre posthume en 2011.
Des livres à forte teneur autobiographique bien que les héros portent d'autres noms tels que Théo Laurens (R97) ou Marc Austère et ses amis Michel et Diego (Les dames de nage).
"Je pense parfois en t'écrivant que je ne suis qu'un marin d'encre et que toi, mon ami, le marin à l'ancre, il n'y a que ton corps qui soit ancré à Saint-Jean."

"Je pense parfois en t'écrivant que je ne suis qu'un marin d'encre et que toi, mon ami, le marin à l'ancre, il n'y a que ton corps qui soit ancré à Saint-Jean."

" Il y a des ports qui se cachent. ils se barricadent en concessions privées, ils se replient, se ferment.. Ils se portifient. Ils sont portifères."

" Il y a des ports qui se cachent. ils se barricadent en concessions privées, ils se replient, se ferment.. Ils se portifient. Ils sont portifères."

"Elle était riche d'un passé tumultueux, hésitant. Elle avait la souplesse d'un animal et la liberté offerte. Elle semblait, en ces instants une vague heureuse, épuisée, dirait Camus, qui s'abandonne sur la grève. Elle était femme des turbulences et cherchait un abri. Elle était rieuse et douloureuse à la fois, c'est à dire doulourieuse."

"Elle était riche d'un passé tumultueux, hésitant. Elle avait la souplesse d'un animal et la liberté offerte. Elle semblait, en ces instants une vague heureuse, épuisée, dirait Camus, qui s'abandonne sur la grève. Elle était femme des turbulences et cherchait un abri. Elle était rieuse et douloureuse à la fois, c'est à dire doulourieuse."

"Je vous écris pour prolonger l'instant, en garder une trace, tordre le cou à la fugacité, à l'oubli, à l'impermanence, ceci sans succès bien sûr puisque c'est vouloir figer l'éphémère et j'aime l'éphémère, nul n'est parfait."

"Je vous écris pour prolonger l'instant, en garder une trace, tordre le cou à la fugacité, à l'oubli, à l'impermanence, ceci sans succès bien sûr puisque c'est vouloir figer l'éphémère et j'aime l'éphémère, nul n'est parfait."

LXXV
Le contenu et le style de ses livres est à l'image de sa personnalité: varié, contrasté, marqué par des ruptures de rythmes et de tons, des passages d'un monde à un autre, d'un type de récit à un autre "Mais comment fait-il, Bernard Giraudeau? Comment parvient-il à passer en quelques lignes de l'horreur à la beauté, d'un cruel réalisme à la poésie, du rire aux larmes, du vaste monde à la loge d'un théâtre, d'Anouilh à Magellan, des choses qui fâchent aux choses qui enchantent?" (Bernard Pivot à propos de Cher amour)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
LXXVI
L'évolution personnelle de Bernard Giraudeau est perceptible à travers ses romans. On bouge tellement d'un lieu à l'autre dans Le Marin à l'ancre que l'on finit par avoir le tournis. L'univers se réduit à des sensations ou des impressions furtives. Les faits les plus traumatisants et/ou les plus sordides sont exposés avec une crudité suffocante. Un certain fatalisme (inaptitude au bonheur, à l'amour etc.) teinté d'angoisse imprègne le tout. A l'autre bout du spectre, Cher amour est ample, lent, approfondi, réflexif, contemplatif, perméable, doux, sensible et ouvert à l'espoir. 
 
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LXXVII
Bernard Giraudeau est né à La Rochelle le 18 juin 1947. Son père qui est militaire a été prisonnier en Allemagne de 1940 à 1945. Puis il a été affecté à Berlin au début de la guerre froide avant de s'engager dans les guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie. Entre ses engagements, il tient une épicerie puis vend des automobiles. Fuyant ou absent, "toutes fenêtres closes sur la pudeur" puisque "communiquer était impudique" (Le Marin à l'ancre). 
Sa mère, femme au foyer est issue d'une famille huguenote ayant trouvé refuge dans ce fief du protestantisme depuis l'édit de Nantes. D'une autre façon que le père, elle n'est pas vraiment là non plus " Maman était quelqu'un d'un peu absent, qui a toujours vécu dans son monde. Elle ne posait pas de questions." (Elizabeth Giraudeau). L'enfance de Bernard Giraudeau est solitaire (ses frères et sa soeur sont beaucoup plus jeunes que lui).
Je n'ai jamais eu de photos d'enfance nettes. Toutes furent prises avec cet appareil, qui laisseront toujours mes premières années de vie dans le flou. (Les dames de nage)

Je n'ai jamais eu de photos d'enfance nettes. Toutes furent prises avec cet appareil, qui laisseront toujours mes premières années de vie dans le flou. (Les dames de nage)

LXXVIII
 
C'est au croisement des deux influences parentales que se situe son passage chez les éclaireurs unionistes, des scouts protestants qui lui donnent le goût de l'aventure. 
Deux traits de son caractère s'affirment à cette occasion: son goût pour le commandement (il était toujours le chef "des troupes") et un comportement volcanique et rebelle qui lui vaut le totem de "Taurillon furieux".

Deux traits de son caractère s'affirment à cette occasion: son goût pour le commandement (il était toujours le chef "des troupes") et un comportement volcanique et rebelle qui lui vaut le totem de "Taurillon furieux".

" Je jure que j'ai cru, une nuit, au débarquement des contrebandiers sur les plages de l'Atlantique. Sur les pieds nus des pirates l'écume était phosphorescente. Un Long John Silver donnait rudement des ordres et maniait un grand coutelas. Un type avec un bandeau tenait un fusil. Il scrutait les dunes en s'attardant dans notre direction. Grouillez-vous les gars, y'a du danger, crachait-il tout bas mais assez fort pour être entendu, y'a mon nez qui me dit qu'on est peut-être pas tout seuls cette nuit. Dimitri a repéré un campement de l'autre côté des dunes, des mouflets qu'il a dit. Si je les prends, je les noie comme des petits chats." (Les dames de nage)

Jim et Long John Silver, les héros de l'un des premiers livres d'aventures dévoré par Bernard Giraudeau

Jim et Long John Silver, les héros de l'un des premiers livres d'aventures dévoré par Bernard Giraudeau

LXXIX
Outre Stevenson, deux écrivains de marine nourrissent l'imaginaire de l'enfant et de l'adolescent: Joseph Conrad et Herman Melville.
R97, les hommes à terre p 45

R97, les hommes à terre p 45

Les Hommes à terre, Billy, nouvelle, pp 85-110

Les Hommes à terre, Billy, nouvelle, pp 85-110

Plus tard, il y aura d'autres de ces écrivains navigateurs ou écrivains voyageurs ou écrivains aventuriers: Rimbaud, St-Exupéry, Kerouac, London etc.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
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LXXX
Quand il ne bivouaque pas avec les éclaireurs sur l'île de Ré ou dans le marais poitevin, il s'évade sur les quais du port de commerce de la Rochelle entre grumes (troncs d'arbres) et conteneurs:
"Tu te retrouves à dix ans sur le port de la Pallice à regarder le nez en l'air, les grumiers d'Afrique ou du Brésil. Ca sent le bois, ça sent là-bas. Tu voudrais déjà aller sur le pont où flotte un pavillon panaméen. Le soleil avant de disparaître allume les bois rouges et la rouille des coques. Tu as déjà vu les grandes grues des quais, Roland? Le soir, elles s'immobilisent. Elles ressemblent à de gros insectes en attente. Il  y a une odeur de cuisine grasse, d'effluves de pétrole, de peinture. Cette odeur-là tu la reconnaîtras partout, la même odeur ou presque sur tous les bateaux du monde. Tu vois qu'il y a de quoi nourrir l'imaginaire. Tu as dix ans et tu es déjà parti." (Le Marin à l'ancre)

"Tu te retrouves à dix ans sur le port de la Pallice à regarder le nez en l'air, les grumiers d'Afrique ou du Brésil. Ca sent le bois, ça sent là-bas. Tu voudrais déjà aller sur le pont où flotte un pavillon panaméen. Le soleil avant de disparaître allume les bois rouges et la rouille des coques. Tu as déjà vu les grandes grues des quais, Roland? Le soir, elles s'immobilisent. Elles ressemblent à de gros insectes en attente. Il y a une odeur de cuisine grasse, d'effluves de pétrole, de peinture. Cette odeur-là tu la reconnaîtras partout, la même odeur ou presque sur tous les bateaux du monde. Tu vois qu'il y a de quoi nourrir l'imaginaire. Tu as dix ans et tu es déjà parti." (Le Marin à l'ancre)

Autre lieu-clé du quartier de la Pallice: le boulevard Emile Delmas situé juste derrière les docks, passerelle entre le port et la ville. La nuit tombée il se transforme en boulevard de la Soif.

"Tu as dix ans et tu passes avec ton vélo sans lumière sur le boulevard de la soif. C'est encore le port. Il y a des bistrots, des bordels. Tu roules lentement, le coeur battant. Tu scrutes l'interdit. Il y a des dos enfumés, des gueules qui se retournent sans te voir. Des filles qui collent, qui rient. Tu as dix ans et tu regardes. Un type sort pour dégueuler. Tu as honte qu'il te voie. Hoquets et cascades lie de vin. Qu'est-ce que tu fais là, petit? Tu cherches ta mère? Ginette, qui c'est le gamin? Je m'en tape du gamin, ferme la porte et essuie-toi. Tu verrais ta gueule en rouge et bleu sous les néons. L'Eden, le Caraïbe, le Bambou Bar. Il est tard et tu files à la maison." (Le Marin à l'ancre)
"Tu as dix ans et tu passes avec ton vélo sans lumière sur le boulevard de la soif. C'est encore le port. Il y a des bistrots, des bordels. Tu roules lentement, le coeur battant. Tu scrutes l'interdit. Il y a des dos enfumés, des gueules qui se retournent sans te voir. Des filles qui collent, qui rient. Tu as dix ans et tu regardes. Un type sort pour dégueuler. Tu as honte qu'il te voie. Hoquets et cascades lie de vin. Qu'est-ce que tu fais là, petit? Tu cherches ta mère? Ginette, qui c'est le gamin? Je m'en tape du gamin, ferme la porte et essuie-toi. Tu verrais ta gueule en rouge et bleu sous les néons. L'Eden, le Caraïbe, le Bambou Bar. Il est tard et tu files à la maison." (Le Marin à l'ancre)

"Tu as dix ans et tu passes avec ton vélo sans lumière sur le boulevard de la soif. C'est encore le port. Il y a des bistrots, des bordels. Tu roules lentement, le coeur battant. Tu scrutes l'interdit. Il y a des dos enfumés, des gueules qui se retournent sans te voir. Des filles qui collent, qui rient. Tu as dix ans et tu regardes. Un type sort pour dégueuler. Tu as honte qu'il te voie. Hoquets et cascades lie de vin. Qu'est-ce que tu fais là, petit? Tu cherches ta mère? Ginette, qui c'est le gamin? Je m'en tape du gamin, ferme la porte et essuie-toi. Tu verrais ta gueule en rouge et bleu sous les néons. L'Eden, le Caraïbe, le Bambou Bar. Il est tard et tu files à la maison." (Le Marin à l'ancre)

LXXXI
Issu d'une lignée de marins (sous marinier, pêcheur, cap-hornier) Bernard a la mer et le voyage dans le sang, des rêves de liberté plein la tête et refuse viscéralement d'aller à l'usine vers laquelle il semble destiné depuis qu'il a été orienté en collège technique en sixième.
15 ans, il quitte le collège pour entrer à l'Ecole des apprentis mécaniciens de la flotte de Toulon (dite aussi école des mousses ou école des arpètes) dont il sort premier en 1963 ce qui lui permet de choisir son embarquement.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
En 1964 à 17 ans, il embarque donc pour son premier tour du monde à bord du navire école des officiers de la marine nationale, le porte-hélicoptères R97 dit La Jeanne d'Arc. Il est mécanicien spécialiste en turbine-diesel et chaudière, tout en bas de la hiérarchie (d'où le surnom péjoratif de "bouchon gras" en référence au chiffon utilisé par les mécaniciens pour éponger les taches d'huile). 
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
LXXXII
Cependant, il découvre très vite un mode de vie éprouvant, très différent de celui qu'il s'était imaginé. Il passe ses journées à fond de cale, enfermé dans la salle des machines dans le bruit et la chaleur (plus de 40°). Le manque d'isolation l'empêche de dormir (sa cabine est juste au-dessus de la salle des machines). La promiscuité est pesante (ils sont une soixantaine à occuper le même poste).
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Il a également oublié le fait que la marine est une partie de l'armée. Il est soumis à une discipline de fer, inspecté tous les jours, obligé de se plier aux pires corvées. 

C'est d'ailleurs en les récurant qu'il déniche le premier tome d'A la recherche du temps perdu de Proust, coincé dans la tuyauterie.

C'est d'ailleurs en les récurant qu'il déniche le premier tome d'A la recherche du temps perdu de Proust, coincé dans la tuyauterie.

LXXXIII
En plus de tout cela, il est le plus jeune et le plus frêle de l'équipage. Il a du mal à trouver sa place dans un monde d'hommes grossiers, brutaux et alcoolisés. Il se replie sur lui-même et n'est proche que de ceux qui comme lui écrivent des poèmes ou lisent de la littérature.
Tous les néophytes (surnommés "la "bleusaille") subissent des brimades. Un jour, il est victime d'une tentative de meurtre par pendaison. Celle-ci est interrompue par un second maître qui étouffe l'affaire. Cet événement longtemps tu laissera des traces. 

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
LXXXIV
Les longues traversées constituent l'essentiel de son quotidien et celui-ci peut être très sportif notamment lors des typhons...
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2

Les escales dans les ports sont d'autres moments de hautes turbulences. Certes, il y a des excursions, du shopping mais il y a surtout des virées de groupe dans les bars et les bordels qui tournent parfois au drame. 

Lors de son second tour du monde il se fait braquer en sortant d'un restaurant de Manille et croit que sa dernière heure est arrivée. Le déséquilibré le ramène jusqu'au bateau, le canon du revolver enfoncé dans son dos (Cher amour)

Lors de son second tour du monde il se fait braquer en sortant d'un restaurant de Manille et croit que sa dernière heure est arrivée. Le déséquilibré le ramène jusqu'au bateau, le canon du revolver enfoncé dans son dos (Cher amour)

LXXXV
C'est au cours de ce premier tour du monde qu'il connaît ses premières expériences sexuelles. A la fréquentation des prostituées, s'ajoutent des "amours" de passage sans lendemain possible. Dans les deux cas c'est un désastre affectif qui achève de le transformer en handicapé des sentiments.
D'un côté la satisfaction compulsive des bas instincts dans des conditions sordides et humiliantes. De l'autre un grand amour idéalisé avec une femme rêvée seule à pouvoir partager son intimité ("concept contre la solitude" selon les propres termes de BG que l'on retrouve en couverture des BD). En conservant ce mode de fonctionnement dissocié bien après l'armée, il s'empêche de connaître une relation satisfaisante avec une femme réelle. Elles finissent toutes par le quitter à cause de son détachement, de son indifférence, de son mutisme ou de son caractère invivable: " Ce n'est pas quelqu'un avec qui on pouvait rester. On n'arrivait pas à le cerner. On ne savait pas si l'on comptait. On était là et puis voilà. Il n'était pas câlin. Il ne disait rien. Il était bloqué. Insaisissable. Ailleurs." (Frédérique Tirmont)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2
LXXXVI

Le point de non-retour est atteint lorsque ,furieux d'être réduit à une "machine-outil", il manque étrangler une prostituée à Kobé. Seule l'intervention d'un camarade l'arrête dans son geste meurtrier. Dans les années et les décennies qui suivent, c'est contre lui qu'il retourne cette violence et là encore, il faut des interventions extérieures pour l'empêcher de commettre l'irréparable. 

De là découle une peur d'aller fouiller en lui-même qui ne le quittera plus et l'entraînera dans une fuite en avant sans issue.
"J'ai peur de l'inexplicable et de l'inexpliqué. J'ai peur un jour de perdre la raison totalement, irrémédiablement. J'ai peur de ces moments où je ne me contrôle plus, où j'échappe à moi-même." (Lettre à Philippe Giraudeau).

"J'ai peur de l'inexplicable et de l'inexpliqué. J'ai peur un jour de perdre la raison totalement, irrémédiablement. J'ai peur de ces moments où je ne me contrôle plus, où j'échappe à moi-même." (Lettre à Philippe Giraudeau).

LXXXVII
La folie criminelle revient comme une obsession dans la filmographie de Bernard Giraudeau:
 
Dans cette adaptation d'Hécate et ses chiens de Paul Morand datant de 1982, Giraudeau joue le rôle d'un attaché consulaire pris au piège d'une passion pour une prédatrice perverse et insaisissable. Peu à peu il est gagné par la jalousie et la folie furieuse au point de sombrer dans la même criminalité pédophile qu'elle. Le film est inégal et maladroit mais il possède une réelle atmosphère grâce à sa musique et l'utilisation des labyrinthiques ruelles de Fes.

Dans cette adaptation d'Hécate et ses chiens de Paul Morand datant de 1982, Giraudeau joue le rôle d'un attaché consulaire pris au piège d'une passion pour une prédatrice perverse et insaisissable. Peu à peu il est gagné par la jalousie et la folie furieuse au point de sombrer dans la même criminalité pédophile qu'elle. Le film est inégal et maladroit mais il possède une réelle atmosphère grâce à sa musique et l'utilisation des labyrinthiques ruelles de Fes.

Dans Ce jour-là de Raoul Ruiz (2003) il joue un tueur échappé de l'asile qui se transforme en chevalier servant au contact d'une jeune fille aussi "dérangée" que lui. Au lieu de l'assassiner, il s'en prend à tous ceux qui lui veulent du mal.  Le film décalé et surréaliste rappelle un peu Délicatessen avec sa loufoquerie, sa poésie, son étrangeté, sa dureté sous-jacente (le monde cruel des capitalistes contre deux innocents aux mains pleines.) et ses acteurs typés (dont Rufus qui joue dans les deux films).

Dans Ce jour-là de Raoul Ruiz (2003) il joue un tueur échappé de l'asile qui se transforme en chevalier servant au contact d'une jeune fille aussi "dérangée" que lui. Au lieu de l'assassiner, il s'en prend à tous ceux qui lui veulent du mal. Le film décalé et surréaliste rappelle un peu Délicatessen avec sa loufoquerie, sa poésie, son étrangeté, sa dureté sous-jacente (le monde cruel des capitalistes contre deux innocents aux mains pleines.) et ses acteurs typés (dont Rufus qui joue dans les deux films).

Quant à Je suis un assassin de Thomas Vincent (2004), son titre annonce le programme. Le personnage joué par Giraudeau tue d'abord par procuration avant de sombrer peu à peu dans la folie (pour changer...) et de tuer pour de bon.

Quant à Je suis un assassin de Thomas Vincent (2004), son titre annonce le programme. Le personnage joué par Giraudeau tue d'abord par procuration avant de sombrer peu à peu dans la folie (pour changer...) et de tuer pour de bon.

LXXXVIII
S'il repart néanmoins à bord de la Jeanne d'Arc pour un deuxième tour du monde (cette fois en tant qu'agent de sécurité du navire), c'est qu'il a signé un engagement pour cinq ans avec la marine nationale et qu'il est coincé. Il est néanmoins beaucoup plus revendicatif et rebelle qu'avant. 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2

Il sait en effet qu'il dilapide sa jeunesse et que son avenir n'est pas dans la marine: " Dans l'enclos de l'armée vivent des âmes qui peu à peu se dessèchent. Quelques-uns et je fais mon possible pour être de ceux-là, tentent de sortir de ce sommeil malfaisant. Nous luttons contre ce sommeil troublé par des règles absurdes qui abaissent l'être. Non! Ce n'est pas la vie et la place d'un homme."

Après la Jeanne d'Arc, il embarque à bord de la frégate Duquesne (qui reste à quai) puis du porte-avions Clemenceau. Là, il explose. Feignant (ou non) un début de démence, il est interné en psychiatrie militaire et réformé le 23 novembre 1966.

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Néanmoins son histoire avec la Jeanne d'Arc n'est pas terminée.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 2

En 2004, quarante ans après son premier tour du monde, Bernard Giraudeau est de retour sur la Jeanne d'Arc pour une traversée cathartique. Auréolé de son titre d'écrivain de marine, il a le statut honorifique de capitaine de frégate. A ce titre il peut naviguer sur n'importe quel bâtiment de la Royale (surnom de la marine nationale dont le siège se trouve rue Royale). Evidemment, c'est la Jeanne d'Arc qu'il choisit. Il dort dans la chambre de l'amiral, face à la mer et demande à monter tout en haut du mât pour filmer le passage du canal de Suez. 

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Néanmoins il descend aussi dans la salle des machines là où tout a commencé...
 
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L'identification est telle que lorsque la Jeanne d'Arc est mise au rebut en mai 2010, il envoie un message à ses anciens camarades réunis pour l'occasion "Je suis dans la dernière ligne droite, comme La Jeanne. Elle c'est fini et moi ça va pas tarder". De fait il mourra un mois plus tard.
Ce lien charnel, organique entre un homme et une machine féminisée nourrit l'histoire de l'art de Jacques Lantier et la Lison, la locomotive de La Bête humaine de Zola à Théodore et Samantha l'ordinateur dans le film Her de Spike Jonze. Avec pour toile de fond la déshumanisation, la solitude et la folie: " Ce furent des années bousculées par la découverte d'autres terres, une jeunesse frappée sur l'enclume avec un mélange de fascination pour la beauté du monde et la violence des hommes, un apprentissage pendant lequel l'amour avait les ailes coupées. Il fallait une féroce envie d'aimer la vie pour ne pas être définitivement blessé." (Cher amour)
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