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Il Bidone

Publié le par Rosalie210

Federico Fellini (1955)

Il Bidone

Film puissant, "Il Bidone" s'inscrit dans le prolongement des deux oeuvres précédentes de Federico FELLINI, "Les Vitelloni" (1953) et "La Strada" (1954). Du premier, il reprend le principe du film de bande, portraiturant à nouveau un groupe de minables vivant aux crochets des autres, sauf qu'au lieu d'êtres des oisifs, ce sont des escrocs. Parmi eux, on reconnaît Franco FABRIZI, séducteur dans "Les Vitelloni", gigolo dans "Il Bidone". Du second, outre la présence de Giulietta MASINA qui apporte l'une des seules sources d'espoir du film, celui-ci révèle le même tournant métaphysique dans sa dernière ligne droite, celui d'un homme qui a refusé la grâce et se retrouve banni du monde des hommes et du royaume de Dieu, pleurant ou agonisant dans un paysage désertique. "Il Bidone" est cependant plus sombre que les deux autres films et se caractérise par d'importantes ruptures de ton et même de genre. La vilénie humaine est d'abord traitée sur le mode de la bouffonnerie avec la description des escroqueries du trio formé par Augusto, Picasso et Roberto qui abusent de la crédulité des plus faibles, se déguisant tantôt en ecclésiastiques pour gruger les paysans et tantôt en fonctionnaires pour arnaquer les demandeurs de logements sociaux vivant dans les bidonvilles. Néanmoins, lorsque surgit Rinaldo, ancien associé d'Augusto qui a réussi dans la vie commence à percer chez ce dernier un abattement, une lassitude qui le détache des deux autres que l'on peut considérer comme des avatars possibles d'Augusto lui-même quand il était jeune (une version candide et l'autre au contraire totalement cynique). Augusto ne cesse en effet de souligner son âge, 48 ans comme si c'était "trop tard", d'autant qu'il en fait en réalité presque vingt ans de plus. Le film va alors peu à peu se resserrer sur lui et lui faire emprunter un véritable chemin de croix, alors même qu'il bascule du néoréalisme vers quelque chose de beaucoup plus existentiel. La rencontre avec sa fille, âgée de 17 ans et qu'il n'a pas élevée lui-même s'avère déterminante. Celle-ci est sur le point de faire un choix quant à son avenir, choix marqué par la gêne financière. Augusto qui vit hors de la réalité est alors paradoxalement ramené sur terre par cette figure de pureté morale qui revient le hanter sous la forme d'une petite paysanne infirme. Mais il refuse de renoncer à l'argent facile et rejette la main tendue de cette incarnation de la grâce. Son châtiment (divin?) sera terrible mais Federico FELLINI le filme jusqu'au bout comme un homme qui souffre, un homme qui doute, un homme ambivalent ayant fait les mauvais choix mais aspirant toujours à rejoindre l'humanité. Sans doute parce Augusto est une part de la personne qu'aurait pu devenir Federico FELLINI, lui qui avait échappé de justesse à ce type de destin, à l'image de Moraldo dans les Vitelloni sous l'influence d'un "Guido" ce qui l'a rendu apte à comprendre aussi bien les "Vitelloni" que les "Bidoni".

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Le comte de Monte-Cristo

Publié le par Rosalie210

Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière (2024)

Le comte de Monte-Cristo

Chaque génération ou presque voit déferler sur les écrans, petits ou grands son adaptation des grands classiques de Alexandre Dumas. Après avoir signé le scénario des deux volets sortis à ce jour de "Les Trois Mousquetaires" (2023) réalisés par Martin BOURBOULON, Mathieu DELAPORTE et Alexandre de la PATELLIERE se sont lancés dans l'adaptation et la réalisation d'une nouvelle version de l'autre best-seller de Alexandre Dumas, "Le Comte de Monte-Cristo". Le père d'Alexandre, Denys de LA PATELLIERE avait lui-même réalisé une version du roman à la fin des années 70 sous forme de mini-série avec une grande fidélité à l'oeuvre d'origine. Ce n'est pas le cas de cette version modernisée qui sacrifie la profondeur à l'efficacité dramatique. Chaque époque a ses références. Il est assez clair que les réalisateurs ont voulu tirer le roman de Alexandre Dumas du côté du film de super-héros avec les transformations physiques de Edmond Dantès qui ne cesse de changer de masque et une panoplie gothique à faire pâlir de jalousie Batman, le tout fusionné avec l'esthétique romantique du premier tiers du XIX° siècle (et une allusion aux Templiers qui en jette même si on se demande ce qu'elle vient faire là). Mais le théâtre social que répètent à longueur de temps Dantès et ses deux protégés en reste au niveau du marivaudage sentimental et des secrets de famille avec petit clin d'oeil aux sujets du moment (l'homosexualité de Eugénie Danglars, personnage d'ordinaire absent des adaptations tout comme son père est soulignée). La dimension politique, sociale et même psychologique du roman de Dumas passe à la trappe et avec elle une bonne part du sens de cette oeuvre. En dépit des dates qui s'affichent  à l'écran, l'histoire semble se dérouler sur quelques mois et non sur vingt ans, les personnages portent le même nom d'un bout à l'autre et ne changent donc pas de statut social, ils évoluent la plupart du temps dans des pièces vides et en dehors des cent jours (et encore), tous les événements historiques sont effacés. Le personnage du parvenu nouveau riche qui est au centre du roman de Dumas avec notamment les intrigues autour des titres, de l'héritage et des alliances matrimoniales n'existe plus. L'exemple le plus frappant de cette opération de neutralisation et de lissage s'opère sur le personnage de Andrea Cavalcanti, une crapule transformée en faux prince pour mieux gruger les ennemis de Dantès. Dans le film il devient un jeune homme vertueux que Dantès élève comme son fils. Et bien sûr histoire de ne pas choquer les bonnes moeurs, Haydée tombe amoureuse d'Albert ce qui est totalement invraisemblable étant donné que celui-ci est le fils de l'homme qui a trahi et fait tuer son père et les a vendues elle et sa mère comme esclaves. Cette superficialité destinée à ratisser large sans faire de vagues (qui vaut aussi pour la mise en scène et la musique) est d'autant plus dommageable que Pierre NINEY est quant à lui excellent dans le rôle principal.

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La Nouvelle Eve

Publié le par Rosalie210

Catherine Corsini (1999)

La Nouvelle Eve

"La nouvelle Eve" m'avait laissé le souvenir d'un vaste bordel sentimental charrié par l'héroïne mais j'avais complètement oublié qu'il existait deux camps dans le film. Celui des Camille libérées et paumées et celui des couples petits-bourgeois étriqués qui en prennent pour leur grade, que ce soit celui du frère rabat-joie de Camille (Laurent LUCAS) ou celui d'Alexis (Pierre-Loup RAJOT) flanquée d'une tour de contrôle jouée par Catherine FROT. Ce genre de petit couple conformiste, on en connaît tous (normal puisque le conformisme est fait pour se dupliquer) et le moule social que cherche à dénoncer Catherine CORSINI est si fort qu'il contamine jusqu'aux amies lesbiennes de Camille. De ce point de vue là, le film voit juste, il faut dire qu'il a été réalisé à l'époque de la mise en place du PACS et précède d'une quinzaine d'années le mariage pour tous. Le PS comme réceptacle des notables (la "gauche caviar") est également dénoncée avec justesse étant donnée que l'on sait aujourd'hui que cela a fini par tuer le parti. Ce sont ces normes sociales étouffantes qui étaient déjà dénoncées dans les années 70 dans des films tels que "Cousin cousine" (1975) que rejette Camille (Karin VIARD). Celle-ci apparaît comme la précurseure de personnages tels que celui de Christina dans "Vicky Cristina Barcelona" (2007) qui sait ce qu'elle ne veut pas mais ne sait pas ce qu'elle veut ou encore de Bahia dans "Le Nom des gens" (2010) dont les méthodes de conversion aux idéaux de gauche sont peu orthodoxes. Bref, c'est frais, pétillant, impulsif, parfois franchement loufoque (Camille boit plus que de raison, se trompe de soirée, saute sur le premier inconnu ou branche la première inconnue qui passe, se cogne aux murs, balance cash ses quatre vérités dans les situations les plus incongrues) mais ça ne mène nulle part. Sous son vernis d'éternelle adolescente adepte d'un romantisme rock and roll Camille est même le prototype d'une autre forme de conformisme social, un pur produit du boboïsme parisien individualiste adepte des soirées branchouilles, plus attirée par l'adultère avec quelqu'un de sa classe sociale (un pote à son frère) qu'une relation avec son déménageur-camionneur (en plus joué par le charismatique Sergi LOPEZ que j'ai découvert à l'occasion de ce film). Pas très transgressif tout ça au final. Il y a mieux comme modèle de rébellion et elle n'a pas de ce point de vue là inventé l'eau chaude, de même que Catherine CORSINI ne possède ni l'élégance d'un Ernst LUBITSCH, ni le sens du rythme et l'humanisme d'un Howard HAWKS.

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Les 12 salopards (The Dirty Dozen)

Publié le par Rosalie210

Robert Aldrich (1967)

Les 12 salopards (The Dirty Dozen)

Ils sont 12 comme les apôtres du Christ, 12 candidats au suicide, prêts à mourir en martyrs de la grande Alliance contre le nazisme. Ils vont jusqu'à communier la veille de leur sacrifice en une scène de repas qui rappelle la Cène. Ces références spirituelles contrastent cependant violemment avec les objectifs guerriers, les méthodes employées et la nature des recrues, un ramassis de crapules condamnées à mort ou à de lourdes peines et qui sous la houlette d'un officier lui-même fâché avec les règlements (Lee MARVIN) va se transformer en commando opérationnel. Cet échantillon d'humanité majoritairement composé d'idiots et de psychopathes que le major Reisman doit mater et souder à la fois tourne en dérision l'armée et ses chefs, aussi malmenés que chez Stanley KUBRICK. Et en même temps se fait jour aussi un certain réalisme. La démythification de l'héroïsme patriotique permet d'évoquer l'anomie des périodes de guerre où des prisonniers de droit commun ont pu servir de supplétifs aux armées régulières. Le cas le plus connu étant celui des Kapos chargés par les nazis d'encadrer la main d'oeuvre des camps de concentration. Mais surtout, le film est une charge virulente contre l'Amérique WASP. L'un des salopards est un afro-américain qui a tué pour ne pas être lynché mais le motif de légitime défense lui a été refusé ce qui sous-entend une partialité de la justice américaine. Surtout, les acteurs choisis pour les rôles des salopards étaient eux-mêmes pour la plupart d'origine étrangère et cantonnés à des rôles d'arrière-plan, voire même pour certains, débutants (Jim Brown était footballeur, Trini López chanteur). Tous n'ont pas tirés profit d'être ainsi projetés dans la lumière, mais pour certains, le film a été un tremplin. C'est particulièrement vrai pour Charles BRONSON qui a enchaîné ensuite avec le rôle qui l'a immortalisé, celui d'Harmonica dans "Il etait une fois dans l'Ouest" (1968). Il est assez jouissif d'ailleurs dans le film de voir le major Reisman contraint de s'appuyer sur lui lors de leur opération d'infiltration du château nazi, le personnage de Charles BRONSON étant le seul à parler allemand (je soupçonne Quentin TARANTINO d'avoir repris cette idée comme d'autres dans "Inglourious Basterds") (2009). Autre exemple, John CASSAVETES dont la carrière d'acteur servait à financer ses projets de films indépendants, en l'occurence à cette époque "Faces" (1968). Enfin, on peut citer dans le rôle du pire de tous les salopards Telly SAVALAS qui n'était pas encore devenu l'inspecteur Kojak et dans celui de l'idiot du village, le canadien Donald SUTHERLAND qui allait voir ensuite sa carrière décoller dans les années 70.

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Terminator 2: Le Jugement dernier (Terminator 2: Judgement Day)

Publié le par Rosalie210

James Cameron (1991)

Terminator 2: Le Jugement dernier (Terminator 2: Judgement Day)

Le premier "Terminator" était déjà une réussite qui allait bien-au delà de son genre initial de blockbuster d'action et de science-fiction pour proposer un récit à la résonance universelle plongeant dans les grandes angoisses collectives de l'humanité. James CAMERON a élaboré une suite qui reprend le même canevas mais en change les paramètres. Le canevas, rappelons-le, c'est le syndrome de Frankenstein de la créature qui se retourne contre son créateur, le paradoxe du grand-père consistant à remonter le temps pour éliminer à la racine une engeance ennemie et le paradoxe de l'écrivain consistant également à remonter le temps pour expliquer à une personne des actes ou des événements qu'elle n'a pas encore commis ou connus. James CAMERON élargit ce concept dans son deuxième film qui forme une boucle temporelle avec le premier. En effet on y découvre que ce sont les restes du robot T-800 détruits par Sarah Connor (Linda HAMILTON) à la fin du premier Terminator qui ont servi de base à la mise au point de l'IA ayant déclenché l'apocalypse nucléaire, puis la guerre des machines contre la résistance humaine. Par conséquent cet effet de boucle temporelle ne peut qu'entraîner la répétition du même schéma de transposition d'une guerre du futur dans le passé: l'envoi d'un second Terminator plus élaboré que le premier (un T-1000) pour détruire John Connor avant qu'il ne devienne adulte et par effet miroir, d'un protecteur chargé de contrecarrer ses desseins par John Connor lui-même. La différence avec le premier film, c'est qu'au lieu d'envoyer son propre père, John Connor envoie un robot, plus précisément le T-800 reprogrammé. Ce qui s'avère être un coup de maître, tant sur le plan scénaristique que sur le plan humain. Sur le plan scénaristique car le T-800 n'est pas seulement chargé d'éliminer le T-1000, il a également pour mission de détruire toute trace de son passage, tant dans le premier film que dans le second, bref de s'anéantir lui-même. Une problématique que traitait également la saga "Retour vers le futur" aboutissant logiquement à la destruction de la DeLorean. Mais James CAMERON nimbe ce scénario d'humanité. Le T-800 reprogrammé dans une mission d'autodestruction mais aussi de protection peut de son propre aveu évoluer au contact des humains -ce que permet sa nature de cyborg- et plus le film avance, plus il gagne en humanité au contact de John enfant (Edward FURLONG). Leurs dialogues se rapprochent de nombre d'oeuvres où les robots se posent des questions sur leur propre nature. Et à l'inverse Sarah Connor remarque qu'il représente un père de substitution plus efficace que tous les humains à qui elle a tenté de donner ce rôle: troublant. Pour Arnold SCHWARZENEGGER, c'est l'occasion d'endosser un rôle de personnage positif (même si habilement le doute plane un certain temps sur son rôle exact), émouvant et drôle avec des répliques devenues cultes comme le "hasta la vista baby". Enfin on ne peut pas évoquer cet opus sans parler de la performance technologique incroyable attachée au T-1000 (Robert PATRICK). Incroyable parce qu'au service encore une fois du récit et complètement en harmonie avec l'univers cameronien. Le T-1000 fait de métal liquide et qui ressemble à l'état brut à une boule de mercure est un incroyable métamorphe qui peut changer de forme comme d'état (solide ou liquide) à sa guise. Seules les températures extrêmes peuvent avoir raison de lui et encore, à condition de l'y maintenir. L'obsession cameronienne pour l'eau trouve dans ce film l'une de ses expressions les plus achevées et les plus marquantes.

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L'Adorable voisine (Bell, Book and Candle)

Publié le par Rosalie210

Richard Quine (1958)

L'Adorable voisine (Bell, Book and Candle)

Le couple de cinéma formé par James STEWART et Kim NOVAK est entré au panthéon du cinéma en 1958 avec le "Vertigo" (1958) de Alfred HITCHCOCK. La même année, ils tournaient "L'Adorable voisine" de Richard QUINE dans un registre beaucoup plus léger, celui d'une comédie fantastique. Le film aurait paraît-il inspiré la série "Ma sorciere bien-aimee" (1964). On y retrouve le James STEWART tendre et naïf des comédies de Frank CAPRA et Ernst LUBITSCH mais avec vingt ans de plus. Comme le film est adapté d'une pièce de théâtre et se déroule en grande partie dans une boutique, il m'a fait notamment penser à "The Shop Around the Corner" (1939). Face à lui, une Kim NOVAK magnifiquement photographiée et aussi envoûtante que dans le film de Alfred HITCHCOCK. A ceci près que c'est elle qui mène la danse en jetant son dévolu sur son voisin. Non par amour mais par désir d'avoir une aventure. Le terme de "féline" la concernant s'impose plus que jamais, elle qui jette des sorts en s'appuyant sur son compagnon à quatre pattes. Le comique provient de l'effet de ses manipulations sur le personnage joué par James STEWART qui ne sait plus ou il en est. Quelques adjuvants efficaces dont un tout jeune et déjà désopilant Jack LEMMON viennent renforcer l'effet produit. Mais chassez le naturel, il revient au galop, elle va bien évidemment tomber amoureuse et devoir choisir entre lui et ses pouvoirs ce qui est un pur reflet du puritanisme américain. Le film a donc une conclusion parfaitement convenue qui anéantit la (très relative) force subversive qu'il pouvait avoir en renversant temporairement les rôles. "L'Adorable voisine" est donc au final une comédie sympathique mais inoffensive.

A noter la présence étonnante de Philippe CLAY, chantant dans la boîte de jazz fréquentée par la confrérie sorcière ainsi que Elsa LANCHESTER, la fiancée de Frankenstein, dans le rôle de la tante Queenie.

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La Mariée était en noir

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1968)

La Mariée était en noir

"La Mariée était en noir" est le "Pas de printemps pour Marnie" de François Truffaut, son héroïne changeant d'identité, de costume et de couleur de cheveux à chaque nouvelle étape de son parcours, le tout sur la musique de Bernard Herrmann. Cependant au lieu de voler, Julie (Jeanne Moreau) tue un par un les hommes responsables de son malheur (joués respectivement par Claude Rich, Michel Bouquet, Michel Lonsdale, Charles Denner et Daniel Boulanger). Il s'agit donc d'une vengeance dont les ressemblances avec le "Kill Bill" de Quentin Tarantino (qui pourtant a juré ne pas connaître le film de Truffaut, ce dont je doute) sont nombreuses: tenue d'une liste dont les noms sont rayés au fur et à mesure que la vengeance s'accomplit, coupables formant un groupe dont le nombre est identique, construction d'une histoire et d'un mode opératoire différent à chaque nouveau crime et surtout, meurtre initial le jour des noces de la Mariée (c'est d'ailleurs son surnom dans les deux films de Tarantino) en pleine église. Cependant l'héroïne de Truffaut est moins un personnage qu'une simple pulsion de mort agissant sous des atours divers. C'est une image, un fantasme obsessionnel, celui de la femme fatale projeté sur les toiles et les murs de l'atelier de Fergus, l'un des cinq coupables qui en jouant les Pygmalion semble être comme un double du réalisateur. Inutile de préciser que dans cette configuration, il n'existe aucun espace permettant à Julie d'exister par elle-même. D'une certaine manière, elle n'est pas plus humaine que le Terminator de James Cameron, ne déviant jamais de son objectif, quitte à y laisser sa liberté et sa vie. Cet aspect programmatique rend le film bien trop prévisible dans son déroulement.

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Maria

Publié le par Rosalie210

Jessica Palud (2024)

Maria

"Maria" qui est l'adaptation de la biographie de Maria SCHNEIDER par sa cousine, Vanessa Schneider raconte des faits survenus il y a plus de cinquante ans mais qui résonnent avec l'époque actuelle, celui des abus sexuels commis sur de jeunes actrices au cours des tournages de films dans une ambiance d'omerta généralisée. Pour commencer, le film nous dépeint la situation familiale de Maria dans laquelle on reconnaît un schéma dysfonctionnel marqué par l'absence du père (l'acteur Daniel GELIN qui était marié par ailleurs et ne l'a jamais reconnue) et une mère mannequin jalouse et narcissique qui la rejette. Bien qu'elle puisse trouver un refuge chez son oncle et sa tante (les parents de Vanessa Schneider), Maria se lance à l'adolescence dans la quête de la reconnaissance paternelle en le suivant sur les plateaux et dans les fêtes nocturnes. C'est ainsi qu'elle devient "tout naturellement" une proie de choix pour des réalisateurs peu scrupuleux comme Bernardo BERTOLUCCI qui l'engage pour "Le Dernier tango a Paris" (1972). Une jeune actrice novice et mineure face à un réalisateur déjà célèbre et une star de presque trente ans plus âgée, Marlon BRANDO: une configuration hélas familière reflétant la domination masculine sur le cinéma, un art fait par des hommes pour des hommes comme le rappellera le "Sois belle et tais-toi" (1976) de Delphine SEYRIG dans lequel intervient Maria SCHNEIDER. Il est dommage que la mise en scène de Jessica PALUD ne soit pas plus lisible à ce sujet, comme si la scène du beurre était une transgression au sein d'un tournage jusque là idyllique alors que les inégalités de traitement entre Maria SCHNEIDER et Marlon BRANDO (sur la nudité par exemple) étaient présentes dès le début. Le fait de coller à la vision de l'actrice n'a jamais empêché le recul critique. La réalisatrice n'exploite d'ailleurs que trop peu l'aspect également très contemporain des images à caractère sexuel prises sans consentement de l'intéressé et ensuite largement diffusées, salissant son image et l'humiliant profondément. Si les rares cinéastes à avoir su proposer à Maria SCHNEIDER des rôles plus valorisants comme Michelangelo ANTONIONI ou Jacques RIVETTE sont salués, si sa franchise est soulignée celle-ci refusant de faire semblant pour assurer la promo du film de Bernardo BERTOLUCCI, c'est surtout sa descente aux enfers qui est mise en avant, l'émergence du mouvement féministe auquel elle a contribué étant réduit au personnage de son amante, Noor (Celeste BRUNNQUELL). Heureusement, Anamaria VARTOLOMEI porte le film sur ses épaules avec une belle présence.

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La Traversée

Publié le par Rosalie210

Florence Miailhe (2020)

La Traversée

Film d'animation aussi beau que prenant, "La Traversée" dépeint les pérégrinations de deux adolescents fuyant la guerre et les persécutions dans leur pays. Volontairement, celui-ci n'est pas identifiable, pas plus que le contexte historique afin de donner à l'histoire une résonance universelle. Mais la réalisatrice, Florence MIAILHE dont c'est le premier long-métrage y rend hommage à ses parents, obligés de fuir en zone libre pendant la seconde guerre mondiale et à ses arrières grands-parents ayant quitté l'Ukraine au début du siècle dernier pour fuir les pogroms. Elle effectue ainsi la jonction avec les migrations forcées d'aujourd'hui et ce avec brio - rien à voir par exemple avec le raté "Transit" (2018) de Christian PETZOLD. L'animation est évidemment un élément-clé dans la réussite de l'entreprise, donnant à l'histoire des allures de conte. On oublie trop souvent combien les contes initiatiques peuvent être cruels. Or les épreuves que traversent Kyona et son petit frère Adriel coïncident avec leur passage de l'enfance à l'adolescence et de l'adolescence à l'âge adulte, celui-ci étant accéléré par les événements. Très tôt séparés du reste de leur famille qui ne réapparaîtra pas, Kyona et Adriel s'engagent dans une périlleuse aventure peuplée d'obstacles qui révèlent leurs caractères et leur capacité de survie: la première par la rébellion et le dessin, le second par des capacités d'adaptation qui ne sont pas sans faire penser au "Zelig" (1983) de Woody ALLEN. Les personnages qu'ils rencontrent sont tous extrêmement intéressants. A l'exception de Jon, le trafiquant, tous sont à l'image du conseil donné par l'un d'entre eux à Kyona, celui d'apprendre à voir le monde en gris plutôt qu'en noir et blanc. Ce sont des tueurs, des exploiteurs, des combinards, des mouchards, des gens rudes vivant à la dure mais ces mêmes personnes peuvent aussi abriter, protéger, aider, aimer. Cette palette élargie se retrouve dans l'animation qui est superbe. La mère de Florence MIAILHE était peintre et la réalisatrice a mis au point une technique d'animation originale consistant à peindre sur une plaque de verre directement sous la caméra, prendre le cliché, effacer et recommencer, le mouvement se construisant ainsi au fil de l'eau, sans filet. Le style qui a été comparé à celui de Chagall oscille entre fauvisme et abstraction. Les couleurs flamboient d'autant plus qu'elles s'inscrivent dans un univers sombre et gris. Jamais le film ne cède au misérabilisme ou au pathos. L'image de la pie voleuse qui symbolise impertinence et liberté vient toujours à point nommé désamorcer les situations les plus tendues sans pour autant les édulcorer.

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Un homme et une femme

Publié le par Rosalie210

Claude Lelouch (1966)

Un homme et une femme

Bien que connaissant par coeur la séquence dans laquelle les personnages joués par Jean-Louis TRINTIGNANT et Anouk AIMEE se retrouvent à Deauville et tombent dans les bras l'un de l'autre sous le regard d'une caméra tournoyante sur le célébrissime air de Francis LAI "Chabadabada", je n'avais jamais vu le reste du film. Les rétrospectives des films de Claude LELOUCH sur Arte et MyCanal et le décès de Anouk AIMEE m'ont conduit à le découvrir. J'ai eu l'impression de feuilleter un roman-photo alternant sans raison apparente séquences en noir et blanc, séquences sépia, séquences nocturnes, séquences en couleur. Roman-photo car en dépit de son mouvement perpétuel le film ressemble à une collection d'images sur fond musical. Images pléthoriques, souvent répétitives, dont le défilement donne le tournis mais qui semblent à peine reliées à un scénario et des dialogues qui eux sont anémiques. Reste que Anouk AIMEE est ultra photogénique dans ce film où elle joue une veuve qui ne parvient pas à faire le deuil de son mari. Son rôle a un peu plus de substance que celui de Jean-Louis TRINTIGNANT qui en est réduit à foncer sur les routes avec son bolide! Je me doute que c'est la maîtrise technique et l'originalité de la forme qui ont dû séduire. L'époque semblait aimer les esthétiques tape à l'oeil et les pilotes de formule 1. Non, non, je ne pensais pas du tout en écrivant cela à "L'Affaire Thomas Crown" (1968) ^^.

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