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Yannick

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2023)

Yannick

Ceux qui découvrent la dimension sociale de la filmographie de Quentin Dupieux avec "Yannick" n'ont pas bien écouté le dialogue d'un autre de ses films en forme de huis-clos théâtral: "Au Poste". Quand le commissaire donnait une huître à Fugain, celui-ci la mangeait avec sa coquille et se justifiait en disant qu'il n'avait pas l'habitude des aliments rocheux. On se souvient que dans "La Vie d'Adèle", celle-ci issue d'un milieu populaire était introduite dans le monde bourgeois de Emma notamment par un plat d'huîtres qu'elle dégustait elle aussi d'une manière toute personnelle.

Dans "Yannick" le "marqueur culturel" est une pièce de théâtre de boulevard intitulée "Le Cocu" ce qui est en soi un pléonasme. Ce type de pièces s'adressait au XIX° à la bourgeoisie et aujourd'hui cela n'a guère changé à ceci près qu'il n'existe plus de forme de théâtre vraiment populaire contrairement à l'époque du boulevard du Crime reconstitué dans "Les Enfants du Paradis". Or Yannick, gardien de nuit à Melun qui a pris une journée de congé pour se changer les idées et a mis une heure pour venir à pied et en transports en commun n'y trouve pas son compte et compte le faire savoir haut et fort. Comme son intervention suscite de la part des acteurs un mépris condescendant qui tourne à la moquerie ouverte dès qu'il leur tourne le dos, il décide de renverser les rôles (et le rapport de force/de classe) en prenant le théâtre en otage. L'auteur de la pièce et le metteur en scène, celui qui dicte le tempo, c'est désormais lui, s'offrant un moment de gloire avant que l'ordre établi ne reprenne ses droits.

Ce renversement de perspectives établit une subjectivité (mot souvent employé dans le film) à laquelle le spectateur n'est pas habitué: celle du "peuple silencieux" en mode pétage de plombs ce qui a conduit à faire un parallèle entre Yannick et les gilets jaunes. Il faut dire que le rôle a été écrit par Quentin Dupieux pour Raphaël Quenard, star montante au phrasé particulier qui après "Chien de la casse" dégage la même ambiguïté tour à tout charmeur, drôle, émouvant mais aussi inquiétant voire proche de la folie (lui-même dit plusieurs fois que ça peut mal tourner). Ce qui explique le parallèle qui a été établi entre son personnage et Joker, autre triste clown issu des bas-fonds surgissant par effraction dans la lumière un flingue à la main. Face à lui les acteurs qui ont commencé par le prendre de haut réalisent qu'il est en train de commettre le hold-up du siècle et tombent le masque. Un surtout, celui joué par Pio Marmai qui a droit à un tirade d'anthologie et s'approche lui aussi dangereusement des rivages de la folie.

Avec ce film, Quentin Dupieux a réussi à remettre les pendules à l'heure. En effet et contrairement à ses opus précédents, son cinéma a été enfin vu pour ce qu'il était: un abîme de désespérance sous la politesse de son humour.

 

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Oppenheimer

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2023)

Oppenheimer

"Oppenheimer" est l'adaptation du livre de Kai Bird et Martin J. Sherwin "Robert Oppenheimer: Triomphe et tragédie d'un génie". En VO, le titre compare Oppenheimer au mythe de Prométhée ce qui est repris dans le film dès la citation qui accompagne les premières images. Ce qui est intéressant dans ce mythe, c'est la versatilité de son interprétation au fil du temps lié au fait que dans la réalité comme dans le mythe (qui est justement une manière d'expliquer le monde), le bien et le mal sont indissociables. Vu d'abord comme un héros positif associé aux progrès de la civilisation occidentale, Prométhée est aujourd'hui associé aux dangers de la "science sans conscience" et Robert Oppenheimer illustre bien cette double facette du Titan: le savant qui vole le feu/l'arme ultime de destruction massive aux Dieux afin de donner un avantage décisif à son camp qu'il pense être celui du bien pour voir ensuite sa création lui échapper, devenir le bouc-émissaire d'une Amérique en pleine paranoïa anti-communiste et être torturé par sa conscience face aux terribles conséquences de l'usage de cette arme entre les mains des grandes puissances.

"Oppenheimer" repose donc sur un matériau solide et une excellente interprétation, Cillian Murphy en tête qui est un habitué des films de Christopher Nolan mais accède enfin à un grand rôle. Son Oppenheimer particulièrement complexe est à la fois proche d'Einstein par son approche scientifique et radicalement opposé à lui sur tout le reste. Aussi les rencontres entre les deux hommes, le vieux sage retiré du monde et le carriériste hanté par les conséquences de son pacte faustien et notamment le final, superbe, en dit très peu et en suggère beaucoup. Des scènes de cette puissance, il y en a d'autres comme l'essai nucléaire qui précède le largage des bombes sur le japon ou la conférence durant laquelle Oppenheimer prend conscience de l'horreur qu'il a rendu possible. Dans les deux cas le décalage entre l'image et le son amplifie la sensation d'apocalypse. Le parallèle entre la basse vengeance de Lewis Strauss, le président de la commission à l'énergie atomique des USA (AEC) sur Oppenheimer puis la revanche des scientifiques au Sénat sur celui-ci vaut aussi son pesant d'or d'autant que si Strauss (Robert Downey Junior) est un personnage simple (un aigri bouffi d'ego), la façon dont Oppenheimer utilise ses démêlés extra-judiciaires pour échapper à sa culpabilité en se posant en victime du maccarthysme est troublante.

Hélas avant cela, il faut subir ce qui s'apparente à une interminable purge de paroles creuses émises par des personnages qui le sont tout autant. Les détracteurs de "Oppenheimer" ont raison au moins sur un point. Le film est "trop": trop long, trop bavard, trop rempli d'effets de style et de personnages secondaires inutiles (tous ces scientifiques au nom et au visage interchangeable auraient pu être réduits de moitié, on aurait pu se passer des scènes de sexe avec l'amante communiste etc). Mais un film plus épuré, plus posé, moins grandiloquent aurait sans doute été moins grand public, aurait moins fait le buzz et Christopher Nolan n'aurait pas pu y greffer ses marottes formalistes. Dommage, il n'en aurait été que plus fort.

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Un si doux visage (Angel Face)

Publié le par Rosalie210

Otto Preminger (1953)

Un si doux visage (Angel Face)

"Un si doux visage" (pour de si noirs desseins) est un film dérangeant qui épouse les codes du film noir pour mieux s'en démarquer. D'une part on a donc un film ancré dans un genre dont on reconnaît certains archétypes tels que la femme fatale et le "pauvre type". Mais dans "Un si doux visage", la tragédie antique se nourrit d'une vision particulièrement sombre du film de procès. Tragédie antique oui car Diane Tremayne (Jean SIMMONS) est une sorte d'Electre moderne extrêmement jalouse et possessive. Elle ne supporte pas que son père ait refait sa vie et échafaude une sombre machination pour éliminer sa belle-mère avec l'aide involontaire de l'homme qu'elle manipule, Frank Jessup (Robert MITCHUM). La relation entre les deux membres du couple maudit est un classique du film noir (et nourrie de la misogynie propre à l'époque) avec d'un côté une riche héritière dominatrice qui se compare (et ce n'est pas anodin) à une sorcière et de l'autre, un type ordinaire issu d'une classe sociale inférieure qui se laisse manipuler par ses pulsions sexuelles. Bien que conscient d'être un pion dans un plan qui le dépasse, Frank Jessup montre une certaine passivité (ou faiblesse de caractère ou manque de volonté), se laissant porter par les événements sans vraiment s'y impliquer (comme le montre sa relation à Mary Wilson, sa précédente petite amie avec qui il ne veut pas s'engager mais qu'il ne cherche pas non plus à quitter si bien que c'est elle qui doit prendre la décision à sa place). Mais là où le film se démarque le plus, c'est dans la manière dont est traité le procès et plus largement le monde judiciaire. En effet et de façon très habile, Otto PREMINGER en fait un élément majeur de la tragédie. Comme son compatriote Billy WILDER, Otto PREMINGER critique la société américaine en faisant le portrait d'un avocat de la défense prêt à toutes les manipulations pour gagner le procès. Cet aspect du film est d'ailleurs très moderne car en jouant sur le prétendu amour entre Diane et Frank qu'il pousse à se marier sous les flashs pour influencer le jury, il préfigure les candidats de télé-réalité faisant semblant d'être amoureux pour influencer les votes du public ou les people utilisant les paparazzi (et vice-versa) pour accroître leurs ventes ou leur popularité. L'ironie de l'histoire c'est qu'en réussissant son coup, l'avocat écrit une histoire qui ne peut plus être changée au grand désespoir de Diane qui cherche depuis le début et en vain à endosser seule le crime pour tenter de sauver sa relation avec Frank Jessup qui s'est dégoûté d'elle. Celle-ci qui semblait tirer les ficelles devient alors la victime impuissante d'un système cynique qui la dépasse et au final l'entraîne vers le précipice à l'égal de ceux dont elle aura fait le malheur.

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Furie (The Fury)

Publié le par Rosalie210

Brian de Palma (1978)

Furie (The Fury)

"The Fury" n'est pas le film le plus connu de Brian de Palma encore que sa fin explosive soit devenue culte et ait vraisemblablement inspiré Cronenberg pour "Scanners". Si le scénario de "Furie" manque de rigueur et parfois de crédibilité, la réalisation remarquable relève le niveau sans parler de la qualité de la musique signée par John Williams qui nous plonge d'emblée dans une atmosphère ténébreuse. Pourtant le film commence de façon détendue, au soleil, sur une plage que l'on devine être située dans l'Etat d'Israël. Mais quelques minutes plus tard, l'atmosphère change du tout au tout et on entre dans le vif du sujet qui croise deux genres en vogue à cette période: le thriller d'espionnage paranoïaque et le fantastique horrifique avec pouvoirs paranormaux et jaillissements sanguinolents dans la continuité de "Carrie au bal du diable". Mais contrairement à Carrie, le sujet du film ne réside pas dans un personnage mais bien dans la soif de contrôle des débordements de fureur (et d'hémoglobine ^^) de deux jeunes gens liés entre eux par des pouvoirs parapsychiques. Ces deux jeunes en quête d'identité, Robin (Andrew Stevens) et Gillian (Amy Irving) passent peu à peu de la lumière à l'ombre au fur et à mesure qu'ils perdent le contrôle de leur vie et deviennent des rats de laboratoire au service de l'Etat. Une trame qui fait penser à celle de "Orange Mécanique" ou des enfants-cobaye de "Akira" d'autant que logiquement, les manipulations dont Robin et Gillian font l'objet détraquent leur psychisme et finissent par les rendre dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. A ce duo de jumeaux maléfiques malgré eux correspond un duo d'agents secrets antinomiques. Peter, joué par Kirk Douglas qui se retourne contre l'Etat pour sauver son fils Robin ainsi que Gillian devient un fugitif traqué qui connaît une trajectoire tragique dans laquelle ses actes se retournent contre lui. Son âme damnée, est jouée par John Cassavetes qui reprend quasiment à l'identique le rôle du diable qu'il incarnait dix ans plus tôt dans "Rosemary's Baby". Enfin comme je le disais plus haut, la réalisation virtuose compense l'aspect parfois boiteux du scénario et certains effets kitsch. La fuite de Gillian, l'emballement du manège contrôlé par la pensée de Robin ou la fin constituent autant de séquences marquantes alors que l'accumulation de ces vies broyées finit par prendre à la gorge.

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Infernal Affairs 3 (Mou gaan dou 3 : Jung gik mou gaan)

Publié le par Rosalie210

Andrew Lau, Alan Mak (2003)

Infernal Affairs 3 (Mou gaan dou 3 : Jung gik mou gaan)

La saga "Infernal Affairs" aurait dû en rester au premier film, un petit bijou qui se suffisait à lui-même. Les suites s'avèrent inutiles et laborieuses. "Infernal Affairs 3" est un patchwork mal ficelé de scènes se déroulant pour certaines avant et pour d'autres après la mort de Yan mais qui n'apportent rien de neuf à l'histoire. Ce qui est mis en avant (la solitude, la confusion mentale, le brouillage des frontières entre la police et la pègre) veut apporter un éclairage plus intimiste mais le résultat est confus et maladroit d'autant que de nouveaux personnages dont on se fiche viennent se rajouter. Au moins retrouve-t-on les acteurs du premier volet, Tony Leung et Andy Lau, mais seul ce dernier sort son épingle du jeu, le premier étant cantonné à des flashbacks sans intérêt sur sa relation compliquée avec Sam ou avec sa psy. Je pense même que cette volonté (non dénuée d'arrière-pensées financières, comme quoi il n'y a pas que les américains qui exploitent leurs succès jusqu'à la lie) d'essayer de tout dire est contre-productive. Ce qui fait l'aura de ces personnages réside aussi dans leur part de mystère. Imagine-t-on un traitement pareil pour Jeff, le personnage de tueur mutique et inexpressif joué par Alain Delon dans "Le Samouraï" de Jean-Pierre Melville? Entendre Ming répéter qu'il veut être quelqu'un de bien surligne à gros traits ce que le spectateur avait compris dès le premier volet comme s'il était un idiot incapable de comprendre la suggestion!

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Wrong Cops

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2013)

Wrong Cops

"Wrong Cops" peut être considéré comme un spin-off de "Wrong", le précédent film de Quentin Dupieux: le cadre est identique, seulement le personnage du flic joué par Mark Burnham qui faisait une courte apparition dans "Wrong" tient ici le premier rôle alors que Dolph, personnage principal de "Wrong" se contente d'un cameo. Mais on y trouve également des allusions à ses films précédents, "Steak" et "Rubber". "Wrong Cops" est un "Affreux, sales et méchants" à la sauce Dupieux, un film à sketches centré sur un groupe de policiers plus débiles et déviants les uns que les autres: drogue, sexe, argent et gloire sont leurs totems respectifs. Si l'afflux de personnages émiette le film qui délaisse quelque peu les expérimentations surréalistes au profit d'un sentier plus balisé, celui de la comédie policière américaine potache (imagerie pop et musique techno en prime), c'est dans "Wrong Cops" que l'on peut le mieux se rendre compte du talent de directeur d'acteurs de Quentin Dupieux que ce soit pour Eric Judor dans le rôle improbable d'un musicien basané et borgne au visage cabossé ou de Marilyn Manson dans un contre-emploi étonnant d'ado renfermé. Leurs prestations méritent le coup d'oeil et certains passages sont vraiment très drôles même si "Wrong Cops" n'est ni le plus maîtrisé, ni le plus original, ni le plus brillant des films de Quentin Dupieux.

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Le Parfum vert

Publié le par Rosalie210

Nicolas Parisel (2022)

Le Parfum vert

"Le Parfum vert", louable tentative de proposer un film français sortant des sentiers battus est hélas une déception. Le film souffre d'un défaut de rythme et de problèmes d'écriture. Ainsi la façon dont le personnage de Sandrine Kiberlain est intégré au scénario ne m’a pas paru crédible et les références à Hitchcock, parsemées à la truelle alourdissent le film au lieu de le servir (comme dans « Le grand saut » des frères Coen). Il n’y a d’ailleurs pas que « La mort aux trousses » qui est abondamment pillé mais aussi « L’Homme qui en savait trop » (les mots du mourant assassiné et la fin à suspense dans une salle de spectacle). J’ai trouvé que cela s’articulait mal avec les questions identitaires et mémorielles de personnages d'origine juive, tiraillés entre Europe et Israël, thème traité trop sérieusement alors que le reste s'apparente à une BD d'aventure (référence également récurrente dans le film qui cite "Tintin" et "Chlorophylle"). Le réalisateur a en réalité bien du mal à jongler entre le drame et la comédie. Par exemple Rudiger Vogler reprend le même rôle de nazi que celui de « 0SS 117 Rio ne répond plus » qui était lui aussi bourré de références à Hitchcock mais Hazanavicius en tirait une comédie d’espionnage autrement plus délicieuse et futée! Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain font ce qu'ils peuvent mais ils ne peuvent faire de miracles avec des personnages aussi mal définis dans un film qui a lui-même le cul entre deux chaises.

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Emma.

Publié le par Rosalie210

Autumn de Wilde (2020)

Emma.

"Emma." est la dernière adaptation en date du livre de Jane Austen "Emma l'entremetteuse", la deuxième pour le cinéma après "Emma, l'entremetteuse" (1996) avec Gwyneth PALTROW. Si la réalisatrice, Autumn DE WILDE dont c'est le premier film tente d'apporter une touche visuelle plus contemporaine et si Anya TAYLOR-JOY (connue notamment pour ses collaborations avec M. Night SHYAMALAN et pour avoir joué le rôle principal dans "Le Jeu de la dame") (2019) est charismatique dans le rôle principal, le reste du casting est assez fade et se compose pour l'essentiel d'acteurs interchangeables ou sous-exploités (Bill NIGHY dans le rôle du père) ce qui n'aide pas à rendre l'intrigue lisible. Cette version du livre de Jane Austen n'est pas désagréable à voir mais reste en surface, manque d'enjeux et est nettement en deça de la mini-série réalisée pour la BBC qui donnait du relief à la plupart des personnages et les rendaient mémorables contrairement à cette version qui lisse toutes les aspérités, même celles de l'ami de Emma, Knightley, loin de la rugosité de l'oeuvre d'origine. On sent que la forme a primé sur le fond. Joli mais parfaitement anecdotique comme l'était déjà la version de Douglas McGRATH.

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