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Eo

Publié le par Rosalie210

Jerzy Skolimowski (2022)

Eo

Les tribulations d'un âne, "EO" (l'équivalent de "Hi-Han" en polonais) qui passe de maître en maître comme son lointain ancêtre "Au hasard Balthazar" (1966) de Robert BRESSON mais avec une plus grande amplitude géographique puisque son périple commence en Pologne et se termine en Italie. Si le rôle de l'âne reste le même à savoir témoigner (en martyr) de la folie des hommes qui ont créé un monde insensible aux êtres vivants, le long-métrage a un caractère bien plus expérimental qui a pour but de nous immerger dans la vision du monde de l'âne. Ainsi, chacune de ses mauvaises expériences (qui sont nombreuses) se traduisent par un "trip hallucinogène" qui a fait dire à certains que le film ressemblait à un Terrence MALICK sous ecstasy. La couleur rouge envahit l'écran avec en plus des effets de lumière stroboscopiques ou de caméra tournoyante et des bruitages anxiogènes. La maltraitance animale ne se réduit pas à celle que subit l'âne, la plupart des animaux qu'il rencontre vivent en cage et sont promis à l'euthanasie ou à l'abattoir. De toutes façons, lorsque EO parvient à arracher quelques instants de liberté, ce n'est pas mieux: il manque se faire écraser sur la route ou faucher par une pale d'éolienne ou une balle de chasseur quand il n'est pas pris pour punching-ball par une bande de supporters fortement alcoolisés.

En dépit de son inventivité et de ses qualités plastiques (Jerzy SKOLIMOWSKI est également peintre), j'ai trouvé que le réalisateur ne parvenait pas à maintenir sa proposition jusqu'au bout. Dans la dernière demi-heure, le propos oublie presque l'âne pour se focaliser sur des intrigues humaines, d'abord avec un camionneur assez louche puis un prêtre endetté dont la mère est jouée par Isabelle HUPPERT (dont on se demande ce qu'elle vient faire là). Ces scènes assez ridicules de surcroît nous sortent du film. D'autre part, les changements de situation de l'âne sont incessants ce qui ne permet pas de creuser quoi que ce soit. Ainsi la relation de proximité avec la jeune fille Cassandra est réduite à l'état d'ébauche alors qu'elle était centrale dans "Au hasard Balthazar" (1966) et il en va de même des différents humains avec lesquels l'âne interagit alors que Bresson prenait le temps de les faire exister à l'appui de sa fable religieuse. Les défenseurs de la cause animale sont montrés comme contre-productifs parce que là encore, ils sont traités en quelques secondes là où dans "Okja" (2016) ils étaient bien plus développés et donc nuancés. "Okja" montrait aussi une relation forte entre un animal et une humaine-médiatrice tout comme "Princesse Mononoké" (1997) avec là encore une réponse nuancée, Hayao MIYAZAKI ne cherchant pas à éluder ses propres contradictions d'être humain sensible à la nature mais vivant dans une société capitaliste et industrialisée.

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La Ligne rouge (The Thin Red Line)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (1997)

La Ligne rouge (The Thin Red Line)

A la fin de "La Ligne rouge", on entend "God, Yu Tekkem Laef Blong Mi", chanté par une chorale d'enfants mélanésiens, une composition de Hans ZIMMER qui pour l'anecdote a été reprise plus récemment dans la campagne publicitaire des assurances GMF. Une chorale qui répond à un film choral, une communion qui s'adresse à dieu à la manière d'un gospel car pour reprendre la chanson sur l'enfance de Peter HANDKE " Lorsque l'enfant était enfant (...) pour lui, tout avait une âme, et toutes les âmes n'en faisaient qu'une". Aussi, bien que les huit soldats mis en avant dans "La Ligne rouge" aient chacun une individualité qui n'hésitent pas à s'affronter, lorsque le film s'élève vers les cieux, on les écoute penser comme les anges écoutaient les monologues des humains dans "Les Ailes du désir" (1987) et ce que l'on entend nous fait comprendre que ces hommes par delà leurs différences partagent la même nature. Terrence MALICK réussit avec "La Ligne rouge" un authentique exploit. Il nous déroule un récit de guerre limpide et contextualisé (la bataille de Guadalcanal en 1942, l'un des tournants de la guerre du Pacifique) avec une grande précision dans la mise en scène de la prise de la colline 210 et en même temps, il inscrit celle-ci au sein d'une entité plus vaste qui se moque des enjeux géopolitiques et idéologiques qui agitent les armées des pays en guerre ce qui en décentre le propos. "La propriété! Tout ce foutoir, c'est pour la propriété" s'exclame le sergent Welsh (Sean PENN) qui prétend ne croire en rien mais n'hésite pas à risquer sa vie pour soulager un soldat mourant. Il est particulièrement lié au soldat Witt (Jim CAVIEZEL), un mystique qui voit en chaque être l'étincelle divine qui est en lui et n'hésite pas à déserter pour partager la vie simple des indigènes qui vivent en communion avec la nature. Eux aussi se moquent bien de ce qui agite japonais et américains, renvoyés dos à dos lorsqu'ils ne sont plus que de la chair meurtrie ou pourrie que viennent s'arracher les chiens errants ou les vautours. Car la vie reprend toujours ses droits comme le montre la dernière image du film. Mais même lorsqu'il doit se confronter à la laideur de la guerre, Terrence MALICK parvient à en extraire de la beauté, que ce soit le soldat Bell (Ben CHAPLIN) qui se remémore les jours heureux passés avec sa femme ou le lien de confiance qui se créé entre le capitaine Staros (Elias KOTEAS) et ses hommes qu'il veut préserver des décisions va-t-en-guerre du lieutenant-colonel Tall (Nick NOLTE) qui cherche ainsi à dissimuler combien il se sent rongé de l'intérieur. Les quelques images un peu trop "léchées" qui sont prédominantes dans d'autres films du réalisateur n'altèrent ici en rien sa puissance évocatrice.

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Petite Solange

Publié le par Rosalie210

Axelle Ropert (2022)

Petite Solange

Etrange film qui parle d'une adolescente d'aujourd'hui confrontée au divorce de ses parents par le biais d'un mouvement du passé, celui de la nouvelle vague. Sont ainsi cités François TRUFFAUT ("Les Quatre cents coups" (1959) surtout, de la psy pour enfant à l'image arrêtée du dernier plan), Jacques DEMY (du passage Pommeraye à Nantes à la boutique de parapluies et jusqu'au prénom "démodé" de l'héroïne, Solange qui fait la paire avec son père joué par Philippe KATERINE ^^) et même Alain RESNAIS (la fin de Romaine dans "Mélo" (1986), c'est sans doute un pur hasard mais le frère de Solange dans le film s'appelle Romain). Outre cet aspect suranné, le film ouvre des pistes sans les creuser (par exemple les tentatives de Solange pour attirer l'attention ou s'émanciper apparaissent dérisoires tant la jeune fille issue d'un milieu aisé est propre sur elle. On est aux antipodes de "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...") (1981) et d'autre part se répète beaucoup (que de plans sur le visage de la jeune fille noyée dans sa mélancolie ou bien sur celui, indéchiffrable de son frère ou encore de sa mère jouée par Léa DRUCKER fondant en larmes après avoir essayé de sourire!) Le résultat n'est pas désagréable d'autant que la petite Jade SPRINGER a une présence gracile à la Audrey HEPBURN mais m'a semblé somme toute assez insignifiant et mou du genou. En tout cas il renvoie tellement à un passé révolu qu'il ne renouvellera pas le genre du teen-movie.

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Salé sucré (Yin shi nan nu)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (1994)

Salé sucré (Yin shi nan nu)

"Salé sucré" est une chronique familiale à la sauce délicate, subtile et riche en goût pour filer la métaphore culinaire. Il m'a fallu d'ailleurs deux visionnages pour en saisir toutes les nuances ce qui n'est guère étonnant avec un cinéaste de l'étoffe de Ang LEE qui n'est jamais meilleur selon moi que dans ce registre comme l'a confirmé par la suite son inoubliable "Raison et sentiments" (1995).

Deux thèmes majeurs traversent de part en part le film: celui du flux et celui de la place. Alors que des images de circulation de piétons, d'usagers de transports en commun et de voitures reviennent à intervalles réguliers, symbolisant le mouvement de la vie, la famille de M. Chu (Sihung LUNG) se caractérise au contraire par la fixité et la rétention. Fixité des rituels, tel celui du repas dominical auquel ses trois filles adultes n'osent se soustraire sans pour autant parvenir à "goûter" les plats raffinés que leur chef cuisinier de père leur a pourtant concocté avec soin. Pas plus que lui d'ailleurs qui dit avoir perdu le sens du goût. On est d'autant plus désarçonné par cette soupe à la grimace que toute l'introduction nous faisait saliver avec la promesse d'un festin. C'est qu'il manque la dimension fondamentale de la convivialité dans ces repas qui loin de réunir le père et ses filles les enferment dans des rôles qui les étouffent à petit feu, faute d'une circulation adéquate de la parole. Et cela concerne aussi leur entourage. Lorsque Madame Liang (Ah LEI GUA) qui a des vues sur M. Chu en parle à sa fille, Jin-Rong (Sylvia CHANG), quadragénaire en instance de divorce, elle s'exprime d'une manière éloquente: "M. Chu, qu'est ce que tu en penses? Je le trouve très charmant moi, il cuisine très bien, il ne parle pas beaucoup, mais on communique quand même." Quand on connaît la fin du film, on ne peut que sourire devant la naïveté de son propos. A l'image du quatuor formé par Madame Liang, Jin-Rong, sa fille écolière Shan-Shan et M. Chu, les relations sentimentales (et sexuelles) de ses trois filles sont marquées par les quiproquos, les malentendus et les secrets. L'aînée, Jia-Jen (Yang KUEI-MEI), professeure de chimie qui à la suite d'une soi-disant déception sentimentale a renoncé à l'amour pour embrasser la foi chrétienne reçoit jour après jour dans son lycée des lettres d'amour enflammées mais anonymes juste au moment où elle sympathise avec le capitaine de volley. La seconde, Jia-Chien (Jacqueline WU), directrice adjointe d'une compagnie aérienne n'arrive pas à rompre clairement avec son ex tout en flirtant avec un collègue de travail qu'elle soupçonne d'être à l'origine du célibat de sa grande soeur. Enfin la plus jeune, Jia-Ning (Yu-Wen WANG) qui est étudiante jette son dévolu sur un garçon qu'elle croit libre puisque sa copine jure qu'il ne l'intéresse plus. On remarque également qu'à force de monopoliser la sphère culinaire, le père empêche ses filles d'y accéder ce qui menace la transmission de sa culture. Jia-Chien a hérité de son talent mais ne se sent pas le droit de l'exprimer, son métier de femme d'affaires étant une inversion des rôles subie plus que choisie et Jia-Ning a un boulot d'appoint dans un fast-food ce qui rend très concrète la menace d'acculturation (plusieurs personnages ont des liens avec les USA comme Ang LEE lui-même dont une part de la filmographie s'est acculturée).

Bien évidemment les images de flux présentes dans le film dont l'une est associée à la petite Shan-Shan vont finir par faire sauter les digues et entraîner la famille dans son courant, redéfinissant les places en fonction des vrais désirs de chacun. La scène finale est de ce point de vue particulièrement symbolique.

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Une histoire d'eau

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard, François Truffaut (1958)

Une histoire d'eau

"Une histoire d'eau" est l'une des rares collaboration entre Jean-Luc GODARD et François TRUFFAUT bien qu'il ne soit pas le fruit d'un travail commun. Les images sont tournées par François Truffaut qui a l'idée de se rendre avec Jean-Claude BRIALY et une jeune actrice inconnue, Caroline Dim sur les lieux des inondations touchant l'Ile-de-France en 1958. Mais déçu par le résultat qui pèche par son manque de scénario, il abandonne le film. Jean-Luc Godard reprend le matériau délaissé par Truffaut et décide d'y imprimer sa marque très "nouvelle vague" par un riche montage visuel et sonore qui donne tout son piment au film. Celui-ci adopte le ton d'un itinéraire géographique et sentimental à la manière de la carte du tendre (que Godard citera ultérieurement dans "Bande à part") (1964). Une jeune fille souhaite se rendre à Paris depuis Villeneuve-saint-Georges ce qui va s'avérer pour le moins compliqué. Echouant à plusieurs reprises dans son entreprise à pied, en barque et faute d'autobus elle finit par se laisser embarquer dans une voiture conduite par un jeune homme entreprenant. Mais la voiture prenant l'eau, c'est plutôt la direction du flirt que prend le couple ainsi nouvellement formé dans des images impressionnistes très picturales qui font penser à celles de "Une partie de campagne" (1936) de Jean RENOIR. Ce couple, on ne l'entend qu'en voix-off, essentiellement celle de Caroline Dim dont le commentaire brode voire digresse sur les images et enchaîne les citations littéraires et philosophiques alors que celle de Jean-Claude Brialy est doublée par Godard comme avec Jean-Paul BELMONDO pour "Charlotte et son jules" (1960). A intervalles réguliers, la flânerie du couple est interrompue par des images aériennes des inondations sur une musique de percussions afro-cubaines qui créé un énième décalage assez loufoque avec ce qui est montré ce qui peut expliquer l'hommage rendu à Mack SENNETT à la fin du film.

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Novembre

Publié le par Rosalie210

Cédric Jimenez (2022)

Novembre

"Novembre" de Cédric JIMENEZ est l'autre film à voir en ce moment au cinéma sur le sujet des attentats du 13 novembre 2015. Là où "Revoir Paris" (2021) portait un regard intimiste sur les victimes et leur reconstruction, Cédric Jimenez réalise un film d'action sobre et efficace qui s'intéresse à l'enquête et à la traque des terroristes durant les cinq jours qui ont suivi l'attentat. Son approche fait penser à "Zero Dark Thirty" (2012) de Kathryn BIGELOW notamment sur la fin qui culmine avec la spectaculaire intervention du RAID et du BRI dans la planque des derniers membres du commando à Saint-Denis. Si le spectateur est plongé en immersion durant 1h40 dans les opérations de filature, d'écoute, d'arrestations et d'interrogatoires musclés, le film a tendance à se répéter et surtout à survoler ses très nombreux personnages comme une machine bien huilée mais quelque peu désincarnée. Heureusement, il y a tout de même un aspect déterminant de cette enquête qui est creusé et qui va complètement à l'encontre de cette approche ultra "testostéronée". Il s'agit du choix de l'une des enquêtrices (jouée par Anaïs DEMOUSTIER) de s'écarter de la procédure pour se fier à son intuition, en s'appuyant notamment sur le témoignage d'une lanceuse d'alerte, Samia (Lyna KHOUDRI) qui au départ ne recueille quasiment que du scepticisme voire de la défiance au sein des enquêteurs alors qu'il va s'avérer déterminant pour parvenir à localiser Abdelhamid Abaaoud, le chef du commando terroriste. On peut déplorer de l'avoir représentée avec un foulard comme s'il était impossible que des maghrébins puissent être athées (ou juifs ou chrétiens ou bouddhistes!) ce que la principale intéressée a fait rectifier par une mention à la fin du film mais il est intéressant de voir comment cette jeune femme qui n'entrait décidément pas dans les cases a obligé la législation à s'adapter en mettant en place pour elle le statut de témoin protégé en principe réservé jusque-là aux repentis (du jihadisme).

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L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty (Die Angst des Tormannes beim Elfmeter)

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1971)

L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty (Die Angst des Tormannes beim Elfmeter)

"L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty" est le deuxième film pour le grand écran de Wim WENDERS mais il est considéré comme son premier long-métrage véritablement professionnel (le premier "Summer in the city" était son film de fin d'études). Bloqué près de trente ans en raison de problèmes de droits (Wim WENDERS avait utilisé des extraits musicaux sans en demander l'autorisation au préalable), il constitue aujourd'hui une curiosité, intéressante surtout pour les fans de Wim WENDERS. Le style y est déjà très maîtrisé, on sent que chaque plan a été soigneusement composé (normal pour un cinéaste qui est aussi photographe) et il annonce toute la filmographie à venir. Déjà parce qu'il s'agit de l'adaptation du roman éponyme de Peter HANDKE qui avait déjà collaboré avec Wim Wenders pour la télévision allemande et qui plus tard signera le scénario de "Faux mouvement" (1975) et surtout la "partition écrite" inoubliable de Les Ailes du désir" (1987). Ensuite parce qu'il s'agit de l'histoire d'une errance comme on en verra beaucoup d'autres chez Wenders, sans but, ni début, ni fin comme si le personnage était enfermé dans une prison à ciel ouvert (le film commence et se termine de la même façon, ramenant le personnage à son point de départ). La répétition est le motif dominant du film. Comme dans "Faux mouvement", le personnage semble faire du sur-place, revenant toujours dans le même type de lieux (hôtel, bus, cinémas, bars avec juke-box, stades de foot). Néanmoins, il y a une différence à mes yeux fondamentale entre ce film et ceux qui suivront, c'est son absence complète d'humanité. Joseph Bloch (Arthur BRAUSS) est un personnage dénué de tout affect qui agit plus comme un robot que comme un être humain. On le voit ainsi tuer sans raison apparente et laisser des indices compromettants (d'origine américaine d'ailleurs, est-ce le retour au pays natal qui provoque cet état de glaciation affective?) sans que cela ne semble provoquer en lui la moindre crainte de se faire attraper (peut-être même le souhaite-t-il, cela arrêterait son errance sans fin). Ce type de personnage désincarné, on le retrouve dans les plus beaux films de Wim Wenders, sauf que dans ceux-là, une ou plusieurs rencontres (avec un enfant, avec un ami, avec une femme) se produisaient qui les ramenaient ou les faisaient entrer dans la vie, leur faisaient découvrir ou redécouvrir le monde des émotions, des sentiments. Rien de tel ici et le nihilisme qui imprègne le film finit par rendre celui-ci rebutant.

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Le Daim

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2019)

Le Daim

Le premier film que je vois de Quentin DUPIEUX m'a paru tout simplement brillant! Et loin de le trouver "absurde", j'y ai vu au contraire une mise en abyme de l'art cinématographique et la mise en relief de la mécanique implacable du serial killer:

1. Il est dénué d'affects comme de personnalité, d'ailleurs le film s'ouvre sur la chanson de Joe Dassin "Et si tu n'existais pas, dis-moi pourquoi j'existerais?" Comme un écho un peu plus tard sa femme lui dit au téléphone "qu'il n'existe plus".

2. Comme il est une coquille vide, son apparence devient une obsession car c'est elle qui définit sa personnalité. Le daim est une seconde peau exactement comme la veste en peau de serpent que porte Nicolas CAGE dans "Sailor & Lula" (1990) (inspirée de celle que porte Marlon BRANDO dans le titre au titre éponyme). J'ai pensé aussi au personnage de "Le Silence des agneaux" (1989) qui se fabrique un vêtement avec des morceaux de peau prélevé sur ses victimes. Comme il est immature, c'est le vêtement qui mue à sa place. Celui de Georges (Jean DUJARDIN) renvoie autant à l'aspect infantile du personnage* qu'à la sauvagerie. Ses propos sur "son style de malade" qui "bute" (on pourrait ajouter "qui flingue") prennent un double sens tout à fait savoureux.

3. Plus on avance dans le film, plus le personnage s'enfonce dans sa folie obsessionnelle et par conséquent "s'ensauvage": le daim recouvre progressivement toutes les parties de son corps alors même qu'il bascule progressivement dans la folie meurtrière (dans la sauvagerie, terme plus approprié que l'animalité proprement dite).

4. Pour pleinement "jouir" de sa toute-puissance (être le seul être au monde à porter un blouson), il a besoin d'un miroir. Comme Robert De NIRO dans "Taxi Driver" (1976) autre être solitaire en pleine dérive meurtrière, il se parle à lui-même dans le miroir (ou bien il donne une anima à sa veste lorsqu'elle est pendue en face de lui). Mais la suite ressemble davantage à "Le Voyeur" (1960) sauf que celui qui se rince l'oeil devant les images de ses crimes n'est pas celui qui tue. "Le Daim" est un monstre à deux têtes. Georges qui est mythomane se prétend cinéaste mais il est en réalité un acteur en costume, dirigé (manipulé) par sa serveuse-monteuse, Denise (Adèle HAENEL) qui l'encourage a aller toujours plus loin (ou plus près, c'est selon ^^) dans sa mise en scène sanglante et l'aide également à compléter sa peau de bête.

5. Et pour en finir avec les références cinématographiques, j'ai beaucoup pensé à un autre film avec Robert De NIRO, "Voyage au bout de l Enfer" (1978) alias "The Deer Hunter" (1978) d'autant que l'histoire se déroule dans un décor de montagnes et que des plans d'authentiques daims scandent l'intrigue. Georges avec sa panoplie de cow-boy d'opérette finit par y prendre la place du daim, c'est à dire de la cible chassée comme les héros du film de Michael CIMINO qui de chasseurs se muent en soldats avant de revenir (ou pas) dans la peau (dans le rôle) de la victime.

* Comment ne pas songer aux personnages des films de Wes ANDERSON, notamment celui joué par Owen WILSON dans "La Famille Tenenbaum"? (2002)

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Les 8 Salopards (The Hateful Height)

Publié le par Rosalie210

Quentin Tarantino (2015)

Les 8 Salopards (The Hateful Height)

Le seul film de Quentin TARANTINO que je n'avais pas vu était "Les 8 Salopards". La raison? "Il y a des têtes qui explosent" m'avait-on dit et cela avait suffi à me bloquer. En réalité, la violence est tellement exagérée qu'elle en perd tout son côté horrifique (le terme "grand-guignol" convient parfaitement au film qui est en réalité très supportable) et "Les 8 Salopards" n'est au final pas plus violent que "Pulp Fiction" (1994). Mais celui auquel il ressemble le plus est sans conteste "Reservoir Dogs" (1992), le premier film de Tarantino, comme si celui-ci avait voulu revenir aux sources*, l'habillage western en plus (d'ailleurs Michael Madsen est présent dans les deux films). Car "Les 8 Salopards" a beau être un huis-clos façon panier de crabes dans lequel tout le monde finit par s'entretuer à la manière des polars d'Agatha Christie, l'habillage est quant à lui super classe. Il y a d'abord une atmosphère très particulière: le film commence dans les grands espaces mais ceux-ci sont brouillés par le blizzard qui oblige les hommes à se confiner d'abord dans une diligence puis dans la mercerie de Minnie où se déroule la majeure partie de l'intrigue. A cette photographie (bi)polaire vient s'ajouter la bande originale composée par Ennio MORRICONE qui lui valut sur le tard l'Oscar de la meilleure musique de film et qui donna enfin à Quentin TARANTINO l'occasion de travailler avec son compositeur de prédilection. Ensuite, si le film comporte des longueurs et est un poil trop bavard, il reste néanmoins assez jouissif grâce à une mise en scène maîtrisée qui lorgne ouvertement du côté de Alfred HITCHCOCK. Ainsi lorsque le Major Warren (Samuel L. JACKSON) pénètre dans la mercerie, il se focalise (et la caméra également) sur des indices (un bonbon orange coincé entre deux planches de parquet et un bocal de bonbons manquant sur l'étagère) qui permettront plus tard au spectateur d'anticiper les événements. Il en va de même avec une diligence garée près de la mercerie que l'on retrouvera plus tard, preuve que chaque détail a son importance et que le film des événements se reconstitue comme un puzzle dans lequel chaque pièce s'emboîte parfaitement avec les autres. Par delà l'aspect ouvertement ludique du film, c'est (une nouvelle fois) la question du racisme qui est au coeur de l'histoire et le film pourrait tout à fait s'appeler "la revanche du major Warren", sa principale antagoniste étant la tueuse manipulatrice Daisy Domergue (Jennifer JASON LEIGH de plus en plus tuméfiée et peinturlurée au cours du film, certains pensent que c'est un hommage à "Carrie au bal du diable" (1976), moi je pense que c'est surtout un moyen -très efficace au demeurant- de dissimuler son visage lifté).

* "Réservoir Dogs" et "Les 8 Salopards" ont tous deux pour modèle avoué par Quentin Tarantino le désormais classique film d'horreur de John CARPENTER, "The Thing" (1982) et pour mieux enfoncer le clou, son acteur fétiche, Kurt RUSSELL joue l'un des principaux rôles dans "Les 8 Salopards" sans parler du trait d'union effectué par Ennio MORRICONE compositeur de BO inoubliables pour les westerns de Sergio LEONE mais aussi du film de John CARPENTER.

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L. 627

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1992)

L. 627

Après l'avoir vu, j'ai compris pourquoi "L.627" faisait partie des films les plus importants tournés par Bertrand TAVERNIER et était devenu une référence. En effet celui-ci accomplit avec l'aide précieuse de Michel ALEXANDRE, ancien policier spécialisé dans le trafic de drogue un film qui colle à la réalité du terrain sans que pour autant cette démythification du boulot de flic, inhabituelle dans le cinéma français ne provoque l'ennui. En fait je pense que beaucoup de fonctionnaires peuvent y reconnaître leurs propres conditions de travail façonnées par les coupes budgétaires: locaux inadaptés ou vétustes, système D pour se procurer les fournitures essentielles (et encore, le film ne parle pas des pénurie de savon et de PQ dans les WC), manque de véhicules fonctionnels (la scène de la fuite d'essence que les policiers ont bien du mal à faire reconnaître pour ce qu'elle est est un cas d'école) et salaires visiblement insuffisants (puisque l'un d'eux complète ses revenus en filmant des mariages). A ce manque flagrant de moyens financiers viennent s'ajouter la passion française pour la paperasserie administrative inutile (des rapports que personne ne lira jamais), pour les stages totalement déconnectés du réel (l'un des flics est un bleu qui, dépassé par les situations qu'il est amené à vivre et par les réactions de ses collègues passe son temps à dire "qu'on ne lui a pas appris ça") et pour "la culture du chiffre" qui confine à l'absurde. Le boulot de ces flics est en effet un travail de Sisyphe, condamné à la répétition pour un butin dérisoire. Mais comme il faut néanmoins afficher des résultats, chacun se débrouille comme il le peut, bien souvent en dehors de la loi (elle aussi déconnectée des réalités du terrain). Le film met particulièrement en évidence le rôle des indicateurs et les relations forcément complexes qui se nouent entre eux et les flics. En échange de renseignements sans lesquels il leur serait impossible d'agir, ceux-ci deviennent leurs protecteurs voire leurs fournisseurs, n'hésitant pas à prélever une partie de la marchandise confisquée pour ceux qu'ils appellent les "cousins". On voit même se nouer une relation trouble faite de séduction et de tendresse filiale entre Lulu (Didier BEZACE) qui est investi à 100% dans son métier au point d'en négliger ses proches et une prostituée toxicomane, Cécile (Lara GUIRAO). Eux aussi sont dépeints avec un grand réalisme (social et médical), parfois éprouvant. Mais si Lulu est le personnage principal, les membres de son équipe sont également importants, chacun ayant sa personnalité propre sans lequel le film n'aurait pas le même relief. J'ai particulièrement apprécié les touches d'humour qui constituent des respirations salutaires pour les flics comme pour le spectateur.
 

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