Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'Ange Blond De Visconti - Björn Andresen, De L'Ephèbe à L'Acteur

Publié le par Rosalie210

 Kristina LINDSTRÖM, Kristian PETRI (2020)

L'Ange Blond De Visconti - Björn Andresen, De L'Ephèbe à L'Acteur

A l'heure où Sylvia Stucchi, professeure de lettres classiques à l'université de Milan publie "La dame au ruban bleu: cinquante années avec Oscar", je me replonge dans ma propre adolescence passée dans ma passion pour "Lady Oscar" dont je ne connaissais alors même pas l'auteur puisque les seuls crédits mentionnés au générique étaient ceux des distributeurs français, "Bruno-René Huchez, Caroline Guicheux et cie." ce qui en disait long sur le mépris et le chauvinisme (pour ne pas dire le racisme) alors en vigueur dans l'hexagone vis à vis des séries animées japonaises. Vers 17-18 ans, j'ai eu accès à une première source de vraie documentation, un fanzine italien du nom de Yamato avec un auteur, Francesco Prandoni qui lisait le japonais (et avait donc lu le manga, à l'époque non traduit en Europe) et était capable de faire des analyses de fond. Il y critiquait (à raison) l'actrice du film de Jacques DEMY (que je n'ai pu voir qu'en 1997 car lui non plus n'était pas sorti en France), disant que Oscar était une figure irréelle, inadaptable au cinéma.

Mais à lui aussi il manquait des informations. Le documentaire que Arte a mis en ligne il y a quelques mois (et jusqu'en 2024) sur Björn ANDRESEN, le jeune acteur devenu une icône à la suite de sa prestation dans le rôle de Tadzio dans le film de Luchino VISCONTI "Mort à Venise" (1971) a permis de combler cette lacune. On y voit en effet dans ce documentaire aussi saisissant que douloureux, un Björn ANDRESEN mal remis de cette expérience qui contribua à le plonger dans la dépression et les addictions revenir au Japon cinquante ans après y avoir connu un succès foudroyant suite au film de Visconti et discuter avec ceux qui "volèrent son image" ce qui lui donna ensuite l'impression d'être emprisonné à vie dans le rôle (bien que le premier d'entre eux ait été Visconti lui-même et son équipe dont l'attitude envers le très jeune garçon qu'il était alors s'est avérée indélicate et ce dès le casting, très gênant). Et parmi eux, il y a Riyoko IKEDA, l'auteure du manga "La Rose de Versailles" (le vrai titre de "Lady Oscar") qui explique que tous ses personnages androgynes ont été inspirés par le visage de Björn Andresen. Comble de l'ironie, celui-ci qui est sexagénaire est aujourd'hui le sosie parfait d'un autre personnage de manga qui est culte pour moi: Otcho dans "20th Century Boys" de Naoki Urasawa.

Bien que le mal-être de Björn ANDRESEN ne s'explique pas seulement par le film qui le révéla autant qu'il le crucifia (le terrain familial a joué un rôle déterminant en ne le protégeant pas face aux prédateurs qui se nourrirent de lui), le documentaire fait réfléchir sur cette énième variante de l'exploitation des enfants par les adultes, surtout lorsqu'il s'agit de créer un fantasme sur pattes qui ensuite poursuivra tel un fantôme encombrant celui qui en a été le vecteur.

Voir les commentaires

Le Redoutable

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius (2016)

Le Redoutable

En regardant "Le Redoutable", j'ai réalisé queMichel HAZANAVICIUS aimait prendre pour héros des personnages détestables, reflétant souvent leur époque, époque sur le point de connaître un basculement. C'est George Valentin, star du muet foudroyé par l'arrivée du parlant ou OSS 117, coincé dans la France de René Coty et dépassé par les mutations politiques, économiques et sociales des 30 Glorieuses (décolonisation, émancipation des femmes, mouvement hippie etc.) "Le Redoutable" qui d'ailleurs fait allusion au premier sous-marin nucléaire français (pièce indispensable du puzzle de la grandeur de la France voulue par De Gaulle) n'échappe pas à ce prisme. On y voit un des réalisateurs majeurs de la nouvelle vague (que l'on aime ou pas Jean-Luc GODARD, on ne peut lui enlever son génie créatif et tout ce qu'il a apporté au cinéma hexagonal et mondial) chercher à surfer en 1967-1968 sur une vague contestataire qu'il finit par se prendre de plein fouet ("le plus con des suisses pro-chinois"). Si l'homme a été avant-gardiste dans le domaine du cinéma, le temps l'a rattrapé et il s'est pris les pieds dans d'insurmontables contradictions concernant la politique et les rapports avec ses semblables. Bien sûr, il faut bien avoir en tête que le portrait du cinéaste qui nous est offert est tout sauf objectif puisqu'il est le fruit de l'adaptation du roman de son ex-femme, la comédienne Anne WIAZEMSKY "Un an après". Celle-ci semble régler son compte à un homme décrit comme péremptoire (il s'exprime à coup de slogans), donneur de leçons, méprisant, condescendant, rabat-joie, jaloux et misogyne. Mais le film de Michel HAZANAVICIUS et l'interprétation convaincante de Louis GARREL apportent des nuances. Sans édulcorer ce que l'homme pouvait avoir d'odieux, Godard apparaît aussi comme un personnage burlesque (le running gag des lunettes) ce qui souligne son inadaptation croissante au monde qui l'entoure. Un homme tourmenté, insatisfait, qui ne supporte pas de se voir vieillir (et de ne plus être donc à l'avant-garde) et préfère pratiquer la politique de la terre brûlée plutôt que de devenir "un con de bourgeois has-been". Michel Hazanavicius ne se contente pas de reconstituer l'époque et l'esthétique des films de Godard avec le savoir-faire pasticheur qu'on lui connaît*, il met sa mise en scène au service de ce récit de disparition programmée. Ainsi l'une des premières scènes du film montre Godard, sa femme Anne (jouée par Stacy MARTIN que j'ai trouvé un peu monolithique) et un couple d'amis manger joyeusement dans un restaurant chinois dont le nom est "au pays du sourire". Plus tard dans le film, Anne et Godard croisent ce même couple avec lequel Godard s'est fâché (comme il s'applique à le faire avec tous ses amis) devant ce même restaurant. Après quelques mots de convenance teintés de compassion pour Anne, ils se séparent et c'est seulement alors que la caméra filme la devanture du restaurant et nous fait mesurer le gâchis humain qu'a provoqué l'attitude de Godard.

* Sa reconstitution de mai 68 est d'ailleurs bien meilleure que celle, figée et superficielle de Wes ANDERSON dans "The French Dispatch" (2020).

Voir les commentaires

Stars 80

Publié le par Rosalie210

Frédéric Forestier, Thomas Langmann (2011)

Stars 80

De deux choses l'une: ou bien les tubes eighties vous indiffèrent et dans ce cas, passez votre chemin, il n'y a rien à voir. Ou bien vous avez vécu cette époque, écouté la bande FM, regardé le Top 50 présenté par Marc TOESCA (c'était mon cas! Et d'ailleurs ce dernier vient faire un petit coucou dans le film), passé des soirées camping entre "On va s'aimer" et "Nuit de folie" et dans ce cas, vous passerez un bon moment. On oublie le scénario qui vole au ras des pâquerettes, la réalisation paresseuse qui comble le scénario anémique par des extraits de concert et on se concentre sur ce qui fait l'essentiel de l'intérêt de cette comédie: son casting! Si la nostalgie est au rendez-vous (j'ai possédé une bonne moitié des 45 tours que l'on voit dans le film), c'est surtout le plaisir de voir un bel échantillon de ces ex-stars de l'époque "OK magazine" manifester une belle complicité et s'amuser avec un sens de l'auto-dérision qui fait plaisir à voir. La ferveur (authentique) née de leur revival s'explique par le besoin de communions collectives que ces tubes rassembleurs (festifs mais pas seulement) permettent toujours de satisfaire ce qui les rend inusables alors qu'aujourd'hui, la consommation de la musique est devenue tout aussi individualiste que les autres domaines de la culture pop. A l'époque de leur sortie, la plupart de ces tubes et leurs interprètes étaient jugés kitsch, un peu plus tard ils ont été jugés ringard et aujourd'hui voilà qu'ils sont tendance comme le constate dépité le producteur Valéry ZEITOUNdans son propre rôle (pourtant il n'a pas tout raté, je me souviens de lui en tant que jury d'un "Popstars" il y a 20 ans où il avait repéré Chimène BADI qui s'en est mieux sortie que le bien-nommé groupe "Whatfor" qui avait été formé par l'émission et dont les membres sont presque aussitôt tombés dans l'oubli). La preuve? La BO du superbe "Compartiment N°6" (2021) grand prix du jury à Cannes en 2021 est en grande partie basée sur "Voyage, voyage" le tube de DESIRELESS qui est l'une des nombreuses guest-stars invitée à se moquer d'elle-même (plus précisément de sa coiffure de l'époque) dans le film. LIO est également assez marrante avec sa pétulance naturelle tout comme Jean-Luc LAHAYE qui joue les vieux beau avec malice. Mais ceux que j'ai trouvé les plus drôles sont PETER et SLOANE, les interprètes du sirupeux "Besoin de rien, envie de toi" qui nous offrent des scènes de screwball comédie du troisième âge assez désopilantes (d'autant que cette dernière a aussi des problèmes capillaires ^^).
 

Voir les commentaires

Coupez!

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius (2022)

Coupez!

Michel Hazanavicius est décidément irremplaçable, réussissant à partir d'un remake français d'un film de zombies culte japonais ("Ne Coupez pas!") à faire réfléchir sur le cinéma et notamment son caractère d'oeuvre collective de façon ludique et humoristique. Je ne me rappelle plus depuis quand je n'ai pas autant ri en salle devant ce qui s'apparente à une grosse pochade mais qui en réalité est un hommage aux humbles artisans du cinéma de genre (classé de B à Z) tout à fait comparable à celui que Tim Burton rendait à Ed Wood sans parler des clins d'oeil appuyés à Quentin Tarantino. Un éloge du système D qui peut donner envie à n'importe qui de se lancer. Système D qui n'est d'ailleurs pas synonyme forcément de mauvaise qualité. Par exemple, faute de moyens financiers, qui se souvient que Raoul Coutard, le chef opérateur de Jean-Luc Godard a dû utiliser un chariot pour remplacer les rails de travelling dans "A Bout de Souffle? Et bien Michel Hazanavicius lui s'en souvient, les travellings du film étant obtenus à l'aide... d'une chaise roulante et le plan aérien, à l'aide d'une pyramide humaine, faute de grue! Si le résultat final, par lequel on commence (un plan-séquence de 32 minutes) peut interroger en raison de moments de flottements bien visibles, il ne faut surtout pas lâcher prise car c'est après, lorsqu'on découvre les coulisses d'un tournage-catastrophe et donc son caractère plutôt plus que moins improvisé que le film devient vraiment jubilatoire. Voir des acteurs français très connus capables d'autant d'auto-dérision procure un immense plaisir: Romain Duris dans le rôle du réalisateur double de Michel Hazanavicius (il est en effet entouré par la femme et et la fille de ce dernier), Jean-Pascal Zadi en ingénieur du son ou encore Grégory Gadebois en zombie sont impayables et les voir jouer des personnages au prénom japonais créé un décalage irrésistible. Enfin aussi étonnant que cela paraisse, toute cette énergie collective mise dans un projet aussi casse-gueule finit par émouvoir, chacun donnant malgré les apparences quelque chose de très personnel (comme en témoigne l'importance de photos de famille).

Voir les commentaires

Le Tambour (Die Blechtrommel)

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (1979)

Le Tambour (Die Blechtrommel)

" Il était une fois un peuple crédule qui croyait au père noël mais en réalité le père noël était le préposé au gaz".

Cette phrase digne d'un conte grinçant symbolise le nazisme vu à hauteur d'enfant et ce d'une manière autrement plus dérangeante que dans le gnan-gnan "Jojo Rabbit". En effet, Oskar, le personnage principal et narrateur du film (qui est l'adaptation partielle du roman de Gunther Grass) met mal à l'aise tant il est difficilement identifiable. Officiellement âgé de 3 ans lorsqu'il décide de ne plus grandir, sa taille est celle d'un petit garçon (plutôt de 5-6 ans) mais son visage, son regard perçant et son comportement sont en discordance avec son apparence. Même s'il n'en a pas toutes les caractéristiques (David Bennent alors âgé de 12 ans souffrait de troubles de croissance), Oskar est plus proche du nain que de l'enfant et sa difformité renvoie à la monstruosité mais aussi au grotesque du nazisme dont il incarne ce qu'il rejette, à savoir le sous-homme. L'une des meilleures scènes du film illustre parfaitement la discordance entre la doctrine et la réalité. Oskar que sa petite taille permet de se glisser partout fait dérailler une cérémonie nazie dont il finit par changer la nature (de rectiligne et phallique, elle devient circulaire et féminine) en émettant des fausses notes sur son tambour. Son autre arme est sa voix qui lui permet de briser les objets en verre et par là même, de semer le chaos. Un écho assez évident au pogrom de "La Nuit de Cristal" de 1938 qui est relaté dans le film au travers du saccage de la boutique de l'ami d'Oskar, Markus le vendeur de jouets (interprété par Charles Aznavour). Enfin, le choix du lieu n'est pas anodin et permet de relier petite et grande histoire: de même que Dantzig est écartelé entre l'Allemagne et la Pologne, Oskar a deux pères et ne sait pas lequel est son géniteur. Le premier est le cousin et l'amant polonais de sa mère et l'autre est son mari, un commerçant allemand qui lui assure la sécurité matérielle. Mais Oskar qui refuse de devenir adulte* les renvoie dos à dos et précipite leur perte à tous deux. Il n'est pas plus tendre avec sa mère puisqu'il aurait voulu ne pas naître (il se réfugie souvent sous les jupes de sa grand-mère) ce qui donne lieu aux scènes les plus dérangeantes autour du détraquement de la nourriture**, du sexe, de la gestation et de la filiation. On peut également souligner que le film lui-même oscille entre deux genres, le film historique et le conte baroque surréaliste à tendance horrifique lorgnant vers le "Freaks" de Tod Browning, le "Huit et demi" de Federico Fellini ou certaines oeuvres de Luis Bunuel. Bref "Le Tambour" est une oeuvre très riche sur le fond et décapante sur la forme, sans doute la meilleure de son auteur.

* Bien que se situant à l'opposé de "Le Tambour" quant à son public (il est interdit aux moins de 16 ans), "Kirikou et la sorcière" partage un certain nombre de similarités qui d'ailleurs permettent de mieux comprendre le film de Volker Schlöndorff qui peut paraître nébuleux à première vue. C'est un conte ou on trouve un enfant qui s'enfante tout seul (Oskar hésite à naître puis décide de ne plus grandir), qui est d'une taille minuscule mais d'une sagacité bien supérieure à celle des adultes et qui de ce fait est en marge de sa communauté.

** Il faudrait que Blow Up, l'émission d'Arte consacre un numéro à l'anguille au cinéma, surtout quand celle-ci permet d'avoir la Palme d'Or.

Voir les commentaires

Wandering Papas

Publié le par Rosalie210

Stan Laurel (1926)

Wandering Papas

Ce film est une curiosité puisque d'une part on y trouve Oliver Hardy dans un rôle secondaire mais sans son comparse à l'écran, Stan Laurel qui est présent derrière la caméra mais pas devant. De l'autre, le comique burlesque se concentre sur Clyde Cook qui joue un cuisinier très chaplinesque. Certains gags comme celui de l'aliment explosif rappellent "Charlot mitron" ("Dough and Dynamite") réalisé en 1914 pour la Keystone et d'autres "La Ruée vers l'or" (la maison qui penche dans le vide qui devient ici le train qui penche dans le vide). Il faut dire qu'avant de former son duo légendaire avec Oliver Hardy au cinéma, Stan Laurel comme la plupart des grands burlesques de cette époque avait débuté sur les planches en 1908, dans la même troupe que Charles Chaplin (celle de Fred Karno) et s'était retrouvé à jouer entre autres sa doublure.

Comme "Detained" que j'ai récemment chroniqué et plus d'une trentaine d'autres courts-métrages antérieurs à la formation du duo qui ont été miraculeusement retrouvés (sur des centaines perdus), on peut visionner "Wandering Papas" sur un double DVD édité par les éditions Lobster judicieusement intitulé "Laurel OU Hardy, avant le duo".

Voir les commentaires

Cinéma Paradiso (Nuovo Cinema Paradiso)

Publié le par Rosalie210

Giuseppe Tornatore (1988)

Cinéma Paradiso (Nuovo Cinema Paradiso)

Un artiste célèbre joué par Jacques Perrin ayant atteint un âge avancé se remémore son enfance modeste suite au décès d'un homme de l'ombre dont l'amour de l'art changea sa vie. "Les Choristes"? Non "Cinéma Paradiso". Je soupçonne Christophe Barratier de s'être inspiré du film de Giuseppe Tornatore pour sa chronique nostalgique sortie en 2006 qui rencontra d'ailleurs un grand succès, tout comme son prédécesseur. 

J'avais un souvenir très vague de "Cinéma Paradiso" que j'ai trouvé lors de son revisionnage inégal. J'ai beaucoup aimé le début (avec le petit Salvatore Cascio jouant Toto enfant), la fin (avec Jacques Perrin jouant un Salvatore ayant atteint l'âge mûr ému de retourner dans le village de son enfance) mais beaucoup moins le passage où Salvatore est adolescent, plus convenu. De plus la vision très nostalgique voire surannée du cinéma qui se dégage du film m'a un peu agacée. Cela fait des décennies qu'on annonce la fin de cet art qui dans les années 80 n'était concurrencé "que" par la télévision et les cassettes vidéos alors que 40 ans plus tard, la concurrence est autrement plus vive avec les plateformes de streaming et que le cinéma est pourtant toujours là. En fait c'est une certaine conception du cinéma effectivement révolue que célèbre Cinéma Paradiso, un peu comme le faisait Marcel Carné pour le théâtre avec "Les Enfants du Paradis": celui d'un lieu de vie populaire et tapageur comme une sorte d'agora ou d'église laïque dans laquelle toute une communauté venait oublier ses soucis. La pratique du cinéma en salle s'est depuis embourgeoisée, est en voie de gériatrification hormis quelques gros films américains et comédies françaises et est devenue plus individualiste. Les transformations du Cinéma Paradiso, d'abord aux mains de l'Eglise qui censure les passages des films jugés osés, puis après son incendie dans celles du privé qui privilégie le rendement au détriment de la qualité et enfin dans celles de la ville qui décide de détruire le bâtiment abandonné pour en faire un parking reflète les évolutions économiques et sociales depuis la fin de la guerre: d'abord les vestiges de la société traditionnelle, villageoise et bigote puis les bouleversements des trente glorieuses et enfin la crise des années 70-80. On apprécie aussi la musique de Ennio Morricone, la prestation de Philippe Noiret dans le rôle de la bonne fée et les extraits de nombreux classiques qui jalonnent le film, italiens, hollywoodiens ou français. La scène finale des baisers est devenue culte.

Voir les commentaires

Les passagers de la nuit

Publié le par Rosalie210

Mikhaël Hers (2022)

Les passagers de la nuit

Mikhaël Hers aime les parcs et les panoramas depuis des points de vue en hauteur (colline, balcon). Il aime Paris de façon paradoxale. Ses films sont à la fois très ancrés géographiquement et en même temps très éthérés car rétrospectifs. Il aime en effet les variations de lumière, les atmosphères ouatées et les filtres nostalgiques et oniriques: la voix off, le journal, les confessions radiophoniques au milieu de la nuit, les images d'archive au format carré et au grain délavé. Enfin il aime Eric Rohmer et lui rend un hommage particulièrement appuyé dans cet opus qui se situe temporellement entre les deux élections de François Mitterrand (1981 à 1988). Il y a d'abord la présence discrète mais significative de Didier Sandre (dont c'est la troisième collaboration avec Mikhaël Hers) dans le rôle du grand-père, manière de s'inscrire délicatement dans la filiation du cinéaste (Didier Sandre avait joué dans "Conte d'Automne"). Et surtout il y a l'extrait de "Les Nuits de la pleine lune" que les enfants d'Elisabeth (Charlotte Gainsbourg) regardent à la sauvette en compagnie de Talulah (Noée Abita), une jeune SDF recueillie par leur mère. Plus tard un autre extrait de film avec Pascale Ogier et sa mère Bulle dans "Le Pont du Nord" de Jacques Rivette établit une parenté implicite entre cette dernière et Talulah qui a quasiment le même âge et est toxicomane. Eric Rohmer s'intéressait dans les années 80 à l'architecture des villes nouvelles. Mikhaël Hers ancre son film dans le quartier Beaugrenelle du quinzième arrondissement, ses hautes tours, son front de seine et sa grande bibliothèque en parvenant à donner à ces lieux (que personnellement pour les avoir visités je trouve dystopiques même s'ils sont prisés de la bourgeoisie) un caractère poétique. Un caractère intimiste aussi: on se sent dans un cocon dans l'appartement de Charlotte Gainsbourg situé en haut d'une tour avec ses vastes baies vitrées. Il est également très agréable d'écouter sa voix à la radio en tant que suppléante de Vanda, la productrice et présentatrice de l'émission (Emmanuelle Béart) à une époque où ce média s'émancipait (comme Elisabeth, ex-femme au foyer que son divorce oblige à se réinventer) et je trouve d'ailleurs dommage que cet aspect "C'est beau une ville la nuit" au féminin n'ait pas davantage été développé tant il est hypnotique.

Voir les commentaires

L'aigle vole au soleil (The Wings of Eagles)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1957)

L'aigle vole au soleil (The Wings of Eagles)

Jamais je n'aurais regardé ce film s'il n'avait été réalisé par John Ford. Le sujet en effet ne m'attirait pas du tout. Mais avec un tel réalisateur aux manettes, ça ne pouvait être que bien. Plus que bien même, c'est un excellent film d'autant que l'alchimie avec John Wayne (brillant une fois de plus) fait encore une fois merveille. On s'attend à un biopic édifiant sur la personnalité héroïque et résiliente de Frank "Spig" Wead (qui était un ami du réalisateur lui-même haut gradé dans la marine) ou bien d'un film de guerre bien nationaliste mais John Ford déjoue nos attentes. Tout d'abord il tourne en dérision la rivalité entre l'armée de terre et la marine en s'inscrivant dans la plus pure tradition de la comédie burlesque muette avec pugilat, lancer de tarte à la crème et comique de répétition (l'entrée en scène des forces de l'ordre venus mater la baston entre les troupes de Wead et celles de son homologue de l'armée de terre). Tout cela tourne au concours de bistouquettes ce qui n'est pas très glorieux pour l'armée d'autant qu'elle apparaît assez bornée face aux idées novatrices de Frank Wead qui veut doter dans les années qui suivent la première guerre mondiale l'US Navy d'une force aéronavale alors que lui-même n'a pas le brevet de pilote (cascades hasardeuses assurées qui font encore une fois désordre). Ensuite, après un accident domestique, Frank Wead se retrouve paralysé des pieds à la tête et sa rééducation, longue et laborieuse ne lui permet pas de retrouver totalement sa mobilité puisqu'il doit marcher avec des cannes: ce n'est pas vraiment l'image traditionnelle de la virilité. D'autant qu'il doit alors troquer ses rêves d'action et d'aventure pour le papier et le stylo afin d'écrire des scénarios à la manière de Miyazaki qui à cause de sa myopie n'a jamais pu devenir pilote et a donc transposé son désir d'évasion dans la création artistique (c'est évidemment aussi le cas de John Ford que la guerre a éborgné). Et alors qu'il a repris du service après Pearl Harbor, un nouvel ennui de santé sur la fin l'oblige à prendre sa retraite anticipée et à quitter ses hommes en larmes assis dans une chaise qui le transfère du porte-avion sur un navire militaire. Enfin, la plus grande souffrance de cet homme réside dans le fait d'avoir sacrifié sa vie de famille à son travail dans l'armée et à sa passion pour l'aviation. Sa femme utilise la métaphore des tiroirs encastrés façon poupées russes pour lui signaler qu'elle est la dernière roue du carrosse (Maureen O'Hara, habituée à jouer les épouses de John Wayne pour John Ford). Un plan magnifique de cadre dans le cadre dont John Ford a le secret montre Frank noyé dans l'ombre au premier plan et sa femme éclairée au second, tous deux terrassés par la douleur de la perte d'un enfant mais isolément l'un de l'autre comme si le premier n'était qu'une ombre dans le foyer. Plus tard il sera une image furtive sur un écran pour ses filles et non un père réel, au point qu'elles finiront par ne plus le reconnaître. Sa chute dans les escaliers due à la précipitation en entendant l'une d'elle crier peut être comprise comme une tentative de se racheter mais aussi comme un aveu d'impuissance puisqu'il ne parviendra jamais à les rejoindre et devra se contenter lui aussi de les voir en photo. Derrière le rire, omniprésent et la générosité incarnée par Carson (Dan Dailey) qui joue le rôle du pote indéfectible, infirmier, rééducateur, bouclier humain, clown de service etc. et un personnage auto-parodique, celui de Dodge (Ward Bond), le film est poignant et profondément humain. Voilà donc une pépite méconnue de la filmographie du cinéaste et de son acteur fétiche qu'il faut absolument redécouvrir.

Voir les commentaires

Au bonheur des ogres

Publié le par Rosalie210

Nicolas Bary (2012)

Au bonheur des ogres

Je n'ai pas lu le livre de Daniel Pennac mais je pense le faire très prochainement (voire toute la saga) car ce qui m'a plu dans le film provient de l'intrigue, sombre et loufoque à la fois avec une petite touche surréaliste (la girafe dans le magasin) et des dialogues réjouissants. Depuis mon passage à Nice, je comprends mieux d'où vient le nom "Malaussène". Et j'aime beaucoup la référence à Emile Zola et à son "Bonheur des Dames" ainsi que son décor, celui de la Samaritaine, diablement cinématographique. Mais pour le reste, le film ne casse pas des briques: la réalisation qui se veut baroque est confuse (n'est pas Jean-Pierre Jeunet qui veut) et s'essouffle sur la durée en dépit de quelques moments comiques bien ajustés, les effets numériques sont un peu trop voyants même si les couleurs pop sont agréables à voir et l'interprétation est inégale. Le pire selon moi est le personnage de Louna et son actrice (Mélanie Bernier) au sourire figé qui est purement décorative. C'est d'ailleurs le problème de la grande profusion de personnages au mètre carré, il n'y a pas le temps de les approfondir, on les caractérise à gros traits et basta. Le duo Raphaël Personnaz avec son visage perpétuellement ahuri et la pétillante Bérénice Béjo s'en sortent plutôt bien, d'autres beaucoup moins (on a la plus grande peine à distinguer les agents de sécurité les uns des autres sauf celui joué par Kusturica et il en va de même avec les policiers). Enfin à trop vouloir divertir, le film relègue la violence en toile de fond ce qui le rend superficiel.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 > >>