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Night Moves

Publié le par Rosalie210

Kelly Reichardt (2013)

Night Moves

Il est rageant que Kelly REICHARDT n'ait pas su trouver une conclusion satisfaisante à son film. Car le reste était remarquablement tenu. Maniant parfaitement les codes du thriller et du film de casse mais les mettant au service de son style minimaliste et épuré, la cinéaste signe une fable prenante sur la dérive terroriste de trois militants écologistes radicalisés qui préparent puis exécutent un attentat contre un barrage. Dès le début, elle sème de petits cailloux destinés à instiller le doute dans l'esprit du spectateur sur la réussite de l'entreprise du trio. Josh (Jesse EISENBERG) et Dena (Dakota FANNING), deux jeunes idéalistes à l'esprit faible, découvrent en effet que leur partenaire, l'ancien Marine Harmon (Peter SARSGAARD) plus âgé et plus expérimenté leur a menti concernant ses antécédents, ses relations ou l'environnement du barrage qu'ils ont décidé de faire sauter. Mais en dépit de ces mensonges et d'autres signes annonciateurs tels que la crise d'urticaire qui touche Dena ou le contretemps d'un automobiliste qui s'arrête juste en face du barrage piégé, ceux-ci ne parviennent pas à s'extraire de leur projet fou et ce sont eux qui en paieront les conséquences, le troisième devenu un "deus ex machina" (il n'est plus visible à l'écran et s'agit plus qu'au téléphone) continuant sans difficulté à les manipuler en attisant leur paranoïa pour faire en sorte qu'ils se neutralisent mutuellement une fois l'attentat accompli. La beauté des paysages filmés (ceux de l'Oregon, comme dans tous les films de la réalisatrice) et l'attention portée aux gestes méticuleux des fermiers ne fait pas oublier l'essentiel: la contradiction fondamentale que constitue le fait de tuer par idéal (surtout lorsque cet idéal consiste à sauver le vivant!) et l'amère solitude des jeunes gens qui agissent ensemble mais qui doivent ensuite supporter seuls le poids de leurs actes. A ce titre, c'est Josh le maillon le plus faible, celui que la caméra isole dans tous les lieux où il passe et qui coupe peu à peu les derniers liens qui le retenaient au reste de la société.

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Le Repentir (Shadows)

Publié le par Rosalie210

Tom Forman (1922)

Le Repentir (Shadows)

"Le Repentir" ("Shadows" en VO) ne doit pas être confondu avec un autre film au titre homonyme en VF (mais dont le titre en VO est "Back Pay") sorti la même année mais réalisé par Frank Borzage. De même, il n'a rien à voir avec le premier long-métrage de John Cassavetes (également intitulé "Shadows") et l'acteur qui joue le pasteur John Malden, Harrison Ford ne peut évidemment pas être celui que tout le monde connaît étant donné que le film a été réalisé 20 ans avant sa naissance.

Le film, à l'intrigue mélodramatique est imprégné d'une morale chrétienne très XIX° siècle comme le souligne son titre. La plus grande préoccupation du pasteur Malden, outre la direction de ses ouailles est en effet le "salut de l'âme" du chinois Yen-Sin qualifié de "païen". On sait avec quel zèle les missionnaires ont tenté de répandre la bonne parole de leur religion au sein du monde entier et comment l'Asie s'est protégée de leur influence notamment la Chine et le Japon, en se fermant aux échanges occidentaux pour plusieurs siècles.

Mais même si la conversion in-extremis dudit "païen" montre bien l'imprégnation religieuse de l'esprit américain, le fait est que c'est le chinois sauvé des eaux (comme Moïse ^^) qui est montré comme le sauveur d'une communauté religieuse rigoriste mise en péril par une brebis galeuse qui occupe pourtant une fonction haut placée en son sein alors que Yen-Sin qui est juste toléré vit à sa marge. Chinois qui plus est interprété (il n'en était pas à son premier essai) par l'incroyable transformiste Lon Chaney dont la performance est bluffante et qui offre une prestation ultra-touchante. Cette relecture très ouverte du message biblique qui s'accompagne d'une mise en scène soignée et dynamique mettant bien en valeur les acteurs dans leur environnement participe de la réussite du film.

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Chère Louise

Publié le par Rosalie210

Philippe de Broca (1972)

Chère Louise

Si "Chère Louise" est un film inattendu (et méconnu) dans la carrière de Philippe de BROCA (il faut dire qu'il fut un échec critique et commercial à sa sortie), il ne l'est pas dans le contexte du cinéma français des années 70 où il en rappelle d'autres: "Les Valseuses" (1974) (pour la transgression de l'attirance que de jeunes hommes peuvent éprouver pour une femme d'âge mûr jouée par Jeanne MOREAU et le désir que celle-ci exprime), "Le Genou de Claire" (1970) (pour le choix de la ville, provinciale et bourgeoise d'Annecy comme cadre du film et là aussi des histoires de désir entre personnes d'âge différents), "Mourir d aimer" (1970) (pour la condamnation morale et sociale de ce type d'amour lorsque c'est la femme qui est la plus âgée), les films contemporains de Claude SAUTET (en raison du fait que le scénariste de "Chère Louise" n'est autre que Jean-Loup DABADIE). Si l'on se délocalise temporellement et géographiquement, on pense bien évidemment, leur "ancêtre" à tous, "Tout ce que le ciel permet" (1955) de Douglas SIRK d'autant que Rainer Werner FASSBINDER a justement rendu hommage à ce film dans "Tous les autres s appellent Ali" (1973) où comme dans "Chère Louise", le jeune homme est aussi un immigré.

Longtemps invisible, "Chère Louise" a été récemment restauré et projeté au festival de Cannes 2021 dans la sélection Cannes Classics ce qui lui donne actuellement une seconde vie dans les cinémas d'art et essai. Voilà l'occasion de découvrir un film intimiste et sensible dans lequel on reconnaît la patte du réalisateur dans le personnage instable et bondissant de Luigi (Julian NEGULESCO) ainsi que dans quelques moments de fantaisie mais où la mélancolie l'emporte largement*. La lucidité aussi. Jamais Louise (Jeanne MOREAU) ne s'illusionne sur sa relation avec Luigi qu'elle traite d'ailleurs bien plus comme un enfant que comme un homme, celui-ci s'avérant attachant mais insouciant et irresponsable. Elle le materne, elle l'éduque, elle tente de contrôler le moment inévitable où il partira. Car cette lucidité ne l'empêche pas pour autant de souffrir. Louise est montrée comme une femme profondément seule dès la première image (une tombe) et qui est vouée à le rester. Mais cette solitude (renommée tranquillité) est aussi sa force. La photographie brumeuse comme ouatée, la musique de Georges DELERUE et les lainages colorés portés par une Jeanne MOREAU en majesté (tout fan de cette actrice doit absolument avoir vu ce film) participe du climat doux-amer du film.

* Le générique est d'ailleurs très significatif: il se déroule pendant le voyage de Louise en train mais le mouvement est sans cesse interrompu par des arrêts sur image. Ce caractère haché de "stop and go" est bien différent du mouvement perpétuel et étourdissant auquel le cinéaste nous a habitué et annonce la rencontre de Luigi le perpétuel aventurier immature et de Louise, la bourgeoise quadragénaire à la vie triste et routinière.

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La Chrysalide et le papillon

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1901)

La Chrysalide et le papillon

Derrière ce beau titre, un tour de magie cinématographique de Georges MÉLIÈS en forme de conte oriental doublé d'une histoire de métamorphose. Le scénario s'inspire du numéro de magie de 1885 de Buatier de Kolta Le Cocon, ou Le Ver à Soie . Dans celui-ci, de Kolta a dessiné un ver à soie sur papier ; le papier s'est cassé pour révéler un cocon, qui s'est ouvert pour révéler la femme de Kolta habillée en papillon. Georges MÉLIÈS a mélangé des techniques du spectacle de magie (les machineries de scène) et des trucages cinématographiques pour réaliser le film.

L'intérêt de ce court-métrage, outre sa poésie visuelle réside dans son troublant télescopage entre la figure du charmeur de serpents dont la magie provient du pouvoir qu'il prétend exercer sur la nature et celle d'un processus naturel qui échappe au contrôle humain (la chenille géante qui devient une femme-papillon après être entrée dans une chrysalide qui ressemble à un oeuf gigantesque). Le charmeur de serpents tente d'ailleurs de la capturer en lui coupant les ailes mais c'est elle qui aura le dernier mot en le faisant retourner à l'état larvaire.

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