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L'Illusionniste (The Illusionist)

Publié le par Rosalie210

Sylvain Chomet (2010)

L'Illusionniste (The Illusionist)

Bien que basé sur un script inédit de Jacques Tati et mettant en scène un illusionniste qui lui ressemble trait pour trait et qui porte son nom d'état civil (Jacques Tatischeff), bien qu'il respecte son univers sonore et montre même un extrait de "Mon Oncle", c'est à Chaplin et plus particulièrement à "Les Feux de la Rampe" que j'ai pensé en regardant le film-hommage de Sylvain Chomet. D'une part parce que l'Illusionniste qui se déroule dans un contexte indentique (celui des années cinquante) montre un homme vieillissant et usé qui rencontre de moins en moins de succès avec ses tours de passe-passe. Le music-hall est dépassé par de nouvelles formes de spectacle (le rock and roll principalement) et le vieil homme ne parvient pas à s'adapter à ce nouveau monde. Il continue par habitude, sans illusions tout en faisant (plutôt mal) de petits boulots pour joindre les deux bouts. Le côté lunaire du bonhomme est souligné par ses multiples maladresses, son inadaptation et le fait que d'autres empochent la plupart de ses gains auxquels il ne fait pas attention. D'autre part parce que son chemin croise celui d'une jeune fille pauvre, naïve et un peu marginale, Alice qui voit en lui un authentique magicien et qu'il va aider à s'intégrer à ce nouveau monde désenchanté avant de s'effacer et de reprendre sa vie d'éternel errant solitaire.

Le film qui a volontairement une réalisation rétro en 2D est donc foncièrement nostalgique de ce monde disparu qui s'incarne dès les premières images par les grandes enseignes de théâtres parisiens (Bobino, Mogador etc.) avant que l'histoire ne se transporte à Londres puis en Ecosse, Sylvain Chomet étant un amoureux d'Edimbourg où il a basé son studio. La mélancolie domine le film car outre Tatischeff qui réussit à conserver sa dignité et une raison de vivre mais qui ne trouve plus sa place nulle part (sinon dans un village reculé d'Ecosse que cependant la civilisation finit par rattraper), le film s'attarde sur d'autres magiciens has-been qui n'ont pas sa force morale et finissent SDF, alcoolique ou au bord du suicide. L'ambiance est donc un peu plombante, trop sans doute, le seul rayon de soleil étant incarné par Alice. Et c'est un rayon tout relatif car l'histoire de la jeune femme est ultra-traditionnelle, elle passe du statut de souillon à celui de jeune femme au foyer dépendante financièrement et accroc aux produits de consommation (même si c'est en tout bien tout honneur le fait est qu'elle réclame sans cesse à son protecteur des robes, des manteaux, des chaussures) avant de finir comme il se doit dans les bras d'un jeune homme de son âge bien sous tous rapports. Une drôle de façon d'envisager les rapports humains assez typique d'une époque elle aussi (et heureusement) révolue.

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Little Big Man

Publié le par Rosalie210

Arthur Penn (1970)

Little Big Man

"Little Big Man" est l'une des pierres angulaires du western hippie, indissociable du contexte dans lequel il a été réalisé c'est à dire la contestation de la guerre du Vietnam par une partie de la jeunesse américaine aspirant à d'autres valeurs. Par conséquent "Little Big Man" revisite la légende de la conquête de l'ouest à travers le prisme de ces nouvelles valeurs portée par le cinéma du nouvel Hollywood ce qui lui a valu l'étiquette de western révisionniste. En effet tous les repères du western traditionnel y sont inversés:

- Le héros est un anti-héros, un loser qui semble subir sa vie et assister aux événements en spectateur impuissant.

- Il n'a pas d'identité claire et apparaît comme un paumé coincé quelque part entre deux cultures dans lesquelles il ne parvient pas à s'ancrer comme le montre ses deux mariages avortés (l'une avec une blanche, l'autre avec une indienne)*. Il est également lâche, mettant en avant l'appartenance qui peut le tirer d'affaire dès qu'il est en situation délicate.

- L'historien qui l'interroge (le film est un long flash-back sur ses souvenirs) annonce d'emblée la couleur: il s'intéresse au mode de vie primitif des indiens et pas du tout aux exploits militaires du général Custer dont la statut de héros de la nation est déboulonnée. Une thématique très contemporaine mais qui à l'époque était surtout provocatrice. Il s'agissait de rentrer dans le lard des nationalistes et autres gardiens de la doctrine de la destinée manifeste (l'équivalent de la mission civilisatrice qui a servi de justification idéologique à la colonisation en France).

- Il en va de même du surnom des Cheyennes, les "Etres humains" dont la sagesse incarnée par le mentor de Jack, Peau de vieille Hutte a des résonances très actuelles (la vie en harmonie avec la nature). A l'inverse, les WASP ont une civilisation décadente et mortifère et leur morale est hypocrite comme l'incarne très bien le personnage de l'épouse du révérend Pendrake (Faye Dunaway) qui sous prétexte de bain et d'instruction religieuse caresse érotiquement le pauvre Jack (Dustin Hoffman, habitué au rôle d'agneau avalé tout cru par des femmes croquemitaines) avant de finir là où est sa vraie place: au bordel.

- La tribu Cheyenne dans laquelle grandit et revient régulièrement Jack Crabb est assimilée à une communauté hippie paisible et tolérante (elle adopte Jack et est bienveillante envers l'indien homosexuel du groupe) qui pratique l'amour libre (la scène où Jack "satisfait" les sœurs veuves de sa deuxième épouse s'inscrit typiquement dans ce schéma) ce qui rend d'autant plus intolérable leur massacre par les troupes du général Custer. Massacre qui se réfère moins à l'attaque de Washita dont la nature (bataille ou massacre) reste controversée qu'à celle de My Lai au Vietnam où les G.I. avaient massacré tout un village (femmes, enfants, vieillards et animaux inclus) et qui avait été médiatisé suscitant l'indignation mondiale. Mais à aucun moment les mécanismes de la "culture de guerre" et particulièrement de la guerre asymétrique qui conduit l'agresseur dans un bourbier ou, harcelé par un ennemi d'autant plus invisible qu'il se confond avec les civils il finit par perdre tout repère et tout sang-froid ne sont expliqués. Car le film entend dénoncer, contester et non chercher à comprendre (comprendre ne signifiant pas excuser pour autant).

C'est sur ce dernier aspect qu'est la principale limite de "Little Big Man". En effet il ne faut pas y voir un film historiquement juste mais la projection de la mauvaise conscience américaine de l'époque. Le film a un aspect sinon simpliste, du moins indiscutablement manichéen (la cavalerie américaine étant assimilée à une bande de tueurs sanguinaires et les indiens à de pauvres victimes sans défense) ce qui manipule les sentiments du spectateur qui après avoir assisté aux horreurs commises par Custer (caricaturé en général stupide, vaniteux et cruel aussi bien envers les indiens qu'envers ses propres soldats) est soulagé de voir les indiens le tuer ainsi que tout son régiment à la bataille de Little Big Horn. Indiens qui en dépit de l'intérêt que le réalisateur leur porte et des recherches qu'il a faite sur eux restent largement fantasmés au point d'ailleurs qu'ils parlent tous anglais alors qu'un minimum de respect historique aurait été de leur conserver leur idiome originel.

* « C'était très démoralisant : quand ce n'était pas un Indien qui voulait me tuer parce que j'étais blanc, c'était un Blanc qui voulait me tuer parce que j'étais indien. »

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