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Suspense

Publié le par Rosalie210

Lois Weber et Phillips Smalley (1913)

Suspense

En 1913, Lois WEBER (la première réalisatrice américaine de l'histoire) et son mari Phillips SMALLEY réalisent le thriller parfait, modèle de tous ceux qui viendront par la suite. Ils se sont inspirés de films antérieurs (D.W. GRIFFITH a largement défriché le terrain) mais leur degré de maîtrise de la mise en scène et des effets techniques est impressionnante. Ceux-ci sont aussi sophistiqués que l'histoire est simple voire même primaire: une jeune femme seule avec son bébé dans une maison isolée (Lois WEBER elle-même) est confrontée à un visiteur indésirable (Sam KAUFMAN) qui cherche à s'introduire dans la maison. L'un des premiers plans vus depuis le trou de la serrure annonce bien le thème principal du film. La montée de la tension est admirablement orchestrée:

- D'abord par la mise en scène. Il y a par exemple une séquence où la jeune mère qui sent monter en elle une sourde inquiétude ferme les fenêtres du salon qui étaient ouvertes. Deux secondes plus tard, le rôdeur apparaît derrière les vitres, cherchant un moyen pour entrer. Autre moment remarquable, un plan fixe (type "Lumière") qui joue avec nos nerfs à partir du relief et de la profondeur de champ. Le mari (Val PAUL) qui est en effet parti secourir sa femme a "emprunté" une automobile et est pourchassé par son propriétaire (Douglas GERRARD) et la police. Il manque renverser un piéton et met un certain temps pour repartir. Evidemment le spectateur ne manque rien du spectacle qui se joue au premier plan mais aussi à l'arrière plan où les poursuivants se rapprochent dangereusement.

- Mais le film est surtout célèbre pour l'efficacité de son montage alterné et ses points de vue originaux (mais aucunement gratuits), certains obtenus par l'angle de prise de vue, d'autres par des trucages. Il y a d'abord un célèbre gros plan du visage du rôdeur vu en plongée depuis le premier étage de la maison. C'est le point de vue de la jeune femme qui le regarde avec terreur mais aussi du spectateur qui se demande s'il va trouver la clé sous le paillasson (le spectateur en connaît l'existence pour avoir vu la domestique l'y déposer au début du film avant de quitter la maison). Il y a à la fin du film un autre plan de ce type où on voit le rôdeur monter l'escalier puis se rapprocher de plus en plus de la caméra pour entrer dans la chambre où se terre la jeune femme ce qui le rend très menaçant. La façon dont il démolit la porte fait d'ailleurs penser à "Shining" (1980). Le split screen, utilisé à deux reprises permet de montrer simultanément trois événements: le coup de fil de la jeune femme à son mari, la réaction d'abord rassurée puis effarée de celui-ci et enfin le rôdeur en train de trouver la clé ou d'entrer dans la maison histoire de faire monter le mayonnaise. Le montage alterné en forme de course contre la montre se met ainsi en place tout naturellement. Et pour augmenter la dose d'adrénaline, on nous met deux petits plans sur le rétroviseur afin de montrer les poursuivants qui tentent d'arrêter la voiture conduite par le mari. C'est d'une efficacité diabolique.

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Louise en hiver

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2016)

Louise en hiver

Parce que je suis une fervente admiratrice et défenseure du (bon) cinéma d'animation que je considère comme une branche du cinéma égale aux autres et non comme un genre à part et "inférieur", je ne peux que souscrire aux propos de Jean-Michel Frodon dans le magazine en ligne Slate. Dans l'article consacré à "Louise en hiver" du 24 novembre 2016 où il avoue pourtant son peu d'inclination pour le cinéma d'animation, il ajoute " Sans esbroufe 3D ni gadgets , avec de l’aquarelle, des crayons de couleurs et de la gouache — et un admirable travail sur les sons, Louise en hiver est pourtant bien un film de cinéma. Puisque cela arrive aussi parfois en animation, disons sans remonter jusqu’à MacLaren ou Trnka, avec Miyazaki et Norstein, ou sur la planète Wall-E, chaque fois grâce à des procédures différentes."

Jean-François LAGUIONIE est en effet un prince du cinéma d'animation formé à l'école de Paul GRIMAULT (qui a produit ses premiers courts-métrages). Il réalise des films depuis plus de 50 ans (dont cinq longs-métrages à ce jour) mais ceux-ci ne sont pas commerciaux et ne sont pas destinés aux enfants (donc très peu distribués ce qui signifie très peu visibles). Voilà sans doute la raison pour laquelle il est méconnu du grand public, y compris dans son pays, la France.

Bien que se situant dans un cadre réaliste, l'histoire de "Louise en hiver" est surtout onirique et métaphorique. Louise qui possède une maison de vacances quelque part dans une station balnéaire normande se tient à l'écart des vacanciers qui s'y trouvent. Elle est tellement déphasée qu'elle rate même le dernier train de la saison et se retrouve isolée dans la station comme si elle était sur une île déserte. Celle-ci n'est plus qu'une ville abandonnée, une ville fantôme. Les horloges se sont arrêtées et les saisons également car Louise qui s'est installée dans une cabane au bord de la plage et se douche en plein air ne semble pas souffrir du froid ni des intempéries (quasi inexistantes, le temps est presque toujours au beau fixe). Son changement d'habitat est logique car puisqu'elle a été exclue de la communauté des hommes, elle se rapproche des autres formes de vie qui s'épanouissent quand les humains s'en vont (plantes, oiseaux, crabes etc.) A la manière de Robinson, elle survit en autarcie, se parle à elle-même et prend un confident en la "personne" de Pépère, un vieux chien. Ses souvenirs lui tiennent également compagnie et on découvre qu'elle a une longue expérience de la solitude puisque son principal confident pendant la guerre était un squelette de parachutiste américain qu'elle animait par la seule puissance de son imagination (ce qui est l'essence de l'animation, donner une anima à ce qui n'en a pas). Louise se demande ce qu'elle a bien pu faire pour être ainsi mise au ban de la société et considérée comme un déchet à l'image de la décharge sauvage ou elle passe une partie de son temps.

A cette question, le film apporte deux réponses, toutes en douceur, délicatesse et subtilité comme ses teintes pastel. La première est liée à l'âge. Louise est une vieille dame et le film fait ressentir ce que cela représente. A ce titre, il m'a fait penser à "Le Château ambulant" (2005) qui explore également les sensations et émotions d'une personne âgée (même si son grand âge est dû à un mauvais sort). Jean-François LAGUIONIE et Hayao MIYAZAKI savent de quoi ils parlent, tous deux ayant atteint un âge vénérable et on peut également les rapprocher (comme le font les Inrocks) par leur perfectionnisme artisanal et leur virtuosité technique qui leur a permis à tous deux de percer le secret du mouvement humain. Mais dans ses souvenirs, Louise était déjà une enfant sauvage, solitaire et désaffiliée. Elle vivait pendant la guerre avec sa grand-mère et a refusé de retourner chez sa mère lorsque celle-ci a cherché à la reprendre. On remarque aussi l'absence du père, l'homme se tenant derrière la mère n'étant qu'une ombre (un inconnu ou bien un disparu). Louise semble par ailleurs avoir vécu à côté de sa vie, n'ayant tissé de liens affectifs ni avec ses maris, ni avec ses enfants et petits-enfants. Son isolement symbolise aussi son désert affectif. Mais Louise est aussi un personnage sensuel, qui aime jouer avec la vie et la mort certes mais aussi lorsqu'elle était jeune, avec les garçons. Agée, elle sait apprécier les petits bonheurs simples de la vie et son aventure lui redonne même une santé qu'elle croyait disparue. Car le revers de la solitude, c'est la liberté.

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Quoi de neuf, Pussycat? (What's new, Pussycat?)

Publié le par Rosalie210

Clive Donner (1965)

Quoi de neuf, Pussycat? (What's new, Pussycat?)

Les amateurs des sixties adeptes du "who's who" ne peuvent qu'apprécier le film de Clive DONNER qui aligne les célébrités de l'époque comme les perles d'un collier: Romy SCHNEIDER, Ursula ANDRESS, Peter O TOOLE, Paula PRENTISS, Peter SELLERS, CAPUCINE et dans des petits rôles voire des cameos, Françoise HARDY, Daniel ÉMILFORK, Jacques BALUTIN, Richard BURTON etc. Tout ce beau monde s'agite en roue libre dans une intrigue vaudevillesque tournée dans une France "bourgeoise rive gauche", couronnée par une dernière séquence complètement folle au "Château Chantelle" qui est celle que je trouve la plus drôle. Le tout est emballé par le célèbre tube de Tom JONES qui porte le même titre (en VO) que celui du film "WHAT'S NEW PUSSYCAT ?" (1965). Une allusion paraît-il à une expression employée par Warren BEATTY qui devait à l'origine jouer dans le film mais qui s'est défilé quand il a compris qu'il s'agissait de tourner en dérision les obsédés sexuels ^^^^.

Mais le film ne se distingue pas seulement par son casting cinq étoiles, il a également son importance dans la filmographie de Woody ALLEN. En effet il s'agit de sa première apparition sur grand écran (ceux qui se demandent où et quand il a pu embrasser Romy SCHNEIDER ont ainsi la réponse ^^^) et de son premier scénario. Le producteur du film l'avait en effet repéré pendant l'un de ses spectacles de cabaret et lui avait proposé d'en écrire l'histoire. Le film porte donc sa signature avec le thème de la psychanalyse, Paris version artistes de la rive gauche, le motif de la chambre de plus en plus remplie de monde (un hommage évident à la scène de la cabine de "Une nuit à l'opéra" (1935) avec les Marx Brothers) ou encore une séquence au bord de la Seine qui préfigure celle avec Goldie HAWN dans "Tout le monde dit I love you" (1996).

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Ocean Waif

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1916)

Ocean Waif

A l'origine, "Ocean Waif" qui est divisé en cinq parties devait être un long métrage mais il n'est parvenu que partiellement jusqu'à nous. Il reste donc environ 40 minutes de film avec des images parfois très abîmées. L'équipe qui a restauré le film a remplacé les sections manquantes par des photos du tournage et des explications tirées de revues spécialisées de l'époque. De même, le film comprenait des scènes teintées qui ont été recrées à partir d'autres films semblables de la Solax qui ont servi de modèle. Ce gros travail de restauration permet aujourd'hui de visionner un film qui se tient.

"Ocean Waif" est un film de commande que Alice GUY a réalisé mais qu'elle n'a ni écrit, ni produit. Il s'agit d'un mélodrame stéréotypé avec une jeune fille martyrisée par un ogre et sauvée ensuite par un romancier (!) prince charmant (qui ne se salit pas les mains au passage, l'ogre est terrassé par l'idiot du village). Quelques passages humoristiques allègent l'ensemble comme le quiproquo autour de la maison où la jeune fille s'est réfugiée pour échapper à son tortionnaire et que le romancier et son valet croient hantée. L'intérêt du film ne réside pas dans son histoire mais dans de petits détails comme l'accoutrement de la jeune fille, Millie Jessop (Doris KENYON) qui outre une crinière de sauvageonne et des pieds nus, porte une salopette. Une image subliminale censée rappeler qu'en 1916, les femmes remplacent les hommes partis au front dans les usines d'armement? Cependant dès que Millie tombe amoureuse, elle redevient parfaitement féminine selon les critères les plus traditionnels. Beaucoup de chemin restait à parcourir avant que les femmes ne puissent complètement s'émanciper, y compris sur le plan vestimentaire. D'autre part on peut remarquer que Roberts, l'écrivain (Carlyle BLACKWELL) fréquente un milieu social très supérieur à celui de Millie et que si finalement il finit avec elle, c'est parce qu'il est accusé (à tort) du meurtre du beau-père de Millie (William MORRIS) et qu'il est aussitôt lâché par son entourage. La fiancée bourgeoise de Roberts lui écrit d'ailleurs qu'elle est sûre qu'il sera reconnu innocent mais que c'est le fait même d'être compromis dans une histoire de meurtre qui le rend persona non grata (elle en profite d'ailleurs pour se fiancer aussitôt avec un comte, on voit quelles sont ses priorités). Cette attitude préfigure celle d'Hollywood lâchant ses poulains dès que ceux-ci étaient éclaboussés par un scandale, qu'ils soient ou non reconnus innocents.

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Bandits, bandits (Time Bandits)

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1981)

Bandits, bandits (Time Bandits)

Deuxième long-métrage de Terry GILLIAM après "Jabberwocky" (1976), "Time Bandits" (1981) est encore fortement marqué par l'influence des Monty Python. Le film est en effet construit comme une succession de sketches à dominante nonsensique jouant sur le franchissement de portes spatio-temporelles: la bataille de Castiglione pour l'épisode napoléonien, la forêt de Sherwood pour celui concernant Robin des bois (John CLEESE), la ville de Mycènes avec Agamemnon (Sean CONNERY, très charismatique comme toujours) face au minotaure, l'épisode sur le Titanic et enfin celui qui se déroule dans la forteresse des ténèbres où l'Etre Suprême qui tire les ficelles de l'ensemble ressemble beaucoup à l'historien de "Monty Python sacré Graal" (1975) et où les anachronismes sont légion.

Néanmoins, ce film marque aussi la transition vers le premier grand film de Terry GILLIAM, "Brazil" (1985). Il y a d'abord le casting, bien sûr avec Michael PALIN, coéquipier des Monty Python au scénario et dans un petit rôle, Ian HOLM dans le rôle de Napoléon et Katherine HELMOND dans celui de la femme de l'ogre. Il y a surtout une première séquence "programmatique" qui sur un mode satirique et burlesque annonce la dystopie à venir de Terry GILLIAM. On y voit deux mondes qui s'affrontent. D'un côté, celui, bassement matérialiste des parents, consommateurs frénétiques qui passent leur temps de loisir affalés sur des canapés entourés d'emballages (symbole d'hygiénisme?) à donner leur temps de cerveau disponible au dieu audimat qui leur bourre le crâne avec un stupide jeu télévisé ("Your Money or your life" présenté par Jim BROADBENT) basé sur l'appât du gain et l'humiliation. On pense à toutes les séquences de l'émission "Le Zapping" (renommée "Vu" après sa disparition de Canal + en 2016) montrant les réactions hystériques des gens au sein de jeux tels que "Money Drop" ou encore aux jeux faisant leur miel de l'humiliation des candidats ("Intervilles" par exemple ou pire encore "N'oubliez pas votre brosse à dent"). De l'autre, celui de leur fils, Kevin qui leur tourne ostensiblement le dos et s'évade dans son monde imaginaire comme le fera quelques années plus tard Sam Lowry pour échapper à un monde cauchemardesque. A tout cela, il faut rajouter des leitmotivs visuels typiques de Terry GILLIAM comme celui des nains et des géants, celui du "bout du monde" ou encore l'intégration d'œuvres d'art (Joconde, masque d'Agamemnon).

Le résultat est un film intéressant mais mal maîtrisé. Il trahit en particulier les faiblesses de Terry GILLIAM au niveau narratif, l'aspect souvent décousu de ses intrigues (ce que la richesse et l'inventivité visuelle ne compense pas), la tendance à réduire les personnages à des caricatures ce qui confère trop souvent un aspect "carton-pâte" dénué de vie à l'ensemble. C'est d'ailleurs pourquoi ses meilleurs films sont toujours l'adaptation ou la réinvention d'une œuvre préexistante ("1984" pour "Brazil" (1985), un ensemble de récits du XVIII° siècle pour "Les Aventures du baron de Münchausen" (1988) un scénario écrit par Richard LaGRAVENESE pour "Fisher King" (1991), "La Jetée" (1963) de Chris MARKER pour "L Armée des douze singes" (1995), ou le roman éponyme de Hunter S. Thompson "Las Vegas Parano") (1998)

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Algie, le Mineur (Algie, the Miner)

Publié le par Rosalie210

Alice Guy, Edward Warren, Harry Schenck (1912)

Algie, le Mineur (Algie, the Miner)

Les films de l'âge primitif du cinéma n'étaient pas signés. Par conséquent déterminer leur créateur/créatrice n'est pas chose aisée. Pour s'en convaincre, il suffit de se pencher sur le cas de "Algie, the Miner". Si on est absolument certain qu'il a été produit par la compagnie Solax, fondée par Alice GUY certains attribuent sa réalisation à Edward Warren, d'autres à Harry Schenck, d'autres encore aux deux avec Alice GUY dans le rôle de celle qui supervise alors que par exemple le coffret DVD Lobster 2018 consacré aux pionnières du cinéma lui attribue l'entière maternité du film (mais il fait aussi commencer sa carrière en 1902 en ignorant superbement "La Fée aux choux" (1896) qu'il confond comme beaucoup d'autres avec "Sage-femme de première classe ou la naissance des enfants") (1902). Bref tout cela pour dire qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce qui est dit sur tel ou tel site ou dans tel ou tel livret car en réalité, c'est l'incertitude (pour ne pas dire l'ignorance) qui domine.

Le film lui-même porte tout de même (quel que soit son rôle réel) l'empreinte de Alice GUY et pas seulement parce qu'il a été réalisé par son studio. Sur la forme, à l'image d'autres de ses courts-métrages d'une bobine il alterne les scènes théâtrales en intérieur et les scènes plus cinégéniques en extérieur (celle du train qui s'éloigne est très belle!). Sur le fond il fonctionne sur le principe des vases communicants. Algie (Billy QUIRK), jugé trop efféminé par son (futur) beau-père de la bourgeoisie côte est "bon teint" doit aller accomplir un "stage de virilité" dans l'ouest. Il en revient certes bien "masculinisé" mais il a désormais collé à ses basques "Big Jim", le gros rustre qui l'a "rééduqué". En réalité ils se sont mutuellement influencés car Algie a sauvé Big Jim de deux bandits qui en voulaient à son or et l'a aidé à se guérir de sa dépendance à l'alcool. Ainsi la fiancée jouée par Blanche Cornwall épouse un homme à deux facettes ce qui suggère qu'un homme accompli est en réalité un homme complet (c'est à dire à la fois masculin et féminin ^^).

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For Love of the Flag

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1912)

For Love of the Flag

Un court-métrage dont certaines images sont assez dégradées et qui est construit autour d'un dilemme moral. Robert (Darwin KARR) qui dessine des plans pour le gouvernement et qui a été injustement licencié après une querelle avec son supérieur va-t-il trahir son pays en livrant des secrets militaires à l'ennemi? La situation est d'autant plus critique qu'il ne parvient pas à retrouver de travail et qu'il est père de famille. Sa femme (Blanche Cornwall) est obligée de travailler à domicile comme couturière et ils connaissent une déchéance sociale visible au changement de standing de leur nouvel appartement (une évolution que l'on retrouve quasi à l'identique dans "The Artist") (2011). Bien entendu, la morale triomphe, l'ardeur patriotique étant incarnée par l'enfant (Magda Foy) qui en jouant avec des petits soldats et en agitant un drapeau américain sous le nez de son père le rappelle à temps à ses devoirs. Le méchant agent corrupteur est chassé manu militari de la maison et immédiatement, comme par magie, justice est rendue à Robert, son supérieur étant reconnu incompétent, c'est lui qui prend sa place. Bref sur le fond, c'est une petite histoire bien moralisatrice qui exalte le patriotisme américain. Sur la forme, c'est une succession de plans fixes variés, certains en intérieur, d'autres en extérieur, certains très théâtraux, d'autres beaucoup plus cinégéniques. Il y a notamment un beau plan dans l'office de l'agent étranger où Alice GUY utilise la profondeur de champ et le mouvement dans le cadre pour suggérer une folle activité diplomatique (qui correspondait à une réalité historique, le film ayant été tourné deux ans avant l'éclatement de la première guerre mondiale).

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L'Ile au trésor

Publié le par Rosalie210

Guillaume Brac (2018)

L'Ile au trésor


"L'île au trésor" est un film documentaire de Guillaume BRAC qui est fondé sur le même principe que celui de l'UE, "L'unité dans la diversité". L'unité, c'est celle d'un lieu, l'île des loisirs de Cergy Pontoise et d'un temps, la période estivale, parenthèse "enchantée" où les vacanciers se libèrent (relativement) des contraintes sociales qui pèsent le reste du temps sur eux. C'est d'ailleurs ce qui a fait dire à Guillaume BRAC qu'il avait filmé "la banlieue sans la banlieue". L'île fonctionne d'ailleurs comme un refuge bien au delà de ceux qui cherchent à s'évader de leur bitume quotidien. Elle accueille aussi soit en tant qu'usager, soit en tant qu'employé de vrais réfugiés dont la vie était menacée dans leur pays d'origine. Elle fonctionne aussi comme une "usine à fantasmes" où chacun projette son imaginaire, un imaginaire que réussit remarquablement à capter Guillaume BRAC avec un art du montage remarquable qui renforce la cohésion du film. La question qui l'innerve est la suivante: quelle marge de manœuvre reste-t-il pour la liberté humaine dans un monde hyper contrôlé et hyper aménagé? Guillaume BRAC oppose tant visuellement que narrativement des personnages épris de liberté et d'aventures (il va jusqu'à filmer en plan serré certaines parties de l'île comme s'il s'agissait d'une nature sauvage) aux clôtures et portillons qui entourent l'espace de loisirs, ainsi qu'aux règlements et à leurs gardiens. Il filme des enfants cherchant des astuces pour entrer en fraude, des adolescents qui sautent dans l'eau depuis le pont dès que les vigiles ont le dos tourné, des jeunes employés qui jouent au chat et à la souris dans le parc avec les veilleurs de nuit, un baigneur qui se souvient d'une sortie scolaire dans son enfance dans un milieu qui n'était pas encore aménagé et qui regrette sa transformation en Lunapark. C'est pourquoi en dépit de la très grande variété (générationnelle, ethnique et sociale) des intervenants et de la manière de les capter (certains par le témoignage face caméra, d'autres par la voix off, d'autres par des scènes de jeux partagés autour de la drague ou de la négociation prises sur le vif où la caméra semble invisible), en dépit de la variété des aspects de l'île (certaines parties très bétonnées et contrôlées, d'autres abandonnées et retournées à l'état de nature) le film est irrigué tout entier par la nostalgie de l'enfance vue comme un Eden dont l'île est la métaphore.

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Les Combattants

Publié le par Rosalie210

Thomas Cailley (2014)

Les Combattants

Je n'avais pas trop accroché au premier long-métrage de Thomas CAILLEY la première fois que je l'avais vu peu de temps après sa sortie. Le revoir m'a permis de le réévaluer. Il était sans doute un peu en avance sur son temps car en 2014 on ne parlait pas autant de fin du monde et de survivalisme. Encore que l'on puisse rapprocher "Les Combattants" d'un film comme "Take Shelter" (2011) qui est sorti dans la même période.

"Les Combattants" est assez difficile à cerner parce qu'il s'agit d'un film "gender fluid" au sens propre comme au sens figuré. Il joue avec de nombreux genres du cinéma en glissant de l'un à l'autre de manière imperceptible. Ce n'est pas par hasard que le poisson et l'élément aquatique (piscine, pluie, rivière, neige) occupent une place si importante dans le film. On a donc plusieurs films en un: une chronique sociale avec les frères menuisiers, une screwball comédie new look/âge, un film de bidasses, une robinsonnade et enfin un film catastrophe flirtant avec l'iconographie du récit post-apocalyptique. Et à ce mélange des genres cinématographiques correspond une inversion carabinée des stéréotypes assignés aux genres sexués. Arnaud (Kevin Azaïs) est un garçon très doux et féminin qui n'a pas encore quitté le nid familial et n'a pas d'idée claire de son avenir. Le voilà confronté à une fille rebelle et musclée aux yeux mitraillettes (Adèle HAENEL) et au caractère mal embouché qui veut faire un stage dans l'armée pour apprendre à survivre dans un monde qu'elle pense sur le point de s'effondrer. Une adepte de la collapsologie avant la lettre (ou du moins avant que celle-ci n'occupe le devant de la scène médiatique). Lui est fasciné par sa rage et sa détermination (c'est à dire tout ce qui lui manque). Elle pense qu'elle n'a besoin de personne mais une fois plongée dans le grand bain (tant social qu'environnemental) elle va se prendre veste sur veste. Entre eux cela fait des étincelles et leurs échanges, parfois très drôles sont tout à fait dans la lignée des screwball comédies de Howard HAWKS et George CUKOR (la scène du maquillage est un must). Mais il s'agit aussi d'un récit initiatique où chacun se révèle différent de ce qu'il paraissait. Arnaud l'altruiste s'adapte mieux aux attentes de l'armée que Madeleine l'individualiste. Mais comme il n'est là que pour elle, il la suit dans son rêve/cauchemar d'île déserte bientôt soumise à un véritable déchaînement apocalyptique. Et c'est lui qui l'aide à traverser toutes ces épreuves, elle qui finit par s'abandonner et reconnaître qu'elle ne peut pas tout affronter toute seule.

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A Fool and His Money

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1912)

A Fool and His Money

Alice GUY a réalisé 1000 films dans sa carrière qui s'étire de 1896 à 1920 environ. La majorité ont été perdus sans parler des difficultés d'identification (la plupart des films de cette époque n'étaient pas signés). Cependant, grâce aux efforts des archivistes et conservateurs, de plus en plus de films de la réalisatrice sont retrouvés (plus de 130 à ce jour alors qu'il y a dix ans il n'y en avait que 40).

"A Fool and His Money" est un court-métrage de Alice GUY qui n'a été retrouvé et restauré que récemment. Et tant mieux car en plus d'appartenir à la filmographie de la pionnière du cinéma c'est aussi un véritable morceau d'histoire. En effet il est considéré à ce jour comme le plus ancien film mettant en scène un casting 100% afro-américain, qui plus est pour une distribution nationale et non pour des cinémas réservés aux noirs. Pour mémoire les conventions (racistes) de l'époque faisaient que les métiers du cinéma étaient fermées aux non-blancs aux USA. Certes l'esclavage était aboli depuis la fin de la guerre de Sécession mais en 1912 la ségrégation régnait alors en maître dans les anciens Etats esclavagistes et aussi dans les têtes de la majorité des WASP (white anglo-saxons protestants). Ils avaient la phobie du métissage et ne supportaient pas l'idée du moindre contact avec les noirs. Lorsqu'il fallait faire intervenir un personnage de couleur dans les films (réalisés par des blancs), l'usage consistait donc à grimer des blancs en noirs. C'est justement parce que ses acteurs blancs refusaient d'apparaître à l'écran avec des noirs que Alice GUY eu recours à un casting 100% afro-américain. On peut d'ailleurs constater que le film reproduit tout de même les préjugés à l'endroit de la couleur de la peau que l'on trouve par exemple dans le célèbre roman antiesclavagiste de 1852 "La case de l'oncle Tom" de Harriet Beecher Stowe. En effet si ces œuvres mettent en scène un casting noir au sens où aux USA une seule goutte de sang noir fait de vous un noir, phobie du métissage oblige, le fait est que plus vous aviez la peau claire (autrement dit plus vous avez de sang blanc dans les veines) mieux vous vous en sortiez. Ainsi dans le film, Lindy qui est métisse appartient à une classe sociale supérieure à Sam qui a la peau beaucoup plus foncée. Dans "La case de l'oncle Tom", le noir foncé c'est Tom qui en dépit de sa noblesse d'âme est sacrifié et la métisse c'est Elisa qui est sauvée avec son mari et son fils. Ces conventions ne valent que pour les œuvres favorables aux "colored people". Car par exemple dans "Naissance d une Nation" (1915) de D.W. GRIFFITH, le méchant absolu c'est le métis Silas Lynch qui traduit la peur viscérale des blancs de se mélanger (par erreur…) à des noirs à la peau si claire qu'ils pourraient se faire passer pour blancs. Il suffit d'écouter les phrases récitées comme des mantras par les néo-nazis américains tirées d'une interprétation dévoyée d'un passage de la Bible ("Dieu a créé les races pour qu'elles ne se mélangent pas") pour comprendre où réside les racines du fléau raciste qui gangrène le pays depuis sa naissance.

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