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La Ballade des sans-espoir (Too Late Blues)

Publié le par Rosalie210

John Cassavetes (1961)

La Ballade des sans-espoir (Too Late Blues)

Deuxième film de John Cassavetes réalisé contrairement à "Shadows" dans le cadre des studios hollywoodiens, "La Ballade des sans-espoir" préfigure pourtant toute l'œuvre à venir, notamment "Faces" et "Husbands". Plus le film avance, plus il se fait intense, effectuant une plongée vertigineuse dans un groupe de paumés pathétiques qu'il a le secret de nous faire aimer en révélant leur humanité même au milieu de la pire des déchéance. Au travers de ce groupe de jazz sans le sou qui survit en marge du système, de cette bande de potes scotchés les uns aux autres qui errent de bar en bar, se soulant jusqu'à ce que ça tourne mal, de cette femme facile qui n'a aucune estime d'elle-même ("je ne suis rien") et oscille entre une indifférence de poupée mécanique et un profond désespoir, on reconnaît les contours des futurs personnages joués par John Cassavetes, Gena Rowlands, Peter Falk, Ben Gazzara et Seymour Cassel (ce dernier est déjà présent dans le film dans le rôle de l'un des jazzmen). "Too Late Blues" est par ailleurs une métaphore du parcours de Cassavetes qui après avoir "trahi" sa tribu d'indépendants fauchés en "vendant" son talent au système des studios dès son deuxième film finit par retourner auprès d'eux après le troisième. L'art et l'amour sont ainsi systématiquement opposés à la prostitution qui est une des compromissions exigée pour réussir. Lorsque John Ghost (Bobby Darin) veut arracher Jess (Stella Stevens d'autant plus poignante qu'elle est filmée au plus près des émotions de son visage défait, comme plus tard Gena Rowlands) à sa déprime, il l'emmène dans un bar et lui confectionne un cocktail improbable. Après avoir dans un premier temps refusé d'y goûter, elle le trouve délicieux tout comme le barman et une atmosphère magique se répand alors dans le bar. Et Ghost d'ajouter qu'il ne faut pas avoir peur d'un peu de folie car c'est la folie qui fait tourner le monde. 

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Le Petit Prince a dit

Publié le par Rosalie210

Christine Pascal (1992)

Le Petit Prince a dit

Film magnifique et d'une actualité brûlante sur la question de la fin de vie d'un enfant atteint d'un mal incurable, "Le Petit prince a dit" (prix Louis Delluc 1992) ressemble à sa réalisatrice, Christine Pascal. On y retrouve en effet son extraordinaire sensibilité et sa révolte révolte contre toutes les formes d'oppression par les lois, les règles, les codes, les normes qui briment ou avilissent l'être humain. "Le Petit prince a dit" est en effet un film engagé. Un film dans lequel Christine Pascal choisit de tourner résolument le dos aux dérives de la société techniciste et son acharnement thérapeutique qui cache un refus pathétique de l'inuctabilité de la mort. Car si le "Petit Prince a dit" est un film poignant, un film qui prend aux tripes, c'est aussi un film qui nous parle du bonheur de vivre. Et du fait que ce bonheur ne peut être pleinement vécu que si l'acceptation de la mort est elle aussi pleine et entière. L'un ne va pas sans l'autre.

Au début du film, Adam (Richard Berry), quadra productiviste toujours pressé s'agace d'avoir une fille aussi grosse, molle et gourde. Il ne voit pas sa souffrance, contrairement à son ex-femme (Anémone), beaucoup plus perspicace que lui. Pourtant Adam est un ancien médecin tout ce qu'il y a de plus cartésien alors que Mélanie est une actrice bohème accro au vin blanc. Mais c'est Mélanie qui a pressenti la première que leur fille était malade alors qu'il faut le diagnostic de l'hôpital pour ouvrir les yeux de Adam. C'est alors seulement qu'il tombe le masque et révèle sa personnalité profonde. En effet un instinct animal lui commande d'arracher Violette (Marie Kleiber) des griffes des médecins. L'urgence face à la mort imminente n'est pas médicale mais humanitaire. Elle ne consiste pas à laisser mourir sa fille à petit feu dans l'enfermement d'une salle d'hôpital et dans un statut de cobaye mais de l'emmener avec lui rejoindre Mélanie en Italie pour qu'ils puissent vivre le plus pleinement possible chaque instant qu'il leur reste. Et ce d'autant que Adam a beaucoup à rattraper et aussi beaucoup à se faire pardonner. Dans la scène clé du film, on découvre pourquoi il a agi à contre-courant d'une société à laquelle il semblait pourtant s'être parfaitement conformé. Parce qu'il est touché au plus profond de lui, il reprend contact avec ses idéaux de jeunesse quand il était sur la même longueur que Mélanie. Il se débarrasse des reliques de son faux moi, enlevant sa montre, troquant son costume contre une chemise à fleurs néo-hippie et plus tard se débarrassant de son encombrante maîtresse (Lucie Phan) qui se présente comme un obstacle à l'accomplissement de ce cheminement (plus compliqué que prévu puisqu'Adam, Violette et Mélanie finissent par se rejoindre dans leur maison de vacances en Provence, cette dernière ayant été guidée par son intuition). Le chemin escarpé qu'il emprunte avec Violette pour traverser la frontière est hautement symbolique puisque c'est à cet endroit même que Mélanie et lui ont aidé dans leur jeunesse un ami à eux recherché par la police à la franchir clandestinement. Cet ami s'appelait symboliquement Guido et ce n'est pas un hasard si Adam explique à sa fille juste à ce moment là l'importance des valeurs humaines (amitié, amour, solidarité, fraternité, compassion) qui priment sur la soumission à la loi. Dans l'éternel débat qui oppose la légitimité à la légalité, Christine Pascal a choisi son camp. Adam tourne le dos à une société qui nie la mort (c'est à dire la vie puisque la mort est son aboutissement), la cache, la repousse, la réifie pour épouser le mouvement de la vie et accomplir ce qui lui semble humainement juste: accompagner sa fille jusqu'au bout. Et ne pas lui voler l'expérience de sa mort. Car Violette s'y prépare et même mieux que lui puisque c'est elle qui aborde le sujet et qui dévoile à son père ce qui se passe en elle avec émotion et poésie là où lui est bloqué par l'absence de mots autres que tristement cliniques. Ce sujet tabou -encore plus lorsqu'il s'agit d'un enfant- est ainsi abordé frontalement, sans dramatisation, avec le plus grand naturel lorsque Violette vit une expérience de mort imminente dans la nature, symbolisée par un papillon qui se pose sur sa tête avant de s'envoler.  Plus tard, elle parlera à son père avec ses propres mots de sa sensation de décorporation et d'envol vers la lumière blanche. Richard Berry et la regrettée Anémone sont exceptionnels.

 

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