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Mad Max

Publié le par Rosalie210

George Miller (1979)

Mad Max

C'est le film qui a révélé au monde entier que les routes australiennes ressemblaient plus aux "Règlements de comptes à O.K. Corral" (1957) qu'à des moyens de déplacement bucoliques ^^. La genèse de "Mad Max" est en effet liée aux visions d'horreur d'un médecin urgentiste de l'hôpital de Sydney témoin de nombreux carambolages dans sa région natale et chargé de constater les décès ou de réparer les blessures des corps fracassés par la violence routière, les "accidents de la route" en Australie étant en réalité le plus souvent des meurtres plus ou moins déguisés. Ce médecin urgentiste n'était en effet autre que George MILLER qui a donc eu l'idée de traduire cette réalité extrême (visible dans le film au travers des plans des corps suppliciés des proches de Max qui servent de moteurs à sa vengeance) en univers de fiction futuriste post-apocalyptique.

Mais entre autre en raison de son tout petit budget, le genre prédominant dans ce premier volet est le western (avec le road movie). Un western dopé au carburant que l'on s'arrache à prix d'or (bien que situé dans le futur, c'est le choc pétrolier de 1973 qui a servi de cadre de référence) et à diverses autres substances (voir le moment où en arrière-plan les motards décrochent un ballon en forme d'éléphant rose ^^) mais où l'on retrouve tous les poncifs du genre: courses-poursuites entre hors la loi et shérifs, scène de la gare où les bandits viennent chercher l'un des leurs (référence notamment au "Le Train sifflera trois fois" (1952) dont s'est ensuite inspiré Sergio LEONE pour l'ouverture de "Il était une fois dans l'Ouest") (1968), scène d'arrivée de la horde de motards dans un bled paumé où ils terrorisent la population après avoir garé leurs engins à la manière des cow-boys se rendant au saloon. Et puis surtout et je dirais même avant tout, il y a cette course-poursuite filmée sous acide servant d'introduction au film montrant en montage alterné la naissance d'un héros de manière aussi puissante que le surgissement de John WAYNE dans "La Chevauchée fantastique" (1939). "Mad Max" s'avère être également de ce point de vue un film d'anticipation en présentant un petit jeune d'une vingtaine d'années alors inconnu comme une méga star rock and roll en total look cuir (la plupart des autres ont dû se contenter de combinaisons synthétiques, budget oblige) et lunettes noires: Mel GIBSON a ainsi eu droit à une entrée fracassante dans l'histoire du cinéma. Cependant il incarne un John WAYNE plus proche de "La Prisonnière du désert" (1956) que du film marquant sa première collaboration avec John FORD, c'est à dire un personnage pratiquant une justice privée aussi barbare que la violence déployée par ceux qu'il poursuit. La frontière entre justice et vengeance est d'ailleurs d'autant plus ténue que l'Etat dans "Mad Max" est en déliquescence complète (et non embryonnaire comme dans les western classiques).

De façon plus générale, le brio de la mise en scène est tel qu'il permet d'oublier les faiblesses du scénario (surtout perceptibles dans la seconde partie) et l'aspect cheap du tournage. George MILLER gère également de manière intelligente la violence inhérente à l'histoire. Celle-ci est davantage suggérée que montrée et se ressent plus par un climat de tension et d'angoisse que par une surenchère de gore à l'écran. 

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Tous les matins du monde

Publié le par Rosalie210

Alain Corneau (1991)

Tous les matins du monde

Très beau film né de la passion pour la musique baroque du réalisateur, Alain CORNEAU, du scénariste et auteur du roman Pascal QUIGNARD et enfin du compositeur et violiste catalan Jordi SAVALL qui devint célèbre à la suite du succès du film. Celui-ci fit sortir de l'oubli ce courant musical, les instruments anciens qui lui donnent vie et enfin leurs principaux compositeurs et interprètes.

Le film est en effet centré sur la relation compliquée mais essentielle de deux figures majeures de ce mouvement ayant réellement vécu à l'époque du grand siècle,
deux violistes que tout oppose, du moins en apparence: Marin Marais (Guillaume DEPARDIEU puis son père Gérard DEPARDIEU) et Monsieur de Sainte Colombe (Jean-Pierre MARIELLE). Le premier, qui fut musicqueur à la cour de Louis XIV est du moins dans sa version juvénile solaire, flamboyant, frivole, carriériste et mondain. Le second qui vit en ermite au fond des bois est austère, ascétique et asocial. C'est aussi un grand mystique qui nuit après nuit convoque le fantôme de son épouse disparue à sa table au travers des sons déchirants produits par son instrument si proche de la voix humaine. Moments sublimes et saisissants
qui réactualisent le mythe d'Orphée au travers de la nature morte aux gaufrettes peinte par un autre artiste qu'Alain Corneau sort de l'oubli, Lubin Baugin (Michel BOUQUET). Marais et Colombe sont cependant réunis par des fêlures communes. Ils ont perdu leur voix ou sont fâchés avec le langage. Et ils ont la mort d'une femme qu'ils ont abandonné sur la conscience. La viole de gambe devrait les sortir de leur enfermement intérieur mais Sainte Colombe le janséniste se replie sur lui-même et s'isole du monde alors que Marin Marais après avoir été son élève se perd dans les fastes de la cour. Du moins jusqu'à ce qu'il soit rattrapé par une sourde mélancolie, un vide intérieur qui de son propre aveu lui fait "fuir les palais et rechercher la musique", celle de Sainte-Colombe en l'occurrence, produite par lui et pour lui seul qu'il va s'ingénier à apprendre et mémoriser pour pouvoir la transmettre avec l'accord de ce dernier. L'ambiance intimiste du film est créée par la musique, les éclairages en clair-obscur et enfin les gros plans fixes scrutant les visages de Gérard DEPARDIEU et de Jean-Pierre MARIELLE, tous deux bouleversants. Les dix premières minutes du film, poignantes laissent ainsi les musiciens de la cour hors-champ alors que peu à peu les ténèbres se referment telles un tombeau sur l'expression douloureuse du visage de Marin Marais.

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Azur et Asmar

Publié le par Rosalie210

Michel Ocelot (2006)

Azur et Asmar

"Azur et Asmar", le premier film de Michel OCELOT réalisé à l'aide de la technologie numérique (mais en conservant tout de même un caractère artisanal) frappe d'abord par sa splendeur visuelle. Les décors sont des œuvres d'art inspirés de divers courants picturaux (de la peinture flamande à la miniature persane) qui par leurs couleurs et leur profusion de détails enchantent. Mais par-delà le seul aspect visuel, le film est une fête des sens: on y touche des textures (du tissu, de la céramique), on y goûte de somptueux plats orientaux (le couscous bien sûr mais aussi les pâtisseries comme les cornes de gazelle) et on y respire les odeurs enivrantes du marché aux épices (cannelle, cumin, fenouil, curcuma, noix de muscade etc.) Bref tout nous invite à s'immerger dans la richesse d'une culture islamique largement méconnue. Seule la musique apparaît quelque peu en retrait (intra comme extra diégétique).

Comme son titre l'indique, "Azur et Asmar" traite du dialogue interculturel ou plus exactement de la fraternité dans la diversité. Michel OCELOT expédie rapidement la partie du film qui se déroule dans l'Occident médiéval pour nous plonger au cœur d'un pays du Maghreb à la fois proche et lointain (on reconnaît entre autre l'architecture mauresque andalouse et le souk de Fès). Proche car à l'éducation normative endurée par Azur avec ses précepteurs dans son château répond l'éducation non moins normative de la princesse Chamsous Sabah dans son palais digne des 1001 nuits. De même, Michel OCELOT renvoie en miroir les préjugés culturels. La superstition entourant les yeux bleus renvoie aux réactions de rejet concernant les cheveux crépus et la peau basanée. Lointain car volontairement, une partie des dialogues est en arabe et n'a pas été traduite. Cela n'empêche pas de suivre l'intrigue mais cela crée la sensation d'être étranger, plus encore qu'Azur qui connait les rudiments de la langue pour l'avoir apprise auprès de sa nourrice. Le film plaide ainsi comme le souligne sa fin pour la richesse du métissage et de l'interculturalité. Si Michel OCELOT n'est pas naïf au point de croire que les groupes et les Etats puissent dépasser leurs clivages et leurs antagonismes, au moins espère-t-il en les individus qui peuvent s'en affranchir. Il n'est guère étonnant que le film ait frappé au cœur les jeunes écoliers libanais, eux qui grandissent dans un pays où la dualité culturelle est le plus souvent prise en otage par des intérêts géopolitiques qui les dépassent.

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Duel au soleil (Duel in the Sun)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1946)

Duel au soleil (Duel in the Sun)

"Duel au soleil" est le "Autant en emporte le vent" (1939) du western. On retrouve l'esthétique chromo, le souffle épique, l'exacerbation des émotions, le faste et le gigantisme de la mise en scène, une histoire ayant pour cadre une famille de propriétaires terriens (boniche noire pittoresque incluse) confrontés à des bouleversements historiques qui remettent en cause leur statut et leurs biens. L'unité n'est pas à rechercher du côté des nombreux réalisateurs qui se sont succédés mais du producteur David O. SELZNICK qui a supervisé l'ensemble et imposé sa muse, Jennifer JONES qui est de tous les (gros) plans ou presque dans le rôle de Pearl la métisse débordante de sensualité. Ça ne rend pas le film moderne pour autant, au contraire. Celle-ci nous est présentée comme un petit animal sauvage à éduquer, par les hommes bien entendu. Elle devient donc la proie de leurs fantasmes, un jouet entre leurs mains. Selon la vision patriarcale et pleine de clichés du film, elle n'a que deux destins possibles, bonne sœur ou putain. La religion étant ridiculisée au travers d'un pasteur illuminé et du personnage effacé de Laura Belle joué par Lillian GISH, on voit vite que c'est la deuxième option qui l'emporte. Érotisé à l'extrême, le corps de Pearl est l'objet de plans complaisants bien libidineux censés provenir de Lewt (Gregory PECK), le fils cadet de sa famille d'accueil. Celui-ci est tellement odieux qu'on a du mal à comprendre pourquoi cette sauvageonne rebelle est à ce point sous son emprise. Dès qu'il pose les yeux sur elle, il estime qu'elle est sa propriété et il la traite en conséquence: il la prend de force (mais elle n'attendait que ça, culture du viol oblige), l'empêche de s'échapper en neutralisant tous ses rivaux (y compris son frère aîné, le politiquement correct Jesse joué par Joseph COTTEN qui prétend l'aimer mais finit par épouser une jeune bourgeoise blanche bien sous tous rapports) et en même temps refuse de s'engager au nom de la sacro-sainte liberté du mâle et des préjugés racistes du père (un gros frustré impuissant joué par Lionel BARRYMORE). La fin censée être un summum de tragédie flamboyante où les deux amants s'entretuent fait aujourd'hui un peu pitié
tant elle est kitsch et datée. Pearl n'en finit pas d'agoniser (tout en grimpant les rochers pour mourir dans les bras de Lewt, quelle vraisemblance!) alors que Lewt se transforme tout à coup en amant maudit comme si la mort allait l'absoudre de la responsabilité de ses actes criminels.

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