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Le Fantôme de l'Opéra (The Phantom of the Opera)

Publié le par Rosalie210

Rupert Julian (1925)

Le Fantôme de l'Opéra (The Phantom of the Opera)

Le film d'épouvante américain est né de la littérature française, reflétant l'histoire du cinéma lui-même. Après "Notre-Dame de Paris" (1923) adapté du classique de Victor Hugo qui en dépit de son personnage difforme n'est pas à proprement parler un film d'épouvante, les studios Universal ont eu l'idée de transposer "Le Fantôme de l'Opéra" de Gaston Leroux qui est le vrai point de départ d'un genre incarné aux USA par des figures telles que Dracula ou Frankenstein. Et après Quasimodo, Lon CHANEY incarne à nouveau un personnage monstrueux avec génie. La découverte de son visage défiguré qui se fait à la moitié du film fait partie des grands moments du cinéma d'horreur.

En dépit de sa réalisation morcelée (outre l'officiel, Rupert JULIAN, il y a eu pour certains segments Edward SEDGWICK, Ernst LAEMMLE et Lon CHANEY lui-même), le résultat est remarquable. Visuellement tout d'abord, le film est splendide. Il bénéficie comme son prédécesseur d'un décor pharaonique reconstituant les moindres recoins d'un opéra Garnier qui avec ses loges, ses souterrains et ses salles secrètes fascine tout autant qu'il inquiète. On voit également brièvement la façade de la cathédrale Notre-Dame issue du film précédent. La scène du bal masqué retient tout particulièrement l'attention parce qu'elle a été tournée en Technicolor bichrome et que la cape rouge du fantôme doté d'un masque à tête de mort tranche sur le noir et blanc, symbolisant la passion amoureuse et la tragédie funèbre (un procédé repris par Steven SPIELBERG dans "La Liste de Schindler") (1993). Enfin les filtres de couleur, les lumières expressionnistes et la composition des cadres renforcent l'ambiance fantastique dans laquelle baigne le film.

Ensuite sur le plan narratif, "Le Fantôme de l'Opéra", fidèle à l'œuvre d'origine nous raconte les conséquences funestes d'un pacte faustien signé entre Christine, une jeune cantatrice en devenir et le fantôme qui est amoureux d'elle. La cantatrice vedette, Carlotta (une "fille de") est en effet frappée d'une malédiction orchestrée par le fantôme pour permettre à Christine d'occuper le devant de la scène. Par une ingénieuse mise en abyme, celle-ci interprète Marguerite dans le "Faust" de Gounod sauf que Faust c'est en réalité elle. Mais lorsque le fantôme réclame ce qu'il pense être son dû, l'amour de la jeune femme, celle-ci le repousse. Il faut dire que tenter de posséder quelqu'un n'est pas la meilleure façon de s'en faire aimer. Or Erik enlève Christine, la séquestre et lui donne des ordres (ne pas lui ôter son masque, ne plus revoir son amant) auxquels elle s'empresse de désobéir. On comprend que par delà son indicible laideur, sa tragédie intime est son incapacité foncière à entrer en contact avec autrui. Il ne sait qu'imposer et opprimer. Sa demeure ressemble à un tombeau entouré de chambres de tortures. Dans ces conditions, son désir de beauté (magnifié par son amour de la musique et du visage de Christine) ne peut que se fracasser contre la violence de la réalité.

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Tous en scène (The Band Wagon)

Publié le par Rosalie210

Vincente Minnelli (1953)

Tous en scène (The Band Wagon)

"Tous en scène" de Vincente MINNELLI est la quintessence du second âge d'or de la comédie musicale dominé par la MGM, à égalité avec l'autre sommet que constitue "Chantons sous la pluie" (1952) de Stanley DONEN. Les deux films ont d'ailleurs plus d'un point commun:

- C'est le même duo de scénaristes qui est aux commandes, Betty COMDEN et Adolph GREEN et par conséquent les thématiques des deux films sont voisines avec dans l'un et l'autre cas une mise en abyme de l'univers du show business à un moment délicat de son histoire (passage du cinéma muet au cinéma parlant, de la comédie musicale années 30 à la comédie musicale années 50). On peut imaginer que le duo de scénaristes de film joué par Nanette FABRAY et Oscar LEVANT est leur double de fiction. Par ailleurs le rôle de Cosmo Brown dans "Chantons sous la pluie" (1952) est inspiré de Oscar LEVANT et avait été écrit à l'origine pour lui.

- On y trouve le même salutaire sens de l'autodérision. A la voix de crécelle de Lina Lamont joué par Jean HAGEN se substituent les caprices de diva de Fred ASTAIRE à propos de son âge, de sa carrière et de la taille de ses partenaires de danse transposés sur son personnage de fiction, Tony Hunter. Le caractère mégalo de la comédie musicale que doit préparer la troupe (un "Faust moderne" défendu avec force mimiques outrancières et effets spéciaux ridicules par le metteur en scène Jeffrey Cordova interprété par Jack BUCHANAN et inspiré de l'acteur-réalisateur José FERRER) aboutit par ailleurs à un bide monumental obligeant la troupe à revenir à plus de simplicité.

- La structure des numéros musicaux présente des similitudes avec une longue séquence finale où les deux films (et les deux arts, théâtre et cinéma) se croisent: "Tous en scène" qui raconte la création d'un spectacle finit dans l'univers des privés, gangsters et femmes fatales des films noirs ("Girl Hunt") alors que "Chantons sous la pluie" (1952) qui raconte le tournage du premier film parlant "Lockwood et Lamont" se termine par un hommage aux comédies musicales de Broadway ("Broadway Melody"). Cyd CHARISSE est par ailleurs présente dans les deux numéros. Dans "Chantons sous la pluie" (1952), elle porte une cigarette à sa bouche. Dans "Tous en scène" on découvre qu'elle déteste fumer (autre détail autobiographique, on y découvre ses origines de danseuse classique). Et les deux films possèdent leur hymne fédérateur avec "Make 'Em Laugh" dans un cas et "That's Entertainment" de l'autre (doublé d'un grand moment burlesque, celui des fameux "Triplets"). Enfin chaque film a son moment de grâce gravé dans toutes les mémoires: le "Singin' in the rain" de Gene KELLY contre le "Dancing in the dark" de Fred ASTAIRE et Cyd CHARISSE dont c'était par ailleurs le premier grand rôle "parlant" au cinéma.

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L'Amour maternel (The Mothering Heart)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1913)

L'Amour maternel (The Mothering Heart)


"The Mothering Heart", l'un des courts-métrages tardifs de D.W. GRIFFITH, est aussi l'un de ceux qu'il a tourné avec Lillian GISH qu'il avait découvert un an auparavant. Le scénario de "L'Amour maternel" présente une vision de la famille et de la femme que l'on qualifierait aujourd'hui d'ultra-conservatrice. Cela commence par une scène de séduction classique où Madame se refuse dans un premier temps avant de craquer devant le numéro de Caliméro de son prétendant ("Vois comme je souffre"). Cela se poursuit par une "scène de ménage" où monsieur sort pour gagner des sous pendant que madame reste à la maison pour faire le ménage et accomplir quelques menus travaux qui permettent d'arrondir les fins de mois. Dépendre financièrement, ne serait-ce qu'un peu de sa femme ne satisfaisant pas l'ego du mari, il se met soudain à gagner des fortunes et à délaisser son foyer pour les music-halls et une belle vamp plus sexy et fun que sa femme. Celle-ci le quitte pour retourner chez sa mère accoucher et la vamp finit par lui préférer un homme plus riche. Le pauvre homme est ainsi présenté comme une victime des femmes, lesquelles se divisent en deux camps, celle des saintes qui sacrifient tout à leur devoir maternel et celle des salopes qui sacrifient tout à l'argent. Pour finir en beauté ce travail d'édification des moeurs, le couple se réconcilie autour de la mort de leur enfant (punition divine de leurs péchés?) Fort heureusement, D.W. GRIFFITH utilise son talent de conteur et de monteur pour dynamiser l'histoire et il met en valeur le talent de Lillian GISH à faire passer toutes sortes d'émotions. Mais un tel film permet de méditer sur le décalage entre l'image et la réalité puisque Lillian GISH présentée dans nombre de films -dont celui-ci- à travers le prisme des fantasmes masculins (petite chose fragile nécessitant d'être protégée, épouse modèle et mère au foyer ou bien fille-mère abusée) était en réalité une grande professionnelle qui a tout sacrifié à son travail, y compris le mariage et la maternité.

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Notre-Dame de Paris (The Hunchback of Notre Dame)

Publié le par Rosalie210

Wallace Worsley (1923)

Notre-Dame de Paris (The Hunchback of Notre Dame)

A l'origine de "Notre-Dame de Paris" il y a la démesure du Wonder Boy du cinéma, le producteur Irving THALBERG alors chez Universal. Pour ce qui était le premier film de la série "Universal Monsters" qui devait spécialiser le studio dans le fantastique et l'épouvante, il avait vu grand. "Notre-Dame de Paris" est en effet la première superproduction tirée du célèbre roman de Victor Hugo: plus de 2000 figurants, un décor de 10 hectares reconstituant la façade de la cathédrale grandeur nature, son parvis et les rues adjacentes (le plus grandiose depuis "Intolérance") (1916), 200 costumes de premier plan, 230 électriciens, le tout ayant coûté la bagatelle de 1 millions et demi de dollars (de manière hélas prophétique pour le vrai monument, ce magnifique décor est parti en fumée en 1967) des plans en contre-plongée à couper le souffle et un succès retentissant qui a paradoxalement compromis la conservation du film, celui-ci ayant été invisible de nombreuses années avant qu'une copie en bon état datant 1926 soit retrouvée au début des années 2000.

Autre apport décisif d'Irving THALBERG pour le succès et surtout la pérennité du film: Lon CHANEY le génial acteur transformiste dans le rôle de Quasimodo (les deux hommes rejoindront d'ailleurs peu après la MGM pour "Larmes de clown") (1923). La composition qui fit de lui une star planétaire est inoubliable et sa performance, impressionnante. Il devait chaque jour passer 4 heures à se maquiller et à enfiler un costume si lourd qu'il ne pouvait pas se maintenir debout ni le porter plus d'un quart d'heure d'affilée. On se demande alors d'autant plus comment il fait pour grimper aussi prestement le long des tours. Mais ce ne sont pas ses performances acrobatiques qui marquent le plus. C'est à quel point dans ce film qui a maintenant près d'un siècle, il est le seul dont la puissance de jeu, exacerbée jusqu'à la déchirure permet de crever l'écran. Les autres acteurs paraissent terriblement fades et datés à côté de lui, peu aidés il faut le dire par une censure hollywoodienne qui gomme tous les aspects sulfureux de l'œuvre de Victor Hugo. Claude Frollo (Nigel De BRULIER) devient un saint homme, la concupiscence revenant à son frère cadet laïc Jehan (Brandon HURST) que l'on voit peu à l'écran. Esméralda (Patsy Ruth MILLER) et Phoebus (Norman KERRY) sont un couple de jeunes premiers années 20 très politiquement correct (exit la gitane affriolante et le séducteur qui cherche le coup d'un soir) qui a droit un happy end convenu, la victime expiatoire étant bien entendu le monstre, déchet de l'humanité condamné à mourir seul.

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Larmes de clown (He Who Gets Slapped)

Publié le par Rosalie210

Victor Sjöström (1924)

Larmes de clown (He Who Gets Slapped)

Attention, film historique! "Larmes de clown" est le premier film produit par la MGM qui vient alors tout juste d'être fondée. C'est donc le premier film précédé du célèbre logo du lion pas encore rugissant (film muet oblige!). C'est aussi le premier film important réalisé par Victor SJÖSTRÖM aux Etats-Unis après une brillante carrière en Suède commencée 12 ans plus tôt. Et le casting brille de mille feux entre la prestation magistrale de Lon CHANEY et le duo de jeunes premiers joués par John GILBERT et Norma SHEARER futures stars de la MGM.

Le film est une allégorie cynique de l'homme et de la société. "Rira bien qui rira le dernier" est sa devise. Plus les malheurs s'abattent sur les personnages, plus le clown rit fort en regardant le monde tourner. Car celui-ci est dépeint comme un grand cirque dominé par les passions tristes que sont l'argent, le pouvoir et le sexe-possession. Le héros à l'image de Lon CHANEY est une gueule cassée qui n'a jamais pu intégrer les règles du jeu d'un monde dénué de valeurs morales et peuplé de pantins aussi creux intérieurement qu'insatiables dans leur besoin de se repaître du malheur des autres. Comble de l'ironie, c'est un scientifique qui travaille sur les origines de l'homme mais qui après s'être fait voler son travail, trahi par sa femme et son mécène se reconvertit en clown masochiste, véritable victime expiatoire de la société. Ce qui figure dans ses documents de travail, nous ne le saurons jamais mais c'est son expérience de la vilenie humaine qui est la plus parlante. Il fait figure de dindon de la farce, obligé d'encaisser les gifles avec le sourire de peur d'être obligé d'en pleurer. Fort heureusement le masque du clown lui permet aussi de jouer les deux ex machina, de rétablir la justice et de trouver la paix. Ceux qui l'ont bafoué ne finissent en effet pas mieux lotis: son épouse vénale et adultère se fait larguer comme une vieille chaussette après avoir été payée pour ses services, le père tout aussi vénal de la jeune fille qu'il aime finit dans la gueule du lion (l'animal totem de la MGM ^^) ainsi que l'infâme Baron séducteur et corrupteur.

"Larmes de clown" a eu une influence majeure sur les derniers films de Charles CHAPLIN. Il est probable qu'il y ait puisé l'idée du globe pour "Le Dictateur" (1940) alors que le vieux clown qui se sacrifie sur scène pour permettre l'envol de l'être aimé fait penser à "Les Feux de la rampe" (1952).

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Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)

Publié le par Rosalie210

Peter Kosminsky (1992)

Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)

Bien qu'il s'agisse d'un monument de la littérature difficile à adapter, "Les Hauts de Hurlevent" a connu de multiples transpositions à l'écran. Celle du britannique Peter KOSMINSKY, plus connu pour ses réalisations pour la télévision (dont le remarquable "Warriors : L'impossible mission") (1999) est un peu bancale. A son crédit on peut mettre la volonté méritoire d'adapter l'ensemble du roman et pas seulement la relation entre Catherine et Heathcliff, une belle photographie de paysages magnifiques, la musique de Ryuichi SAKAMOTO et l'interprétation habitée de Ralph FIENNES qui est très convaincant dans le rôle si complexe et ambivalent de Heathcliff. Mais le film souffre également de défauts qui le plombent. Il manque d'un véritable point de vue qui lui donnerait une personnalité. Tel quel, il est platement illustratif. Ensuite il a du mal à nous faire ressentir le passage du temps. Les personnages vieillissent peu voire pas du tout alors que l'histoire se déroule sur plusieurs générations. Certes, beaucoup de personnages meurent jeunes mais ce n'est pas le cas de tous si bien que lorsqu'on voit Juliette BINOCHE qui joue à la fois Catherine mère et Catherine fille devant Edgar (Simon SHEPHERD), on a bien du mal à différencier l'époux du père. Enfin, Juliette BINOCHE offre une interprétation assez puérile de Catherine. Ce n'est pas un personnage facile à saisir car il est lui aussi animé de mouvements contradictoires (peur/sécurité, cœur/vanité, passion/raison, sentiments/calculs etc.) néanmoins une chose est sûre, c'est qu'on ne ressent pas la passion dévastatrice qui est censée la relier à Heathcliff. On a plutôt affaire à une gamine agaçante et superficielle qui ne sait pas ce qu'elle veut. Si bien que sa gémellité avec Heathcliff n'a plus rien d'évident. Une Isabelle ADJANI capable de performances extrêmes et hallucinées aurait été plus appropriée. Ce n'est certainement pas par hasard qu'elle a interprété Emily Brontë dans le film "Les Soeurs Brontë" (1979) de André TÉCHINÉ. Tous ces défauts enlèvent à cette transposition la sauvagerie, la fièvre et le souffle du roman, au point qu'on ne ressent même pas l'apaisement du climat lorsque Heathcliff meurt. 

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L'Ombre d'un doute (Shadow of a Doubt)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1943)

L'Ombre d'un doute (Shadow of a Doubt)

Remarquable de maîtrise, "L'Ombre d'un doute" réalisé en 1943 est considéré comme le premier film véritablement américain de Alfred HITCHCOCK. C'est en effet une passionnante réflexion sur le manichéisme propre à cette société pour qui le bien et le mal doivent être strictement séparés et ce dernier, éradiqué. Evidemment comme le bien et le mal cohabitent en réalité en chacun de nous, il faut trouver des boucs-émissaires sur lesquels le projeter (les sorcières de Salem, les vilains des comics, les communistes, les musulmans etc.) Ensuite on envoie les gardiens de l'ordre moral (religieux, armée, super-héros) nettoyer la ville/le pays/le monde jusqu'au prochain épisode. Car le problème est qu'on s'ennuie vite sans méchant à l'horizon. La vie perd tout son sens. C'est la réflexion de la jeune Charlie (Teresa WRIGHT) allongée sur le lit de sa chambre dans la maison proprette de la petite ville de Santa Rosa si représentative de l'American Way of life. Il faut dire que le scénariste Thornton WILDER a été chercher l'inspiration du côté de Sally Benson, auteure du roman adapté au cinéma par Vincente MINNELLI sous le titre "Le Chant du Missouri" (1944). Pour rappel, le livre et le film ont pour théâtre une petite ville américaine rose bonbon où tout le monde se connaît et où il ne se passe jamais rien. Comment grandir en vivant ainsi sous cloche? Alors Charlie convoque en esprit son "jumeau maléfique" (même si "L'Ombre d'un doute" n'est pas un film fantastique, il flirte avec le genre d'aucuns l'ayant comparé à "Nosferatu le vampire") (1921) qui dans un montage parallèle saisissant (plan large sur la ville, puis de plus en plus rapproché jusqu'à la fenêtre de la chambre) est lui aussi en train de réfléchir allongé sur son lit à plusieurs centaines de kilomètres de là. Mais il l'entend et il arrive, précédé par les panaches de fumée noire évocateurs crachés par la locomotive (Charles LAUGHTON s'en est sans doute inspiré pour "La Nuit du chasseur") (1955). Le loup est entré dans la bergerie d'une famille américaine typique à la "Mary Poppins" (1964) (père banquier, mère au foyer, trois enfants) pour y semer le trouble en y introduisant le sexe et la mort, l'un et l'autre étant indissolublement liés. Le sexe y est en effet mortifère, l'oncle Charlie (Joseph COTTEN) ayant des pulsions meurtrières vis à vis des femmes qui préfigurent celles de Norman Bates ou du serial killer de "Frenzy" (1972) même si il y rajoute un motif crapuleux qui ne figure pas chez eux. Sa cible privilégiée semble être en effet la riche veuve d'un certain âge c'est à dire un substitut de sa mère (ou de sa sœur, femme au foyer qui vit des revenus de son mari) et le fait qu'il transfère ce trouble sur sa nièce en lui offrant une bague ayant appartenu à l'une de ses victimes supposée confirme le caractère incestueux de leur relation. En acceptant cette bague, Charlie accepte aussi le jeu dangereux que son oncle lui propose. Car en étant aussi fusionnels (ce n'est évidemment pas par hasard qu'ils ont le même surnom), elle peut deviner tout ce que son oncle cherche à lui cacher et dont elle a sans doute besoin pour devenir adulte. A ses risques et périls cependant car en devenant son objet de désir elle devient aussi la cible de ses pulsions meurtrières. La manière dont évolue leur relation fait penser aux femmes qui une fois la lune de miel passée découvrent les zones d'ombre de leur séducteur et se mettent à éprouver de la répulsion en lieu et place de l'attirance (c'est dire à quel point les contraires se touchent). C'est pourquoi il s'agit sans doute du film où la tentative de meurtre ressemble le plus à une scène d'amour. Lorsque Charlie se débarrasse de cette relation trouble, elle sort définitivement de l'adolescence pour embrasser son destin d'adulte qui est de reproduire le schéma maternel et sociétal en devenant l'épouse d'un gardien du maintien de l'ordre et en ne se posant plus de questions.

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Mary à tout prix (There's Something About Mary)

Publié le par Rosalie210

Peter et Bobby Farrelly (1998)

Mary à tout prix (There's Something About Mary)

"Mary à tout prix" parle d'affaires de cœur au niveau du corps. Et ce que dit le corps n'est pas en harmonie avec les prétentions du cœur (ou de ce qui en tient lieu). Si bien que le déroulement de la comédie romantique attendue est sans cesse dérangée par des moments burlesques transgressifs hilarants (si on supporte le mauvais goût, bien entendu).

L'entrée en matière a valeur programmatique: un troubadour des temps modernes chante l'amour perché dans un arbre (^^). Mais une fois revenu sur terre, le prétendant, Ted, n'a rien du prince charmant: c'est un ahurissant benêt joué par un hilarant Ben STILLER affublé d'une improbable perruque et d'un non moins improbable appareil dentaire. Ne manque plus que l'éruption d'acné pour incarner à la perfection l'âge ingrat. Il convoite Mary (Cameron DIAZ), la princesse idéale et inaccessible dont rêvent tous les garçons ce que son apparition auréolée de lumière confirme. Mais deuxième petit grain de sable, elle ne se sépare jamais de Warren, son frère handicapé et encombrant dont les réactions sont imprévisibles. Et une fois celui-ci apprivoisé, alors que la partition musicale semble reprendre son air attendu avec une "boum" aux allures de bal des débutants des années 50 (costumes kisch compris), le pauvre Ted se coince le zizi dans sa braguette en allant aux toilettes et finit aux urgences. Les toilettes sont le lieu ultime du test de virilité et l'autre séquence culte qui s'y déroule, celle de la "décharge du pistolet" me fait penser à la fois à la séquence clé du "Le Parrain" (1972) où Michael Corleone en sortant des toilettes avec un pistolet chargé prouve qu'il est bien le fils de son père et celle de "Pulp Fiction" (1993) où pendant que John TRAVOLTA calme ses ardeurs aux toilettes, Uma THURMAN fait une overdose à partir de la drogue qu'elle a trouvé dans ses affaires (le sort de Mary est cependant moins dramatique puisque le gel séminal finit dans ses cheveux ^^).

Le vrai sujet du film peut alors se déployer. Car les quatre neuneus qui courent après Mary et dont les frères Farrelly se payent joyeusement la tête sont autant de caricatures d'un problème dans la relation homme-femme bien réel. Celui qui consiste pour l'homme à utiliser la femme (jeune et jolie) comme un miroir narcissique. Le fait que Mary succombe au charme de Ted le gaffeur congénital, de Healy le beauf à moustache (Matt DILLON), de Dom le fétichiste à prurit (Chris ELLIOTT) ou de Tucker (Lee EVANS) le bigleux en béquilles offre un autre miroir, grotesque celui-là des innombrables situations (fictionnelles ou non) dans lesquelles un vieux beau (ou non d'ailleurs ^^^) se tape une jeunette. D'ailleurs l'une des dernières scènes du films montre bien un vieillard qui lui aussi convoite Mary et dégomme le troubadour chanteur au passage à la façon des The MONTY PYTHON dans "Monty Python sacré Graal" (1975) . Exit la comédie romantique, bonjour la comédie grinçante.

Car dans le fond les filles avides de sitcom et les garçons amateurs de blagues potaches sont renvoyés dos à dos. Mary est une des innombrables victimes du "syndrome Florence Nightingale". Elle épouse avec le sourire l'un des rôles que la société souhaite voir les femmes endosser, celui de l'infirmière réparatrice d'egos masculins en souffrance. Quant aux méthodes que les hommes utilisent pour la séduire dans une compétition virile où la femme n'est vue que comme un trophée, elles relèvent tout simplement de la manipulation et de la prédation. Tous lui mentent, Healy la met sur écoute et ensuite prétend avoir les mêmes goûts qu'elle (tout comme Phil dans "Un jour sans fin" (1993) où joue également Chris ELLIOTT), Dom la harcèle, Ted la fait suivre. Pas la moindre chance qu'un amour authentique puisse éclore dans ces conditions contrairement à ce que le "happy end" semble montrer.

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The Magdalene Sisters

Publié le par Rosalie210

Peter Mullan (2002)

The Magdalene Sisters

En Irlande de 1922 à 1996, entre 10 mille et 30 femmes (selon les sources) furent réduites en esclavage dans les blanchisseries des couvents de Marie-Madeleine. Elles n'avaient commis aucun crime sinon ceux qu'avaient inventé une institution catholique toute-puissante diabolisant les femmes et la sexualité hors mariage. Les jeunes filles dont on suit l'histoire sont des proies idéales. La frêle Margaret (Anne-Marie DUFF) a été violée et dans une société religieuse patriarcale où la culture du viol est gravée dans le marbre de la Genèse, c'est toujours la fille qui est coupable. Elle doit donc subir une double peine. La douce Rose (Dorothy DUFFY) est une fille-mère que l'on a séparé de son bébé dès la naissance. Bernadette (Nora-Jane NOONE) est trop jolie et effrontée pour être honnête. A ces trois portraits, il faut ajouter celui d'une autre fille-mère, Crispina (Eileen WALSH) qui est handicapée. Elle subit donc encore plus d'avanies tant de ses camarades que des "sœurs" ou du prêtre qui la viole en toute impunité (les handicapées sont les premières victimes de ce type de crime). Le film, sec, implacable, proche d'une certaine forme de réalisme social (le réalisateur Peter MULLAN est connu notamment pour son prix d'interprétation dans "My name is Joe" (1998) de Ken LOACH) montre leur insoutenable calvaire en huis-clos qui est tout à fait comparable à celui des camps de concentration. Les "sœurs" en réalité des garde-chiourmes et des tortionnaires les exploitent et les maltraitent avec un sadisme à peine imaginable. Le tout avec la complicité de toute la société. Celle des parents est la plus insupportable car c'est elle qui permet les abus. Elle révèle jusqu'à quel degré d'inhumanité autodestructrice peut aller le lavage de cerveau et la pression sociale. Le huis-clos des couvents symbolise donc également celui d'une société verrouillée et aliénée mentalement par l'emprise que l'Eglise avait sur les consciences. Une société cruelle et hypocrite, sans espoir, sans amour, sans beauté, sans pitié, ne générant que turpitudes mortifères (abus sexuels, pouvoir, argent). Bref l'antithèse du royaume de dieu au nom duquel sont commis tous ces crimes. Si bien que lorsque Margaret entrevoit la possibilité de s'évader, elle se rend compte qu'elle n'a nulle part où aller et elle retourne dans sa prison. Aujourd'hui encore, un certain nombre de femmes âgées continuent de vivre avec les sœurs dans les anciens couvents car elles n'ont pu se construire aucune vie en dehors de leur ancienne prison. Et si les héroïnes du film semblent s'en sortir à l'exception de Crispina les informations qui nous sont données sur leur devenir montrent qu'on ne sort jamais indemne d'un tel enfer.

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Je t'aime je t'aime

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1968)

Je t'aime je t'aime

Le cinquième film de Alain RESNAIS se situe quelque part entre le puzzle mental de "L'Année dernière à Marienbad" (1961), les incursions de l'inconscient de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) et le voyage dans le temps science-fictionnel de la "La Jetée" (1963). Il avait d'ailleurs entrepris un projet commun avec Chris MARKER qui échoua mais qui aboutit à deux films ayant d'indiscutables points communs. Notamment un aspect froid, clinique lié au fait qu'il s'agit dans les deux cas d'expériences de voyage dans le passé menées par des scientifiques sur des cobayes humains à l'aide d'une prise de drogue et d'un enfermement dans un lieu clos (souterrain dans "La Jetée" (1963), capsule organique digérant lentement sa proie dans "Je t'aime je t'aime"). Le scénariste du film, Jacques STERNBERG lui a été conseillé par Chris MARKER et s'inspire de sa véritable histoire.

"Je t'aime je t'aime" est cependant moins un film sur le temps que sur la mémoire. Il ne s'agit pas à proprement parler de revivre le passé mais de le reconstituer au travers des souvenirs forcément altérés par le temps mais aussi l'interprétation que le sujet en a fait. On l'a donc beaucoup comparé à l'œuvre de Marcel Proust. Mais "A la recherche du temps perdu" est d'une bien plus grande envergure que "Je t'aime je t'aime" qui se focalise sur l'échec de la vie adulte du héros marquée par l'ennui et le mal-être. Claude (Claude RICH dans ce qui est sans doute son plus grand rôle) passe son temps à essayer de "tuer le temps" dans les différents emplois de bureaux qu'il occupe plus ternes les uns que les autres. D'autre part il voit également le temps détruire sa relation de couple avec Catherine (Olga GEORGES-PICOT), jeune femme dépressive qu'il s'accuse d'avoir tué. Lui-même a perdu le goût de vivre et ne pense plus qu'à se suicider. On le voit, la dépression et la mort sont omniprésentes dans le film qui a également une parenté avec "Le Feu follet" (1963) au point que Alain RESNAIS a refusé Maurice RONET pour le rôle principal de crainte qu'on ne confonde les deux films. De fait si la première partie du film est prometteuse, Alain RESNAIS mettant encore une fois tout son talent de monteur au service de cette histoire éclatée, le dispositif expérimental à du mal à tenir la distance d'un long-métrage. Comme le titre l'indique, au bout d'un moment les séquences deviennent répétitives avec certes de subtiles variations pour chacune d'elles (positionnement des éléments de décor, angles de caméra, changement de personne dans une même situation etc.) Mais le problème réside dans la médiocrité affligeante du héros, un petit-bourgeois névrosé dont on a bien du mal à compatir aux malheurs existentiels alors qu'il se prend des vacances en Provence et en Ecosse et qu'il ne se prive pas de tromper Madame avec tous les jupons qui passent. Bref un stéréotype bien rance de la France des années 60. On est bien loin des enjeux forts de "La Jetée" (1963) qui se déroule sur fond d'apocalypse nucléaire ou de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) qui trouve son sens dans le contexte de la guerre d'Algérie. Heureusement que Claude RICH impose sa présence sensible et mélancolique car son rôle est tout de même assez ingrat. Michel GONDRY réalisera quelques décennies plus tard une version plus pêchue et pop sur cette trame avec "Eternal sunshine of the spotless mind" (2004).

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