Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Du côté d'Orouët

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1973)

Du côté d'Orouët

"Du côté d'Orouët" ça sonne comme "Du côté de chez Swann" et ce n'est certainement pas un hasard. Au lieu de raconter une histoire structurée par un scénario, Jacques ROZIER préfère nous immerger dans un grand bain sensoriel rythmé par les jours qui passent, s'en vont et ne reviendront plus. Il saisit sur le vif des éclats de vie d'autant plus spontanés qu'ils s'inscrivent dans des moments de creux, de "vacance", de vide. Il extrait ses personnages de leur quotidien corseté, rythmé par les contraintes pour les filmer en vacances, dans une parenthèse à la fois hors du temps et éphémère. Cela rend son film très proche et vivant d'autant que sa caméra est aussi légère et libre que le jeu des acteurs, en partie improvisé. Une méthode issue de la Nouvelle Vague et que l'on trouve aussi dans le cinéma indépendant américain de cette époque. Bien qu'il ne se passe "rien" à proprement parler, qu'il n'y ait "rien" à voir puisque Jacques ROZIER élude tous les faits saillants, le fait d'être à ce point plongé dans l'intimité des personnages fait que les 2h34 du film passent en un éclair et qu'on en voudrait encore. Encore de quoi? Du goût des gâteaux à la crème et des gaufres dont les trois filles Caroline (Caroline CARTIER), Joëlle (Danièle CROISY) et Kareen (ou Karine? jouée par Françoise GUÉGAN) s'empiffrent, de l'odeur iodée qu'elles respirent à plein poumons, de la chaleur du soleil qui caresse leur peau et du bruit du vent qui souffle en tempête et les pousse à se pelotonner sous la couette avec un thé chaud, des biscuits et un jeu de cartes à la main, des sentiers boisés qu'elles parcourent à cheval et de l'eau qui entre par paquets dans le voilier sur lequel elles sont pris place. Et puis pour troubler le jeu il y a Gilbert (Bernard MENEZ dans son premier rôle) et Patrick (Patrick VERDE). Gilbert, le petit chef de bureau maladroit qui s'incruste au milieu du gynécée au prix de la perte de sa virilité symbolisée par la scène des anguilles. Face à cet eunuque réduit malgré lui au rôle de larbin et de souffre-douleur, Patrick le sportif bronzé incarne au contraire la séduction de la force virile tranquille qui attise les rivalités féminines pour mieux s'en jouer. Comme si l'autre sexe ne pouvait exister qu'en position de victime ou de bourreau. C'est lorsque Gilbert finit par plier bagages, dégoûté par le traitement que lui font subir les filles que celles-ci réalisent ce qu'elles ont perdu. Caroline fond en larmes et plus tard, lorsque Joëlle trouve une sardine de tente dans le jardin qu'elle décide de laisser en souvenir de son passage, Caroline ajoute "Tu dis qu'il était ennuyeux mais sans lui on aurait eu des vacances complètement ratées". Et Joëlle d'ajouter "oui...peut-être". Et la caméra continue à s'attarder longuement sur cette sardine plantée dans une corne d'abondance, souvenir d'un temps désormais à jamais révolu.

Voir les commentaires

Les Horizons morts

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1951)

Les Horizons morts

C'est le film de fin d'études de Jacques DEMY réalisé alors qu'il sortait de l'école de Vaugirard (l'Ecole nationale supérieure Louis Lumière à Paris aujourd'hui situé dans la Cité du cinéma à Saint-Denis). D'une durée de huit minutes il présente un intérêt certain pour ceux qui veulent mieux connaître le cinéaste. On y voit un jeune homme neurasthénique (Jacques DEMY lui-même qui au début de sa carrière interprétait parfois de petits rôles chez ses confrères tels François TRUFFAUT) errer misérablement dans sa chambre de bonne aux allures de taudis. Les films de cette époque comme "Pickpocket" (1959) sont la meilleure pîqure de rappel qui soit pour visualiser les conséquences de la crise du logement des années 50. Un rapide flasback nous permet de comprendre que c'est une trahison amoureuse qui est le déclencheur du désespoir du héros, lequel songe alors dans la plus pure tradition romantique au suicide.

En dépit du cadre minimaliste du film, le savoir-faire de Jacques DEMY dans l'utilisation du découpage des plans et du montage est déjà très élaboré. Surtout certaines thématiques propres à ce réalisateur émergent déjà. C'est d'ailleurs le principal intérêt de ces premières oeuvres de les présenter si crûment. Le plan sur la croix chrétienne qui fait renoncer le personnage à son envie de suicide traduit le poids de son éducation religieuse dans sa conscience. Une éducation qui a façonné son apparence physique de "premier communiant" jusqu'au moment où les ravages de la maladie dans les années 80 viendront fissurer cette apparence si lisse abritant une conscience tourmentée. La contradiction irréconciliable entre la morale (le surmoi) et les désirs (le ça) du cinéaste se retrouve dans tous ses films. On voit ainsi dans les "Horizons morts" le personnage aller sans arrêt de sa fenêtre au miroir et du miroir à la fenêtre, une alternance fondamentale de tout son cinéma qui oscille entre la chambre et le port: "Les Horizons morts tracent une frontière fondamentale du cinéma de Jacques Demy qui tangue du repli à l'évasion, du désir de se fuir et celui de se trouver. Avec ce doute infini dont tous ses films seraient au fond agités: des horizons enclos de la rêverie ou de ceux éperdus du voyage, lesquels sont mortifères?" (Camille Taboulay)

Voir les commentaires

Adieu Philippine

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1962)

Adieu Philippine

Les films de la Nouvelle Vague sont le reflet d'une époque où la jeunesse éprouve un besoin profond de liberté et d'émancipation des modèles parentaux tout en restant enfermée dans le cadre étouffant construit par les générations précédentes (du moins jusqu'à l'explosion de 1968). Ce sont des films en mouvement, où l'on marche, où l'on court, où on danse, où l'on vit mais où on finit toujours par se heurter au mur qui se cache invisible derrière l'horizon de ces symboles d'évasion que sont la plage et le port (quand on ne meurt pas en chemin dans un accident de voiture). En effet de l'autre côté, c'est la mort avec la guerre d'Algérie qui constitue la toile de fond de nombre de films de cette cinématographie: "Le Petit soldat" (1960) de Jean-Luc GODARD, "Muriel ou le temps d un retour (1962)" de Alain RESNAIS, "Cléo de 5 à 7" (1961) de Agnès VARDA, "Les Parapluies de Cherbourg" (1964) de Jacques DEMY et donc "Adieu Philippine", le premier long-métrage de Jacques ROZIER dans lequel un ancien appelé répondant qu'il n'a "rien" à raconter évoque en creux l'indicible de ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée.

Le film décrit avec beaucoup de fraîcheur et de spontanéité le marivaudage à la "Jules et Jim" (1962) de trois jeunes gens à Paris puis en Corse. Car c'est la marque des films de Jacques ROZIER: ils sont toujours scindés en deux parties. Une première partie sur des rails dans laquelle les personnages sont encore relativement contraints et une partie où ils prennent la tangente dans des lieux de vacances ancrés dans le terroir français (il n'y a qu'à écouter la musicalité des accents pour s'en rendre compte) mais sauvages et lunaires. Mais ce qui donne tout son sens au film, c'est le sombre cadre qui entoure les tranches de frivolité dans lesquelles s'ébattent les personnages. L'ouverture sur un fond noir dans lequel on nous rappelle que 1960 est la sixième année de la guerre d'Algérie, l'épée de Damoclès qui pèse tout au long du film sur Michel (Jean-Claude Aimini) le machiniste de plateaux TV qui attend sa feuille de route et la séquence de fin qui le voit embarquer sur un bateau en direction du continent (pour des raisons de censure, Jacques ROZIER le fait partir de Calvi vers la France mais à cette époque, faire son service militaire signifiait partir pour l'Algérie). C'est cette tragédie en arrière-plan qui explique la fuite en avant de cette jeunesse, son refus de l'engagement et des contraintes. N'ayant pas de perspective, elle vit dans l'instant présent comme si chaque jour était le dernier et qu'il fallait en profiter le plus possible. Le fait que Michel ne choisisse aucune des deux filles est révélateur de cette impasse existentielle. A quoi bon construire une relation stable si c'est pour mourir?

Voir les commentaires

Le Pont des espions (Bridge of Spies)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2015)

Le Pont des espions (Bridge of Spies)

Comme l'un de ses mentors Stanley KUBRICK, Steven SPIELBERG a couvert de nombreux conflits du XX° siècle: la première guerre mondiale avec "Cheval de guerre" (2011), la seconde guerre mondiale avec "La Liste de Schindler" (1993) et "Il faut sauver le soldat Ryan" (1998) et plus récemment la guerre froide avec "Le Pont des espions". Il s'agit d'un film prenant du début à la fin, basé sur des faits réels: l'échange en février 1962 de l'américain Gary Powers, pilote d'un avion-espion abattu au-dessus du territoire soviétique contre l'espion communiste Rudolf Abel, emprisonné aux Etats-Unis. Mais aucun d'eux n'est le héros de Steven SPIELBERG car il préfère se focaliser sur l'avocat James Donovan (Tom HANKS), le négociateur de l'échange. Donovan est un homme ordinaire embarqué dans une situation extraordinaire. Bien que le mot ordinaire ne soit pas tout à fait approprié en ce qui le concerne puisqu'il s'agit d'un Mensch. Dans la culture juive, ce terme désigne un homme qui fait le bien et se comporte avec droiture, un héros du quotidien. C'est la métaphore de "l'homme debout" qui revient plusieurs fois dans la bouche de Rudolf Abel. Steven SPIELBERG privilégie toujours les ponts aux murs et la fraternité aux logiques étatiques. Dans des films tels que "Rencontres du troisième type" (1977), "E.T. L'extra-terrestre" (1982) ou encore "Munich" (2006), l'autre est considéré par l'Etat comme un ennemi à détruire ou un alien à exploiter. C'est le désir de communiquer qui fait reconnaître en cet autre un frère. De fait, Donovan se retrouve plongé au départ presque malgré lui dans des rouages et des calculs diplomatiques qui le dépassent. il s'implique totalement dans sa tâche qui est d'abord de défendre équitablement Rudolf Abel (Mark RYLANCE, admirable de sobriété) puis de lui sauver la vie. Pour cela il joue habilement sur deux tableaux: l'image d'exemplarité démocratique que doivent renvoyer les USA au monde pour damer le pion aux soviétiques et le fait que garder en vie l'espion constitue une monnaie d'échange au cas où l'un des leurs tomberait entre leurs mains. Mais ces arguments de bon sens sont mis à mal par l'atmosphère paranoïaque qui règne aux USA à cette époque. Alors que la télévision et l'école terrifient les gens avec des images d'apocalypse nucléaire, la famille de James Donovan est victime de ses propres concitoyens. Steven SPIELBERG rappelle comme de nombreux cinéastes avant lui la sauvagerie présente au sein du peuple américain, toujours prête à bondir sous forme de lynchages et autres formes de "justice expéditive". La mission de Donovan se complexifie encore lorsqu'il se rend à Berlin pour négocier l'échange. En effet, de sa propre initiative et contre sa hiérarchie, il se met en tête de récupérer non seulement l'espion américain Gary Powers mais également un étudiant innocent pris au piège durant la construction du mur et qui en dehors de sa nationalité américaine ne représente aucun intérêt pour la CIA. Tâche d'autant plus délicate que l'étudiant est détenu par les autorités de la RDA qui ne supportent pas d'être traitées comme les larbins des soviétiques et veulent dicter leurs propres conditions. C'est pour cela que si l'échange des espions a lieu sur le pont de Glienicke, la remise de l'étudiant se déroule à Checkpoint Charlie, symbole de la "souveraineté" de la RDA (dont Brejnev rappellera toutefois combien elle est limitée). 

Voir les commentaires

Fin d'automne (Akibiyori)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1960)

Fin d'automne (Akibiyori)

"Fin d'automne" est un remake par Yasujiro OZU de l'un de ses propres films, "Printemps tardif" (1949). La trame est donc identique mais Ozu introduit d'intéressantes variations liées au fait que 11 ans séparent les deux films. Yasujiro OZU est en effet un maître dans la description des effets du passage du temps. On remarque donc plusieurs changements significatifs:
- "Printemps tardif" (1949) était en noir et blanc, "Fin d'automne" est en couleurs. Il s'agit donc de l'un des derniers films de Yasujiro OZU puisqu'il a été réalisé trois ans avant sa mort.
- Dans "Printemps tardif" (1949) Setsuko HARA jouait le rôle de la fille (elle avait alors 29 ans). Dans "Fin d'automne", âgée de 40 ans, elle joue la mère.
- La relation fusionnelle père/fille de "Printemps tardif" (1949) est remplacée par la relation fusionnelle mère/fille dans "Fin d'automne". Cette variation permet à Yasujiro OZU de se concentrer davantage sur la condition des femmes au Japon. Le duo central formé par Akiko (Setsuko HARA) et sa fille Ayako (Yoko Tsukasa) très traditionnel et enfermé dans des codes rigides (soulignés par les plans fixes et les surcadrages) est cornaqué et balloté du début à la fin par trois hilarants vieux barbons, anciens amis de lycée du défunt mari de Akiko. Tous trois veulent absolument caser Ayako ce qui leur permet de réaliser leur désir secret par procuration: épouser Akiko. L'un des trois, Hirayama (Ryûji KITA) qui est également veuf est d'ailleurs tellement travaillé par sa libido qu'il part au toilettes pour "se laver les mains" à chaque fois qu'il pense pouvoir "conclure l'affaire" avec la mère. Mais ces éléments de comédie n'occultent pas que le sort des deux femmes est au final dicté par les convenances: la fille se marie et la mère s'efface. Heureusement Ozu fait la part belle à un troisième personnage féminin, Yuriko (Mariko OKADA), l'amie de Ayako beaucoup plus moderne et affranchie. On le voit aussi bien dans son code vestimentaire que dans son expressivité en rupture avec l'éternel masque de façade arboré par la plupart des autres personnages (et qui agit lui aussi comme une prison). Au lieu de subir la loi des patriarches, c'est elle qui se joue d'eux (gentiment, on est bienveillant chez Yasujiro OZU) et qui mène la danse de manière totalement décomplexée. Sa fraîcheur, son espièglerie et sa franchise font merveille ainsi que sa sensibilité. Elle n'hésite pas à remettre les barbons à leur place (ceux-ci ressemblent alors à des petits garçons pris en faute) à secouer Ayako (qu'elle traite à plusieurs reprises d'égoïste et de gamine au grand dam de celle-ci) et à manifester de délicates attentions vis à vis d'Akiko après le départ de sa fille. Elle incarne une jeune génération occidentalisée prête à s'émanciper des traditions tout comme les filles des patriarches d'ailleurs qui rejettent l'intrusion des parents dans leur vie privée.

Voir les commentaires

Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith goes to Washington)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1939)

Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith goes to Washington)

En France, particulièrement en ce moment, on nous rebat les oreilles avec la défense de la démocratie, de la République et de ses valeurs humanistes comme si tout ce qui se décidait en leur nom était conforme à ces valeurs et qu'il était hors de question d'en discuter. C'est d'ailleurs en ce sens que sont conçus les programmes d'éducation morale et civique au collège et au lycée. Des programmes appuyés par des manuels qui sanctifient les interventions militaires ("c'est pour assurer la paix et étendre la démocratie dans le monde ainsi qu'apporter une aide humanitaire aux civils en détresse") et la politique sécuritaire de la France ("Vigipirate, l'état d'urgence et le fichage c'est pour votre plus grand bien"), fustigeant la montée de l'abstentionnisme ("si les français se détournent du vote c'est qu'ils sont de mauvais citoyens") ou encensant les médias pour lesquels la pression des pouvoirs est (dixit Laurent Joffrin de "Libération" en 2009 dans "Médias-Paranoïa") "rarissime et facile à repousser".

C'est pourquoi le film de Frank CAPRA est si précieux et si actuel, lui qui a mieux fait pour l'éducation civique de la population américaine que toutes les leçons de morale. Car ce que rappelle Frank CAPRA c'est que démocratie et République sont des coquilles vides et leurs valeurs, des mots creux si elles ne sont pas incarnées par des hommes et des femmes prêts à tout pour les défendre contre ceux qui veulent les détourner dans le sens de leurs intérêts. Car le (gros) mot est lâché, celui que les manuels d'éducation morale et civique (pour qui tous nos dirigeants sont des saints uniquement guidés par le souci de l'intérêt général) censurent: l'influence des intérêts privés sur les politiques publiques. C'est pourquoi lorsque je lis certaines critiques taxant Frank Capra de naïveté et de manichéisme, j'ai envie de rire étant donné qu'il est un champion de clairvoyance à côté de ces manuels propagandistes qui pourtant sont des outils tout à fait officiels d'enseignement. Et pour un pays comme la France dont les soulèvements populaires contre les abus de pouvoir (1789,1830,1848) sont maintenant qualifiés péjorativement de populisme, celui de Capra fait du bien. Son film, sorti en 1939 a d'ailleurs été interdit dans les dictatures totalitaires et mal reçu à Washington, c'est un signe qui ne trompe pas. Il montre que la mise à l'écart du peuple de la conduite d'un pays produit un système élitiste incestueux où règne la corruption du politique et du médiatique par les financiers avides de s'enrichir. Il évoque même le "bon sens" populaire contre la malédiction d'être trop futé (ça rappelle un discours récent où un membre du gouvernement disait qu'ils avaient été "trop intelligents et trop subtils"). Jefferson Smith (James STEWART), homme du peuple au patronyme synonyme de refondation démocratique est introduit dans les milieux très fermés du pouvoir pour servir d'homme de paille à un projet d'éléphant blanc conçu pour enrichir son commanditaire. Mais il refuse de jouer le jeu et avec l'aide d'une femme de tête qui connaît les rouages du système, Clarissa Saunders (Jean ARTHUR) il s'empare des outils institutionnels mis à sa disposition pour combattre la corruption et le mensonge. Un combat de David contre Goliath à dimension christique sacrificielle qui préfigure celui des lanceurs d'alerte durant lequel James STEWART accomplit une extraordinaire performance. Revitalisant ainsi la célèbre formule du préambule de la constitution américaine "We, the people".

Voir les commentaires

Hirune Hime, rêves éveillés (Hirune hime: shiranai watashi no monogatari)

Publié le par Rosalie210

Kenji Kamiyama (2017)

Hirune Hime, rêves éveillés (Hirune hime: shiranai watashi no monogatari)

"Hirune Hime, rêves éveillés" a connu une sortie confidentielle en France cet été. Il s'agit d'un film d'animation qui comme souvent au Japon entremêle le rêve et la réalité, l'un étant au service de l'autre. L'héroïne, Kokone est narcoleptique c'est à dire qu'elle a tendance à s'endormir à tout bout de champ. Mais ses rêves ne sont qu'une version plus chatoyante de son vécu, caractérisé par un puzzle familial à reconstituer. Dans ses rêves, elle vit à Heartland (cœur d'acier en VF) une ville industrielle rétro-futuriste qui rappelle un peu Metropolis et l'univers de Miyazaki. Elle-même se nomme Cœur (Ancien en VO) et possède des pouvoirs magiques, sa baguette étant une tablette numérique. Elle peut en particulier donner vie aux objets et aux machines. Le lien avec la réalité réside bien évidemment dans la technologie qui fait office de magie, l'enjeu de l'histoire étant la création d'un prototype de voiture autonome pour les jeux olympiques de 2020. Un prototype dont les plans ont été mis au point par les parents de Kokone (qui travaillaient tous deux dans l'industrie automobile) mais dont un mystérieux sbire du chef de l'entreprise Shijima, Watanabe veut s'emparer pour son propre profit. La mère de Kokone est décédée dans un accident quand celle-ci était bébé et son père est arrêté pour espionnage industriel. Kokone se retrouve donc seule pour tenter d'empêcher Watanabe de s'emparer de la tablette magique qui renferme les fameux plans.


L'ensemble se suit agréablement notamment grâce à des personnages sympathiques et émouvants et des décors très soignés (ceux de Tokyo et d'Osaka notamment). Cependant l'histoire (la recomposition d'une famille) est très traditionnelle et le cheminement entre le rêve et la réalité est si bien balisé qu'il n'y a certes pas de risque de se perdre mais pas de folie baroque non plus.

Voir les commentaires

Grease

Publié le par Rosalie210

Randal Kleiser (1978)

Grease

Les vrais "feel-good movies" ont souvent été réalisés avant l'invention de ce terme marketing et dans le but d'échapper à la sinistrose. Billy WILDER disait par exemple que lorsqu'il était très heureux il faisait des tragédies et quand il était déprimé il faisait des comédies. Et donc que pour "Certains l'aiment chaud" (1959) il était très déprimé, voire suicidaire. "Grease" s'inscrit dans la même logique. Dans les années 70 les USA connaissent une crise profonde aussi bien économique que politique et deviennent alors nostalgiques de leur supposé âge d'or des années 50. C'est connu, quand une société va bien, elle regarde vers l'avenir quand elle va mal, elle regarde vers son passé. Par conséquent les films et séries sur cette époque "bénie" se sont multipliés, en particulier "American graffiti" (1973) d'un certain George LUCAS qui avant de diriger son regard vers les étoiles regardait dans son rétro et la série au titre si révélateur "Happy Days" (1974) avec dans le rôle de Fonzie Ron HOWARD qui fut d'ailleurs le premier acteur pressenti pour le rôle de Danny Zuko. Mais finalement, il échu à John TRAVOLTA qui venait juste de rencontrer le succès avec "La Fièvre du samedi soir" (1977). Mais c'est avec "Grease" qu'il devint véritablement une star. Son duo avec Olivia NEWTON-JOHN fonctionne tellement bien qu'on les compare dans le film à celui de Fred ASTAIRE et de Ginger ROGERS. Mais si John TRAVOLTA possède la même fluidité que son illustre aîné, il a en plus le sex-appeal et un certain sens de l'auto-dérision. De fait "Grease" s'inscrit au carrefour de deux genres, celui classique de la comédie musicale et celui encore à venir du teen-movie. Et ce même si les acteurs et actrices de "Grease" ne font guère illusion quant à leur âge véritable. Olivia NEWTON-JOHN par exemple avait 30 ans alors qu'elle est censé en avoir 18. Néanmoins "West side story" (1960) avait ouvert la voie dans les années 60 à ce genre hybride qui se poursuivit dans les années 80 avec "Footloose" (1984) et "Dirty Dancing" (1987).

Mais le paradoxe des paradoxes est que si "Grease" s'est imposé dans la durée, c'est pour son irrésistible énergie seventies cachée derrière le vernis fifties. En effet, son succès durable est lié avant tout à la force de frappe de ses numéros chantés et dansés. Trois d'entre eux en particulier sont devenus mythiques: "Summer Nights", "Greased Lightnin'" et bien sûr "You're the One that I want". Des chansons rock and roll mais traversées par la vibe disco. Celle du générique chantée par Frankie Valli a même été composée par Barry Gibb, l'un des Bee Gees (auteurs de la BO de la "La Fièvre du samedi soir") (1977) et est 100% disco (les images BD tentant de camoufler l'anachronisme). Quant à l'histoire, elle oscille entre les stéréotypes sexistes très appuyés des années 50 (fée du logis sainte-nitouche contre bad boy gomina-cuir-bagnole) et le bousculement de ces mêmes stéréotypes: la sainte-nitouche se transforme en bombe sexuelle dans la séquence la plus mythique du film alors qu'à l'inverse le bad boy tente plus ou moins bien de cacher sa sensibilité féminine devant sa bande de potes qu'il s'agisse de sa fibre romantique pour sa partenaire ou des pulsions homo érotiques vis à vis de ses partenaires.

Voir les commentaires

Le noël de Mickey (A Christmas Carol)

Publié le par Rosalie210

Burny Mattinson (1983)

Le noël de Mickey (A Christmas Carol)

Un court-métrage qui éclipse le long-métrage pour lequel les spectateurs s'étaient initialement déplacés, c'est ce qui est arrivé en 1983 lorsque "Le noël de Mickey" adapté du "Christmas Carol" de Dickens fut diffusé pour la première fois aux Etats-Unis en première partie d'une ressortie de "Les Aventures de Bernard et Bianca" (1976). En France, il passait la même année juste avant "Blanche Neige et les 7 Nains" (1937) et pourtant c'est "Le Noël de Mickey" qui me fit la plus forte impression. Il faut dire qu'autant de personnages de la famille Disney (Mickey, Minnie, Donald, Picsou, Riri, Fifi, Loulou, Daisy, Dingo, Jiminy Cricket, Pat Hibulaire, Tic et Tac, etc.) ainsi rassemblés dans une même œuvre au format court et rythmé célébrant la magie de noël, c'est un régal.

En dépit de son titre, ce n'est pas Mickey le héros du film, même si Cratchit est son rôle au cinéma le plus célèbre avec celui de l'apprenti-sorcier de "Fantasia" (1940). Le héros c'est Picsou dont on découvre à l'occasion que son créateur, Carl Banks (!) avait pris pour modèle le personnage principal du "Chant de noël" de Dickens au point de lui donner en VO le nom de Scrooge McDuck. Picsou et Scrooge ne font donc qu'un et la conversion de ce féroce capitaliste aux valeurs humanistes s'inscrit dans une logique critique que l'on avait déjà pu observer dans "Mary Poppins" (1964) où il s'agissait justement de sauver M. Banks de sa propre folie ^^. Au vu du message de sa suite "Le Retour de Mary Poppins" (2018) il n'est pas sûr qu'aujourd'hui, Picsou économiserait "toute une vie de travail" pour finalement (re)distribuer son argent aux pauvres. Il préfèrerait l'investir pour que ça lui rapporte plus gros.

D'autre part on constate que le côté politiquement incorrect de l'oeuvre de Dickens a été gommé dans le remake en motion capture de 2007 réalisé par Robert ZEMECKIS. En effet dans "Le noël de Mickey" il y a plusieurs allusions à la judéité de Scrooge et de Marley ce qui n'est guère surprenant chez Dickens dont les oeuvres comportent plusieurs caricatures d'usuriers juifs (dont la plus célèbre est celle de Fagin dans "Oliver Twist"). La conversion de Scrooge à l'esprit de noël dans ce contexte s'avère donc aussi être d'ordre religieux, Dickens confondant la religion et le statut économique et social dans lequel ont été enfermé les juifs dans les sociétés chrétiennes.
 

Voir les commentaires

Le Drôle de Noël de Scrooge (A Christmas Carol)

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (2009)

Le Drôle de Noël de Scrooge (A Christmas Carol)

"Le Drôle de Noël de Scrooge" est la troisième adaptation du célèbre conte de Charles Dickens par les studios Disney après "Le Noël de Mickey" (1983) et "Noël chez les Muppets" (1992). C'est également la troisième film d'animation en motion capture de Robert ZEMECKIS après "Le Pôle Express" (2004) et "La Légende de Beowulf" (2007). La fascination de Robert ZEMECKIS pour les nouvelles technologies notamment en ce qui concerne la combinaison entre le réel et l'animation l'ont poussé à fonder le studio d'effets spéciaux numériques IMD (Image Movers Digital) qui a été ensuite racheté par Disney de 2007 à 2010. C'est durant cette période de collaboration qu'est né un film dont l'aspect expérimental, lugubre et effrayant l'emporte sur l'aspect édifiant et merveilleux. On retrouve en effet les thèmes chers du réalisateur tels que l'hybridité, l'envol (les séquences aériennes sont proprement vertigineuses), les voyages spatio-temporels ou le dédoublement (les acteurs prêtent leurs traits à plusieurs personnages, par exemple Jim CARREY joue les trois fantômes en plus de Scrooge). Certains passages du film utilisent les effets 3D pour flirter avec le film d'épouvante notamment la séquence cauchemardesque du fantôme des noëls futurs. Robert ZEMECKIS y expérimente avec brio le passage de la 2D à la 3D quand l'ombre de la main de la grande faucheuse prend du volume ce qui la rend autrement plus tangible et effrayante.

En dépit de tous ces aspects positifs, le film n'est pas une pleine réussite. Tout d'abord parce que la morale du conte est aujourd'hui frappée d'obsolescence. "L'esprit de noël" apparaît comme un moyen de s'acheter (ou se racheter) une bonne conscience à peu de frais. La fête en elle-même ressemble surtout à un moment social convenu où il est de règle selon la morale chrétienne d'être convivial, généreux et charitable (ce qui dispense de l'être le reste de l'année?). Scrooge a beau être un odieux personnage, on perçoit aujourd'hui que ce qui est stigmatisé dans son comportement ce n'est pas seulement son inhumanité mais également sa résistance à la norme. On ne peut pas expliquer autrement par exemple l'acharnement de son neveu à vouloir l'inviter chez lui alors que sa réaction naturelle aurait été de le fuir. Cette confusion explique que la rédemption morale de Scrooge passe par sa soumission aux règles du jeu social. La manière dont a lieu cette rédemption est d'ailleurs discutable tant elle semble motivée par la crainte de la damnation bien plus que par une conversion authentique. Il faut dire que la peur de l'enfer était un bon moyen pour l'Eglise d'établir son emprise sur les âmes. Mais le recul de son influence sur les sociétés européennes fait que les ficelles idéologiques du conte apparaissent plus visibles. Ensuite la technique d'animation en motion capture produit un résultat assez froid et artificiel. Les personnages en particulier ressemblent à des pantins sans substance, ni âme. Leurs visages manquent d'expressivité, leurs mouvements de fluidité et leurs corps de densité.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 > >>