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Barry Lyndon

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1975)

Barry Lyndon

Lorsque je suis amenée à voir un navet, je compense aussitôt avec l'un des plus beaux films du monde, un régal pour l'œil, l'oreille et l'esprit. "Barry Lyndon" est une œuvre d'art totale. C'est un film qui se contemple, qui s'écoute, qui se lit mais surtout qui se vit. "Barry Lyndon" fait partie de ces films qui rappellent que le septième art est celui du mouvement, de l'anima(tion). Stanley KUBRICK avait déclaré qu'il avait voulu réaliser un documentaire sur le XVIII° siècle c'est à dire transformer le passé (film historique) en présent (film documentaire). Ce tour de force, il l'a accompli en réalisant une œuvre vivante, humaine, naturelle et par conséquent une œuvre sur laquelle le passage du temps n'a pas de prise.

- "Barry Lyndon" est un film qui se contemple. Son rythme volontairement lent permet au spectateur d'apprécier la beauté de chaque image, conçue comme un tableau vivant faisant référence à la peinture anglaise du XVIII° siècle (Gainsborough, Hogarth, Constable etc.). C'est le résultat de la photographie exceptionnelle de John ALCOTT et du sens du cadre tout aussi exceptionnel de Stanley KUBRICK: harmonie des proportions, symétrie de la composition, zooms arrières découvrant progressivement des paysages plus sublimes les uns que les autres dans lequel sont insérés les personnages. La sensibilité photographique de Stanley KUBRICK se ressent aussi dans le travail époustouflant accompli sur la lumière naturelle qu'elle soit extérieure ou intérieure. La plupart des plans d'extérieur ont été filmés à l'aube ou au crépuscule, nimbant les images d'un voile poétique et mélancolique alors que ceux d'intérieur sont éclairés de côté, soit par la lumière provenant des fenêtres soit par celles des bougies. Outre la prouesse technique qui a fait couler beaucoup d'encre, ce travail a nécessité beaucoup de temps et de patience, Stanley KUBRICK n'hésitant pas à user les nerfs de son équipe pour capter un passage nuageux ou un ensoleillement précis. C'est ce travail sur la lumière qui contribue à donner au film de Stanley KUBRICK un aspect naturel d'une qualité incomparable à tous ceux qui sont réalisés en studios avec des lumières factices.

-"Barry Lyndon" est un film qui s'écoute. Stanley KUBRICK savait redonner vie et sens à la musique classique en la mariant aux images de ses films mais avec "Barry Lyndon", il atteint un degré de perfection inédit dans cette fusion. Parmi les morceaux présents dans le film, j'en citerai trois qui me paraissent particulièrement remarquables: la mélancolie poignante des chants celtiques évoquant le paradis perdu de l'Irlande natale de Redmond Barry, la sarabande solennelle de Haendel qui souligne le "fatum" qui pèse sur lui et enfin le romantisme tragique du trio de Schubert qui épouse à la perfection la sublime scène intimiste quasi-muette de séduction entre Redmond Barry et Lady Lyndon (Marisa BERENSON). Non seulement l'anachronisme du morceau ne se remarque pas mais il souligne l'un des aspects les plus modernes du XVIII° siècle: l'invention de l'intimité notamment par l'investissement croissant de la sphère domestique dans les milieux nobles et bourgeois. Marie-Antoinette se réfugiant dans le cocon du petit Trianon pour échapper à la cour de Versailles où sa vie était un spectacle permanent en est l'un des exemples les plus célèbres. Le XIX° ne fait que couronner ce triomphe de l'intimisme notamment avec le développement de la musique de chambre et les améliorations du piano (inventé au XVIII° mais qui n'atteint sa plénitude expressive qu'au XIX°).

- Comme la majorité de ses films, "Barry Lyndon" est une adaptation littéraire, celle des "Mémoires de Barry Lyndon du royaume d'Irlande" de William Makepeace Thackeray. Il s'agit donc d'une autobiographie fictive ce qui explique d'une part le caractère profondément mélancolique du film et d'autre part la présence de la voix-off qui ne se contente pas de commenter l'action mais l'anticipe, nous révélant ainsi que le destin tragique de Redmond Barry est déjà scellé. La voix-off permet aussi au spectateur d'acquérir une certaine distance par rapport à l'histoire. Elle coupe court au pathos qui pourrait surgir de scènes particulièrement dramatiques comme celle de la mort de Bryan (David MORLEY). Le ton décalé employé dans certaines situations a le même objectif. Par exemple l'extrême politesse du langage employé par le Captain Feeney (Arthur O SULLIVAN) fait oublier qu'il s'agit d'un voleur qui plonge Redmond Barry dans une situation dramatique en le dépouillant de tous ses biens. L'aspect littéraire du film réside également dans le fait qu'il s'agit d'un bildungsroman, du moins dans sa première partie. Le film est en effet divisé en deux parties égales: l'ascension et la chute (toujours ce goût pour la symétrie!) qui elle est en rapport avec la tragédie. La première partie du film appartient également au genre picaresque de par l'errance et les aventures d'un héros toujours en mouvement et qui ne parvient pas à trouver sa place. La deuxième partie en revanche est un quasi huis-clos théâtral plus propice au déroulement de la tragédie. Le héros enfin, Redmond Barry est un personnage complexe dont le comportement, dicté par le ressentiment est lui aussi "symétrique". Dans un premier temps, il est victime de sa naïveté lorsqu'il découvre que sa cousine dont il est amoureux l'a manipulé avec la complicité de la famille pour faire un mariage d'argent. Dans un second temps, endurci et aguerri par les épreuves qu'il a traversé, il se venge en faisant lui-même un mariage d'intérêt avant de le détruire en dilapidant la fortune de sa femme, en bafouant cette dernière ainsi que les codes sociaux en vigueur dans les hautes sphères. Comme le héros de "Eyes wide shut" (1999), Edmond Barry est un personnage falot (d'où le choix du lisse Ryan O NEALpour l'interpréter) qui réussit à entrer de façon opportuniste dans un milieu fortuné et décadent dont il ne maîtrise pas les codes. Il finit donc par être rejeté et par retourner dans son milieu d'origine. Mais la tragédie propre à Redmond Barry est d'être un déraciné privé d'ascendance comme de descendance. Il n'est guère étonnant que les moments où il se montre le plus sincère et le plus vulnérable soient liés à la perte: celle de son père de substitution le capitaine Grogan (Godfrey QUIGLEY), celle de sa terre natale ravivée par la rencontre avec le chevalier de Balibari (Patrick MAGEE et enfin celle de son fils.

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Die Hard: Belle journée pour mourir (A good day to die hard)

Publié le par Rosalie210

John Moore (2013)

Die Hard: Belle journée pour mourir (A good day to die hard)


"A good day to die Hard" c'est un very bad day pour le spectateur. Le quatrième film était déjà mauvais mais au moins il partait d'une bonne idée (jeunes geeks contre vieux has-been). Celui-ci n'a même pas cette petite étincelle et confirme ce qu'est devenu la saga Die Hard: une machine à cash recyclant une recette à succès des années 80-90 en lui enlevant toute forme de personnalité. C'est la politique actuelle des studios d'Hollywood: prendre de vieux succès populaires, les ripoliner pour leur enlever toute aspérité et à la place y mettre plein de gros effets spéciaux numériques et un discours bien réac. John McClane (campé par un Bruce WILLIS à la peine physiquement mais il n'a pas besoin de s'en faire, les effets spéciaux l'ont transformé en Robocop depuis le quatrième épisode) est donc devenu un vieux cowboy facho, chauvin et individualiste qui ne pense qu'à récupérer son fiston qui s'est fourré dans le pétrin. Armé de quelques gros guns, il se rend dans un territoire hostile peuplé de (peaux) rouges. Comme il ne s'agit pas d'un pays civilisé, il fonce dans le tas, détruisant tout sur son passage et fauchant la vie de quelques dizaines d'innocents (c'est pas grave, ils sont russes). De toutes façons, la mission de John McClane se résume à sauver l'héritier et à aller "buter quelques salopards" (russes), tant pis s'il y a des dommages collatéraux, (ils n'avaient pas qu'à être russes). Quant à fiston (Jai COURTNEY) avec ses biceps façonnés par la gonflette (et les stéroïdes anabolisants?) il représente fort bien l'emprise croissante des normes corporelles sur le héros d'aujourd'hui: celui-ci doit être huilé, épilé, musclé, tatoué, transformé, dopé (éventuellement). La relève est assurée! (celle du vieux John McClane, pas du jeune, il est mort depuis 1995 et le troisième volet de la saga. Cependant on a quand même enregistré son célèbre « Yippee-ki-yay, pauvre con» histoire de faire croire qu'il s'agit du même homme).

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Die Hard 4: Retour en Enfer (Die Hard 4 : Live free or Die hard)

Publié le par Rosalie210

Len Wiseman (2007)

Die Hard 4: Retour en Enfer (Die Hard 4 : Live free or Die hard)

L'idée de départ de ce quatrième "Die Hard", 12 ans après le dernier opus était bonne: jouer sur le décalage générationnel entre un John McLane (Bruce WILLIS) vieillissant et dépassé par les nouvelles technologies et des petits jeunes biberonnés au numérique. Hélas, ce sujet prometteur n'est traité que de façon superficielle le temps de quelques gags et punchlines bien senties ("Vous êtes une montre à remontoir au temps du numérique"). Pour le reste, "Retour en enfer" est un blockbuster d'aujourd'hui, sans âme ni originalité. Le réalisateur Len WISEMAN se contente de servir un plat réchauffé à base d'éléments puisés dans les précédents films de la saga et de scènes d'action qui en mettent plein la vue mais que l'on a déjà vues ailleurs tout en piétinant allègrement l'esprit originel de la saga conçue par John McTIERNAN. John McLane devient un super héros capable de se relever sans presque une égratignure de chocs et de chutes monstrueuses alors qu'il était à la base un personnage humain et vulnérable qui souffrait dans sa chair. Plus grave encore, le caractère rebelle du personnage est évacué en même temps que la critique des institutions et de la société qui était sous-jacente. A la place nous avons un film paranoïaque post-11 septembre bien manichéen ("Il faut sauver l'Amérique des méchants terroristes") avec pour bras armé un fervent patriote décérébré soumis aux ordres de ses supérieurs jusqu'au sacrifice kamikaze. Les ficelles du film sont en effet particulièrement grosses. Le méchant, Thomas Gabriel (joué par un Timothy OLYPHANT parfaitement inexistant au demeurant) est un Oussama Ben Laden 2.0 qui après avoir travaillé pour les USA se retourne contre son ancien employeur. A l'aide d'une poignée de hackers, il parvient à paralyser l'ensemble des infrastructures du territoire et à s'emparer de l'espace aérien avec une facilité déconcertante. Il faut dire que face à eux, le pays est un open bar désarmé ne disposant ni d'une police, ni d'une armée, ni de services secrets, ni d'un réseau d'écoutes à échelle mondiale digne de ce nom. D'où le "justicier" qui à lui tout seul détruit l'infâme réseau et sauve le pays. Montrer la réalité de la puissance américaine, se serait la mettre en question à la façon d'Edward Snowden. Et ça, il n'en est visiblement plus question si l'on en juge par le lavage de cerveau et le dopage musculaire subi par John McLane désormais incassable ^^. 

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Le Crime de l'Orient-Express (Murder on the Orient-Express)

Publié le par Rosalie210

Sidney Lumet (1974)

Le Crime de l'Orient-Express (Murder on the Orient-Express)

Le remake récent de Kenneth BRANAGH a fait ressortir l'aspect volontairement suranné du film de Sidney LUMET réalisé en 1974. Celui-ci, bien connu pour son éclectisme, a en effet décidé de donner un cachet de classique des années 30 à son film (pour coller à l'époque de la narration du roman de Agatha Christie) plutôt que de l'ancrer dans le bouillonnement créatif des années 70 dont il était pourtant partie prenante. En résulte un résultat un brin nostalgique, l'impression d'être dans une bulle artificiellement hors du temps dans laquelle il est agréable de se plonger.

En effet cette partie de Cluedo élégante et racée se déguste avec plaisir de par le nombre de grandes stars présentes au mètre carré: Lauren BACALL en grande dame un peu fofolle, Ingrid BERGMAN en bigote, Sean CONNERY en colonel, Anthony PERKINS en proie au complexe d'Œdipe 14 ans après "Psychose" (1960), Jean-Pierre CASSEL pour la touche frenchy, Vanessa REDGRAVE, Jacqueline BISSET, Michael YORK etc. Leurs personnages sont plus intéressants qu'ils n'en ont l'air car ils sont dichotomiques. En apparence, ils ressemblent tous à de lisses images d'Epinal à collectionner mais leurs regards perçants, gestes nerveux incontrôlés et changements parfois brusque d'expression révèlent les êtres réels qui se cachent derrière le rôle qu'ils interprètent. De même l'aspect ludique et mécanique de l'enquête repose sur un substrat tragique très bien souligné dans la séquence introductive et également dans le dénouement qui fait écho au premier film de Sidney LUMET, "Douze hommes en colère" (1957). En effet s'il faut chercher un fil conducteur à son œuvre (dont le caractère disparate est un frein à sa lisibilité), c'est sa critique des institutions (policière, judiciaire, politique, médiatique) et son intérêt pour les gens qui par leurs fonctions ont la responsabilité d'autres vies entre leurs mains. Le policier Hercule Poirot (Albert FINNEY vieilli pour ressembler à un homme de plus de 50 ans) choisit ainsi de sacrifier la vérité pour mettre fin à l'hécatombe en vies humaines provoquée par l'affaire Cassetti alors que les 12 jurés improvisés mettent la leur en danger pour que justice soit rendue.

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L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1956)

L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much)

Alfred HITCHCOCK fait partie des quelques réalisateurs qui ont fait un remake d'un de leurs propres films. "L'Homme qui en savait trop" est en effet la version hollywoodienne du film au titre éponyme qu'il avait réalisé en 1934 au temps de sa période anglaise. Bénéficiant de plus de moyens, il réalise donc un film plus spectaculaire qu'il qualifie lui-même de travail de professionnel à côté d'une première version qu'il considérait comme amateur.

"L'Homme qui en savait trop" peut être appréhendé de deux manières. Soit on ne se focalise que sur ses séquences d'anthologie en dédaignant le reste. En ce cas, on se concentrera surtout sur les 12 minutes du concert au royal Albert Hall, véritable concentré du génie de Alfred HITCHCOCK dans l'art de faire monter le suspense par l'association savante du montage alterné et de la musique. Il est d'ailleurs amusant de voir qu'il y a deux maîtres d'œuvre dans cette séquence: Bernard HERRMANN son compositeur fétiche qui dirige l'orchestre et le joueur de cymbales, sorte de double du réalisateur qui joue quelque peu sadiquement sur les attentes du public.

Soit on regarde qui occupe le centre de cette séquence ainsi que de l'autre morceau d'anthologie qu'est le passage de la chanson "Que sera sera" et on perçoit beaucoup mieux l'unité d'un film a priori fait de séquences disparates en terme de rythme, de scénario ou de technique. La chanteuse et actrice Doris DAY, symbole plutôt mièvre et conservateur de l'American way of life avait été imposée à Alfred HITCHCOCK. Celui-ci sut transformer cette contrainte en atout majeur. Car la Joséphine du film qui pour se conformer au patriarcat américain a sacrifié sa vie artistique pour plaire à son mari prend une revanche éclatante dans le film. Ce n'est pas pour rien qu'elle est surnommée Jo (comme la Jo March masculine de Louisa May Alcott). Alors que son mari Benjamin (James STEWART) qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez passe son temps à se ridiculiser ou à se fourvoyer, elle manifeste une intuition et une clairvoyance à toute épreuve qui la pousse systématiquement vers les bonnes pistes et lui permet de se retrouver au centre de l'intrigue (et de son dénouement). La fin où elle appelle son fils par le chant sonne comme une revanche éclatante sur les tentatives de musellement de son mari. N'est-ce pas son cri si longtemps retenu qui sauve le premier ministre d'une mort certaine? La scène où son mari la drogue pour soi-disant la ménager n'en devient alors que plus ironique et savoureuse alors que les transparences marocaines soulignent le bonheur en toc de ce modèle familial américain.

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Madame porte la culotte (Adam's Rib)

Publié le par Rosalie210

George Cukor (1949)

Madame porte la culotte (Adam's Rib)

En VO, le titre du film de George CUKOR est "Adam's Rib". Il s'agit d'une allusion à l'inégalité du couple homme-femme telle qu'elle apparaît dans la Genèse (dont on se doute qu'elle n'a pas été écrite par des femmes ^^). En effet Eve est non seulement apparue après Adam mais elle a été créée à partir de l'une de ses côtes ce qui signifie qu'elle lui est subordonnée. Or tout l'intérêt de ce film théâtral écrit par le couple Ruth GORDON et Garson KANIN consiste à déconstruire les stéréotypes de genre au travers de couples non conformes: celui formé par Adam (!) et Amanda Bonner dans le film ainsi que leurs interprètes, le couple Katharine HEPBURN et Spencer TRACY. Ces deux couples, l'un fictionnel et l'autre réel sont des projections de celui formé par Ruth GORDON et Garson KANIN. Les Bonner exercent le même métier (Adam est substitut de l'avocat général et Amanda avocate de la défense) tout comme Katharine HEPBURN et Spencer TRACY (on peut également souligner le fait que ce dernier était plus âgé et marié alors que dans le couple Gordon-Kanin c'est lui qui était plus jeune de 16 ans).

Le film fonctionne à deux niveaux qui se font écho: un film de procès où il s'agit de prouver que la femme est l'égale de l'homme et à ce titre a droit au même traitement en justice (ce qui était loin d'être le cas aux USA comme en France). Et une screwball comédie où les Bonner rejouent le match du procès dans la sphère domestique. Bien que Adam Bonner joue les macho proclamant qu'il veut "une femme, pas une concurrente", tout tend à prouver que sa relation avec Amanda est égalitaire et qu'il peut aussi bien investir la sphère masculine que la sphère féminine (lorsqu'il cuisine, masse ou pleure des larmes de crocodiles). Evidemment sa femme lui donne la réplique: elle conduit, lui donne des coups dans les tibias et dans la scène la plus drôle, le fait porter à bout de bras par une femme athlète d'une carrure impressionnante. Le couple Bonner/Hepburn-Tracy fait ainsi la preuve de sa réversibilité au point que la confusion gagne le procès. Les femmes criminelles ou séductrices deviennent des hommes (excellentes Judy HOLLIDAY et Jean HAGEN qui n'avait pas encore tourné dans "Chantons sous la pluie") (1952) et les hommes adultères (Tom EWELL qui allait devenir le partenaire de Marilyn MONROE dans "Sept ans de réflexion" (1955)) des femmes alors que Adam Bonner inverse des syllabes dans sa plaidoirie tellement il ne sait plus où il en est.

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Beetlejuice

Publié le par Rosalie210

Tim Burton (1988)

Beetlejuice

"Beetlejuice" préfigure "Mars Attacks!" (1997) c'est à dire le côté "affreux, sale et méchant" (et très sarcastiquement drôle) de Tim BURTON. Mais alors que "Mars Attacks!" (1997) est une satire politique, "Beetlejuice" se concentre sur la sphère domestique avec ce qu'on pourrait appeler une bataille rangée pour l'appropriation d'une maison entre deux clans aussi caricaturaux l'un que l'autre:

- D'un côté le couple Maitland (Alec BALDWIN et Geena DAVIS alors tout jeunots) qui incarne l'Amérique profonde, celle qui ne jure que par le "home, sweet home". Cela donne (en caricaturant juste un peu) un couple qui ne rêve que de rester chez lui, y compris pendant les vacances et pour qui "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". Eux mêmes le sont tellement (gentils) qu'ils n'osent pas toucher à la décoration vieillotte de leur maison qui est l'œuvre de l'ancienne propriétaire, laquelle œuvre à les en chasser. En effet ils font tache dans le paysage de "L'Américan way of life" car ils n'ont pas d'enfants et donc "la maison est trop grande pour eux". Finalement, les vœux des uns et des autres finissent par se réaliser avec l'accident qui coûte la vie aux Maitland. Ces derniers se retrouvent à l'état de fantômes enchaînés à leur maison pour 125 ans (ils vont en bouffer du "home, sweet home!") alors que l'ancienne propriétaire, débarrassée d'eux va pouvoir choisir des propriétaires plus conformes à ses souhaits.

-Pourtant les Deetz qui leur succèdent ne sont pas non plus les candidats idéaux. Ce sont des néo-ruraux issus de la bourgeoisie new-yorkaise affairiste et branchée. A travers eux, Tim BURTON caricature les élites urbaines avec délectation, que ce soit leur snobisme ou leur recherche du profit. Je pense en particulier à leurs goûts esthétiques discutables que ce soit les sculptures de Delia (Catherine O HARA) ou le réaménagement de la maison façon art moderne sous la direction de Otho (Glenn SHADIX) ainsi qu'à leur réaction intéressée lorsqu'ils découvrent que la maison est hantée. Il n'est guère étonnant que les Maitland fassent un "rejet" de ces nouveaux occupants et cherchent à leur tour à les chasser de la maison.

-Finalement c'est le personnage de Lydia (Winona RYDER) qui représente le terrain d'entente permettant à tous ces gens de cohabiter ensemble. D'une part parce que c'est une enfant permettant aux Maitland de remplir la case "famille" qui leur manquait. D'autre part parce que sa sensibilité gothique lui permet d'entrer en contact avec les fantômes, une excentricité qui plaît aux Deetz, eux qui aimeraient bien faire du business autour de l'aspect macabre de la maison. En revanche, Bételgeuse/Beetlejuice (Michael KEATON qui cabotine à qui mieux mieux) sorte de (mauvais) esprit frappeur, s'il permet d'animer (au sens propre comme au sens figuré) quelques séquences hautes en couleur est bien trop intenable pour pouvoir s'installer à demeure comme le montre l'échec de sa tentative de mariage avec Lydia.

Finalement, il s'agit d'une histoire qui est à l'image d'un film où cohabitent les contraires dans un joyeux bazar: la grosse farce et le macabre, les prises de vue réelles et l'animation, les décors champêtres en extérieurs et les décors de studios qui font penser à l'expressionnisme allemand des années 20, le tout combiné à des effets kitsch typiques des années 80!

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Rentrée des classes

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1956)

Rentrée des classes

Ce que j'aime particulièrement dans les courts-métrages, c'est qu'ils offrent la quintessence du style et de l'âme d'un cinéaste. "Rentrée des classes", le premier court-métrage de Jacques ROZIER est considéré comme l'un des films fondateurs de la Nouvelle Vague mais c'est aussi la quintessence du cinéma que développera par la suite ce cinéaste si singulier. Le titre annonce l'entrée dans un cadre normé pour mieux offrir dès que possible une bifurcation vers un espace-temps de liberté avant de retourner dans le cadre. La "parenthèse enchantée" pourrait être le titre de tous les films de Jacques ROZIER. A chaque fois, il s'agit de quitter la civilisation et son chemin tout tracé pour s'évader sur les chemins de traverse offerts par la nature (forêt, mer, îles ou ici rivière). Au temps productiviste et rigide rythmé par les contraintes s'oppose celui, dilaté et sinueux, de la contemplation. "L'Ecole buissonnière" (titre alternatif du film) du jeune René Boglio devient une échappée impressionniste et lyrique où éclate le talent de Jacques ROZIER pour filmer le vivant notamment grâce à l'attention portée aux variations de lumières et à une bande-son alternant les bruits de cigales et d'eau avec des extraits de la "Flûte enchantée" de Mozart. Et lorsque René retourne à ses cahiers, il a une petite surprise dans sa poche dont l'intrusion suffit à jeter la classe sans dessus dessous. Preuve s'il en est qu'une petite révolution (cinématographique) se prépare. Il faut dire que Jacques ROZIER a été à l'école des deux Jean, Jean VIGO et Jean RENOIR. Du premier à qui il a consacré un portrait il a le caractère fondamentalement insoumis et n'a jamais caché que "Rentrée des classes" était un petit frère de "Zéro de conduite" (1933). Du second, il a le même sens de la captation des frémissements de la nature, la filiation impressionniste de "Rentrée des classes" ne faisant aucun doute.

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Le Nouveau Monde (The New World)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (2005)

Le Nouveau Monde (The New World)

Terrence MALICK filme la Virginie à l'aube de sa colonisation par l'Angleterre comme un paradis perdu rousseauiste. Un territoire vierge et innocent à l'image de ses habitants indigènes qui vivent dans une communion mystique avec la nature. Du matin au soir ils répètent comme des rituels des gestes embrassant l'énergie cosmique qui font penser à ceux du Qi-Gong chinois. La voix intérieure de John Smith les décrit comme dénués de jalousie, n'ayant aucun sens de la possession, doux, affectueux, fidèles, exempts de toute fourberie, ne connaissant ni le mensonge, ni la cupidité, ni la tromperie, ni l'envie, ni la calomnie. Leur princesse Pocahontas ressemble à une déesse d'une beauté surnaturelle.

Par contraste, les premiers colons anglais apportent avec eux la crasse, la misère, l'individualisme et la division. Terrence MALICK ne les caricature pas, c'est important de le souligner. Là où ils sont, il n'y a que la forêt et les marécages à se partager. Le seul or disponible est celui des rayons du soleil. Des richesses que Terrence MALICK magnifie avec sa caméra ondoyante qui s'appuie somptueusement sur les premières mesures de "l'Or du Rhin" de Wagner. Mais à côté de ces princes de la nature que sont les indiens, les anglais font figure d'handicapés, inaptes à voir les beautés de ce monde et encore moins à vivre avec. Au lieu de s'intégrer dans l'environnement, ils construisent un fort en abattant les arbres pour s'y retrancher, laissant les indigènes et la nature à l'extérieur. Une traduction saisissante de cet apartheid de la "sauvagerie" qui pousse les anglais à domestiquer tout ce qui entre en contact avec eux. Par conséquent leur univers, clos derrière des murs est froid et stérile. Le père de Pocahontas, clairvoyant, perçoit l'incompatibilité de leur vision du monde avec celle de la tribu et veut les chasser avant qu'ils ne contaminent tout. Ce sont les gestes de fraternité de Pocahontas (la nourriture, les semences, l'apprentissage de la langue) à leur égard lié à son amour pour John Smith qui en décideront autrement.

Même s'il s'agit d'une version romancée des premiers contacts entre colons et indiens, ces événements permettent de restaurer le sens profond de la fête de Thanksgiving dont les valeurs sont à l'opposé de celles qui sont prônées par la civilisation occidentale. Ce n'est pas la seule trace du passage de Pocahontas (Q ORIANKA KILCHER) puisqu'après avoir été reniée par sa tribu et abandonnée par John Smith (Colin FARRELL) qui est dépeint comme pro-indien mais n'en reste pas moins une âme de colon égoïste qui ne veut ni donner ni s'engager, elle épouse un aristocrate John Rolfe (Christian BALE) avec lequel elle a un petit garçon. Même dans les jardins taillés au cordeau, même contenue dans des vêtements corsetés, même frappée par les maux du désespoir et de la maladie, elle parvient encore à irradier de son harmonie intérieure.

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Le Lys brisé (Broken Blossoms)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1919)

Le Lys brisé (Broken Blossoms)

"Le Lys brisé" a tout juste un siècle. Et pourtant en dépit de son pathos quelque peu obsolète, il est encore bien d'actualité. S'y pose en effet la question de la représentation des minorités ethniques au cinéma ainsi que celle de la maltraitance infantile.

Le fait de choisir des acteurs occidentaux pour jouer les personnages noirs et asiatiques remonte aux origines d'Hollywood et se perpétue de nos jours sous des formes plus ou moins hypocrites (par exemples des personnages décrits comme noirs, indiens, asiatiques ou métis dans les romans, comics ou mangas sont incarnés par des blancs à l'écran). C'est ce que l'on appelle le "whitewashing" ou le "racebending". Dans "Naissance d une Nation" (1915), les noirs sont joués par des blancs grimés et il en va de même des chinois dans "Le Lys brisé". Richard BARTHELMESS est certes excellent mais là n'est pas le problème. Le problème est celui de l'invisibilité de ces minorités ainsi "blanchies" et caricaturées par cette forme de censure déguisée. De plus cela signifie que pour que le public américain adhère au discours lénifiant de D.W. GRIFFITH sur la grandeur d'âme de "l'homme jaune" il ne suffit pas que l'homme blanc, Battling Buttler (Donald CRISP) soit très méchant, il faut que l'homme jaune n'en soit pas vraiment un. Quant au métissage que l'Amérique profonde a en horreur, il est tout aussi prohibé dans "Le Lys brisé" qu'il ne l'était dans "Naissance d une Nation" (1915). Cheng n'a le choix qu'entre la chasteté, le viol ou le suicide, le geste d'auto-défense de Lucy montrant qu'elle ne se laissera jamais approcher par un non-blanc et que rien n'a évolué depuis "Naissance d une Nation" (1915). C'est pourquoi quand je lis encore aujourd'hui des critiques qui affirment que "Le Lys brisé" est un film anti-raciste j'ai envie de rire...jaune.

La maltraitance des enfants par leurs parents qui est au cœur du film n'a pas du tout disparu. Rien qu'en France, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents. Un problème beaucoup moins médiatisé que celui des femmes car celles-ci en tant qu'adultes autonomes ont aujourd'hui les moyens de se faire entendre contrairement aux enfants qui restent sans voix dans un monde qui n'est pas fait pour eux. Le martyre de Lucy met donc en lumière le triste sort des enfants non désirés (que certains s'acharnent cependant toujours à vouloir faire venir au monde à tout prix) avec toute la force de frappe de l'expressivité du muet, de la maîtrise cinématographique de D.W. GRIFFITH et de la bouleversante interprétation de Lillian GISH. Comme Emil JANNINGS dans "Le Dernier des hommes (1924)" son frêle corps est ployé par le poids de sa souffrance et son visage crispé et terrifié devant son père semble prématurément vieilli comme celui des enfants-cobayes de "Akira" (1988). Cela ne rend que plus effrayant encore ses sourires forcés qu'elle se compose avec les doigts. De toute manière chaque face à face avec son père est un moment de tension brute qui flirte avec le film d'épouvante. La scène du cagibi dont la porte est défoncée à coups de hache par le père a d'ailleurs servi de modèle à Stanley KUBRICK pour "Shining" (1980). Cette scène est plus parlante que celles du même genre qui ont pu être tournées par la suite avec le son. L'intensité des cris de Lillian GISH était telle pendant le tournage que ceux qui les entendaient avaient bien du mal à ne pas courir à son secours. Et lorsque l'on voit ce visage déformé par la terreur la plus brute, on a pas besoin d'entendre les cris pour comprendre pourquoi.

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