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Mes funérailles à Berlin (Funeral in Berlin)

Publié le par Rosalie210

Guy Hamilton (1966)

Mes funérailles à Berlin (Funeral in Berlin)

"Mes funérailles à Berlin", le deuxième volet des aventures de Harry Palmer porté à l'écran est un ton en dessous du remarquable "Ipcress - Danger immédiat" (1965). On reste dans l'idée de proposer les aventures d'un anti-James Bond par l'équipe des James Bond puisque c'est Guy HAMILTON qui réalise ce deuxième volet. Mais celui-ci n'a pas le petit grain de folie de Sidney J. FURIE. Sa réalisation en dépit de quelques contre-plongées biscornues qui rappellent le précédent film est très classique et pour le dire franchement, un peu ennuyeuse. Harry Palmer est toujours aussi magistralement interprété par Michael CAINE mais il a moins d'espace pour exprimer son humour pince-sans-rire tordant et son caractère fondamentalement rebelle vis à vis de l'autorité. Néanmoins quelques répliques font mouche comme cette joute verbale où il reproche à son supérieur, le colonel Ross (Guy DOLEMAN) de protéger d'anciens nazis. Ross lui répond alors que son service protège même d'anciens voleurs, allusion au passé délinquant de Harry Palmer et à ses séjours en prison. Histoire de rappeler que les intérêts géopolitiques des puissances occidentales ne s'encombrent guère de questions morales.

La valeur historique du film est en effet un plus indéniable. Tourné au milieu des années soixante, le film est un saisissant instantané du Berlin de la Guerre froide, filmé avec un réalisme quasi documentaire. Un Berlin qui porte encore les stigmates des ravages de la seconde guerre mondiale, notamment dans la partie est non reconstruite (comme le montre également "One, Two, Three" (1961) de Billy WILDER). Un Berlin de surcroît coupé en deux par un mur alors encore en construction (on voit bien que certaines sections de la ville ne sont encore séparées que par des barbelés) où les fuites vers l'ouest s'apparentent désormais à des opérations-suicide. Une cassure créant un nouvel espace de désolation et de ruines au cœur de la ville comme on peut le voir notamment lors du dénouement du film. Les postes-frontières stratégiques tels que Checkpoint Charlie et le pont Glienicke (le "pont des espions") sont le théâtre de scènes cruciales du film. Le centre de gravité de Berlin-ouest, la Kurfürstendamm avec en son coeur son église du souvenir (surnommée le "crayon" ou le "rouge à lèvres" à cause du toit du clocher coupé en biseau suite aux bombardements) est montré comme étant le symbole de la ville par tous les films de cette époque alors que depuis la réunification il s'agit d'un quartier excentré.

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Printemps tardif (Banshun)

Publié le par Rosalie210

Yazujiro Ozu (1949)

Printemps tardif (Banshun)


"Printemps tardif", mon film préféré de Yasujiro OZU, est considéré comme celui à partir duquel il a fixé son style définitif et ses thèmes de prédilection qu'il a ensuite décliné de film en film jusqu'à sa mort. Il s'agit d'un drame domestique, celui de la séparation entre un père et une fille qui vivaient jusque là dans une bulle d'harmonie, en parfaite osmose. Extrêmement subtil dans son approche, Yasujiro OZU ne juge pas, il donne à voir l'intériorité. Pas seulement celle des maisons avec sa caméra à hauteur des tatamis. Mais aussi celle des êtres. L'ami du père résume parfaitement le dilemme qui le tourmente à propos de sa fille "Si elle ne se marie pas tu as des soucis ; si elle se marie, tu as de la peine". Mieux que quiconque, Yasujiro OZU a filmé le syndrome du nid vide et les sentiments de perte et de deuil qui l'accompagnent. Mais mieux que quiconque, puisqu'il n'a jamais réussi à se séparer de sa mère, il connaît l'aspect mortifère de la peur du changement. Noriko rayonne de bonheur auprès de son père et refuse de le quitter. Néanmoins dire comme je l'ai lu très souvent qu'il s'agit d'un choix moderne me fait bien rire. Noriko est au contraire la jeune fille traditionnelle type, timide et dévouée au point de vouloir sacrifier sa vie pour servir son père, et ne surtout pas quitter le cocon familial dans lequel elle vit pour un inconnu qui l'effraye. Cette alliance incestuelle puisque la fille a pris la place de la mère disparue s'oppose aux intérêts de la société mais aussi au sens de la vie selon lequel on ne peut s'épanouir qu'en s'envolant et en prenant donc des risques. En la poussant au mariage, le père fait son devoir, pas seulement vis à vis de la pression sociale qui est très forte (Yasujiro OZU ne l'occulte pas au travers du personnage d'entremetteuse de la tante) mais également parce qu'il aime sa fille et qu'il sait qu'en la gardant auprès de lui, il l'empêche de devenir adulte. Si Noriko finit par se résigner à accepter un mariage arrangé, la seule voie alternative possible pour elle qui est si craintive, Yasujiro OZU montre que ce n'est plus la seule possibilité d'avenir pour les jeunes filles japonaises. L'amie de Noriko s'est mariée avec un homme qu'elle avait choisi elle-même, elle a divorcé et elle travaille. Une modernité imposée par la présence américaine dans le Japon d'après-guerre dont Ozu montre plusieurs fois les traces au travers des vêtements ou d'un panneau Coca-Cola. Il n'est pas innocent que père et fille fassent un pèlerinage à Kyoto, berceau du Japon traditionnel avant que Noriko ne saute le pas à Tokyo, symbole de modernité.

Ajoutons que si le film est dramatique, le stratagème du père pour faire partir sa fille et la réaction virulente de celle-ci a quelque chose de tragi-comique. Il faut voir les regards que celle-ci lance à son père et à la prétendue fiancée de celui-ci lors de la représentation du Nô auquel ils assistent. Comme elle l'avoue elle-même, l'idée qu'un homme plus âgé puisse se remarier (traduction: puisse avoir une sexualité) est pour elle quelque chose d'insupportable, quelque chose d'odieux, de dégoûtant et de déplaisant. Le choix du père nous paraît alors d'autant plus comme une mesure sanitaire d'urgence.

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