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L'Amour à mort

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1984)

L'Amour à mort

Il peut être dur d'entrer dans un film aussi austère et formaliste, janséniste diront certains, bergmanien diront d'autres plus justement car il est baigné de culture protestante. Mais quand on y arrive, on est largement récompensé tant derrière son apparente aridité, ce film est riche et puissant.

Dans une scène du film, Simon (Pierre ARDITI) qui parie avec Elisabeth (Sabine AZÉMA) à pile ou face lance une pièce de monnaie mais celle-ci reste suspendue dans les airs en tournoyant sur elle-même comme si le temps s'était arrêté. C'est une métaphore du film lui-même. Parce qu'il fonctionne de façon binaire et suspend le vol du temps. Au niveau du symbolisme des couleurs, le rouge de la passion et le noir funèbre dominent largement les débats. Mais surtout le film est construit sur une alternance de piles (des instants de "vie") et de faces (des plages musicales composées par Hans Werner HENZE sur fond d'écrans noirs parfois striés de blanc par les flocons de neige qui tombent) un peu comme les touches noires et blanches d'un piano. En dépit du montage particulièrement tranchant, il n'y a pas de rupture entre la vie et la mort mais un continuum, la musique étant conçue pour commencer à l'endroit exact où se termine la voix de l'acteur (tout comme le titre "L'Amour à mort" fonctionne comme un tout indissociable).

L'amour dont il est question dans le titre est en effet indissociable de la mort. Il s'agit de l'histoire d'une passion fusionnelle, cette forme d'idéal romantique mortifère à propos duquel Garance- ARLETTY dans "Les Enfants du Paradis" (1943) disait "c'est dans les livres qu'on aime comme ça, et dans les rêves, mais pas dans la vie !" Et pour cause puisque ce désir d'union absolue ne peut s'atteindre que dans la mort (dont la variante brève, la "petite mort" est montrée plusieurs fois)… ou par la sublimation de l'art qui arrache des fragments d'éternité au flux continuel de la vie. "L'Amour à mort" comporte une évidente dimension réflexive. Il met en scène deux types de relations amoureuses: l'Eros, la forme passionnelle, brève et violente de l'amour incarnée par Simon et Elisabeth et l'Agapé, la forme apaisée de l'amour au long cours incarnée par Judith et Jérôme les pasteurs protestants (Fanny ARDANT et André DUSSOLLIER). Ils permettent d'introduire également une dimension spirituelle où ces deux formes d'amour se retrouvent. Alors que Elisabeth n'a de foi qu'en son amour pour Simon qui la pousse à le rejoindre dans la mort, Judith et Jérôme ont la foi religieuse qui les motivent à répandre l'amour de Dieu autour d'eux dans le monde des vivants sans rien attendre en retour.

Réflexion très riche sur l'amour, la mort, l'art et la foi, "l'Amour à mort" comporte aussi une réflexion sur le temps. Ainsi Judith a connu avec Simon l'amour-passion qui l'a conduite au bord du suicide, une expérience propre à l'adolescence dont elle a fait le deuil pour devenir adulte. Simon lui n'a jamais dépassé le stade de l'adolescence (on pourrait même dire celui de la petite enfance où le désir d'union fusionnelle avec la mère est très fort, Garance dit d'ailleurs à Baptiste qu'il parle comme un enfant juste avant la citation que j'ai rappelée plus haut). C'est pourquoi il a échoué à ressentir l'amour Agapé avec son ex-femme et ses enfants et n'a eu aucun mal à les quitter lorsque lui a été donner l'occasion de replonger dans sa "drogue" avec Elisabeth. Sombre et torturé, Simon ressemble à un mort-vivant (Pierre ARDITI s'est d'ailleurs considérablement amaigri pour coller à la peau du personnage). C'est ainsi qu'il nous est présenté puisqu'il revient littéralement d'entre les morts après une attaque qui l'a fait basculer brièvement de l'autre côté (analogie frappante avec l'art qui a une dimension vampirique). Quant à Elisabeth, elle incarne le côté solaire de cette passion, sa foi l'illuminant de l'intérieur. C'est pourquoi Judith, contrairement à Jérôme qui a moins d'expérience personnelle se refuse à la juger et à condamner son geste. Et ce d'autant plus qu'elle considère le sacrifice de Jésus comme une forme de suicide, sa condamnation par l'Eglise n'étant qu'un moyen de contrôler les corps et les âmes des fidèles.

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L'Anguille (Unagi)

Publié le par Rosalie210

Shohei Imamura (1997)

L'Anguille (Unagi)

Méfiez-vous de l'eau qui dort et du feu qui couve. "L'Anguille" commence comme un "Psychose" (1960) made in Japan. Le héros, Takuro Yamashita (Kôji YAKUSHO) est un homme taciturne en surface mais dévoré de l'intérieur par la jalousie. Laquelle prend la forme d'une mystérieuse lettre écrite par une femme (son imagination?) qui lui souffle à l'oreille que son épouse si attentionnée en apparence pourrait bien s'éclater au lit avec un autre pendant qu'il s'adonne à son activité favorite: la pêche. Afin de vérifier, il retourne chez lui plus tôt que prévu et surprend sa femme avec son amant en pleine action. Une longue scène voyeuriste suivie, on s'en doute de quelques dizaines de coups de couteau bien sanguinolents (âmes sensibles, s'abstenir) assénés sans aucune émotion apparente, comme si Takuro était déconnecté de son corps. Cette acmé de violence se substitue en effet, on le comprend à l'impuissance sexuelle de Takuro, lequel va se livrer illico à la police et passe les huit années suivantes en prison.

Ce préalable établi, Shôhei IMAMURA s'intéresse, en employant un ton tragi-comique et contemplatif très réussi à la manière dont Takuro va tenter de se reconstruire. En tant qu'ancien taulard bénéficiant d'une liberté conditionnelle il est une sorte de paria sous surveillance. C'est donc dans un angle mort de la société japonaise qu'il va s'établir, une friche industrielle dans laquelle il retape un local désaffecté qu'il transforme en salon de coiffure, un métier qu'il a appris en prison. Solitaire et quasi-mutique, Takuro cherche bien plus dans ce lieu l'ascèse que la socialisation (il est d'ailleurs placé sous la responsabilité d'un bonze, cela ne s'invente pas). Néanmoins et presque malgré lui il se constitue un réseau de relations des plus zarbis: outre le bonze et son épouse, un charpentier, un jeune frimeur trimballant sa voiture de sport, un ancien co-détenu devenu éboueur, un étudiant obsédé par les OVNI et enfin Keiko (Misa Shimizu), une jeune femme qu'il a sauvé du suicide et qui est le portrait craché de son ancienne épouse.

Chacun de ces personnages symbolise une facette de lui-même. Le bonze et sa femme représentent son désir de rédemption et d'élévation. Le charpentier incarne son envie de se reconstruire et la voiture du frimeur, son fantasme de puissance sexuelle. L'éboueur incarne ses mauvais penchants et sa culpabilité. Enfin le fou d'OVNI est à l'image du pêcheur d'anguilles. Celle qui frétille dans l'aquarium de Takuro joue le même rôle de porte d'entrée sur l'inconnu que le monolithe de Stanley KUBRICK dans "2001, l odyssée de l espace (1968)". Sauf que cet inconnu n'est pas l'univers mais l'intériorité de Takuro. "Le moi n'est pas maître dans sa propre demeure" disait Freud. L'anguille, sa seule confidente, symbolise son inconscient et ses pulsions enfouies (dont sa sexualité refoulée). Le parcours de cette anguille est à l'image de celui de Takuro. Son espace vital est d'abord réduit à l'extrême, lui permettant juste de survivre. L'anguille obtient ensuite des espaces captifs de plus en plus spacieux avant de recouvrer sa liberté dans les eaux de la rivière.

Est-ce à dire que Takuro est sauvé? Bien que la fin du film soit ouverte, on peut constater une évolution dans sa relation avec Keiko. En dépit du fait qu'il l'a sauvée, il se refuse obstinément à ingérer la nourriture qu'elle lui prépare pour le remercier. Or la nourriture est un substitut de la sexualité. En refusant d'être nourri par elle, il la tient à distance en lui signifiant son refus d'avoir des relations sexuelles avec elle (répétant ainsi la relation avec son ex-femme qui lui préparait de bons petits plats mais lui préférait la/les refiler à d'autres). Cette peur? Empêchement? Impossibilité? est au cœur du problème. Or à la fin du film, dans la bagarre générale entre Takuro, ses amis, l'ex de Keiko et ses sbires, l'aquarium est brisé et l'anguille libérée. Et Takuro accepte le bento (panier-repas) de Keiko comme il a accepté de reconnaître son enfant (qui n'est pourtant pas de lui et pour cause!), répondant enfin à ses besoins les plus profonds.

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Une affaire de famille (Manbiki kazoku)

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2018)

Une affaire de famille (Manbiki kazoku)

Dans la culture japonaise, le bien et le mal n'existent pas de façon absolue (sans doute parce qu'il n'y a jamais eu de "Dieu le père" pour le leur dicter). Ce qui compte, c'est d'être en accord avec soi-même et de s'accomplir en choisissant son destin quelles qu'en soit les conséquences. Suivre sa voie avec sincérité, même si cela implique de transgresser une bonne demi-douzaine de lois est le fondement ancestral de cette morale que les occidentaux qualifient d'ailleurs et c'est révélateur de leur ethnocentrisme "d'amorale". Un terme lu dans la critique de Télérama sur "Une affaire de famille" mais aussi dans une autre critique à propos d'une autre Palme d'or japonaise, "L Anguille" (1997) de Shôhei IMAMURA. En dépit de l'occidentalisation du Japon tant juridique qu'économique depuis la révolution Meiji et encore plus depuis 1945, l'acculturation de la société est restée superficielle, surtout lorsqu'on interroge ses marges (ce que font les deux films).

La famille est le microcosme le plus pertinent pour étudier cette tension entre la loi (extérieure, désincarnée) et la morale (intérieure et incarnée). Censée incarner le pilier de la société dans le schéma patriarcal occidental selon lequel (Dieu) le père représente la loi, elle est ici joyeusement déconstruite selon les "critères" d'une morale de la voie intérieure. Ainsi la famille dépeinte par Hirokazu KORE-EDA vit en marge des règles économiques et sociales issues de l'Etat de droit et du capitalisme mais en harmonie avec ses propres règles intérieures. Aux yeux de la loi, ce sont des délinquants multirécidivistes et des asociaux mais eux n'en ont cure puisqu'ils sont heureux avec les règles qu'ils se sont inventés. Le vol est permis puisque ce qui se trouve dans les magasins n'appartient encore à personne, à condition que cela n'entraîne pas la faillite du magasin. Et ces rapines sont indispensables pour compléter les salaires des emplois précaires occupés par les parents. Un enfant livré à lui-même et maltraité que l'on recueille et qui choisit de rester n'est pas volé à sa famille biologique, il est sauvé d'un manque d'amour et d'attention. Les enfants qui vont à l'école sont uniquement ceux qui ne peuvent pas s'instruire à la maison. Et ce qui passe pour un recel de cadavre est à la fois une combine pour échapper au prix des obsèques et un moyen de ne pas se séparer. Les liens du sang et les états civils sont superbement ignorés. Les patronymes sont mouvants, les liens exacts entre les personnages sont volontairement embrouillés. Cela ne rend que plus limpides et magnifiques les scènes d'élans du coeur et du corps. Celle où Nobuyo la mère (Sakura ANDÔ) reconnaît sa fille en la petite Juri par la similitude de leurs cicatrices. Celle où elle la serre contre elle en lui expliquant que c'est ce que l'on fait quand on aime. Celle où la chaleur de l'été transfigure la pièce surchargée et exiguë qui les abrite et embrase le désir des parents. Celle enfin où le fils Shôta parvient à dire "papa" à Osamu (Lily FRANKY) qui court à perdre haleine derrière le bus qui l'emporte loin de lui. L'atomisation de cette famille par les agents de la loi a donc quelque chose d'un crime et les dernières images devraient être diffusées dans tous les services sociaux d'aide à l'enfance qui sacralisent les liens du sang et les règlements au lieu d'être à l'écoute de ce que l'enfant vit et ressent.

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La Sixième Face du Pentagone

Publié le par Rosalie210

Chris Marker et François Reichenbach (1968)

La Sixième Face du Pentagone

"Si les cinq faces du Pentagone te paraissent imprenables, attaque par la sixième" (proverbe zen). C'est par cet adage que s'ouvre le film documentaire de Chris MARKER consacré à la marche antimilitariste de Washington du 21 octobre 1967 contre la guerre du Vietnam, adage qui lui donne aussi son titre. Quelle est donc cette mystérieuse et invisible sixième face du Pentagone qui serait aussi son point faible?

Plusieurs réponses possibles:

- La désobéissance civile non-violente qui caractérise les agissements des manifestants: marche pacifique sur le Pentagone, sit-in, destruction par le feu de livrets militaires (ce qui pouvait valoir à leurs propriétaires cinq ans de prison). A plusieurs reprises, Chris MARKER montre le désarroi des soldats chargés de protéger le Pentagone face à cette marée humaine désarmée qu'ils ne savent pas gérer autrement que par la répression violente. On entend d'ailleurs un manifestant dire à un soldat "et tu as peur, mon gros". Chris MARKER insiste également sur la diversité des manifestants majoritairement composés d'étudiants dont les idées vont de "Gandhi à Fidel Castro" mais qui comprend aussi des apolitiques et des néo-nazis pro-guerre venus faire leur propagande ("Gazez les viets", "Tuez tous les cocos" etc.)

- Le quatrième pouvoir, celui des journalistes américains comme étrangers laissés en roue libre. On ne le mesure pas toujours mais la guerre du Vietnam a été médiatisée sans le filtre du contrôle étatique sur les images qui étaient produites et retransmises à la télévision (qui était alors le principal media d'information des américains). Par conséquent les médias ont enregistré et retransmis tout ce qu'ils voyaient, tout ce à quoi ils assistaient, sans être mis à l'écart ou repoussés hors du champ des événements, sans que leur matériel soit confisqué et sans que la censure ne s'abatte sur leur travail. Ils ont pu ainsi rendre compte de la la montée des contestations aux USA parallèlement à l'enlisement du conflit et à l'incapacité du gouvernement à trouver une issue. Ils ont également fait connaître à l'opinion publique la réalité du terrain au Vietnam, exactions américaines comprises. La comparaison avec la première guerre du Golfe où les seules images qui ont filtré dans les médias étaient les "frappes chirurgicales" au service de la propagande de la "guerre propre" avec "zéro morts" montre que depuis, l'Etat a verrouillé la communication en temps de guerre.

-Enfin Chris MARKER ne se contente pas d'enregistrer ce qu'il voit de la manière la plus réaliste et la plus prenante possible pour en conserver la mémoire. En tant qu'antimilitariste convaincu, il prend parti pour les contestataires et fait de son film un manifeste de résistance à l'oppression illustré par les saisissantes photographies de Marc Riboud montrant une jeune fille donnant une fleur à la rangée de soldats qui pointent leurs fusils sur elle et plusieurs slogans tels que "Si vous donnez tous les pouvoirs aux militaires pour vous défendre, qui vous défendra des militaires?"

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Munich

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2005)

Munich

Et si le 11 septembre avait commencé par la sanglante prise d’otages aux jeux olympiques de Munich le 5 septembre 1972 ? Choix d’un événement hautement symbolique et mondialement médiatisé, agissements d’une cellule terroriste de l'organisation Septembre noir, grosses failles dans le dispositif de sécurité permettant la facile infiltration du village olympique par le commando et surtout, mise en œuvre par l’Etat agressé (Israël) de la traque et de l’assassinat des commanditaires de la prise d’otages et de leurs complices sur plusieurs années voire décennies. Car c’est cela qui forme l’essentiel de la réflexion de Steven SPIELBERG : l’engrenage infernal de la violence. Renvoyant dos à dos israéliens et palestiniens en entremêlant les noms des athlètes assassinés et ceux du commando et en les faisant dialoguer à leur insu, il s’attache à raconter le parcours meurtrier d’un petit groupe d’agents de l’opération de représailles israélienne « Colère de Dieu » au caractère international affirmé : leur chef, Avner, un sabra israélien (Eric BANA), Steve un ancien soldat australien (Daniel CRAIG), Hans, un antiquaire (Hans ZISCHLER), Robert un fabricant belge de jouets et de bombes (Mathieu KASSOVITZ) et Carl, un irlandais (Ciarán HINDS). A chaque nouveau meurtre, les membres du groupe perdent un peu plus leur intégrité physique, morale et psychologique comme s’il s’agissait d’une autodestruction programmée. Tout d'abord parce qu'ils sont confrontés à des ennemis dont Steven SPIELBERG restitue la dimension humaine et vulnérable. Ensuite parce qu'il montre également l’importance des dommages collatéraux de cette violence aveugle. Ainsi le deuxième meurtre est construit sur un suspens autour de la petite fille de l’homme à abattre qui décroche le téléphone piégé à la place de son père. Le troisième meurtre dévaste un hôtel entier, mutile des innocents et manque tuer Avner lui-même. Ils s’interrogent d’autant plus sur la légitimité de leurs actions que l’Etat pour lequel ils travaillent joue un double jeu. Il interdit la peine de mort tout en commanditant des exécutions à des groupes qu’il ne reconnaît pas officiellement. Avner a ainsi dû démissionner du Mossad et doit prétendre agir pour son seul compte. Il n’est guère étonnant dans ces conditions que celui-ci développe une paranoïa aigue contre ses propres commanditaires et qu’il refuse de leur livrer les noms des mystérieux indicateurs français, Louis et Papa (joués par Mathieu AMALRIC et Michael LONSDALE que l’on retrouvera deux ans plus tard dans « La Question humaine") (2007) qui lui ont permis de localiser les cachettes des hommes à abattre et les moyens de les neutraliser. Ce clan mafieux tout droit sorti du film « Le Parrain (1972) » en dépit de ses ambiguïtés est le seul re(père) d’Avner en raison de son caractère familial souligné par le caractère sacré de la cuisine et du repas pris en commun. Un partage fraternel et réitéré par l'envoi de produits du terroir qu'Avner ne parviendra pas à obtenir d'Ephraim (Geoffrey RUSH) l'agent "non incarné" du Mossad.

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Astérix: le secret de la potion magique

Publié le par Rosalie210

Alexandre Astier et Louis Clichy (2018)

Astérix: le secret de la potion magique

Après les adaptations live Canal + ("Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre" (2001)) et british-revu-et-corrigée par l'accent français ("Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté" (2011)) voici venu le temps des adaptations "Kaamelott" (2004), la série qui a révélé au grand public le talent de Alexandre ASTIER. Après avoir co-réalisé et scénarisé un premier film d'animation des aventures du petit gaulois "Astérix : Le Domaine des Dieux" (2014), il récidive avec une suite, "La potion magique" et c'est plutôt une réussite. Contrairement aux précédents films, le scénario n'est pas à proprement parler une adaptation mais une histoire originale qui s'inspire de plusieurs albums tels que "Le Devin", "La Serpe d'or" ou encore "Le Tour de Gaule d'Astérix". Celui-ci n'a cependant rien de transcendant et se base sur une trame plutôt convenue avec la quête à travers la Gaule d'un jeune druide qui pourrait devenir le digne héritier de Panoramix, lequel ne se sent plus capable de faire le job après s'être cassé le pied en tombant d'un arbre. Sulfurix, un "vilain pas beau" qui rêve de connaître la recette de la potion magique s'en mêle ainsi que les romains, trop contents d'assiéger le village vidé de ses hommes et très rapidement de ses réserves de potion. Evidemment, comme dans les albums, les méchants sont neutralisés et cela se termine autour d'un plantureux banquet.

Cependant quand on y regarde d'un peu plus près, l'épisode n'est finalement pas si classique que ça. D'abord parce que les gags sont bien pensés. L'itinéraire à travers la Gaule est le prétexte à un festival de références ultra contemporaines. Les postulants druides s'appellent Selfix, Climatosceptix, les Quatre Fantastix ou encore les Fratellinix. Mais Alexandre ASTIER ne dédaigne pas ses classiques avec un druide tout droit sorti de la Bible et qui multiplie les petits pains. Quant au combat final, les fans des séries sentai et de leur avatars US, les Power Rangers adoreront le choc Sulfurix XXL versus Méga (ou Mécha) légionnaire romain fabriqué à partir de plusieurs formations tortue. Et puis surtout la fin n'est pas si convenue qu'elle le paraît. Car sans que cela ne soit surligné dans le scénario, la seule personne à qui finalement Panoramix confie le secret de la recette de la potion magique (c'est à dire désigne comme son successeur) c'est Pectine. Or Pectine est une petite fille même si elle se comporte en garçon manqué. La forêt des Cornutes (un avatar du mont Athos?) où se réunissent les druides est interdite aux femmes? Ce n'est pas grave puisqu'elle brûle au cours du film et on a envie de dire, bon débarras!

A noter que comme Roger Carel a pris sa retraite en 2014 c'est un autre habitué du personnage, Christian Clavier qui double Astérix.

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Le Spéculateur en grains (A Corner in Weath)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1909)

Le Spéculateur en grains (A Corner in Weath)

Un court-métrage de D.W. GRIFFITH de 1909 qui prouve si besoin était que la prédation capitaliste et les problèmes qu'elle engendre ne date pas d'aujourd'hui. A l'aide du montage alterné qui est sa signature, D.W. GRIFFITH créé une œuvre typiquement populiste où les élites (les riches capitalistes) sont désignés comme étant les affameurs du peuple. En réalité c'est moins le capitalisme qui est visé que ses dérives sauvages au début du XX° siècle, celles qui reviennent en force avec la globalisation dérégulée aujourd'hui. Le "roi du blé" et sa clique financière s'enrichissent en spéculant sur le prix des grains (sans avoir l'intention de les acheter pour autant) jusqu'à obtention du monopole sur le marché du blé. Par conséquent le prix du pain flambe sous l'effet de cette fausse demande spéculative. Le drame est que les gens du peuple ne peuvent plus en acheter et les paysans qui ne peuvent plus vendre sont par conséquent ruinés. Ils réduisent leur production ce qui entraîne une pénurie enrayant les œuvres de secours populaire. Et lorsque la population tente de se révolter, on lui envoie les forces de l'ordre pour la réprimer. C'est donc l'économie réelle et le système social qui s'effondrent pour le profit d'un tout petit nombre complètement déconnectés d'une réalité qu'ils détruisent. Le fait que le roi du blé finisse englouti dans le silo comme s'il subissait un châtiment divin ne change rien à l'affaire car le problème émane d'un système et non d'un individu.

Cette critique que l'on peut trouver manichéenne mais qui au vu de l'actualité s'avère d'une troublante pertinence se combine avec la beauté des images composées comme des tableaux vivants (une autre caractéristique de D.W. GRIFFITH). Celles de la paysannerie font penser indéniablement aux oeuvres picturales de Millet telles que "le Semeur".

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Pulsions (Dressed to kill)

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1980)

Pulsions (Dressed to kill)

C'est un film que j'ai découvert par fragments à l'occasion de conférences sur d'autres films qui lui sont intimement lié, "Blow Out" (1981) et "Psychose" (1960). "Blow Out (1981)", le film suivant de Brian De PALMA s'ouvre sur une scène identique à celle qui clôt "Pulsions". Un slasher s'approche des fenêtres d'une résidence puis y pénètre pour poignarder/taillader/égorger sa proie, une jeune femme nue en train de prendre sa douche. La scène est tournée en caméra subjective ce qui renvoie au caractère un peu bis du film matriciel de "Pulsions" et de "Blow Out" (1981) (et du genre slasher tout entier): "Psychose" (1960). Sans être un remake plan par plan comme le "Psycho" (1998) de Gus Van SANT, "Pulsions" est une relecture très fidèle au film de Alfred HITCHCOCK et à ses thèmes sous-jacents ici époque oblige mis au premier plan. Kate Miller (Angie DICKINSON) est la jumelle de Marion Crane. Comme elle, son apparence de femme domestiquée cache un volcan de désirs sexuels inassouvis qui la poussent à partir vers l'inconnu en transgressant la loi et la morale. Cette errance physique et psychique a comme retour de bâton un très fort sentiment de culpabilité matérialisé par le flic qui contrôle Marion sur la route et la petite fille aux yeux accusateurs qui fixe Kate dans l'ascenseur sans parler du fait qu'elle découvre que l'homme qui l'a satisfaite sexuellement est atteint d'une MST. Autre point commun, les deux femmes se confient intimement à un homme à l'apparence inoffensive (mais dont elles devraient davantage se méfier ^^). Puis arrive la scène de meurtre qui efface le personnage central du paysage au bout du premier tiers du film. Dans un cas comme dans l'autre, le meurtre a lieu dans un espace confiné à connotation érotique (l'ascenseur étant un substitut de la cabine de douche), le couteau et le rasoir étant des substituts phalliques d'hommes schizophrènes dont la personnalité féminine castratrice et dominatrice punit la libido masculine à chaque fois qu'elle se manifeste. La suite prend la forme dans les deux cas d'une enquête menée par la police et deux tiers (amant et sœur dans un cas, témoin et fils dans l'autre) avec force explications jusqu'à la résolution finale où forcé dans ses retranchements, le tueur se démasque travesti, couteau/rasoir à la main. Enfin "Pulsions" comme son modèle est une mise en abyme de la pulsion scopique, les nombreux voyeurs du film renvoyant au spectateur.

Néanmoins, tout en étant fidèle au matériau d'origine Brian De PALMA joue beaucoup plus sur le dédoublement et la démultiplication. Les reflets, les split-screens, les jeux d'échos ternaires (par exemple la douche, reprise trois fois si l'on inclut la scène d'ascenseur ou la femme blonde en imperméable, tantôt meurtrière, tantôt victime, tantôt flic) sont nombreux, mettant en lumière la personnalité fragmentée des principaux protagonistes. Le réalisateur ajoute également une très importante dimension onirique au film puisque une partie des scènes retranscrivent les fantasmes des personnages. La scène la plus admirable à cet égard est celle du musée, très largement inspirée d'un autre film de Alfred HITCHCOCK, "Vertigo" (1958). Brian De PALMA retranscrit le vertige du désir avec des travellings en steady-cam labyrinthiques où les tableaux et les visiteurs renvoient au désir sexuel de Kate, lequel s'incarne dans un bel inconnu pour qui elle laisse tomber un gant (métaphore sexuelle) avant qu'ils ne s'amusent à se perdre (préliminaires) et à se retrouver jusqu'au premier véritable orgasme de Kate dans le taxi. Enfin, le maniérisme du réalisateur se combine avec ses propres obsessions intimes, "Pulsions" n'étant pas en dépit des apparences un exercice de style. Le personnage de Peter (Keith GORDON) renvoie en effet (encore un reflet!) à Brian De PALMA lui-même lorsqu'il était adolescent. Il avait été en effet commandité par sa mère pour enquêter sur son propre père qu’elle soupçonnait d’infidélité à l'aide de ses talents de bidouilleur informatique. Avec les outils d'espionnage adéquat, il avait alors suivi son père à la trace jusqu'à le coincer avec sa maîtresse.

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L'Incroyable destin de Harold Crick (Stranger Than Fiction)

Publié le par Rosalie210

Marc Forster (2006)

L'Incroyable destin de Harold Crick (Stranger Than Fiction)

Le début de "L'incroyable destin de Harold Crick" est mordant et intriguant. Nous suivons un personnage dont l'existence réglée comme du papier à musique est anti-romanesque au possible. Harold est une sorte de mécanique humaine qui a chargé sa montre de vivre à sa place ce qui donne au film son magnifique incipit: "Harold Crick était féru de nombres infinis, de calculs sans fin, et étonnamment avare de mots, et sa montre-bracelet était encore moins loquace. Chaque jour ouvrable depuis douze ans, Harold brossait chacune de ses trente-deux dents soixante-seize fois, trente-huit fois de gauche à droite, trente-huit fois de bas en haut. Chaque jour ouvrable depuis douze ans, Harold faisait un nœud demi-windsor à sa cravate et non un double, gagnant ainsi jusqu'à quarante-trois secondes. Sa montre-bracelet trouvait que le demi-windsor lui grossissait le cou, mais elle ne pipait mot. Chaque jour ouvrable depuis douze ans, Harold faisait environ cinquante-sept pas de course par bloc sur six blocs, attrapant de justesse le bus de 8h17, terminus Kronecker. Sa montre-bracelet se délectait de l'air tonique qui lui balayait le cadran."

Voilà une ouverture diablement littéraire pour une histoire aussi peu romanesque. C'est qu'en réalité, le film est construit sur une mise en abyme. Harold Crick (Will FERRELL) est le personnage d'un roman qu'est en train d'écrire Karen Eiffel (Emma THOMPSON). Sauf que l'espèce de non-vie dans laquelle s'est enfermé Harold Crick depuis 12 ans est une forme de dépression qui reflète celle de Karen Eiffel qui n'a plus rien écrit depuis une décennie. S'ensuit le moment où Harold comprend qu'il est le jouet d'un deus ex machina qui a pour particularité de faire mourir tous ses personnages à la fin de ses romans. Mais Harold a un tempérament de clown blanc qui s'ignore (le personnage, pas l'acteur qui avait déjà officié dans le film de Woody ALLEN "Melinda et Melinda" en 2005 qui reposait lui aussi sur des versions différentes d'une même histoire) et le fait d'apprendre sa mort prochaine va paradoxalement l'aider à retrouver son libre-arbitre. Un bulldozer défonce son appartement (le carcan dans lequel il s'est enfermé) et un contrôle fiscal le met aux prises avec une pétillante pâtissière anarchiste (Maggie GYLLENHAAL) qui réveille ses papilles et son désir tandis qu'il redécouvre sa fibre artistique.

L'originalité du scénario, quelques bonnes idées de mise en scène et l'interprétation font le sel de ce film qui comporte cependant des scories avec quelques personnages inutiles (la secrétaire de Karen jouée par Queen LATIFAH et le professeur de littérature Jules Hilbert interprété par Dustin HOFFMAN) ainsi que des partis pris dans lesquels le réalisateur s'emmêle les pinceaux (entre le je de Harold et le il de la narratrice dont la voix et la présence ne sont qu'intermittentes) et qui donnent une impression de confusion. Enfin la fin est quelque peu convenue.

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Duel

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (1971)

Duel

Le premier film de Steven SPIELBERG est entré dans l'histoire et ce n'est pas un hasard. Avec des ingrédients basiques: un camion, une voiture, une route, Spielberg réussit à nous tenir en haleine et même à flirter avec le fantastique et la métaphysique rien que par son talent à manier l'outil cinématographique. Et bien qu'en apparence extrêmement simple, "Duel" s'avère être d'une extrême richesse.

Il y a d'abord le scénario de Richard Matheson, auteur de "Je suis une légende" et "L'homme qui rétrécit". Des récits où l'horreur surgit du quotidien et menace d'anéantissement un individu isolé dont les efforts pour rester humain s'avèrent dérisoirement vains. C'est exactement le sort qui attend David Mann (man signifiant homme). Alors qu'il est sur la route, il croise un camion ou plutôt un monstre carnassier (ce sont les "Les Dents de la mer" (1975)" avant l'heure ou plutôt les dents de la route) qui le prend en chasse dans un duel à mort au cœur d'un environnement hostile. Pas seulement parce que la course-poursuite se déroule dans le désert mais parce que David ne trouve aucun secours auprès des rares humains qu'il croise.

L'atmosphère du film est en effet très proche des films de SF des années cinquante, transposée à la télévision dans la décennie suivante (n'oublions pas que "Duel" était à l'origine un téléfilm). Des films marqués par la crainte du "péril rouge" lié à la guerre froide. Je pense en particulier au film de Don SIEGEL, "L'Invasion des profanateurs de sépultures" (1956) notamment quand David (Dennis WEAVER) tente d'arrêter des automobilistes mais que ceux-ci fuient, effrayés. Les êtres que croise David paraissent d'autant plus lâches, indifférents ou hostiles que la vision de ce dernier est déformée par sa paranoïa. Une double paranoïa d'ailleurs car l'expérience d'isolement de David au sein d'une société hostile est aussi celle du peuple juif en tant que minorité persécutée. Comme le conducteur du camion reste invisible, il n'est personne c'est à dire tout le monde. A moins qu'il ne soit un mutant, la machine ayant absorbé l'homme dont les seules parties du corps discernables sont un bras et deux jambes. L'incapacité de David à l'identifier est un élément majeur du basculement du film dans la "La Quatrième dimension" (1959) une série que Richard Matheson a contribué à scénariser.

Une autre référence fondamentale du film est le thriller hitchcockien. "La Mort aux trousses" (1959) évidemment avec son quidam sans histoires embarqué malgré lui dans une machination qui le dépasse. Lui aussi doit se mesurer dans un duel à mort dans un lieu désertique avec un avion dont le pilote est tout aussi invisible que le conducteur du camion du film de Steven SPIELBERG. La scène où le camion attaque la cabine téléphonique où s'est réfugié David fait quant à elle penser au film "Les Oiseaux" (1962). Enfin celle où le camion attaque sa voiture pour la pousser sur les rails au passage d'un train rappelle les coups de couteau répétés de la scène de douche de "Psychose" (1960) alors que la musique prend des accents herrmannien.

Car ce que raconte "Duel" relève de la pulsion (très) primaire du combat de coqs, la route étant une arène particulièrement propice au déchaînement de testostérone. Il n'est pas exact de dire que le camion attaque David sans raison. Il l'attaque parce qu'il l'a doublé. Cet acte est perçu par le camion comme une offense à sa virilité, l'équivalent du gant jeté même si de la part de David c'est totalement involontaire. Il marque le début du duel qui ne peut se terminer que par la mort de l'un des protagonistes dans un cadre qui rappelle le western. Le déséquilibre des forces en présence est une allusion au combat de David et de Goliath. Le camion-Goliath n'a d'autre but que de soumettre David c'est à dire de le forcer à accélérer quand il est devant et de le ralentir quand il est derrière. Il l'humilie encore davantage dans la scène où il pousse le bus scolaire alors que David a échoué (manière de souligner sa puissance face à l'impuissance présumée de David, lequel est caractérisé comme un homme faible qui ne parvient pas à incarner sa fonction sociale de chef de famille). L'assimilation de David au monde féminin est frappante dans le plan où celui-ci se retrouve enfermé dans le cercle d'un couvercle de machine à laver avec le symbole de masculinité du camion en arrière-plan. Quant à l'assaut répété du camion sur la voiture au bord des rails, il ressemble de façon troublante à un viol (la dévoration étant un substitut de cet acte). La victoire biblique finale de David par la ruse et à l'arraché n'en est que plus forte.

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