Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Rocky

Publié le par Rosalie210

John G. Avildsen (1976)

Rocky


"Rocky" sorti en 1976 est le reflet de son auteur: un film fauché, tourné dans des conditions précaires sur un prolétaire galérant depuis des années dans la boxe/le cinéma qui à force de persévérance finit par accrocher un bout du rêve américain. Car l'histoire d'Apollo Creed (Carl WEATHERS), ce champion confirmé qui décide de donner sa chance à un inconnu c'est Sylvester STALLONE écumant les studios pour leur faire accepter l'histoire qu'il vient d'écrire et les convaincre de lui confier le rôle principal qui le sortira d'années de vaches maigres.

Sylvester STALLONE a écrit le scénario de "Rocky" après avoir assisté au match de boxe entre Mohammed Ali et Chuck Wepner: "Chuck Wepner était un boxeur honnête et courageux qui n'avait jusque-là jamais vraiment fait parler de lui, et ce combat n'était pas tellement pris au sérieux. Contre toute attente, Wepner s'accrochait, et lorsque Mohammed Ali est tombé le public est devenu fou. Quand le dernier round est arrivé, Wepner ne saignait même pas. En tenant jusqu'au quinzième round, il entrait dans le club très fermé des boxeurs qui ont réussi à tenir la distance avec Mohammed Ali. Je suis sûr que, pour lui, c'est ce qui a compté le plus dans ce combat. Voilà que toutes ces années passées à s'entraîner prenaient soudain un sens. Quoi qu'il arrive, il pourrait garder la tête haute jusqu'à la fin de ses jours. Je venais d'être le témoin du triomphe de la volonté et j'en étais totalement bouleversé."

En dépit de sa success story (magnifiée par la musique devenue culte de Bill CONTI), L'univers que décrit "Rocky" est âpre. Le film saisit sur le vif la vie d'un quartier défavorisé de Philadelphie, un quasi-taudis où règnent la débrouille et la précarité. Cette tonalité puissante de réalisme urbain qui s'en dégage est liée au choix effectué par le chef opérateur de tourner en steadycam, un outil révolutionnaire à l'époque. Attachée au corps du technicien, cette caméra légère est dotée d'une suspension qui limite les chocs et mouvements ce qui permet une grande mobilité de filmage et notamment de longs travellings fluides. Beaucoup de plans ont été tournés à la sauvette sans autorisation ni permis avec un équipement réduit ce qui renforce encore le caractère naturaliste des scènes filmées.

En dépit des conditions de vie difficiles que l'on devine à l'aspect miteux des appartements, la saleté des rues, les bandes qui traînent la nuit, l'aspect mal fagoté des personnages, leur air de chien battu "Rocky" est aussi un film tendre envers ces oubliés du rêve américain. Rocky se définit lui-même comme un simple d'esprit dont on se moque (dans et hors du film) lorsqu'il appelle sa bien-aimée Adrian (Talia SHIRE, la sœur de Francis Ford COPPOLA qui s'était illustrée auparavant dans la saga du "Parrain") en public. Mais Adrian qualifiée par ceux pour qui travaillent Rocky "d'attardée" (et requalifiée par lui de "timide") est encore plus méprisée que lui si possible. Son frère Paulie (Burt YOUNG) qui travaille dans un entrepôt frigorifique et l'entraîneur de la salle locale Mickey (Burgess MEREDITH) complètent le tableau. Rocky ne s'entraîne pas pour gagner mais pour prouver sa valeur et restaurer sa dignité et par là même, celle du milieu dont il est issu.

Voir les commentaires

Chien enragé (Nora Inu)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1949)

Chien enragé (Nora Inu)

Akira KUROSAWA est surtout connu en France pour ses fresques médiévales. Mais il est aussi un grand réalisateur de polars. "Chien enragé" réalisé en 1949 fait partie de cette mouvance. Le film très proche du documentaire nous immerge dans l'atmosphère du Tokyo d'après-guerre, certains passages faisant penser à "Allemagne, année zéro (1947)". Un Tokyo schizophrène à l'image d'une identité japonaise désormais scindée entre tradition et modernité.

D'un côté, Akira KUROSAWA filme les signes de l'acculturation occidentale liée à la défaite et à l'occupation: le match de baseball, les appartements meublés à l'américaine, les bars qui diffusent les adaptations japonaises de chansons françaises. Le film lui-même adopte les codes du film noir américain (commissariat, lieux interlopes, tenues vestimentaires typiques, clairs-obscurs etc.) et du néoréalisme italien tout en s'inspirant d'un auteur français, Georges Simenon et de son fameux commissaire Maigret (rebaptisé Sato pour l'occasion et joué par Takashi SHIMURA).

Mais derrière ce vernis d'occidentalisation et de modernité, ce que filme Akira KUROSAWA, ce sont les vibrations particulières que dégage une ville, Tokyo plongée dans le chaos et la canicule. Kurosawa filme des corps en sueur, accablés par la chaleur moite qui transforme Tokyo en hammam à ciel ouvert, ralentit leurs mouvements, les attire vers les bas-fonds où se déroule l'essentiel de l'intrigue. Il montre les stigmates de la guerre, la faim et l'insécurité qui gangrènent les possibilités de reconstruction. Le Tokyo qu'il filme, à rebours de l'image que nous avons du Japon d'aujourd'hui est en proie à la délinquance et à la criminalité. la misère, la prostitution et les trafics en tous genre y règnent.

C'est dans ce substrat historique très riche que se déroule une histoire qui ne l'est pas moins. En effet, à l'image du Tokyo d'après-guerre, à l'image du film lui-même, le héros Murakami (Toshirô MIFUNE) est un homme coupé en deux qui enquête inlassablement pour retrouver sa part d'ombre avec laquelle il fusionne dans un dénouement d'anthologie. Deux sorts attendent en effet les vétérans plongés dans l'anomie ambiante: devenir flic ou devenir voyou. Une seule arme et deux usages. Murakami a choisi la police mais il se fait voler son arme par un double de lui-même, Yusa (Isao KIMURA) qui l'utilise pour voler et tuer. La traque de l'ombre devient une quête de vérité qui se termine dans la boue mais dans un champ en plein soleil, illustrant la fusion des deux facettes contradictoires du Japon.

Voir les commentaires

Le Parrain troisième partie (The Godfather: Part III)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1990)

Le Parrain troisième partie (The Godfather: Part III)

"Juste quand je m'en croyais sorti, ils m'y ramènent": ce cri du cœur de Michael Corleone qui n'arrive pas à se défaire de son passé mafieux est aussi celui de Francis Ford COPPOLA, contraint par les studios à tourner un troisième volet de sa saga culte, plus de quinze ans après le "Parrain II". Qu'à cela ne tienne, Coppola relève haut la main le défi et réussit à donner une cohérence d'ensemble à son œuvre que ce soit sur la forme ou dans le fond.

"Le Parrain III", injustement sous-estimé parce qu'écrasé par l'aura des deux premiers volets est pourtant un film admirable. D'abord par la maestria de sa mise en scène opératique. On retrouve les leimotiv de la saga notamment la cérémonie d'ouverture et la grande purge du dénouement magnifiés par le montage alterné dans le cadre du Vatican et de l'opéra qui mettent en abyme l'histoire tragique des Corleone. Il y a quelque chose d'un "Don Giovanni" dans ce volet grave et crépusculaire à ceci près que Michael cherche le pardon mais ne parvient pas à s'amender. Ensuite Francis Ford COPPOLA injecte beaucoup de lui-même dans son film qui est le plus intimiste des trois. Son double à l'écran c'est Michael Corleone que les remords liés à son terrible passé de criminel fratricide rongent à petit feu jusqu'à mettre à nu sa fragilité d'être humain. Car la souffrance le réanime et l'on voit dans ce volet quelques scènes très puissantes où il extériorise enfin l'étendue de sa douleur et montre qu'il peut aimer (Al PACINO est juste hallucinant, profondément shakespearien). Mais c'est trop tard, il doit boire la coupe jusqu'à la lie et contempler jusqu'au bout le désastre de sa vie. A l'origine, il devait mourir (le premier titre du film était d'ailleurs explicite "La mort de Michael Corleone"). Mais c'est un sort bien pire qui l'attend, à la hauteur des crimes qu'il a commis. Il est condamné à vivre pour souffrir et voir ceux qu'il aime mourir. Prisonnier d'un système pervers dont il ne parvient pas à s'extraire, il est condamné à répéter les mêmes erreurs. En voulant garder sa fille Mary (Sofia COPPOLA la propre fille du réalisateur) auprès de lui, il la condamne. Néanmoins, l'anéantissement n'est pas complet car son fils Antony (Franc D AMBROSIO) s'en sort en suivant l'exemple de Kay (Diane KEATON), c'est à dire en restant à distance et en se construisant une vie étanche de celle de son père. En donnant à son fils l'autorisation qu'il s'était refusée à lui-même lorsqu'il était jeune, Michael réussit au moins à le sauver lui. Le dénouement sur les marches de l'opéra démontre que la famille Corleone est désormais scindée en deux groupes: celui des mafieux sans états d'âme dont la relève est assurée par le fils illégitime de Sonny, Vincent Mancini (Andy GARCIA que je ne trouve pas terrible) et celui des gens honnêtes mais lucides, incarnés par Kay et Antony. Michael et Mary, coincés dans un entre-deux ambivalent (d'où provient toute la richesse de leur personnage même si Sofia COPPOLA n'a pas le talent pour le mettre en valeur) sont condamnés à disparaître.

Voir les commentaires

La Luna

Publié le par Rosalie210

Enrico Casarosa (2011)

La Luna

Ce court-métrage onirique (comme l'indique son titre) s'inspire directement de l'enfance du réalisateur. Mais si la musique rappelle l'Italie, pays d'origine d'Enrico Casarosa et qu'il avoue s'être inspiré d'une nouvelle d'Italo Calvino "La distance de la lune", l'influence majeure vient de Hayao MIYAZAKI, particulièrement "Le Château dans le ciel (1986)" et "Porco Rosso (1992)" (qui se déroule dans l'Adriatique). En effet on retrouve l'élément maritime mais surtout aérien, la lune faisant office de territoire volant.

Le père et le grand-père de l'histoire chargés de déblayer les étoiles qui s'écrasent sur la lune s'inspirent également du design des films de Hayao MIYAZAKI. Moralement, ils se rapprochent de ceux du réalisateur. Dans son enfance, ils vivaient tous les trois sous le même toit mais ne s'entendaient pas et ne se parlaient pas, prenant leur fils et petit-fils en otage comme dans toute bonne querelle familiale qui se respecte. Celui-ci les renvoient dos à dos car ils se ressemblent dans leur volonté d'imposer leur vision des choses à leur fils/petit-fils. Leur caractère obtus est souligné par leur pilosité et leur couvre-chef qui cache leurs yeux et leurs bouches (il était même question de la supprimer en totalité au départ). Leurs outils sont d'ailleurs formatés à leur image. L'enfant au contraire a les yeux grands ouverts car il doit découvrir sa propre façon de voir les choses et sa place dans ce monde sans se laisser influencer par les adultes qui l'entourent. C'est ainsi que le monde peut avancer.

Voir les commentaires

Le Parrain deuxième partie (The Godfather: Part II)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1974)

Le Parrain deuxième partie (The Godfather: Part II)
Le Parrain deuxième partie (The Godfather: Part II)

De nombreuses scènes du "Parrain II" renvoient en écho à celle du premier volet: l'ouverture avec le montage alterné d'une fête en plein air et des tractations en coulisses, celui qui mêle fête religieuse et préparatifs d'un meurtre, la tentative d'assassinat du Parrain, les scènes d'hôpital, les meurtres en cascade. Cette similarité n'est pas fortuite car Michael Corleone (Al PACINO) qui a pris en main la destinée de la Famille tente de se hisser au niveau de son père. Mais il échoue et le film nous explique pourquoi.

Le film est en effet construit sur deux temporalités différentes et deux trajectoires: celle de la jeunesse de Vito (Robert De NIRO) dans les années vingt et celle de Michael son fils dans les années cinquante. La comparaison est éclairante. L'histoire du jeune Vito, lumineuse, est celle de l'ascension sociale d'un petit immigré sicilien qui parvient à réussir aux USA. Certes il n'y parvient pas par des voies légales mais c'est parce qu'il ne peut pas faire autrement. Il est aussi montré comme une personnalité chaleureuse, capable de tisser des liens filiaux, amicaux et communautaires puissants. Et sa motivation est limpide, il veut venger ses parents et son frère, tués en Sicile par le mafieux local. A l'inverse, l'histoire de Michael, funèbre, est celle d'une lente autodestruction. En apparence, tout lui a réussi: il cumule entre ses mains le pouvoir et la richesse et règne d'une main de maître sur son empire. Mais en réalité, la situation menace de lui échapper: il doit frayer avec des milieux qui le rejettent (les industriels israéliens, les sénateurs américains) et il est inquiété par une commission parlementaire qui veut faire toute la lumière sur ses agissements. Retranché dans sa forteresse et de plus en plus coupé des siens, Michael devient paranoïaque et s'enferme dans un silence seulement rompu par des accès de fureur incontrôlables par lesquels il détruit les fondements amicaux et familiaux de son père. Les anciens amis sont assassinés les uns après les autres, la veuve de Vito décède, Kay le quitte et le climax est atteint lorsqu'il fait assassiner son propre frère, Fredo (John CAZALE) devenant ainsi un être maudit. Mais le vers n'était-il pas dans le fruit dès le début? La dernière scène qui se déroule pendant la guerre (avant le "Parrain I" donc) nous montre que Michael était déjà isolé dans la famille et ne parvenait pas à y trouver sa place.

Dès le premier volet du "Parrain", on était saisi par les transformations du visage de Al PACINO. Ce second volet poursuit sa monstrueuse métamorphose. D'écran vierge complètement lisse au début de l'histoire, on assiste à son vieillissement prématuré. Ses traits se se boursouflent, se creusent, perdent leurs couleurs, tremblent de fureur, se figent en une posture hiératique inquiétante. On a aucun mal à croire que 15 ans ont passé (alors qu'entre le "Parrain I" et le "Parrain 2" il ne s'est écoulé que deux ans). Il en va de même pour Kay (Diane KEATON) qui en perdant son innocence (ou son aveuglement?) semble avoir également pris un terrible coup de vieux. Sa décision radicale de rompre les liens avec les Corleone se fait par le seul point ou elle ait le pouvoir d'anéantir le mal que Michael porte en lui: en le privant d'un héritier. La vengeance de celui-ci n'en sera que plus terrible.

Enfin ce volet est également remarquable de par son ancrage historique très fouillé que ce soit à l'époque de Vito avec la reconstitution de l'arrivée des migrants à Ellis Island et le quartier de little Italy ou à celle de Michael avec la révolution cubaine de 1959 (le renversement du dictateur Batista par Fidel Castro). Il faut rajouter que ces événements ne sont pas dépeints en toile de fond mais qu'ils sont intégrés à l'histoire.

Voir les commentaires

Le Parrain (The Godfather)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1972)

Le Parrain (The Godfather)

Le "Parrain" a des accents de tragédie grecque, celle où les personnages sont victimes d'une fatalité qui les dépasse. La scène d'exposition, d'une durée de vingt-trois minutes nous présente les personnages et les enjeux de façon magistrale. Le côté lumineux avec la grande réunion de famille à l'occasion du mariage de Connie (Talia SHIRE), la fille du Parrain Don Vito Corleone (Marlon BRANDO) et le côté sombre avec en montage alterné, le ballet des obligés qui défile dans le bureau du patriarche. Les deux dimensions s'entremêlent jusqu'à former un écheveau inextricable. Dans une autre scène admirable située vers la fin du film, on assiste en parallèle au baptême du fils de Connie dont le frère cadet Michael (Al PACINO) est le parrain et au massacre des chefs rivaux de la pègre commandité par lui-même en tant que nouveau "Parrain" qui condamne le père du bébé, rallié à eux, à subir le même sort. Chez les Corleone la justice se confond avec la vengeance, l'amitié avec la sujétion, les liens familiaux avec l'exigence de loyauté. Michael le fils cadet, préservé du monde de la pègre par son père qui espère pour lui une carrière plus respectable (mais le film démontre que la mafia arrose toutes les institutions "respectables", du journalisme à la police en passant par les juges et les politiques et que la différence entre ces milieux d'influence est très ténue) finit lorsque son père est abattu par révéler sa nature profondément sicilienne derrière sa façade d'américain acculturé. C'est le passage du retour aux racines, bercé par la lumière méditerranéenne et la musique de Nino ROTA. Il se dépouille alors de sa personnalité propre ("C'est ma famille Kay, ce n'est pas moi" est un écho à ce leitmotiv "ce sont les affaires, il n'y a rien de personnel") pour endosser le costume de son père diminué dont il est le seul à avoir l'étoffe. Tout l'art de Coppola est de nous entraîner au-delà de la condamnation morale, dans un système où l'individu se sacrifie et sacrifie les autres pour respecter un code d'honneur qui tient lieu de fatum. Prendre ses responsabilités, restaurer l'honneur bafoué de la famille, venger son père et restaurer son autorité mise à mal par les trahisons et les dissensions l'entraîne dans une spirale d'inhumanité dont les liens familiaux sont les premiers à faire les frais. Il n'y a plus ni frère, ni gendre à partir du moment où ils ont pris parti contre la Famille. Dans un tel système, il n'y a pas non plus de place pour les femmes, sinon celle de reproductrices. Elles sont tenues à l'écart des "affaires", trompées et manipulées. Le Parrain est un homme seul. Là est sa plus grande tragédie.

Voir les commentaires

A propos de Nice

Publié le par Rosalie210

Jean Vigo (1930)

A propos de Nice

"A propos de Nice" est le premier film tourné par Jean Vigo peu après sa rencontre avec le chef opérateur Boris Kaufman, frère du cinéaste russe Dziga Vertov, le théoricien de la caméra-œil. Il s'agit par conséquent moins d'un documentaire sur la ville de Nice qu'un "point de vue documenté" iconoclaste. La personnalité cinématographique de Vigo nous explose à la figure dès ce premier film au caractère expérimental affirmé (ralentis, plans tarabiscotés, jump-cuts etc.) Un bouillonnement créatif au service de ses thèmes de prédilection. D'une part la chair, qu'elle soit dénudée (Vigo est un cinéaste de la peau) ou en mouvement (les ralentis en contre-plongée sur les jeunes filles qui dansent juchées sur les chars du carnaval sont particulièrement fascinants). De l'autre les inégalités sociales criantes opposant les quartiers populaires du vieux Nice et la promenade des anglais bourgeoise filmées avec beaucoup de crudité. Le film est muet mais il est accompagné par l'accordéoniste Marc Perrone.

Voir les commentaires

Taxi Driver

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1976)

Taxi Driver

Avant la toute dernière séquence du film, on peut penser que "Taxi Driver" nous offre juste le point de vue d'un homme malade. Dépressif, insomniaque, solitaire, misanthrope, Travis Bickle (composition magistrale de Robert De NIRO dont le regard fou et hanté poursuit le spectateur bien après la projection)vit retranché dans son appartement sordide ou dans son taxi avec lequel il parcourt les bas-fonds de New-York la nuit sur une bande-son jazzy envoûtante signée du génial Bernard HERRMANN, compositeur favori de Alfred HITCHCOCK (Un score testamentaire puisqu'il disparaîtra avant l'achèvement du film). Les scènes de déchéance qu'il contemple renvoient à sa propre déchéance. Le dégoût que cette société lui inspire renvoie au dégoût qu'il a de lui-même. Travis est un homme désintégré de l'intérieur et enfermé en lui-même qui cherche désespérément à exister, à être reconnu, à trouver une place. Un baril de poudre qui ne s'extériorise qu'en tête à tête avec lui-même ("You're talking to me?") et qui finit par exploser lors d'une séquence sanglante qui fit date mais aussi polémique à l'époque.

Mais Travis n'est pas seulement intéressant en lui-même, il l'est aussi par ce qu'il représente et ce qu'il révèle de la société américaine. Entre lui et les autres il y a des vitres d'incommunicabilité et nul espoir. Les nantis rejettent ce paumé inculte qui se complaît dans sa fange alors même qu'il vomit la "racaille" qu'il transporte d'un lieu glauque à un autre avec souvent des relents racistes, l'afro-américain concentrant tout son dégoût. A l'inverse, la jeune femme blonde représente une promesse de salut, alors qu'elle est froide et inaccessible (Betsy, jouée par Cybill SHEPHERD) ou déchue elle aussi (Iris, jouée par Jodie FOSTER qui n'avait alors que douze ans). Cette représentation manichéenne du bien et du mal émane des tréfonds de l'Amérique puritaine religieuse et esclavagiste dont "Naissance d une Nation (1915) est le parfait exemple.

Cependant c'est la scène finale, profondément ironique qui est la plus troublante de par l'accueil que la société américaine réserve aux actes de Travis. Non seulement il n'est pas condamné pour les meurtres qu'il a commis mais il est célébré comme un super-héros (car de ses graves blessures, il ne conserve que quelques égratignures). Le film change alors de sens: c'est la société américaine qui est malade et Travis n'en est que le symptôme. En 1975, la guerre du Vietnam venait de se terminer et laissait sur le carreau de nombreux vétérans à jamais traumatisés. Travis qui a été Marine en fait partie. Le film est une analyse quasi-clinique de cet état de rage, d'hébétude et d'isolement qui non pris en charge peut dériver jusqu'à la folie. Il est aussi une critique de la manipulation des masses ignorantes par les hommes politiques, lesquels camouflent sous le "We, the people" et la défense de la nation la recherche de leurs intérêts personnels. Si Travis s'improvise justicier, c'est autant par besoin d'exister et d'agir que par désespoir vis à vis de l'action politique. Le sénateur Palantine (Leonard HARRIS) candidat à la présidentielle est d'ailleurs sa première cible.

Voir les commentaires

La natation selon Jean Taris

Publié le par Rosalie210

Jean Vigo (1931)

La natation selon Jean Taris

Jean Vigo transfigurait tout ce qu'il touchait, rendant sensuel et poétique les films de commande qui en étaient a priori les plus éloignés. "Taris, roi de l'eau" (également connu sous le titre "La natation selon Jean Taris") est son second film. Il devait à l'origine être le premier volet d'une série sur le sport qui devait être diffusée en première partie de séance mais il resta finalement à l'état de prototype sans suite, le commanditaire (Gaumont) ayant entre temps changé de politique au profit des actualités. Vigo ne put réaliser son second projet autour du tennisman Henri Cocher alors classé premier joueur mondial.

Le principal intérêt de ce court-métrage documentaire mettant en scène le champion de natation français Jean Taris réside donc dans cette transfiguration d'un entraînement en piscine accompagné d'explications pédagogiques sur les techniques de nage en ode au corps. Un corps d'athlète que Vigo filme dans toute sa force, sa souplesse et sa sensualité, se déployant comme un félin et évoluant sur et sous l'eau comme un poisson. Vigo déploie tout son savoir-faire en innovant sur le plan formel et technique: gros plans sous l'eau (grâce aux hublots dont la piscine de la rue de l'Elysée était équipée), ralentis, marche arrière, surimpressions, travail sur les sons et les bruitages, science du montage. Le résultat est hypnotique.

Voir les commentaires

L'Atalante

Publié le par Rosalie210

Jean Vigo (1934)

L'Atalante

"L'Atalante" comme "Zéro de conduite (1933)" sont des fulgurances poétiques puissamment charnelles et trempées du sceau de la révolte contre toutes les institutions bourgeoises. Un cinéma dérangeant qui fut censuré ou défiguré dès sa création avant d'être redécouvert après-guerre par les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague. Jean VIGO a eu une influence déterminante sur François TRUFFAUT et le style des "Les Quatre cents coups (1959)" lui doit beaucoup. Il fallut toutefois attendre 1990 pour que "l'Atalante" soit restaurée dans un état proche de ce que voulait Jean VIGO grâce à la découverte miraculeuse d'une copie du film datant d'avant les remaniements imposés par les distributeurs.

Le scénario de "L'Atalante" n'avait au départ rien de sulfureux. Il s'agissait d'une oeuvre de commande par laquelle le producteur espérait offrir à Jean VIGO une seconde chance (après le sulfureux "Zéro de conduite") de faire reconnaître son talent auprès des professionnels du cinéma. Mais Vigo transforma le matériau convenu en quelque chose de profondément vivant et par là même, effrayant.

Effrayant est le mot qui convient de par les abîmes que Vigo fait découvrir au spectateur qu'ils soient de sensualité ou de noirceur, souvent à l'aide d'images poétiques flirtant avec le fantastique. Juliette (Dita PARLO) n'a jamais quitté son village mais rêve d'aventures et d'exotisme (comme les spectateurs qui allaient au cinéma pour s'évader de leur quotidien difficile alors que la crise des années trente frappait la France). Elle se marie donc avec Jean, un batelier (Jean DASTÉ) et embarque à bord de "L'Atalante", une péniche qui parcourt le réseau de la Seine. Le déchirement d'avec sa communauté d'origine est admirablement rendu, que ce soit au cours de la procession (qui ressemble plus à une veillée mortuaire qu'à une cérémonie de mariage) ou de l'embarquement (la noce verticale qui reste "plantée" à terre et s'oppose en tous points à la mariée qui parcourt la péniche à l'horizontale telle un fantôme). Mais cette vie est en réalité un nouvel enfermement lié au labeur de son mari mais encore plus, à sa jalousie. Déçue, elle se tourne d'abord vers l'extravagant père Jules (Michel SIMON) et son aura d'exotisme puis tombe sous le charme d'un camelot (Gilles MARGARITIS) qui lui fait miroiter les délices de la vie parisienne. Là encore, cela ne s'avère être qu'un mirage derrière lequel se cache la violence et la misère d'une société aliénée.

En même temps qu'il développe une critique sociale virulente, Jean VIGO célèbre en parallèle les joies de la chair avec tout autant de puissance. Car ce qui a été censuré en premier lieu, ce sont toutes les scènes jugées (à juste titre d'ailleurs) trop sensuelles et osées. Le père Jules est un personnage sulfureux dont la collection d'objets exotiques en tous genre comprend des portraits de femmes nues parfois dessinées à même la peau mais aussi des mains conservées dans le formol. La mise en scène suggère très bien son pouvoir de séduction sur Juliette par le rapprochement de leurs corps (notamment sur un lit) et l'exhibition des tatouages de ce dernier. Autres moments troubles, celui où Jean et Juliette qui se sont séparés rêvent l'un à l'autre dans leur lit en se livrant à des gestes autoérotiques (rien ne suscite plus le désir que le manque!) et celui où Jean plonge tout au fond de l'eau pour y retrouver l'image de sa bien-aimée accomplissant ainsi un rite de passage qui le fait basculer vers cet ailleurs dont rêve Juliette, celui du désir et non celui de la loi.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3