"1001 pattes" est le deuxième long-métrage des studios Pixar. Après le succès du premier "Toy Story", allaient-ils transformer l'essai? Oui, d'autant plus que l'équipe fourmillait (c'est le cas de le dire) d'idées, toutes réalisées depuis: mettre en scène les peurs enfantines ("Monstres & Cie"), un univers marin ("Le monde de Nemo"), un robot seul sur une terre dévastée (Wall-E) et donc un univers d'insectes inspiré de la fable de La Fontaine "La cigale et la fourmi".
Beaucoup moins connu que son prédécesseur, "1001 pattes" mérite d'être redécouvert, ne serait-ce que pour mesurer tout ce qui sépare les studios Pixar des autres:
- L'excellence technique. Les progrès sont visibles à l'œil nu entre "Toy Story" et "1001 pattes". Même si certains détails du paysage (les feuilles et le sol) font encore un peu toc, la texture des personnages est très travaillée, les mouvements de foule parfaitement rendus, l'intérieur de la fourmilière magnifique et les atmosphères variées (brume, orage) donnent lieu à des scènes spectaculaires aux limites du fantastique. Et ce d'autant plus que le jeu sur les échelles atteint un stade virtuose (des gouttes d'eau ou des fissures dans le sol deviennent des masses écrasantes ou des crevasses à hauteur de fourmi mais en format cinémascope!)
- Des personnages attachants et originaux. Pas les fourmis qui offrent un éventail de caractères très classiques mais les 7 samouraïs/mercenaires/clowns (ratés) du cirque qui sont plus décalés les uns que les autres. Heimlich, la chenille obèse à l'accent allemand et Marcel, la coccinelle mâle à l'apparence femelle et à l'instinct maternel (doublé de surcroît en VF par Patrick Poivey, la voix de Bruce Willis) sont mes préférés! A cette joyeuse troupe il faut rajouter les sauterelles dont le chef (le Borgne) est réussi dans le genre tyran cruel et le frère (Plouc!) d'une bêtise tordante.
- Une histoire non seulement efficace mais qui a du sens. Le plan que le Borgne expose aux sauterelles est un véritable petit traité sur "l'art d'exploiter son prochain". Il montre que leur domination est basée sur la méconnaissance que les fourmis ont de leur force. Si une d'entre elle en prend conscience et le communique aux autres, les sauterelles perdent leur source de richesse. Car ce sont les sauterelles qui exploitent les fourmis mais elles en sont dépendantes. Il faut donc les manipuler pour en tirer le maximum de bénéfice tout en veillant à ce qu'elles ne puissent pas s'unir et se rebeller. Par ailleurs la société des fourmis soumise et formatée met bien en valeur le non-conformiste rebelle (Tilt) qui va tordre le cou de la pensée unique et au final libérer sa colonie de l'exploitation dont elle fait l'objet.
- Des détails qui font la différence comme le bêtisier du générique de fin qui fait office de mise en abyme hilarante.
Il fallait bien tout cela pour triompher (aussi bien sur le plan critique que public) du concurrent Dreamworks dont le film sorti un mois avant "Fourmiz" présentait d'évidentes similitudes avec "1001 pattes". Mais en surface seulement tant l'état d'esprit des deux studios et de leurs leaders est à l'opposé l'un de l'autre (l'un fourmi rebelle et l'autre sauterelle opportuniste).
Présenté en première partie de "Là-Haut" et aujourd'hui disponible dans les bonus du DVD, "Passages nuageux" en est le complément idéal. Il s'agit avant tout d'un hommage à "Dumbo", le film préféré de John Lasseter. On voit en effet tout comme dans le film de Disney des cigognes apporter des bébés à leurs propriétaires. Et comme dans "Dumbo" il y a un vilain petit canard. Sauf qu'il ne s'agit pas seulement du bébé, il s'agit aussi de celui qui le fabrique! Car la belle idée de Peter Sohn (réalisateur et scénariste) est de montrer d'où viennent les bébés: directement des nuages! Ceux-ci sont anthropomorphisés et confectionnent de leurs mains (et avec un peu de magie produite par la foudre) toutes sortes de bébés plus mignons les uns que les autres. Sauf dans le cas de Gus: lui ne fabrique que des monstres. Au grand dam de sa cigogne attitrée, Peck qui en subit les conséquences. Le duo Peck et Gus de par sa complicité et sa complémentarité rappelle d'autant plus Bob et Sully de "Monstres & Cie" que l'idée de la fabrique imaginaire est commune aux deux films. On peut également penser à une version aérienne du "Monde de Nemo" où le partenariat entre le poisson-clown et l'anémone de mer est remplacé par celui de la cigogne et du nuage.
Mêlant humour, poésie et émotion, "Passages nuageux" est un petit bijou. Un de plus dans la longue liste des réussites du studio et le meilleur antidote à la laideur (visuelle et morale) d'un "Baby Boss".
"La compagnie d'assurance permanente Crimson" a été réalisé au moment où Terry Gilliam écrivait "Brazil". Il s'agissait pour lui de tester une version miniature de sa "bombe filmique" prévue pour exploser en 1985. Le court-métrage devint le prologue du "Sens de la vie", dernier film des Monty Pythons sans vraiment s'y intégrer tant il jurait aussi bien par son esprit que par sa forme avec le reste du film. Même si la pirouette finale parfaitement absurde était bien dans le ton des Pythons.
On retrouve dans ce court-métrage tout ce qui fait le génie de "Brazil" en version condensée: le bouillonnement d'idées, les fulgurances visuelles, la haine de l'oppression bureaucratique, la nécessité de la révolte, l'ode au rêve et à la liberté de l'esprit humain. Sauf qu'ici, comédie oblige, les victimes l'emportent sur les bourreaux dans un festival aussi grotesque que jouissif où la métaphore navale joue à plein.
Seule la dimension cathartique du cinéma permet en effet à de vieux employés de bureau traités en galériens d'envoyer dans le décor les doigts dans le nez de jeunes loups de la finance en pleine possession de leurs moyens. Mieux encore, ils le font en retrouvant leur âme d'enfant. L'art du détournement d'objets atteint ici des sommets: les pales du ventilateur deviennent des sabres, les perroquets des portemanteaux des grappins, les piques-papiers et les tampons des poignards, les tables de bureaux des passerelles, les rangements deviennent des canons et le plus beau de tout, le bâtiment qui abrite l'assurance se transforme en bateau-pirate prêt à lever l'ancre pour partir à l'abordage de la haute finance internationale. Gilliam utilise des procédés qu'il reprendra à l'identique pour "Brazil" à savoir des maquettes et des trompe-l'oeil combinés avec des prises de vue qui en jettent.
On peut quand même déplorer que la seule femme dans ce mondes de vieux loups de mer aux prises avec des requins soit cantonnée au rôle de la théière sur pattes. Heureusement Gilliam se rattrapera avec "Brazil" et les films suivants en créant des personnages féminins d'une autre trempe.
"Là-haut" possède une introduction si exceptionnelle qu'elle ternit le reste du film, beaucoup plus classique. En quelques minutes, on voit défiler 40 ans de la vie d'un couple aimant mais qui n'a pu s'accomplir pleinement. Carl et Ellie n'ont pas pu avoir d'enfant et les aléas de la vie les ont empêché à plusieurs reprises de faire des économies pour leur projet de grand voyage en Amérique du sud. Lorsque Carl parvient enfin à acheter les billets, c'est trop tard pour Ellie. Alors plutôt que de se laisser enfermer en maison de retraite et de voir les promoteurs détruire la maison où il a tous ses souvenirs, Carl décide de l'emporter jusqu'aux chutes du Paradis à l'aide de milliers de ballons gonflés à l'hélium. Une sorte de "mission suicide" pour "rejoindre sa femme au ciel" selon Peter Docter, le réalisateur du film (également réalisateur de "Monstres et Compagnie" et "Vice Versa").
Et voilà comment en quelques minutes, le spectateur se prend une grosse claque de la part d'un studio qui sait parler de la fuite du temps, de la perte, du deuil et de la mémoire mieux que personne. A cela s'ajoute une poésie visuelle digne du court-métrage que Terry Gilliam a réalisé pour "Le Sens de la vie", "The Crimson Permanent Assurance" où de vieux employés maltraités par les jeunes loups de la finance transformaient leur immeuble de bureaux en bateau pirate.
Malheureusement, la suite du film est plus conventionnelle. On se retrouve devant un récit d'aventures un peu trop balisé avec des animaux à protéger d'un méchant (le héros de jeunesse de Carl qui doit affronter une grosse désillusion) et un petit scout rondouillard en mal de père qui cherche à se faire adopter. C'est pour lui que Carl renonce à la mort (il abandonne la maison dans son désert du bout du monde) et retourne à la civilisation. Cette intrigue un peu téléphonée était sans doute un compromis nécessaire pour faire accepter un héros aussi atypique dans le cinéma d'animation.
"Les avions sont des rêves magnifiques et maudits à la fois". Tout est dit dans cette citation de la profonde ambivalence qui habite Miyazaki, pacifiste convaincu et néanmoins passionné d'aviation y compris militaire. Ambivalence à la fois terrible et précieuse. Elle nous a donné ces œuvres si belles et si nuancées que sont "Nausicaa de la vallée du vent", "Le château dans le ciel", "Princesse Mononoké" et bien sûr "Le Vent se lève" qui aurait tout aussi bien pu s'intituler "Guerre et amour" ou encore "Menace et élan" selon le sens (mort ou vie) dans lequel souffle le vent. Le titre s'inspire d'une citation de Paul Valéry extraite du cimetière marin qui porte en elle cette ambivalence "Le vent se lève, il faut tenter de vivre".
"Le Vent se lève", oeuvre testamentaire (même si depuis Miyazaki est revenu sur sa décision: une contradiction de plus!) est aussi sans nul doute l'une de ses œuvres les plus personnelles. Comment ne pas le reconnaître à travers le destin de Jiro qui comme lui a dû renoncer à son rêve de devenir pilote en raison de sa mauvaise vue? D'autre part le père de Hayao Miyazaki dirigeait une entreprise au service de l'armée impériale et sa mère était tuberculeuse (comme le raconte "Mon voisin Totoro.") Or Miyazaki fusionne dans "La Vent se lève" deux destins, celui de Jiro Horikoshi, inventeur du chasseur Mitsubishi A6M Zero, fleuron de l'armée nippone durant la guerre et celui de Tatsuho Hori qui dans son autobiographie a décrit sa relation avec son épouse malade de la tuberculose. Dans le film, le sacrifice du grand amour de Jiro est le prix à payer pour son génie créateur et destructeur à la fois. On pense plus d'une fois à "Porco Rosso", tant les points communs entre les deux films sautent au yeux: le modèle de Jiro est un concepteur d'avions italien, Giovanni Caproni, la fiancée joue un rôle rédempteur et Miyazaki avait représenté Jiro dans un court manga doté d'une tête de cochon (de fasciste) comme son Marco Pago!
"Le Vent se lève" est nettement moins familial que les autres films de Miyazaki car beaucoup plus réaliste. Le film est en effet ancré dans des événements historiques précis: le tremblement de terre du Kanto en 1923, la crise de 1929, la montée des totalitarismes, la seconde guerre mondiale. Les séquences oniriques soulignent à quel point il est facile de dévoyer les intentions les plus pures pour les mettre au service des pires desseins.
La peur du monstre nocturne caché dans le placard ou sous le lit est une terreur enfantine universelle dont se nourrit Monstropolis pour s'alimenter en énergie. Mais dans le monde coloré de Pixar, ce sont moins les enfants qui ont peur des monstres que les monstres qui ont peur des enfants! Un renversement de situation particulièrement amusant. Mais le film, absolument génial, est bien plus que ça. Il parle avec beaucoup de tendresse de l'apprivoisement mutuel d'une petite fille surnommée "Bouh" et de Sully, "Terreur d'élite" à la fourrure soyeuse (un régal pour les yeux et un prodige technique de la firme) qu'elle appelle "Minou". Leur lien quasi-filial bouleverse l'ordre établi. Sully s'affranchit du rôle que la société veut lui faire jouer alors que son inséparable comparse, Bob, le petit cyclope vert malin mais chétif trouve sa place en découvrant que l'énergie comique est 10 fois plus puissante que celle de la peur.
"Monstres et Cie" est sans doute le film le plus chaplinesque des studios Pixar. On pense au "Kid" évidemment d'autant que "Bouh" est un personnage de pantomime qui ne s'exprime que par onomatopées. Mais le film est également proche des "Temps modernes". L'usine à cris qui emploie Sully et Bob menace de broyer Bouh dans ses engrenages et tous trois se retrouvent pris à la fin dans un roller coaster qui n'est autre qu'un rail de chaîne de montage!
Et puis il y a le symbole omniprésent de la porte qui est profondément ambivalent. Elle représente l'interface entre le monde des chambres d'enfant et celui de l'usine des monstres, la peur de l'inconnu mais aussi la nécessité de protéger son intimité face aux intrusions indésirables. La scène des toilettes est d'autant plus significative que Bouh est une petite fille. Celles-ci ont plus de difficultés que les garçons à se protéger pour se soulager dans l'espace public ce qui explique qu'elles sont beaucoup plus sujettes qu'eux aux infections urinaires.
Le film (qui n'est que le quatrième long-métrage de la firme) est bourré de clins d'œil aux œuvres passées mais aussi à venir. Dans la chambre de Bouh, on distingue le ballon de "Luxo Jr.", Jessie de "Toy Story 2" mais aussi Nemo, le poisson-clown qui succèdera à Bob et Sulli. Lorsqu'ils passent à travers les portes, on reconnaît le Mont Fuji et la tour Eiffel, allusion à l'amour que l'équipe Pixar porte au Japon et à la France, les deux autres géants de l'animation mondiale. On pense également à l'univers de "Ratatouille".
A l'origine, ce court-métrage devait être la dernière séquence de "Monstres et Cie." Mais elle fut coupée au montage et transformée en un irrésistible petit court-métrage burlesque. La qualité technique est identique au film (et pour cause) et au niveau du contenu, ce court se suffit très bien à lui-même. La voiture high-tech tout-terrain sert de catalyseur comique. En 4 minutes, Bob et Sulli expérimentent à peu près toutes les galères possibles et imaginables lié à cet engin dernier cri. On peut y lire en filigrane une critique de la bagnole XXL destinée à se la péter. On comprend en se bidonnant pourquoi les villes américaines sont sillonnées d'énormes engins tout-terrain bourrés d'électronique!
A noter qu'il s'agit du premier court-métrage des studios Pixar tiré de l'un de leurs long-métrages (mais pas le dernier!) C'est également leur premier court-métrage avec des dialogues. En VO, Bob s'appelle Mike ce qui explique le titre aux USA et au Québec.
"Pride" s'inscrit dans la veine des comédies sociales britanniques ("The Full Monty", "Les Virtuoses", "Billy Elliot") et apporte une nouvelle pièce à l'édifice. Une pièce maîtresse.
Le film s'inspire de faits réels: le rapprochement en 1984 a priori improbable entre un village de mineurs en grève et un petit groupe de LGTB londoniens, à l'initiative de leur leader, Mark Ashton (Ben Schnetzer). Ce dernier collecte de l'argent et fonde la LGSM ("Lesbian and Gay Support the Miners"). Il rencontre à Londres Dai (Paddy Considine), le délégué syndical d'Onllwyn, localité du sud du pays de Galles qui les invite en retour dans son village. Le choc des cultures fournit le carburant comique avec des moments hilarants comme la descente des mémères du village complètement déchaînées dans les night clubs gays ou à l'inverse les cours de danse que Jonathan (Dominic West) donne aux jeunes mineurs gallois pour faire tomber les filles.
Mais le film marque aussi les esprits par son réalisme et la profondeur avec laquelle il parvient à décrire les personnages. Joe (un des rares personnages fictifs du film joué par George MacKay) qui découvre son homosexualité en se cachant de ses parents, Jonathan qui est l'un des premiers séropositifs diagnostiqués ou Gethin (Andrew Scott) le gérant d'origine galloise de la librairie gay qui sert de QG à LGSM sont très attachants. Quant à Mark Ashton, il est un peu l'ancêtre de Sean, le héros de "120 battements par minute" en ce sens qu'il se jette corps et âme dans la lutte et vit à 100 à l'heure parce qu'il se sait condamné.
Mais à l'inverse de "120bpm" l'initiative de Mark à une époque où l'homophobie était très virulente et le sida, un mal incurable permet à son groupe (et au film) de sortir du ghetto et d'aller prendre l'air. Par conséquent ce n'est pas la colère qui domine le film mais la fraternité. Les deux communautés ont beau être différentes culturellement, socialement et géographiquement elles ont en commun leur sentiment d'humiliation face au pouvoir et au reste de la société. C'est pourquoi leur soutien mutuel va leur permettre de retrouver leur fierté ("Pride" en VO) et bien plus encore, d'ouvrir des perspectives d'avenir. Du côté des mineurs, le film met en avant le parcours de Sian James (jouée par Jessica Gunning). Mariée à un mineur à 16 ans, elle a déjà deux enfants à 20 ans quand éclate la grève. Ses responsabilités dans le comité de grève et la dureté du conflit la politisent. Elle passe ensuite son bac et fait des études universitaires. En 2005, elle est élue députée de la circonscription de Swansea pour le Parti travailliste. Le film montre l'importance de ses échanges avec les LGSM dans son affirmation politique. A l'inverse , le soutien du syndicat des mineurs s'avère décisif dans l'inscription de la reconnaissance de droits LGBT au sein du programme du Parti travailliste.
Alors je rejoins la critique de Nicolas Bardot pour le site "FilmDeculte", "On ne fait pas de bons films qu'avec de bons sentiments, mais le cœur gros comme ça de Pride pèse dans la balance". Même si le film n'occulte pas le rejet dont les LGSM sont victimes de la part d'esprits obtus, les campagnes de dénigrement de leur front commun avec les mineurs (dont ils récupèrent le slogan "Pits and Pervers" à leur avantage) ou l'échec du mouvement de grève.
J'adore Emma Thompson et "Mary Poppins", donc j'avais un a-priori favorable sur ce film qui s'avère néanmoins inégal. Il est en effet entièrement construit sur le principe d'un montage alterné entre présent (la difficile genèse du film "Mary Poppins") et passé (la reconstitution de l'enfance de Pamela L. Travers, l'auteure du roman).
Les scènes du présent sont de loin les plus intéressantes car elles reposent sur l'affrontement de deux personnalités que tout oppose, celle de la psycho-rigide et névrosée Pamela L. Travers (magistralement interprétée par Emma Thompson) et celui du diplomate et roublard Walt Disney (joué de façon convaincante par Tom Hanks). Le réalisateur ne prenant parti ni pour ni pour l'autre, on se régale devant ce choc des cultures. D'un côté, l'austère et revêche anglaise d'adoption qui prend tout le monde de haut et veut tout contrôler. De l'autre, l'équipe hollywoodienne chevronnée dont le sourire commercial est à peine entamé par les remarques constamment désobligeantes de P.L. Travers et ses refus réitérés d'à peu près tout ce qui fait l'ADN du film (les acteurs, les chansons, les séquences animées).
Les scènes du passé en revanche sont maladroites. On voit bien où le réalisateur veut en venir: montrer que Mary Poppins est une créature inventée par Pamela Travers pour réparer sa famille fracassée par l'alcoolisme et la mort du père ainsi que la dépression de la mère (le titre du film en VO est "Saving M. Banks"). Il s'agit de comprendre pourquoi P.L. Travers a tant de mal à digérer l'irruption de l'entertainment dans une oeuvre qui relève de l'autothérapie. Cependant, toute cette partie est assez mièvre. Le réalisateur épouse le regard idéalisé que l'auteure porte à son père. Parfois on frise le ridicule (le papa et sa fi-fille en extase qui galopent dans le soleil couchant). Enfin, c'est beaucoup trop long. Et ce d'autant plus que seul cet aspect de la personnalité de Travers est exploré alors qu'il y en avait bien d'autres que le film passe sous silence.
"Les Escargots" est le premier vrai dessin animé de René Laloux. Il se contentait de superviser "Les dents du singe" conçu et exécuté par des malades mentaux et "Les Temps morts" était surtout un mélange d'images documentaires et de dessins fixes.
Par bien des aspects, "Les Escargots" est le précurseur de "La planète sauvage", son premier long-métrage. C'est d'ailleurs le succès public et critique du premier, couronné de plusieurs prix, qui a rendu le second possible. "Les Escargots" est aussi sa deuxième collaboration avec Roland Topor, une collaboration qui se poursuivra avec "La planète sauvage", d'où la parenté de ces deux oeuvres.
On trouve ainsi dans "Les Escargots" le même renversement d'échelles que dans "La planète sauvage." Face aux escargots géants et carnivores tout droit sortis du cinéma fantastique des années 50, l'homme est réduit à l'état d'insecte obligé de fuir le redoutable prédateur pour ne pas se faire gober. On retrouve également le même contexte, celui de la guerre froide qui inspire des scénarios catastrophes plus apocalyptiques les uns que les autres. Les Escargots ne détruisent pas que les hommes mais également leur civilisation. Enfin la chute donne un ton philosophique à l'ensemble car visiblement la leçon n'a pas été retenue et l'homme est prêt à recommencer les mêmes erreurs.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.