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Mon ami le voisin (Just Neighbors)

Publié le par Rosalie210

Harold Lloyd et Frank Terry (1919)

Mon ami le voisin  (Just Neighbors)

Court-métrage d'une dizaine de minutes assez inégal.

A son crédit, des scènes d'action pleine de dynamisme et beaucoup d'inventivité dans les péripéties. Les animaux (chien voleur, perroquet rapporteur, poules-terriers) sont particulièrement bien utilisés. On peut également ajouter des éléments sociologiques intéressants sur les USA de la fin des années 10. Lloyd et son voisin sont des banlieusards qui tous les jours prennent le train pour aller travailler. Le début du film a quelque chose du "struggle for life" qui rappelle (en version comique) "Une vie de chien" de Chaplin, film qui lui est contemporain.

Néanmoins et c'est son principal défaut, le film n'a aucun fil conducteur hormis les querelles de voisinage. L'ensemble est assez décousu et ressemble plus à une suite de petites scènes indépendantes les unes des autres plutôt qu'à un vrai film.

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Feux croisés (Two-Gun Gussie)

Publié le par Rosalie210

Alfred J. Goulding (1918)

Feux croisés (Two-Gun Gussie)

Court-métrage d'une dizaine de minutes dont l'effet comique principal repose sur le contraste entre Harold Lloyd, jeune homme d'apparence frêle et bien élevé et le milieu de rustres dans lequel il se produit. D'un côté la bourgeoisie urbaine de la côte est, de l'autre le Far West, ses saloons minables et ses hors-la-loi. Les efforts méritoires d'Harold pour "s'encanailler" (ou plutôt se mettre à la hauteur du dangereux bandit qui a échangé son identité avec lui) se soldent par de piteux échecs. Heureusement celui-ci reçoit des renforts qui l'aident à en venir à bout.

Le mélange de comédie et de western est une spécialité d'Harold Lloyd. Deux ans plus tard, il figurera dans un autre court-métrage du même genre (mais bien plus drôle): "Pour le cœur de Jenny" (également appelé "Viré à l'ouest"). L'index révolver qu'il utilise pour jouer préfigure le style de Chico Marx dans les films où il apparaît avec ses frères.

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Shaolin Soccer (Siu lam juk kau)

Publié le par Rosalie210

Stephen Chow (2001)

Shaolin Soccer (Siu lam juk kau)

Souvenez-vous. Dans les années 80, le dessin animé "Olive et Tom" ("Captain Tsubasa" en VO) triomphait sur la 5 avant de faire un passage au Club Dorothée en 1991. "Olive et Tom" c'était du foot version extra-terrestre: un terrain de foot de 18 km de long, une vitesse de course de 150 km/heure, des frappes d'une force à brûler le ballon et trouer les buts, des cascades aériennes à 8m de hauteur etc.

En 1998, Stephen Chow alors star comique à Hong-Kong eut l'idée de transposer le célèbre dessin animé nippon dans l'univers de la comédie cantonaise et de mélanger foot et kung-fu avec une bonne dose d'effets spéciaux. Il était alors bien le seul à croire que la mayonnaise allait prendre mais il fit montre d'un bel acharnement, réunissant sous sa seule casquette les fonctions de scénariste, producteur, interprète et réalisateur. Il fit également appel au meilleur studio d'effets numériques de Hong-Kong et au chorégraphe responsable des combats de la saga "Histoire de fantômes chinois" et de "Hero" avec Jet Li.

Le résultat: un énorme succès commercial et un syncrétisme réussi entre des genres et des cultures à priori très éloignés les uns des autres. Mélange de prises de vue réelles et de cinéma d'animation numérique pour les prouesses footbalistiques, de kung-fu, de sport, de comédie romantique, de comédie musicale bollywoodienne, de scènes poétiques et de gags lourdingues, Chow se permet tout! Il ose même transformer le terrain en champ de bataille et son joueur vedette en soldat sortant d'une guerre de tranchée.

Cette liberté fait plaisir à voir, à l'image de l'équipe hors-norme qui finit par se former sous nos yeux. Le formatage n'y a pas cours et on voit jouer tous les recalés des équipes normales: vieux, gros, filles etc.

Le rachat du film par la firme américaine Miramax (désormais de sinistre réputation) pour sa distribution internationale a entraîné des coupes hasardeuses dans le film. Heureusement l'édition DVD propose les deux versions (3 étoiles pour la version tronquée, 4 étoiles pour la version longue).

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Love Actually 2

Publié le par Rosalie210

Richard Curtis (2017)

Love Actually 2

Red Nose Days Actually est un court-métrage réalisé pour l'édition 2017 du Red Nose Day, l'un des plus grands téléthons britannique. Diffusé sur la BBC le 24 mars 2017, il réunit la majorité du casting de Love Actually près 14 ans après sa sortie pour une sorte de micro-suite pleine de nostalgie. Richard Curtis étant l'un des fondateurs du Red Nose Days (dédié aux victimes de la famine en Afrique), ceci explique cela.

Pour les amoureux du film de 2003, ce court-métrage est un beau cadeau. Il reprend avec un maximum de mimétisme quelques unes des scènes les plus célèbres de l'original en les "réactualisant":

-La déclaration d'amour de Mark (Andrew Lincoln) à Juliet (Keira Knightley) avec les pancartes inspirées du clip de Bob Dylan. Evidemment Mark a (fort heureusement pour lui) tourné la page et trouvé la femme de sa vie parmi les top model qu'il convoitait..

-La danse de Hugh Grant (non plus sur les Pointers Sisters mais sur Hotline Bling de Drake) est un des meilleurs moments. Avec un sens consommé de l'autodérision, celui-ci joue de son corps vieillissant comme d'un outil burlesque pour multiplier les "incidents" de parcours qui transforment sa performance en parcours du combattant.

-L'interview radio de Bill Nighty où on apprend que son manager est décédé et la séquence emballage de M. Bean ne sont que des redites sans intérêt.

-La séquence entre Colin Firth et Aurélia ainsi que celle entre Liam Neeson et son fils Sam soulignent encore plus que les autres le temps qui a passé. Sam qui avait 12 ans lors du premier film en a 26, son père apparaît comme un vieillard alors que la différence d'âge du couple Jamie-Aurélia saute bien davantage aux yeux qu'en 2003.

Aux USA, le court-métrage a été également diffusé et contient une séquence supplémentaire faisant intervenir Laura Linney (pour que l'on sache que tout va bien pour elle, ouf!)

Comme il est impossible de faire revenir les morts, Alan Rickman est absent du film mais plus étonnant, son existence n'est jamais rappelée car ni Emma Thompson, ni la fille qui jouait la secrétaire n'ont participé au film. C'est dommage car cela aurait été une occasion en or de rendre hommage à cet immense comédien.

Au final un court-métrage sympathique mais inégal. 

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Love Actually

Publié le par Rosalie210

Richard Curtis (2003)

Love Actually

Je me suis dit qu'après avoir rédigé un avis sur le film d'Halloween, je pouvais faire pareil avec le film de Noël. Et dans cette catégorie, le must du must, c'est "Love Actually", d'autant qu'à la manière des calendriers de l'Avent, il est construit sur un compte à rebours qui commence 5 semaines avant la date fatidique.

Si "Love Actually", est aujourd'hui un film culte, un film que l'on se repasse tous les ans à la même période et qui donne envie de se faire des free hugs, ce n'est certainement pas à cause de son originalité ou de sa subtilité. "Love Actually" est un gros Christmas pudding bourré de clichés du type "amour, gloire et beauté" et de situations invraisemblables. Par exemple la romance entre le premier ministre et sa collaboratrice ressemble beaucoup à celle de "Coup de foudre à Notting Hill" sauf qu'Hugh Grant est ici le prince et Natalie la pauvresse.

Et pourtant le charme de cette comédie "so romantic" opère toujours au point qu'une suite en forme de court-métrage a été tournée 14 ans après. Inutile de chercher midi à quatorze heures, le casting cinq étoiles est pour beaucoup dans cette réussite ainsi que l'utilisation parfaite de la musique. L'affiche paquet-cadeau nous offre la fine fleur des comédiens britanniques sur un plateau: Hugh Grant, Colin Firth, Emma Thompson, Alan Rickman, Bill Nighy, Liam Neeson, Laura Linney, Rowan "mister Bean" Atkinson etc. Et ils ne sont pas là pour faire de la figuration. La plupart d'entre eux s'amusent beaucoup et donnent un caractère décalé et réjouissant à leur prestation, le tout avec la complicité du réalisateur. Bill Nighty, rockeur has-been obligé d'enregistrer des tubes de noël alimentaires massacre consciencieusement le hit de Wet Wet Wet qui était la star de "Quatre mariages et un enterrement". Hugh Grant se lâche dans un numéro dansé bien loin du protocole du 10 downing street, Colin Firth se met au portugais (de la vache espagnole), Alan Rickman, frappé par le démon de midi se fend d'une scène hilarante où il tente d'acheter un collier en douce pour sa maîtresse (mais c'est sans compter sur le perfectionnisme du vendeur alias Atkinson) alors que sa femme souffre en silence. Il n'y a en effet pas que des moments de comédie et certains passages du film montrent un arrière-plan plus amer que doux. Outre les larmes de l'épouse délaissée, on assiste à l'échec d'une romance entre deux collègues de bureau et à une histoire d'amour impossible entre une jeune femme (jouée par Keira Knightley) et le meilleur ami de son mari qui lui offre un déclaration d'amour en pancartes directement inspirée du clip de Bob Dylan.  

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Bernie

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (1996)

Bernie

Affreux, sale et méchant" ce premier film de Dupontel? Oui et non en fait. Oui, il est beaucoup question de la saleté dans ce film, physique, environnementale, morale, sociale. L'un des personnages le dit d'ailleurs "Dans la vie il faut se salir. Mon grand-père était une saleté, mon père était une saleté, je suis une saleté". Et Bernie qui a commencé sa vie dans un vide-ordure en connaît un rayon sur la question. Bien que les pire "saletés" ne soient pas forcément ceux que l'on croit.

Mais lorsqu'on aborde à fond un sujet -ce qui est le cas ici, Dupontel n'est pas le genre à faire les choses à moitié-, son contraire n'est jamais loin. Vu de l'extérieur Bernie est un asocial, voire un psychopathe à la violence incontrôlable mais vu de l'intérieur, c'est un innocent, un bébé imperméable aux notions de bien et de mal, déconnecté du réel. La violence du film, n'est d'ailleurs absolument pas réaliste, elle a -comme dans la séquence du cambriolage de "Neuf mois ferme"- un caractère burlesque affirmé. On est dans l'outrance, le grotesque. La quête de Bernie ne consiste pas à retrouver ses racines (pourries forcément) mais à les repeindre aux couleurs de l'arc-en-ciel -ce que font tous les enfants avec leur "roman familial"- quitte à forcer un peu (beaucoup?) le destin. Le tuyau d'évacuation des déchets devient une forêt vierge symbolisant la (re)naissance de Bernie à travers le vagin de sa mère. C'est ainsi qu'il faut comprendre le transformateur électrique de la fin. Ce qui y rentre est sordide, ce qui en sort est sublime.

Alors bien sûr, le film est brut de décoffrage, inégal, de mauvais goût. Il ne peut que diviser. Mais tout imparfait qu'il est, il marque la naissance d'un point de vue puissant, engagé sur le monde. Une relecture façon comédie trash de la "lutte des classes" teintée d'anarchisme.  

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Les Conquérants (Dodge City)

Publié le par Rosalie210

Michael Curtiz (1939)

Les Conquérants (Dodge City)

"Les Conquérants" s'inspire très librement de l'histoire de Wyatt Earp, personnage légendaire que le cinéma a souvent mis en scène. En effet il symbolise le moment où la loi parvenait à triompher du chaos régnant au Far West. Mais ici le récit est volontairement idéalisé pour emporter largement l'adhésion. Par conséquent les personnages sont tracés à gros traits, sans nuances. Ce manichéisme (loin de la finesse d'un John Ford par exemple) est la principale limite du film car il s'accompagne d'un discours réactionnaire sur le traitement à réserver aux criminels et aux déviants. Le tout justifié par des scènes d'assassinat brutales et révoltantes ou par des comportements inconscients mettant en danger la vie d'autrui.

Pour le reste, "Les Conquérants" est un travail de professionnel, un grand spectacle maîtrisé de bout en bout. On ne s'ennuie pas une seconde. La mise en scène est rythmée, les scènes d'action ont une amplitude qui en font de véritables morceaux de bravoure (la charge du troupeau, la destruction du saloon, le dénouement dans le train en flammes), les têtes d'affiche du casting sont charismatiques et s'équilibrent parfaitement (Errol Flynn le beau gosse aux dents étincelantes, Alan Hale le comparse clownesque, Olivia de Havilland, la femme de caractère, Bruce Cabot le méchant au sourire bien retors etc.) les dialogues sont efficaces, enfin le technicolor magnifie l'ensemble. 

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Minuscule: la vallée des fourmis perdues

Publié le par Rosalie210

Hélène Giraud et Thomas Szabo (2014)

Minuscule: la vallée des fourmis perdues

Après la "guerre du feu" et la "guerre des boutons" voici venue la "guerre du sucre", vue à hauteur de fourmis et de coccinelle. A cette échelle, un lézard devient le dinosaure de la scène des cuisines du premier "Jurassic Park", l'attaque de la fourmilière prend l'allure d'une bataille digne du "Seigneur des anneaux", la course-poursuite entre la coccinelle et les mouches fait penser à celle des modules de Star Wars, la maison de poupée de l'araignée est la reproduction miniaturisée de celle de "Psychose" d'Hitchcock etc.

Cette inventivité ne s'arrête pas aux hommages cinématographiques. Elle s'exerce aussi dans le domaine environnemental. A l'heure où l'on estime que les pesticides peuvent tuer jusqu'à 80% des insectes, la bande-son du film (remplie de bruitages ingénieux) suggère que leur activité dans la nature équivaut au trafic d'une route à quatre voies. Le recyclage des déchets de l'homme par les insectes est une source inépuisable d'inspiration. Par exemple lors de la bataille qui oppose les fourmis noires aux fourmis rouges on les voit puiser dans leurs réserves toutes sortes d'objets: cure-dents, cotons-tiges, médicaments, fusées, allumettes, bombe insecticide "Butor" etc.

Mélange habile de prises de vues réelles pour les décors (ceux des parcs nationaux du Mercantour et des Ecrins) et d'images de synthèse pour les insectes, le film s'inscrit à la fois dans le genre burlesque (absence de dialogues compréhensibles, grande place laissée aux gags visuels et sonores) et dans le genre initiatique et épique (le parcours d'une coccinelle privée très tôt de sa famille et qui est adoptée par une colonie de fourmis noires, la bataille qui les oppose aux fourmis rouges). L'aspect burlesque est un héritage de la série de 175 épisodes "Minuscule: la vie privée des insectes" qui a précédé le long-métrage alors que les autres aspects ont été développés pour le film. Le résultat est une réussite totale qui a obtenu à juste titre le César du meilleur film d'animation. Les petits héros nous font craquer sans qu'ils soient anthropomorphisés, les gags sont hilarants, le souffle du récit nous emporte, les trouvailles nous enchantent et la beauté des images nous émerveille. Vivement la suite "Les mandibules du bout du monde" dont le tournage s'est achevé en juin 2017!

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Destino

Publié le par Rosalie210

Dominique Monféry, John Hench (2003)

Destino

Curieux destin que celui de "Destino", ce court-métrage surréaliste et muet, véritable OVNI réalisé conjointement par Salvador Dali et Walt Disney qui connut une gestation de plus d'un demi-siècle.

En 1945, les deux artistes se rencontrèrent lors d'un dîner à Hollywood. Dali travaillait alors sur les séquences oniriques de "La maison du docteur Edwards" d'Hitchcock. Ils s'étaient déjà brièvement rencontrés dans les années 30. Dali considérait Disney comme l'un des trois plus grands surréalistes américains (avec les Marx Brothers et Cecil B.DeMille). Les deux hommes décidèrent de faire un dessin animé ensemble. Disney a un projet qui séduit Dali: celui du destin tragique de Chronos, dieu grec du temps, désespérément amoureux d’une mortelle, le tout sur l'air de la chanson mexicaine d'Armando Dominguez intitulée "Destino". Dali se rendit tous les matins pendant 8 mois aux studios de la compagnie. Il produisit une petite centaine de croquis, puis parvint à réaliser dix-huit secondes de film animé. Mais, faute de budget dans le contexte difficile de l'après-guerre, Walt Disney finit par lâcher l'artiste et le projet (il se murmure également qu'il était mécontent de la tournure du projet, plus dalien que disneyen).
 
C'est Roy Disney, neveu de Walt, alors à la tête de la société, qui ressortit les archives de Dali du coffre du studio en 1999 et décida de relancer le film. Entre temps, l'histoire de leur collaboration était devenue légendaire, bien au delà des seuls fans d'animation. Une équipe de 25 personnes œuvra alors, dans le studio d'animation français de Disney à Montreuil, sous la houlette du réalisateur Dominique Monféry et l'indispensable supervision de John Hench qui avait assisté Dali en 1946 et était toujours en vie. En 2003, « Destino », d'une durée de six minutes, fut enfin achevé. Après avoir parcouru festivals et expositions, il est visible depuis 2010 sur internet.

"Destino", beau et harmonieux, fait penser à l'enfant d'un couple dans lequel on recherche la ressemblance avec les géniteurs. La parenté avec l'œuvre de Dali saute aux yeux. On croise toutes les obsessions graphiques du peintre : croissants de lune montés sur échasses, montres molles, sculptures aux têtes coupées, coquillages géants, globes oculaires pourvus de bras, paysages désertiques etc. Par conséquent, la parenté avec l'œuvre de Disney y est beaucoup plus discrète. Elle existe néanmoins à travers la figure de la princesse qui lorsqu'elle s'envole fait penser à la fée Clochette dans Peter Pan alors que son avatar abstrait se rapproche de certaines séquences de Fantasia.

"Destino" est une œuvre précieuse qui illustre la rencontre de deux grands esprits. Preuve que le dialogue des différences enrichit, j'aime particulièrement le point de vue de chacun sur l'intrigue du film: « Un spectacle magique du problème de la vie dans ce labyrinthe qu’est le temps » ou « l’histoire simple d’une jeune fille à la recherche de l’amour vrai »: deux visions, deux vérités illustrant ce petit bijou de film.

 

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Sur la planche

Publié le par Rosalie210

Leïla Kilani (2011)

Sur la planche

C'est vraiment dommage, le sujet, d'une brûlante actualité, était en or. Mais il est gâché par un scénario paresseux qui ne va pas au-delà de son idée principale: celle d'un quatuor de jeunes ouvrières marocaines vivant à Tanger, petites esclaves de la mondialisation le jour, délinquantes revanchardes la nuit. Conséquence: des scènes répétitives qui donnent un sentiment d'immobilisme tout à fait en opposition avec la bougeotte supposée des héroïnes. Un défaut encore aggravé par une mise en scène maniériste insupportable. La réalisatrice lorgne clairement du côté des frères Dardenne et de Cassavetes: gros plans permanents qui ne permettent pas de voir au-delà des visages des jeunes filles, caméra à l'épaule "virevoltante" sensée insuffler du dynamisme... Elle a juste oublié le petit plus qui fait toute la différence: le suspense moral des films des frères Dardenne, l'humanité bouleversante, la générosité des personnages (et acteurs) de Cassavetes. Les visages des actrices de "Sur la planche" ont la dureté de la pierre ou la froideur d'un masque. Ils prennent, ils revendiquent (Badia, le personnage principal "éructe" plus qu'elle ne parle et sa logorrhée prétentieuse et intellectualisante sonne faux au possible ) mais ils ne donnent rien. Bien entendu c'est la situation de survie des jeunes femmes qui explique cette insensibilité, cet amoralisme, cette indifférence au monde et à autrui. Mais c'est aussi un choix de la réalisatrice qui se complaît dans le sordide et le "no future" sans jamais en sortir (un choix d'autant plus contestable que la réalité est toujours plus complexe. Même dans les situations les plus extrêmes, certains n'ont pas abdiqué toute forme d'humanité et ont même survécu grâce à cela, donc il aurait été sans doute plus pertinent de s'ouvrir à une certaine diversité).

Le résultat est un film stérile, un film qui tourne en rond, un film qui semble interminable tant il suscite rapidement l'ennui. Et ce en dépit d'un aspect documentaire d'une pertinence réelle sur la zone franche de Tanger accueillant les usines textile délocalisées du Nord et son impact sur la société marocaine.

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