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Intouchables

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano et Olivier Nakache (2011)

Intouchables

L'ouverture d"Intouchables" mériterait d'être enseignée dans les écoles de cinéma. Elle témoigne de l'art subtil du glissement de tons à l'intérieur d'une même scène dont sont capables Toledano et Nakache. On passe en effet en quelques minutes du drame au thriller puis à la franche comédie exactement comme on passe du piano de Ludovico Einaudi au funk de Earth, Wind & Fire.

Drame tout d'abord car les premières images du film reviendront à la fin, remises dans leur contexte. Et c'est bien à un moment de drame que l'on assiste. Philippe (François Cluzet) n'est pas encore remis de l'enfer qu'il a vécu après le départ de Driss, son visage est encore marqué par le poids d'une souffrance insondable. Au point qu'un peu plus tard en plein milieu d'une scène de comédie où Driss s'amuse à lui faire des moustaches de plus en plus improbables, il lui demande d'en finir. Un bref instant de désespoir entre deux accès de légèreté qui en dit long sur le calvaire vécu par le personnage. Quant à Driss, un délinquant déraciné qui a bien du mal à trouver sa place dans la société, il émerge d'une longue nuit cernée de problèmes et on est frappé par les scènes où il est filmé dans sa cité, d'un réalisme quasi documentaire.

Thriller ensuite car la course-poursuite entre Driss/Philippe et la police est une assez bonne métaphore d'une relation qui se construit en dehors de toutes les normes et de tous les cadres. La magie du film, c'est l'évidence, la fluidité des échanges entre deux hommes que tout oppose à priori mais qui en réalité sont embarqués sur le même bateau et se découvrent humainement extrêmement proches. On peut d'ailleurs souligner le talent des réalisateurs à faire jouer ensemble deux acteurs venus d'univers aussi différents que François Cluzet (que je n'aime pas d'habitude, trop froid, trop cassant, mais là il est comme éclairé de l'intérieur) et Omar Sy (dont le sourire est irrésistible).

Comédie enfin car tels deux sales gosses, Driss et Philippe jouent un bon tour à la police qui après les avoir pourchassés deviennent leur escorte quasi présidentielle. En résumé après avoir été Intouchables (au sens d'indésirables) ils deviennent intouchables (inatteignables, invincibles) et ce par la simple magie de leur alchimie et de leur humour.

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Le sens de la fête

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano et Olivier Nakache (2017)

Le sens de la fête

Réaliser une bonne comédie n'est pas donné à tous, il faut élaborer ce qui s'apparente à une mécanique de précision pour conserver le bon tempo et faire en sorte que le soufflé ne retombe jamais pendant 2 heures. De plus une bonne comédie a toujours quelque chose de subversif en elle, sinon elle ne ferait pas vraiment rire. La comédie du duo Toledano-Nakache possède ces deux qualités.

Tout d'abord elle tire son énergie de l'art qu'ont les cinéastes chefs d'orchestre de jouer avec la gamme des acteurs du cinéma français dans toute sa diversité. Avoir choisi pour le rôle principal un patron de la comédie dans ce qu'elle a de meilleur est un coup de génie. En organisateur de festivités nuptiales, Jean-Pierre Bacri est en quelque sorte le "double" de cinéma du duo de réalisateurs. Il doit faire travailler ensemble et harmonieusement des personnalités que tout oppose exactement comme Toledo et Nakache doivent équilibrer la partition d'un Lellouche beau-beauf et d'un Macaigne bobo (je n'aime ni l'un ni l'autre mais dans ce film, le mélange de ces deux extrêmes est plutôt amusant). Entre les deux, il y en a pour tous les goûts. J'ai bien aimé le choc des générations entre le petit stagiaire de troisième geek et le photographe pique-assiette (Jean-Paul Rouve) dont le métier est has-been, le duo des plongeurs pakistanais et l'"extra" qui ne comprend les mots que dans leur sens littéral ce qui entraîne quelques gags sympas avec le vocabulaire de cuisine.

L'autre intérêt du film réside dans son point de vue. Le cinéma français, on feint de l'oublier est un art détenu majoritairement par des bourgeois. Les films de mariage sont l'une des expressions de cette culture bourgeoise. Tolenado et Nakache eux choisissent le point de vue des larbins, les petites et grandes mains qui s'affairent en coulisses. Et pour que l'on comprenne bien que les classes sociales (et la violence qui va avec) ça existe toujours, on les oblige à servir en livrée et perruque, comme au bon vieux temps de "Gosford Park", "Downton Abbey" et autres "Vestiges du jour" (le cinéma anglo-saxon contrairement au cinéma français regorge de châteaux, de maîtres et de serviteurs) . Bacri n'est qu'une sorte de super majordome traité avec un mépris insupportable par le marié, véritable tête à claques arrogante et suffisante. Heureusement les larbins investiront le champ des invités et finiront au premier plan alors que le marié, lors d'une des scènes les plus réussies du film finira dans les choux après s'être ridiculisé.

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Manhattan

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1979)

Manhattan

Manhattan est incontestablement l'un des plus beaux films de Woody Allen.

Visuellement, c'est une splendeur. L'ode à New-York y atteint des sommets grâce à l'utilisation du cinémascope, au noir et blanc somptueux de Gordon Willis et à la musique non moins somptueuse de George Gershwin. Woody Allen innove en remplaçant la nature par la ville comme expression des états d'âme des personnages. La simplicité et le prosaïsme des décors dans lesquels s'inscrit Tracy (Mariel Hemingway) amoureuse sincère et candide s'opposent aux aspirations grandioses et aux tourments existentiels de Mary (Diane Keaton) qui trouvent leur expression visuelle dans des séquences époustouflantes de beauté (celle du lever de soleil au petit matin est devenue iconique ainsi que celle du planétarium). Entre ces deux univers navigue Isaac alias Woody Allen. Car on reconnaît bien à travers Tracy et Mary les aspirations contradictoires du cinéaste. D'un côté une bourgeoise snob et névrosée idéale pour une relation compliquée, de l'autre une très jeune fille incarnant l'innocence et le bonheur auquel Allen n'ose pas céder. C'est pourtant elle, la "gamine" traitée ironiquement par Mary de nouvelle Lolita ("Nabokov doit bien se marrer") qui s'avère être le personnage le plus mature du film. La scène finale, très émouvante est l'une des plus belles du cinéma allénien. Lequel pour une fois perd sa langue devant la puissance salvatrice de cet amour simple et vrai "Six mois ce n'est pas si long. Tout le monde ne se fait pas corrompre. Tu devrais avoir un peu plus confiance en l'homme."  

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Chasseur blanc, coeur noir (White Hunter, Black Heart)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1990)

Chasseur blanc, coeur noir (White Hunter, Black Heart)

En 1950 Peter Viertel avait collaboré au film « African Queen » de John Huston, qui voyait s’affronter Humphrey Bogart (Charlie Allnutt) et Katharine Hepburn (Rose Sayer). De cette expérience, il a tiré un livre « White Hunter, Black Heart », chronique partielle et romancée du tournage où John Huston devenait John Wilson, un cinéaste excentrique que seul intéresse la mise à mort d’un éléphant.

C’est ce roman que Clint Eastwood a porté à l’écran avec le même Peter Viertel comme coscénariste. La reconstitution est convaincante: en tant que cinéphile, on a plaisir à reconnaître les paysages africains du film ainsi que les personnages, joués par des acteurs aussi proches que possible des interprètes originaux.

Mais en réalité, le roman est plutôt un prétexte. Eastwood parle surtout de lui dans ce film. Le cinéaste qu'il interprète est exigeant, entêté, en conflit ouvert avec le système hollywoodien, ses conventions et ses préoccupations mercantiles. Eastwood intente même au-delà un procès à la civilisation occidentale présentée comme antisémite, raciste, vaniteuse et prédatrice. Tout se passe comme s'il avait des comptes à régler avec son passé d'acteur jouant des rôles un peu fascistes sur les bords. Avec les mots, avec les poings et à travers son obsession meurtrière (tuer un éléphant revient à commettre un crime contre l'Afrique et le prix à payer pour cette folie sera une culpabilité à vie), il n'en finit plus de tuer Harry, encore et encore jusqu'à se purger de lui et à renaître dans la peau d'un autre homme.

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Le Train sifflera trois fois (High Noon)

Publié le par Rosalie210

Fred Zinnemann (1952)

Le Train sifflera trois fois (High Noon)

Il y a actuellement tout un courant critique qui essaye de persuader le lecteur que "Le train sifflera trois fois" ne mérite pas sa place au panthéon du cinéma. Cela me paraît largement injustifié.

Certains dénient son originalité en recherchant des précédents tournés en noir et blanc dans les années 50 avec peu de scènes d'action et où le héros admet avoir peur. Or ce n'est pas ça l'important. L'important, c'est le choix de filmer en temps réel et l'art d'orchestrer la montée de la tension. Dès les premières images, elle s'installe avec la peur qui s'affiche sur les visages des gens qui voient passer les trois hors-la-loi puis la réaction épidermique des chevaux au passage du bureau du shérif, puis l'attente menaçante à la gare alternant avec l'annonce du compte à rebours rythmé de façon de plus en plus frénétique par la succession des horloges entre lesquelles le shérif se démène pour tenter de trouver une issue de moins en moins probable.

D'autres le trouvent trop mièvre. Or en dehors de la chanson-titre qui peut paraître datée (quoique son titre en VF "Si toi aussi tu m'abandonnes" est parfaitement approprié à la situation), je ne vois pas où se trouve la mièvrerie dans ce film que je trouve plutôt désenchanté et amer. S'il y a une réaction négative que je comprends, c'est celle de John Wayne toujours prompt à dénoncer l'anti patriotisme dans les films. Le contexte de sa réalisation en plein maccarthysme explique la vision très sombre que Zinnemann donne de la société américaine prête à renoncer à la paix, la prospérité et la démocratie par lâcheté, mesquinerie ou intérêt. Les images des lieux publics désertés sont lourds de signification. Et ceux qui parmi les critiques descendent en flamme le casting en disant qu'à côté de Gary Cooper il n'y a que des pantins n'ont pas compris que c'était peut être voulu. C'est sans doute parce qu'il réalise qu'il ne sera jamais en paix s'il fuit ses responsabilités au lieu de les affronter que le shérif réussit à aller jusqu'au bout de sa décision de rester en dépit des tentations et des pressions. Ce qui le place dans une situation de solitude absolue que rehausse encore la transparence de son épouse, Amy-Grace Kelly. Dans un nihilisme suprême, la femme forte, Helen Ramirez-Katy Jurado a préféré quitter le navire en renvoyant tous les hommes, bons et mauvais, dos à dos.

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Accords et désaccords (Sweet and Lowdown)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1999)

Accords et désaccords (Sweet and Lowdown)

Dans les années 90, les films de Woody Allen m'ont globalement déçue. "Accords et désaccords" est plutôt une heureuse surprise même si je trouve le film au final assez anecdotique. C'est un film d'aficionados où Allen rend hommage à deux de ses grands amours: le guitariste de jazz manouche Django Reinhardt et le cinéaste Federico Fellini.

Comme "Zelig", "Accords et désaccords" est un faux documentaire sur Emmet Ray, un guitariste de jazz des années 30 qui aurait été le meilleur du monde, après Django. Inutile de préciser qu'Emmet Ray n'a jamais existé mais tout est fait pour entretenir l'illusion à l'aide de faux témoignages et de fausses reconstitutions de la vie d'Emmet. Un personnage haut en couleurs, romanesque mais qui à force de refuser l'attachement nous attache bien peu. Et sa façon de jouer n'a rien de gipsy, on s'ennuie assez vite.

Le personnage le plus attachant du film c'est Hattie, la petite amie muette, gauche et pleine de candeur d'Emmet. Hattie c'est la Gelsomina de Woody Allen, la même pureté, la même grâce sacrificielle lancée au cœur du monstre pour enfin le faire renaître humain. Mais Emmet Ray est un personnage trop médiocre pour que cela fonctionne pleinement. Mieux vaut revoir l'original de Fellini plutôt que la copie, aussi bonne soit-elle.

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Le Violent (In a Lonely Place)

Publié le par Rosalie210

Nicholas Ray (1950)

Le Violent (In a Lonely Place)

Mi satire, mi étude de caractère, ce faux film noir de Nicholas Ray met effectivement un peu de temps à se mettre en place. Mais une fois ce cap franchi, c'est prenant.

La première partie dresse le portrait d'un personnage à la fois victime et rebelle d'un système ce qui est habituel chez Nicholas Ray. Bogart joue le rôle d'un scénariste emporté et instable qui est accusé de surcroît d'un crime qu'il n'a pas commis. Le thème du faux coupable est bâclé et la critique du système hollywoodien bien que plus intéressante reste assez anecdotique. On voit notamment Dixon prendre la défense d'un vieil acteur déchu de l'ère du muet et se moquer ouvertement d'un roman populaire qu'il est censé adapter.

Le film ne prend toute sa dimension que dans la deuxième partie lorsque la personnalité lunatique et tourmentée de Dixon/Bogart devient centrale. L'évidence saute effectivement aux yeux: l'acteur et son personnage ne font qu'un. On s'identifie totalement à Laurel Gray (Gloria Grahame), la femme passionnément éprise de plus en plus terrifiée par les agissements de son compagnon. Sa crédibilité est totale lorsqu'elle avoue ne plus pouvoir le supporter, ne plus lui faire confiance, le soupçonner d'avoir commis le crime. La manière dont Dixon/Bogart passe en un éclair d'une douceur et d'une tendresse craquante qui donne envie de le prendre dans les bras à une violence effrayante a en effet de quoi faire frémir. La scène de la voiture où tant qu'il n'a pas déversé sa rage il reste inaccessible à tout échange humain sonne incroyablement juste. Personnage dominé par des pulsions qu'il n'arrive pas à contrôler, on le voit se comporter de façon de plus en plus erratique et tout détruire autour de lui, à commencer par ceux qui l'aiment. Ray filme ce basculement du solaire aux ténèbres en éclairant les yeux de Bogart et assombrissant le reste du visage. Un moyen imparable de nous préparer aux accès de folie qui s'emparent de lui: les yeux sont le miroir de l'âme.  

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