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Il fait beau dans la plus belle ville du monde

Publié le par Rosalie210

Valérie Donzelli (2008)

Il fait beau dans la plus belle ville du monde

Délicieux petit court-métrage d'une douzaine de minutes réalisé par Valérie Donzelli sur le thème de la rencontre amoureuse.

Cela commence par un échange de messages entre un chanteur et une "fan" qui en dépit de leurs efforts ne parviennent pas à fixer un rendez-vous. Cette première partie explore toutes les facettes de la rencontre virtuelle, de la correspondance épistolaire sur fond de clavecin à la communication high-tech sur clavier et smartphone. Là-dessus se greffe une esthétique de roman-photo très "cliché" qui joue sur le contraste entre le romanesque de la correspondance et le prosaïsme de la réalité quotidienne.

La deuxième partie, proche de l'esthétique de la nouvelle vague (décors naturels, sons bruts et désyncronisés etc.) raconte leur rencontre dans le monde réel et fait intervenir au premier plan la réalité du corps. Elle et son gros ventre de femme enceinte, lui, ses allergies et son gros pull inadapté à la saison et entre eux, une fiente de pigeon! L'aspect pataud de cette rencontre est également marqué par les silences gênés des deux personnages qui ne savent pas trop quoi faire d'eux-même. Puis, en mettant en mouvement les corps (par la marche et la parole), la gêne se transforme en intimité. Le tout filmé en caméra super 8 comme un film de famille. 

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Le retour du grand blond

Publié le par Rosalie210

Yves Robert (1974)

Le retour du grand blond

Cette suite du "Grand blond avec une chaussure noire" est assez décevante. Elle n'est pas mauvaise parce que les acteurs restent géniaux. Pierre Richard vaut à lui seul le déplacement (je l'adore!) mais Rochefort aussi est parfait jusque dans sa dernière réplique en forme de pirouette (il va terriblement me manquer!) Il faut dire que l'un des ressort majeur du retour du grand blond tient dans cette opposition entre un indécrottable candide et un cynique bien retors dont on suit les déconfitures avec jubilation.

Mais le hic provient d'une intrigue qui bégaye sérieusement. De même, plusieurs gags/situations sentent le réchauffé (la robe décolletée de Mireille Darc, les fausses hallucinations de Jean Carmet, les chaussures dépareillées de Pierre Richard etc.) Le capitaine Cambrai (Michel Duchaussoy) ne parvient pas à combler le trou lié à la disparition du personnage joué par Blier. Certes, l'épluchage des dossiers secrets des uns et des autres arrache quelques sourires mais ils ne sont pas exploités à fond. Enfin le premier volet avait réussi à rester léger tout en égratignant les pratiques totalitaires des services secrets car il était resté dans la suggestion. Le deuxième lui souligne lourdement cette critique avec une fin moralisatrice qui n'est pas du meilleur goût. Au final on ne retrouve pas la fraîcheur et le charme qui faisaient la magie du premier volet et c'est dommage.

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Le grand blond avec une chaussure noire

Publié le par Rosalie210

Yves Robert (1972)

Le grand blond avec une chaussure noire

Il y a quelque chose de glaçant derrière cette parodie des films d'espionnage. Ce n'est pas étonnant car les bonnes comédies (et celle-là, même avec ses imperfections l'est, sinon elle n'aurait pas imprimé les rétines et traversé le temps) ont toujours quelque chose de la "politesse du désespoir." Beaumarchais ne disait pas autre chose "Je me presse de rire de tout plutôt que d'être obligé d'en pleurer".

Ce grand blond étourdi, candide et lunaire, innocent en un mot (irremplaçable, unique Pierre RICHARD qui à lui seul porte un univers tout entier) est une proie de choix pour ce panier de crabes que sont les services secrets qui dans les années 70 -en plein contexte de Guerre froide- semblent former un "Etat dans l'Etat" dont l'éthique n'est pas la préoccupation première (euphémisme). Entre les mains de ces hommes de l'ombre, il devient à son insu une marionnette ce que souligne l'excellentissime générique, ses petits tours de passe-passe et sa petite musique ironique à la flûte de pan (à moins que ce ne soit du pipeau). Les méthodes des services secrets ont beau être tournées en dérision, elles sont effectivement "une horreur". Celles du colonel Toulouse en particulier (Jean Rochefort), grand manipulateur en chef sans scrupules qui échafaude le "piège à con" dans lequel il veut faire tomber son adjoint Milan (Bernard Blier) qui souhaite prendre sa place. Véritables animaux à sang froid, ils se livrent un duel à mort où la vie du pauvre François est prise en otage.

Mais parce que l'on est dans une comédie (qui plus est un peu surréaliste et décalée), le second de Toulouse, Perrache a davantage de scrupules que son patron car c'est lui qui s'est arrogé un pouvoir quasi divin en choisissant la victime et le fait qu'un innocent meure par sa faute tourmente sa conscience. Il y a l'ami de François, Maurice (Jean Carmet qui lui aussi habite sur une autre planète) qui devant une réalité qui dépasse la fiction "a des visions et entend des voix". Et puis il y a Christine bien sûr, alias Mireille Darc dont le visage d'ange blond se marie si bien avec celui de Pierre RICHARD. Parodiant les femmes fatales des films d'espionnage avec sa cultissime robe au décolleté ultra-plongeant, elle se retrouve entraînée dans l'univers loufoque et poétique du grand Blond (leur grande scène fait penser aussi bien aux screwball comédies de Hawks qu'à la "Party" d'Edwards) et ce pour ne plus en sortir. La boîte dans laquelle elle se dissimule ne fait-elle pas penser à un tour de magie de plus?

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Une heure de tranquillité

Publié le par Rosalie210

Patrice Leconte (2014)

Une heure de tranquillité

Il s'agit de l'adaptation d'une pièce de théâtre vaudevillesque qui ne brille pas par son originalité. Dans le rôle principal, Christian Clavier interroge dans le sens où Fabrice Luchini (l'interprète de la pièce) était beaucoup plus crédible dans le rôle d'un misanthrope mélomane. Et ce même s'il s'avère beaucoup plus ignare et imbu de lui-même que véritablement cultivé (ce que suggère le disque qu'il rêve d'écouter "Me, myself and I" soit "Moi, moi-même et je" par Neil Youart soit "tu n'es rien"). Clavier connaît son métier et imprime un rythme soutenu à l'ensemble du film mais sa prestation est stéréotypée (en gros c'est De Funès pour les crise de colère + les précédents personnages de Clavier, fourbes, mesquins, lâches et racistes).

D'autre part la prestation de Clavier est affaiblie par le fait que la bande de fâcheux qui contrarie son ego trip constitue une enfilade de clichés: l'épouse adultère et neurasthénique (Carole Bouquet), la maîtresse hystérique (Valérie Bonneton), le fils rebelle altermondialiste (Sébastien Castro), l'organisateur de la fête des voisins, un raseur à lunettes (Stéphane de Groodt) dont on se demande ce qu'il fait dans cet immeuble cossu, un plombier polonais, une bonne espagnole, des sans-papiers philippins etc. Bref nous sommes en présence de la réactualisation superficielle d'un savoir-faire comique centenaire à la mécanique bien éprouvée. Une mécanique à base d'ascenseurs bloqués, de sonneries inopportunes de téléphone fixe, de rupture de canalisations et de déclenchements de musiques sur un tourne-disque qui rappelle les vieux gramophones du XIX° siècle. Ca sent un peu trop la poussière en dépit du ripolinage de façade pour vraiment me séduire.

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Knock

Publié le par Rosalie210

Lorraine Lévy (2017)

Knock

Les quelques critiques que j'ai pu me procurer avant sa sortie prévue le 18 octobre considèrent ce film comme un pur et simple navet. Force est de reconnaître que Knock 2017 n'est pas l'œuvre du siècle et ne fera pas oublier Louis Jouvet. La réalisatrice a transformé la pièce caustique et engagée de Jules Romains en divertissement populaire où quelques bons seconds rôles se taillent la part du lion. Sabine Azéma nous offre un drôle de délire de plus et Christian Hecq un drôle d'abruti de plus. A cela il faut ajouter la délicieuse prestation d'Ana Girardot (la fille d'Hippolyte), très touchante.

Pour le reste on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments disait Gide. C'est un peu pareil pour les films, j'ai remarqué que l'expression "feel-good movie" est le pire service qui peut leur être rendu. Knock 2017 est une sorte de fable optimiste sur le "vivre-ensemble" totalement anti réaliste (mais recommandée par l'Education Nationale pour ses vertus morales et civiques!). Comment peut-on imaginer une seule seconde qu'un village d'Epinal des années 50, véritable cliché de la France éternelle chère aux pétainistes avec sa poste, sa pharmacie, son école, son église et son café accepte sans sourciller un docteur noir et ne manifeste jamais la moindre once de racisme alors que la colonisation est encore une réalité à cette époque. Tout le monde est extrêmement gentil, poli et bien élevé, même Knock qui certes a un passé d'ancien délinquant et certes manipule sa clientèle mais qui en même temps a le cœur sur la main (ce qui est contradictoire mais rien n'est vraisemblable dans ce film). Le méchant de l'histoire est le curé joué par Alex Lutz mais il est tellement caricatural qu'il apparaît assez inoffensif. Même chose avec l'ex-acolyte de Knock dont l'utilisation dans l'histoire est particulièrement maladroite. En résumé, on ne passe pas un mauvais moment en soi mais il vaut mieux avoir laissé son cerveau au vestiaire et je ne suis pas sûre que ce soit le meilleur hommage que l'on puisse rendre à Jules Romains, lui qui voulait dénoncer l'emprise des idéologies modernes sur les masses.  

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La mort aux trousses (North by Northwest)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1959)

La mort aux trousses (North by Northwest)

"La mort aux trousses", c'est le festival du leurre. Un simple quiproquo et Roger Tornhill, un homme d'affaires paisible (du moins en apparence) se retrouve pris pour un espion du FBI. Le voilà embringué dans une histoire qui le dépasse avec de dangereux bandits et des policiers à ses trousses sans compter une somptueuse femme fatale qui le vampe d'entrée de jeu. Entre eux, on peut dire que cela "matche" tout de suite et on est frappé par la sensualité qui se dégage de leurs échanges (quoique la main de Philipp Vandamm/James Mason caressant la nuque de Eve Kendall/Eva Marie Saint soit également très suggestive). Démasquer Eve occupe une grande partie du film et donne lieu à de trépidants retournements de situation.

Mais c'est dans la scène la plus célèbre du film que Hitchcock s'amuse le plus à leurrer le spectateur. Il s'agit bien entendu du moment où Cary Grant est poursuivi par un avion en rase campagne. Hitchcock joue à déjouer toutes les attentes du spectateur. Il fait surgir une Cadillac noire comme dans les polars urbains et nocturnes, il fait entrer dans le champ un homme qui se tient face à Tornhill de part et d'autre de la route comme dans un duel au soleil et tout ça pour détourner l'attention du vrai danger qui provient de là où on ne l'attend pas c'est à dire de nulle part. Car l'avion sulfateur, engin agricole utilitaire ne suscite lui aucune réminiscence cinéphilique chez le spectateur. Du moins avant la sortie du film.

Ce jeu de dupes fonctionne à plein régime tout au long du film dont le rythme ne faiblit pas un instant. Parsemé d'aventures trépidantes et de morceaux de bravoure devenus cultes, ce thriller ludique brasse tous les thèmes hitchcockiens (le faux coupable, la trahison de la femme aimée) mais avec une tonalité légère et une fin heureuse où la métaphore du train entrant dans le tunnel suggère de façon limpide les ébats des héros. On est aux antipodes d'un "Vertigo" et sa sexualité mortifère.

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La rivière rouge (Red River)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1948)

La rivière rouge (Red River)

Coup d'essai, coup de maître. Pour sa véritable première incursion dans le genre, Hawks signe un chef d'œuvre, le meilleur des cinq westerns qu'il a réalisé dans sa carrière avec "Rio Bravo". Mais contrairement à ce dernier qui est un western de chambre débordant de camaraderie, "La rivière rouge" fait la part belle aux grands espaces, à l'âpreté et à la violence. Rude tâche en effet que celle de ces hommes convoyant 9000 têtes de bétail sur 1600 km, du sud du Texas où la demande s'est effondrée suite à la guerre de Sécession jusqu'au Kansas où c'est l'offre qui manque. Les épreuves s'accumulent, des intempéries aux attaques d'indiens en passant par l'emballement du troupeau. Mais la pire des épreuves s'avère d'être sous les ordres du tyrannique Dunson qui finit par se croire investi d'un droit divin de vie et de mort sur ses troupes et punit impitoyablement tout signe de faiblesse.

Pour jouer le rôle de Dunson, Hawks avait au départ envisagé Gary Cooper. Mais celui-ci effrayé par un personnage aussi sombre avait reculé. Désireux de prouver qu'il était un vrai acteur (il y en a qui en doutent encore aujourd'hui, les préjugés ont la vie dure), John Wayne a relevé le défi avec maestria. Son personnage d'une dureté peu commune bascule peu à peu dans une folie autodestructrice que seule la famille hawksienne vient empêcher: le vieux complice dévoué (Walter Brennan qui fait également office de narrateur), la femme forte(Joanne Dru), le fils adoptif rebelle (Montgomery Clift, débordant de charisme).

Impressionné par la prestation de son protégé sous la férule de Hawks ("Je ne savais pas que ce grand nigaud savait jouer"), Ford lui confiera des rôles plus complexes dont celui de Nathan Edwards dont les accès de violence autodestructrice ne sont pas sans rappeler ceux de Dunson.

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Les raisins de la colère (The Grapes of Wrath)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1940)

Les raisins de la colère (The Grapes of Wrath)

Réalisé en 1940, peu de temps après la parution du livre de Steinbeck, ce film est devenu l'une des représentations les plus marquante de la Grande Dépression aux USA, à égalité avec "Les Temps modernes" de Chaplin.

Mais si Chaplin situait son film en milieu urbain, Ford lui s'intéresse au triste sort des fermiers de l'Oklahoma déracinés de force par leurs impitoyables créanciers qui les chassent de leurs terres après avoir rasé leurs maisons. Contraints à l'exode comme des parias, ils sont parqués dans des camps de réfugiés comme s'ils étaient des étrangers indésirables dans leur propre pays.

John Ford parvient à mêler un réalisme quasi documentaire avec du lyrisme et une grande stylisation visuelle (on pense notamment au cinéma d'Eisenstein et à l'expressionnisme). Tout en étant très documenté sur l'époque évoquée ce qui en fait un film historique de premier ordre, le film atteint également une valeur mythique renvoyant à des motifs bibliques ("la terre promise") autant qu'à la structure de certains westerns, dépouillée de tout aspect héroïque. Cette errance à travers un pays en crise peut être considérée comme l'acte de naissance d'un genre typiquement américain : le road movie.

Enfin il s'agit d'un grand film humaniste, engagé contre le capitalisme sauvage et la violence sociale qui en découle. Une prise de position courageuse dans un pays ultra-libéral où la moindre remise en question du système peut vous faire passer pour un dangereux "rouge" (Chaplin l'apprendra à ses dépends). Ford prend d'ailleurs fait et cause pour l'intervention de l'Etat et fait allusion au New-Deal de Roosevelt tout en montrant ses limites.

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Reflets dans un oeil d'or (Reflections in a Golden Eye)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1967)

Reflets dans un oeil d'or (Reflections in a Golden Eye)

L'un des meilleurs films de John Huston. Un décor unique, celui d'une caserne et des maisons d'officiers qui l'entourent. Une ambiance unique, étouffante, moite et irréelle magnifiée par le prisme lumineux du fameux "œil d'or", celui qui révèle les fantasmes cachés derrière l'apparence lisse et feutrée des soirées entre amis, des jeux de carte au coin du feu, des promenades à cheval et de la discipline stricte qui règne dans la caserne.

Il y a quelque chose de "Blue Velvet" dans "Reflets dans un œil d'or". Derrière le rideau des convenances, c'est un festival de désirs frustrés, d'impuissance sexuelle, de pulsions meurtrières, de tromperies, d'obsessions qui ne demandent qu'à s'exprimer. Plus on avance dans le film, plus la tension augmente et plus la pression s'intensifie jusqu'à l'explosion finale. La question de la virilité, symbolisée par le milieu militaire mais aussi par les chevaux y est centrale. La liste des névroses sexuelles est impressionnante: le soldat Williams, voyeur et fétichiste prend du plaisir à chevaucher nu en forêt et à s'introduire dans la chambre de Leonora, la femme du colonel Penderton pour la regarder dormir et renifler ses dessous. Cette dernière est une nymphomane dominatrice qui écrase son mari fétichiste, impuissant et homosexuel refoulé de tout son mépris. Dans les rôles de Leonora et du major Weldon Penderton, Elizabeth Taylor et Marlon Brando n'ont pas volé leur réputation de "monstres sacrés". Ce sont deux bêtes de scène et de sexe qui électrisent tout ce qu'ils touchent. A ces trois personnages centraux qui forment un triangle amoureux incomplet (Williams est attiré par Leonora et Weldon par Williams) il faut ajouter trois autres personnages: le lieutenant-colonel Langdon qui entretient une liaison avec Leonora, sa femme dépressive Alison et le serviteur de cette dernière, l'efféminé Anacleto qui représente tout ce que les militaires ont en horreur. Mettez tous ces personnages dans un huis-clos et vous obtenez un cocktail explosif que Huston parvient à retenir, entretenant une atmosphère délétère, malsaine jusqu'à la toute dernière scène où il lâche sa caméra en même temps que les pulsions de ses personnages.

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Les Enchaînés (Notorious)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1946)

Les Enchaînés (Notorious)

« Amour et espionnage : d’un genre a priori conventionnel, Hitchcock tire une œuvre ultrapersonnelle », écrivait Jacques Lourcelles dans son Dictionnaire du Cinéma. Il faut dire qu'avec sa propension à filmer les scènes d'amour comme des scènes de mort et vice versa, Hitchcock n'a eu aucune difficulté à fusionner les deux genres. En résulte un fabuleux jeu de masques sur lequel repose une grande partie du suspense de l'histoire.

Prenons par exemple le personnage de Devlin, l'agent du contre-espionnage américain joué par Cary Grant. Son nom ("Devil Inside") est un indice d'un mal intérieur qui le ronge et l'empêche de faire confiance et de tomber amoureux. Les premières images de lui nous le présentent de dos, comme une énigme indéchiffrable. La première étreinte avec Alicia (Ingrid Bergman) conclue un geste qui avait commencé comme une gifle. Et que penser de ce verre de lait qu'il lui offre et qui ne peut que nous renvoyer à "Soupçons" où Cary Grant jouait déjà un homme mystérieux dont on ne savait s'il était amoureux ou meurtrier. Cette scène préfigure celle où Alicia découvre que son mari et sa belle-mère empoisonnent régulièrement son café après l'avoir démasquée à cause d'indices laissés (involontairement?) par Devlin.

Alicia est en effet prise au piège de ce jeu de masques. Dès le début du film, on la découvre prisonnière de son image de gourgandine et de sa filiation avec un père nazi. Pour échapper à ce carcan, elle boit ce qui renforce encore sa réputation de fille perdue. La scène où elle conduit en état d'ivresse nous laisse entrevoir son attitude suicidaire. Qui se confirme lorsqu'elle tombe amoureuse de Devlin qui la rejette et la méprise puis en devenant l'épouse-espionne d'un ancien nazi, prenant tous les risques (jusqu'au sacrifice) pour se racheter à ses yeux.

Quant à Alex Sébastian, l'ancien nazi, il apparaît surtout comme une victime. De sa femme mais aussi de sa mère qui le domine et le manipule comme une large palette de héros hitchcockiens. A l'opposé de l'image que l'on peut se faire des nazis, il s'avère faible et vulnérable.

Dans cette histoire pleine de faux-semblants et de secrets, les portes et les clés pour les ouvrir jouent un rôle essentiel. Ce sont ces objets ainsi que les boissons qui occupent le devant de la scène, en cristallisent les enjeux et font l'objet d'une mise en scène virtuose.

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