Film sorti la même année que "La grande course autour du monde" à partir du même sujet tiré d'un fait réel à savoir l'organisation d'une course à la Belle Epoque permettant de mettre en compétition des prototypes plus délirants les uns que les autres. Mais "Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machine" est nettement en dessous du film de Blake Edwards. Il repose sur des clichés nationalistes qui devaient faire rire à l'époque mais qui aujourd'hui paraissent affligeants. Nous avons donc notre frenchy national Pierre Dubois (Jean-Pierre Cassel et son sourire ravageur) plus occupé à séduire à tour de bras qu'à gagner la course, les fritz casque à pointe dirigés par le colonel Manfred Von Holstein (Gert Fröbe) obnubilés par la discipline et plus doués pour la théorie que pour la pratique, Orville Newton (Stuart Whitman) un yankee cow-boy jusqu'au bout des bottes, Richard Mays (Jame Fox) un gentleman english et un autre englishman, sir Percy (Terry-Tomas "Big moustache" allusion à son rôle dans "La grande vadrouille") particulièrement fourbe, un italien, le comte Emilio Ponticelli (Alberto Sordi) poussant la chansonnette et entouré de sa nombreuse famille etc. Ce n'est pas mieux en ce qui concerne les personnages féminins. D'une part on a la fille interchangeable jouée par Irina Demick dont le rôle se cantonne à se faire toucher les fesses par Dubois-Cassel et à aimer ça. Et de l'autre Patricia, la fille de l'organisateur (Sarah Miles) qui remise rapidement son pseudo féminisme pour se prêter au jeu de la séduction dans un triangle amoureux des plus classiques.
Malgré cette avalanche consternante de clichés, ce film reste divertissant à cause de son rythme enlevé (mais sans génie), de sa chanson entraînante, de ses machines plus loufoques les unes que les autres et de l'énergie que dégagent les acteurs.
"Le retour de Flash McQueen témoigne de l'épuisement de la série du studio d'animation de John Lasseter" écrit le Monde. Ce n'est pas vrai. Tout d'abord, rappelons que les suites de "valeurs sûres" permettent de financer des projets originaux comme récemment "Là Haut", "Vice Versa" et bientôt "Coco". A l'heure où Hollywood recycle ses vieilles recettes à l'infini, cette prise de risque mérite d'être soulignée et saluée. Ensuite parce que Pixar sait faire de bonnes suites. Celles de "Toy Story" sont même supérieures au premier volet qui était déjà un chef d'œuvre du genre. Et si "Cars 3" n'a pas tout à fait la même puissance d'évocation que le premier, il se situe dans la même lignée, faisant oublier le lamentable raté (technique excepté) du deuxième film qui était complètement hors-sujet.
"Cars 3" se situe dans la filiation du premier "Cars". Il est un peu l'équivalent du "Vingt ans après" d'Alexandre Dumas. Flash Mc Queen est confronté au même destin que jadis son mentor, Doc Hudson: il est has been et les petits jeunes n'ont qu'une hâte, l'envoyer à la retraite. Mais par fierté, Flash s'accroche car il veut être maître de sa sortie.
Comme dans le premier film, l'histoire est centrée sur l'hubris du héros et sa découverte des valeurs altruistes. Flash doit accepter le temps qui passe. Une notion qui fait l'ADN des studios Pixar et qui implique la nostalgie et le deuil. Peu à peu, Flash voit ses amis concurrents raccrocher les gants ce qui le renvoie à son propre déclin. Il doit admettre qu'il est devenu vieux et lent et qu'il ne peut donc pas rivaliser avec la rapidité des rookies high tech. D'autant qu'en dépit de ses efforts, il ne peut s'adapter aux nouvelles méthodes d'entraînement. Mais celles-ci sont suffisamment tournées en dérision pour que l'on comprenne que l'expérience "humaine" acquise par le bolide est également indispensable à l'étoffe d'un vrai champion. C'est ainsi que bien malgré lui, il entraîne à sa suite sa coach sportive, Cruz Ramirez, qui s'avère être une ancienne fan mais aussi une voiture de course inhibée à qui on a jamais donné sa chance (et le sexisme/racisme ambiant n'y est certainement pas étranger, il suffit de voir comment elle est traitée par son patron milliardaire Sterling ou par le leader de la course Jackson Storm). Il l'entraîne tant et si bien sur les traces de Doc Hudson qu'il finit par devenir son entraîneur. Et c'est une belle histoire de transmission qui s'esquisse par petites touches comme le fut dans le premier film celle de Doc et de lui-même. La transmission entre générations, un thème cher aux studios Pixar puisqu'on le retrouve dans "Toy Story 3" ou encore dans "Là-Haut."
"Cherche scénario désespérément" voilà le vrai titre de "Moi moche et méchant 3". En manque visible d'inspiration, le studio Illumination nous a pondu un film composé de petites histoires sans véritable lien entre elles. Gru retrouve un frère jumeau parachuté gratuitement dans l'histoire ce qui a pour effet de remiser la pauvre Lucy au placard. Ce qui est injuste car ce frère a l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette et n'est qu'un prétexte à quelques scènes d'action spectaculaires. Pauvre Lucy dont on se demande s'il n'aurait pas mieux valu qu'elle reste célibataire, au moins elle n'aurait pas perdu son travail. Quant à sa relation avec les filles, elle est d'autant plus convenue et bâclée qu'elle est redondante avec le premier film. Les filles ont été mises de côté dès le deuxième film mais le troisième bat leur record d'inutilité. Margo se fait de nouveau draguer, Edith a deux secondes d'antenne et trois phrases et la recherche d'une vraie licorne par Agnès sert surtout à surexposer sa bouille craquante. Enfin les mignons continuent à faire bande à part pour des séquences gag à l'humour particulièrement réchauffé. Le méchant est certes plus fun et décalé que celui du 2 mais il accentue le côté clipesque de ce film qui manque sérieusement de rythme. Cependant le studio n'est pas près de lâcher le filon. Le film se termine de façon ouverte ce qui annonce une suite.
Ces gens-là n'auraient jamais dû se rencontrer. Des barrières (des gouffres) de classes, de culture, d'opinion les séparent. Chacun vit dans son petit entre soi (et les vaches seront bien gardées): les beaufs avec les beaufs (la famille Castella), les prolos avec les prolos (Frank-Bruno-Manie), les intermittents du spectacles snobinards fauchés avec les artistes snobinards fauchés (la bande de Clara). Mais au fond chacun se sent bien seul. Castella (Jean-Pierre Bacri) déprime dans la bonbonnière de sa femme dans laquelle il ne se reconnaît pas. Manie et cie jouent les durs alors qu'ils sont tous blessés, perdus et phobiques de l'engagement. Enfin Clara (Anne Alvaro) résume sa situation par une punchline bien sentie: "tu sais ce que c'est qu'une actrice de 40 ans au chômage? Un pléonasme." Sans parler de l'horloge biologique qui tourne et pas d'enfant ni d'homme pour le faire à l'horizon. D'autant que Clara est une romantique "Je veux être un peu amoureuse, que ça veuille dire quelque chose, ça n'a rien d'extraordinaire." Car et c'est tout le génie de cette comédie de mœurs, sommet d'écriture dans la carrière du couple "Jabac" (Jaoui/Bacri), les préjugés et les sentiments sont deux choses bien différentes. Au point que les deuxièmes peuvent démonter les premiers ce que cette comédie s'emploie à faire avec jubilation et non sans cruauté au passage.
Bien sûr il faut quand même un lien pour que tous ces gens se rencontrent. L'usine de Castella est pourtant tout sauf glamour. Mais relookée par l'un des artistes qui gravitent autour de Clara (Anne Alvaro), elle présente déjà beaucoup mieux. L'artiste en question méprise soit disant ceux qui sont "bankables"... jusqu'à ce que Castella dégaine son chéquier. Et puis il y a un gros contrat à signer avec des iraniens. En attendant que l'affaire soit conclue, on colle à Castella un coach polytechnicien (Xavier de Guillebon) et un garde du corps, Frank (Gérard Lanvin) qui sympathise avec le chauffeur Bruno (Alain Chabat) lequel est un des anciens amants de passage de Manie (Agnès Jaoui) laquelle vend de l'herbe et écoute les confidences de Clara qui donne des cours d'anglais accélérés à Castella (toujours dans le but de faciliter la signature du contrat).
Mais cela ne suffit bien évidemment pas même si au fil du temps, certains malentendus seront levés. Un autre lien essentiel est celui de l'art. A priori incompatible avec Castella, son côté bling-bling, ses blagues grossières, jusqu'à ce qu'il tombe fou amoureux de Clara en train de déclamer avec feu du Bérénice sur scène (Anne Alvaro n'est pas tragédienne pour rien). Laquelle le rejette même si elle refuse de participer aux scènes de lynchage collectif (type "Le dîner de cons") avant de s'apercevoir mais un peu tard (ou pas, suspens) qu'elle est peut-être passée à côté du grand amour.
"La vie est belle" est l'œuvre somme de Capra, celle qui condense à la fois tout son savoir faire et toutes ses convictions. Le film est en effet à la fois engagé et tourmenté.
Engagé tout d'abord. L'image de la cloche de la liberté rappelle "Pourquoi nous combattons" la série de sept films de propagande commandés par le gouvernement des États-Unis à Capra durant la Seconde Guerre mondiale pour expliquer aux soldats américains la raison de l'engagement des États-Unis dans la guerre. Mais le combat dont il s'agit ici est celui du petit entrepreneur face au "Big Business". Un combat qui trouve sa source dans le rêve américain mis en péril par les trusts. Le petit entrepreneur c'est Capra lui-même qui décide de monter sa propre société de production "Liberty Films" face à l'emprise grandissante des Majors sur la production. George Bailey (James Stewart) est le double de Capra, lui qui se bat dans le film pour empêcher l'agence de construction et de prêt de son père de tomber entre les griffes du magnat local Potter, cynique et malhonnête.
Tourmenté ensuite. Capra est un humaniste et un idéaliste mais ses films n'ont rien de naïf. Bien au contraire ils témoignent d'une connaissance approfondie de l'âme humaine. George Bailey comme tous les héros de Capra est une figure christique, sacrificielle qui par son altruisme sauve sa communauté. Son sens des responsabilités l'amène à sacrifier son ambition personnelle et ses rêves d'évasion égoïstes. Mais Capra nous rappelle ce qu'il en coûte d'être un homme bien. A chaque étape de sa vie, la facture de ses renoncements s'alourdit et un jour, elle explose, conduisant George au bord du suicide. Avant d'en arriver là, plusieurs scènes admirables nous montrent un George ambivalent quant à sa famille vue à la fois comme une source d'affection et comme une prison. On le voit tirer à boulets rouges sur une ruine qui pourtant deviendra sa maison, éprouver des sentiments contradictoires pour Mary (Donna Reed) qui l'attire autant qu'il la rejette et plus tard houspiller ses enfants jusqu'à lâcher qu'il n'aurait pas dû les avoir.
L'intervention du surnaturel a pour but de nous éclairer autant que de sauver George. A la différence d'un film réaliste où il est impossible à l'homme d'avoir une vision globale des conséquences de ses actes sur autrui, George découvre la valeur humaine de ce qu'il a accompli et par conséquent la source du vrai bonheur. Comme le disait Stephan Zweig dans "Le Monde d'hier", "Toute ombre est fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres a vraiment vécu." C'est parce qu'il a échappé de peu au néant qu'il peut éprouver un telle euphorie à la fin du film.
Rien de tel que ce téléfilm (disponible en DVD) inspiré de faits réels pour mieux comprendre ce qu'a pu changer la loi légalisant l'IVG défendue par Simone Veil en 1974-75. Simone Veil alors ministre de la santé de Giscard était une des neuf femmes élues à l'assemblée nationale et a dû défendre sa loi devant un parterre de 481 hommes. De même dans le téléfilm, on voit une avocate célèbre, Gisèle Halimi (Anouk Grinberg, habitée par le rôle) plaider devant un parterre de juges exclusivement masculins.
Le procès de Bobigny en 1972 a été en effet une étape majeure vers la légalisation de l'avortement car il s'est transformé en procès de l'archaïque loi nataliste de 1920 adoptée dans un contexte de France malthusienne (les français faisaient alors moins d'enfants qu'aujourd'hui). Pour mémoire cette loi interdisait la contraception et criminalisait l'avortement. En 1967 la loi Neuwirth avait bien légalisé le recours à la pilule mais elle n'était pas remboursée rendant son accès difficile. De plus sa publicité était interdite et l'éducation sexuelle était inexistante. Par conséquent en 1972 comme le rappelle Gisèle Halimi seules 8% des femmes y avaient recours dont 1% seulement dans les classes populaires.
Lorsque l'on regarde ce téléfilm, on découvre une France où l'héritage de mai 68 n'a pas encore infusé dans l'ensemble de la société et où les inégalités sociales sont criantes. Le poids du catholicisme est toujours aussi oppressant, désignant de sa vindicte toujours les mêmes cibles: les "filles-mères" des classes populaires. Sandrine Bonnaire joue le rôle de l'une de ces mères célibataires ayant les plus grandes difficultés à joindre les deux bouts, vivant en HLM avec ses trois filles dont l'aînée tombe enceinte à la suite d'un viol. On découvre à cette occasion l'hypocrisie et l'injustice de la loi de 1920 qui fonctionne à deux vitesses: "l'angleterre pour les riches, la prison pour les pauvres", non sans avoir auparavant risqué sa vie ou son intégrité physique entre les mains d'avorteuses clandestines.
C'est contre la barbarie de cet ordre moral et social que se battent les féministes Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir avec leur association "Choisir". Le téléfilm rappelle à l'aide d'images d'archives les manifestations du MLF, le manifeste des 343 "salopes" (qui déclarent avoir avorté sans avoir été inquiétées car célèbres ou riches) et la forte résistance de l'ordre patriarcal masculin même si le téléfilm n'est pas manichéen. Il montre certes des hommes brutaux (du petit violeur voyou au commissaire) mais aussi des médecins et scientifiques capables de faire passer l'humain avant leurs croyances idéologiques.
Ce téléfilm didactique et remarquablement interprété nous rappelle aussi que le combat contre les inégalités sexistes et sociales est loin d'être fini et que ses acquis restent fragiles face aux coups de boutoir de ceux qui veulent les remettre en cause.
Comparativement à "Lego Batman" qui mélangeait tout et n'importe quoi dans un climat complètement hystérique, "La Momie" 2017 est un modèle d'épure. Bien sûr c'est du cinéma commercial où les grands studios hollywoodiens (ici Universal) recyclent à l'infini leurs vieilles recettes (la première version de "La Momie" chez Universal date de 1932 et son inventeur est Louis Feuillade en 1913). Le scénario n'a ni queue ni tête et sombre parfois dans le ridicule mais les scènes d'action valent largement le détour notamment celle de l'avion en chute libre. Et puis il y a Tom Cruise. Tom et Cruise. Jeckyll et Hyde (même si c'est Russell Crowe qui le joue). Le film est un parfait condensé de sa personnalité à multiples facettes: apparence lisse et solaire dissimulant une attirance (morbide) pour les forces obscures (Kubrick en avait génialement tiré parti dans "Eyes wide shut"), sens poussé de l'autodérision (comme dans "Entretien avec un vampire"), fuite en avant à 200 à l'heure contre le temps qui passe (comme dans les "Mission: impossible"). Comme le dit Télérama "La star hante chaque plan, chaque cascade". Si vous êtes allergique à cet acteur passez votre chemin mais sinon on passe plutôt un bon moment. Outre la/les inévitables suites que ce reboot va générer, les studios iront-ils jusqu'à reprendre Tom Cruise pour les autres monstres de leur catalogue qu'ils veulent relifter? (Dracula, Frankenstein, le Loup-garou...)
"Le jour se lève" c'est d'abord ce décor incroyable imaginé par Alexandre Trauner. Un immeuble de 5 étages dont la verticalité et la hauteur menaçante tranchent avec l'environnement encore très villageois d'une ville ouvrière d'avant guerre.
Il en va de même avec les plans extérieurs de l'usine. Le "temple de la révolution industrielle" est une architecture surdimensionnée et son éclairage à contre-jour par le chef-opérateur Curt Courant renforce encore l'impression d'un monstre écrasant ses proies comme dans Métropolis de Lang ou Les Temps modernes de Chaplin réalisé seulement trois ans avant "Le jour se lève".
L'intérieur de l'usine est tout aussi cauchemardesque. Des alignements de scaphandres qui travaillent dans la poussière et dans le bruit. "Je t'l'avais dit, c'est tout ce qui a de sain ici" dit ironiquement François (Jean GABIN) à Françoise (Jacqueline Laurent) qui contemple avec désolation son bouquet de fleurs fané en quelques minutes au contact de l'air vicié. C'est un poète insurgé contre l'aliénation de l'homme à la machine qui parle: Jacques Prévert.
On retrouve d'ailleurs son personnage fétiche du Roi et l'Oiseau: l'aveugle au costume noir et aux lunettes rondes. Dans les deux films, il fait partie de ce monde ouvrier filmé en plongée, écrasé, opprimé, balayé par la police qui désire faire place nette (adieu les espoirs du Front Populaire et bonjour Vichy!)
Mais ce n'est pas un roi qui trône tout en haut de la tour d'ivoire. C'est un ouvrier qui s'est barricadé dans sa chambre après avoir craqué et tué l'homme qui le torturait psychologiquement (Jules Berry, pervers à souhait). Un drame passionnel indissociable de sa révolte contre sa condition d'éternel soumis:"Y'a une place à prendre, une bonne petite place, un bon ptit boulot avec des heures supplémentaires. Alors allez-y qu'est ce que vous attendez. Un bonheur là, tout un ptit bonheur!"
Oui François a changé comme tous ne cessent de le dire, il ne se reconnaît même plus dans la glace au point de la briser en mille morceaux. Certes, sa révolte solitaire est sans issue, condamnée à l'image de sa porte murée par l'armoire normande. Mais qu'on ne vienne pas me dire que le réalisme poétique est incapable de contestation et de courage politique. Ce sont ces critiques là qui sont aveugles.
"When the night has come And the land is dark And the moon is the only light we'll see
No, I won't be afraid No, I won't be afraid Just as long as you stand, stand by me
So darlin', darlin' Stand by me Oho, stand by me Oh, stand, stand by me Stand by me"
La puissance d'évocation de "Stand by me", c'est d'abord ce classique de 1961 interprété par Ben E. King repris plus de 400 fois et que l'on entend au début et à la fin du film lorsque Gordie, le héros adulte des années 80 se remémore avec nostalgie le moment où il a quitté le monde de l'enfance. Mais toute la bande-son du film est magique (de Every Day de Buddy Holly à Great balls of fire de Jerry Lee Lewis en passant par Lollipop des Chordettes) et nous plonge dans l'ambiance retro des années 50.
"Stand by me" est l'adaptation d'une nouvelle de Stephen King "The body". On retrouve un thème commun à plusieurs de ses œuvres: une attention particulière aux zones d'ombre de l'enfance, sans l'aspect paranormal. Le cadavre du garçon que recherchent les quatre jeunes héros peut ainsi symboliser leur mue car "grandir c'est mourir un peu". Comme pour tout rite de passage qui se respecte, les garçons doivent affronter de multiples épreuves: traverser une étendue d'eau pleine de sangsues, un casse-auto gardé par un soi-disant terrifiant cerbère (qui s'avère être un toutou inoffensif, première expérience de la différence entre mythe et réalité), un viaduc perché à une hauteur de 30 mètres alors qu'un train surgit juste derrière eux etc. A chaque fois, on les voit mettre en péril leur virilité, jouer à se faire peur voire pour certains, jouer à la roulette russe.
Car ces gamins ont un point commun, leur profond mal-être qui rend cette opération périlleuse. A un titre ou à un autre, ils se sentent rejetés de leur famille ou de leur communauté: le chef de la bande Chris (joué par River Phoenix alors tout jeune et déjà brillant) est poursuivi par la mauvaise réputation de sa famille, Teddy le binoclard un peu déjanté (Corey Feldman) est maltraité par son père, Vern (Jerry O'connell) est l'enrobé de service et enfin Gordie (Wil Wheaton) frêle et mélancolique vit dans l'ombre de son frère Denny (joué par John Cusack) dont il doit en plus porter le deuil. Vern et Teddy jouant des rôles de faire-valoir, on se focalise sur le destin de Gordie et de Chris qui sont très proches (et le restent spirituellement à l'âge adulte même s'ils ne se voient plus). Le premier a une sensibilité littéraire et le second, révolté par l'injustice cherche à s'extraire de l'atavisme familial symbolisé par son grand frère surnommé "Eyeball" et sa bande de voyous.
"Un certain degré de cinéphilie encourage parfois à préférer dans l'œuvre d'un metteur en scène son grand film malade à son chef-d'œuvre" (François Truffaut à propos de Pas de printemps pour Marnie). Sauf que tous les chefs d'oeuvre d'Hitchcock sont de "grands films malades" ou plutôt de "grands films sur des malades" déguisés en thrillers où le metteur en scène ne cache pas sa jubilation à manipuler le spectateur et le spectateur, son plaisir à être manipulé (oui, oui, lorsqu'il est sublimé, le sado masochisme a du bon ^^^^^).
Pas de printemps pour Marnie est donc le dernier grand film/chef-d'oeuvre d'Hitchcock. C'est aussi l'un des films de lui que je préfère. Il conclut en beauté une période de créativité exceptionnelle, fruit de la collaboration de toute une équipe (on a tendance à l'oublier). Peu après le tournage, son directeur de la photographie Robert Burks et son monteur George Tomasini moururent. Quant au compositeur Bernard Herrmann, véritable signature sonore de cette époque glorieuse, il cessa de travailler pour Hitchcock à la suite de divergences d'opinion sur son film suivant "Le rideau déchiré."
Comme Psychose, Hitchcock entraîne le spectateur sur une fausse piste, celle du thriller pour mieux basculer dans son véritable sujet qui est le drame psychologique: "La vie n'est qu'un thriller, une enquête qu'on mène chaque jour sur soi-même pour tenter d'élucider ses propres zones d'ombre." (Jean-Christophe Grangé)
La virtuosité de la mise en scène éclate dans les scènes de suspense. Celle, muette, où Marnie pille le coffre dans la pièce de droite alors qu'à sa gauche la femme de ménage avance inexorablement et risque de la découvrir. Celle qui suit où Marnie essaye de s'éclipser sans bruit en enlevant ses chaussures mais l'une d'elles glisse de sa poche et tombe sur le sol. Celle où la caméra plonge et zoome vers la porte d'entrée pour révéler l'entrée de Strutt chez les Rutland dans un cadrage identique à celui du début du film où il découvre qu'il a été volé. Va-t-il démasquer Marnie?
Mais les aspects techniques ne constituent pas le seul intérêt du film (sinon ce serait juste un exercice de style). Ils accompagnent une histoire à tiroirs et des personnages complexes aux motivations troubles. Pas de printemps pour Marnie est un film psychanalytique, un des plus freudiens d'un cinéaste fasciné par les profondeurs tourmentées de l'âme humaine. L'héroïne (remarquablement interprétée par Tippi Hedren qui alterne moments de glaciation et moments de crise où elle régresse à l'état infantile) est un "cas clinique" dont le traumatisme d'enfance non soigné perturbe toute sa vie adulte. Hitchcock multiplie les signes et les symboles de sa névrose: le premier plan du film montrant un sac fermé en gros plan symbolise la frigidité de Marnie, sa phobie de la couleur rouge renvoie au sang du meurtre et du viol etc. Mais son mari, Mark (joué par Sean Connery) n'est pas moins intéressant. Dès leur première rencontre, son ambivalence (il est à la fois un prédateur, un protecteur et un sauveur) est mise en lumière "Sophie est un jaguarondi. Je l'avais dressée/A quoi faire?/A me faire confiance/C'est tout?/C'est beaucoup pour une chatte sauvage." Marnie (que l'on peut assimiler aux chevaux qu'elle vénère) devient son nouveau trophée de chasse "Vous m'avez prise au piège comme un animal/C'est vrai, j'ai attrapé l'indomptable. Je vous ai prise et je ne vous lâche plus." On sent chez lui une excitation à dominer cette femme qui lui résiste (très perceptible lors de la scène de viol) qui peut s'apparenter à de la perversion. Richissime et beau gosse, il peut avoir toutes les femmes qu'il désire or il jette son dévolu sur celle qui le fuit et hurle à son approche. En même temps il manifeste une patience et une persévérance à toute épreuve aussi bien pour apprivoiser le "fauve" que pour percer son mystère et l'aider à guérir.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.