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Lady Chatterley

Publié le par Rosalie210

Pascale Ferran (2006)

Lady Chatterley

Il y a un malentendu à lever de prime abord lorsqu'on évoque le célèbre roman de D.H. Lawrence (qu'il a écrit trois fois) et le film de Pascale Ferran qui est l'adaptation de la deuxième version "Lady Chatterley et l'homme des bois". Il s'agit de son supposé caractère sulfureux qui en ferait un objet à réserver à des mains averties. Si l'on peut comprendre qu'en 1928 le livre ait fait scandale et ait subi les foudres de la censure, quel en est le sens aujourd'hui, à l'heure où les masses sont abreuvées de la pornographie la plus abjecte sans le moindre scrupule? A moins que la pornographie ne soit que l'envers de la médaille du puritanisme, les deux facettes ayant pour but de maintenir la sexualité taboue dans son caractère intime pour ainsi empêcher une vraie émancipation des individus avec tout l'aspect subversif que cela comporte.

Car c'est bien à ce tabou que s'attaque D.H Lawrence: « Je veux qu’hommes et femmes puissent penser les choses sexuelles pleinement, complètement, honnêtement et proprement. » Et on pourrait ajouter, intimement. Car le premier titre de son livre, bien plus évocateur de son contenu réel était "Tendresse" ("Tenderness") Pascale Ferran l’a bien compris et l'explique à sa manière : « Je pense que [Lawrence] cherche avant tout à raconter une intimité, qui se développe, entre autres, par des scènes d’amour physique entre les deux personnages. Cela fait complètement partie de leur trajet relationnel. Mais on n’est pas dans la pulsion animale. Il y a autre chose entre eux. C’est ce que je trouve très beau dans le livre. Le corps et l’âme des deux personnages ne font qu’un, tout le temps. »

En choisissant de raconter une histoire d'amour véritable entre deux êtres appartenant à deux classes sociales antagonistes (une aristocrate et un garde-chasse), Lawrence et Ferran démontrent le caractère subversif de l'amour et donc la raison d'être de sa répression sociale. De plus, ils connectent étroitement l'amour à la vie et à la nature. Parkin (Jean-Louis COULLOC'H) est "l'homme des bois", sinon un sauvage du moins un inadapté, un homme qui de son propre aveu ne peut se plier à la norme (travailler à la mine) et a besoin de vivre seul en symbiose avec la nature. Il vit sa différence comme une calamité jusqu'à ce que Constance Chatterley (Marina Hands, d'une finesse de jeu extraordinaire) lui en fasse découvrir la valeur. Constance de son côté se meurt de neurasthénie dans son château-tombeau avec Clifford (Hippolyte Girardot), son mari infirme de guerre (un excellent moyen de transformer l'Eros incontrôlable en Thanatos avide d'argent et de pouvoir) qui oscille entre impuissance et manifestations quelque peu tyranniques de son pouvoir de seigneur et maître. Elle découvre la sensualité et la joie de vivre avec Parkin et s'émancipe intellectuellement et affectivement de son milieu. Symboliquement, chaque fois qu'elle va rejoindre Parkin, elle franchit une barrière et se retrouve au milieu des bois dans un océan de sensations que Pascale Ferran nous fait ressentir lors de nombreuses et magnifiques scènes contemplatives et panthéistes (bruits des oiseaux, jeux de lumière, toucher de la mousse, saveur de l'eau fraîche etc.)

Cette immersion panthéiste agit comme une libération progressive des carcans moraux et sociaux. Avec beaucoup de délicatesse et de subtilité, la cinéaste montre comment progressivement deux personnages au début enfermés (dans leurs vêtements, leur mutisme ou leurs maladresses de langage, leurs postures, leurs complexes, leurs préjugés etc.) s'apprivoisent, s'ouvrent l'un à l'autre, apprennent à se parler et finissent par instaurer un véritable échange spirituel, affectif et physique. Un échange qui culmine dans le passage où libérés de toutes leurs inhibitions, Constance et Parkin se poursuivent nus sous la pluie tels des enfants rieurs et joueurs ou tels Adam et Eve d'avant la pomme.

Le plus naturellement du monde.

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La Ruée vers l'or (The Gold Rush)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1925)

La Ruée vers l'or (The Gold Rush)

Drôle, poétique, mélancolique et engagé sans que jamais l'un de ces aspects ne prenne le pas sur l'autre ou n'alourdisse l'ensemble. La ruée vers l'or, troisième long-métrage du cinéaste (après le Kid et l'Opinion publique) est une manifestation éclatante de cet art d'équilibriste dont Chaplin avait le secret. L'image de la maison balancier en est la parfaite illustration. Comme tout le monde, j'aime les gags cultes de la dégustation de chaussures et de la danse des petits pains qui allient drôlerie et poésie. Un talent de mime et d'imagination dans le détournement de la fonction usuelle des objets qui atteint ici la perfection. Les clous fixés sur la semelle deviennent des os de poulet, les lacets des spaghettis, les petits pains et les fourchettes plantées dedans des pieds et jambes de danseur manipulés avec grâce par un Charlot marionnettiste. La scène du mirage où sous l'effet de la faim Charlot devient un poulet géant aux yeux de son compagnon d'infortune et celle de la bagarre pour la possession de la maison jettent une lumière crue sur la rudesse de la vie des chercheurs d'or où règne la loi de la jungle. Mais la scène que je préfère est celle du réveillon mélancolique et solitaire de Charlot. Moqué pour sa pauvreté, sa supposé faiblesse et sa candeur, il regarde les festivités (le rêve américain dont il est exclu) derrière la fenêtre et son visage exprime une douleur indéfinissable. Cette scène préfigure aussi bien l'avenir du cinéaste que la tonalité de ses œuvres ultérieures beaucoup plus désabusées et/ou critiques.

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Charlot boxeur (The Champion)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1915)

Charlot boxeur (The Champion)

Troisième film de Chaplin pour la Essanay, Charlot boxeur est un film précurseur merveilleusement chorégraphié dans lequel son personnage du Vagabond s'affine. Le début fait penser à Une vie de chien. On y voit Charlot en traîne-misère partageant son maigre sandwich avec son bouledogue puis prêt à servir de punching-ball pour gagner un peu d'argent. Heureusement Charlot va renverser la situation à l'aide de ses talents d'acrobate et de jongleur d'objets astucieusement détournés de leur usage habituel. Un fer à cheval porte-bonheur glissé dans l'un de ses gants de boxe s'avèrera aussi fort utile. Quant au combat final, plein de péripéties amusantes qui le transforme tantôt en spectacle de catch, tantôt en piste de danse, tantôt en numéro de cirque il constitue un brouillon de celui de son futur long-métrage Les lumières de la ville.

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Les feux de la rampe (Limelight)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1952)

Les feux de la rampe (Limelight)

C'est un des plus beaux films de Chaplin parce que l'un des plus intimes. Et la capacité à traduire son intimité lorsqu'elle se marie avec le talent créé une étoffe dont sont faite les plus belles œuvres d'art.

On a souligné à juste titre la part autobiographique et nostalgique du film. Reconstitution du milieu du music-hall londonien où Chaplin a fait ses premiers pas, choix de l'année 1914 où il débarque aux USA pour ses premiers films, convocation de ses parents disparus à travers ses deux personnages principaux, résurrection de l'âge d'or du muet le temps d'un numéro d'anthologie avec Buster Keaton etc.

Mais le film va en réalité beaucoup, beaucoup plus loin, jusqu'aux tréfonds de l'âme de son auteur dont il met à nu les contradictions. Aucune grimace burlesque, aucun maquillage dans les scènes clés ne dissimule son visage et ses yeux où se reflètent une palette d'émotions extrêmement riche. Si bien que le film n'est pas tout à fait ce qu'il prétend être. Oui, Chaplin fait en quelque sorte un bilan désabusé de sa vie. On peut lire entre les lignes les affres du vieillissement qui le diminue, le désamour du public après M. Verdoux qui le ronge, sa mise à l'index par des USA plongés en pleine paranoïa anticommuniste qui le rend amer. Oui il fait ressurgir sur les murs un Charlot spectral à travers son Calvero au bout du rouleau, condamné à l'oubli, au néant (la canne et le chapeau melon accrochés sur le portemanteau, les affiches de Calvero où le mot "Tramp" c'est à dire "Vagabond", surnom de Charlot en VO peut être lu etc.)

Mais en même temps, il met en scène une mort des plus théâtrales après un numéro en forme d'apothéose (" Moi je veux mourir sur scène, devant les projecteurs") Et quelle est la raison de ce soudain regain de vitalité qui lui permet de s'accomplir au moment de partir pour de bon? Un échange décisif dans les coulisses avec Terry, la jeune danseuse souffrant d'hystérie que Calvero a recueilli au début du film après qu'elle ait tenté de se suicider. C'est l'amoureux de Terry, dépité d'être éconduit qui pose la bonne question "qu'est ce qu'il y a entre vous?" On pourrait répondre "Rien". Car l'amour entre Terry et Calvero est si fusionnel, absolu qu'ils peuvent se fondre l'un dans l'autre. C'est d'ailleurs ce qu'illustrent les scènes imprégnées de mysticisme où chacun prie pour le succès de l'autre. De même lorsque l'un s'effondre, l'autre se redresse dans un échange de flux énergétique assez saisissant. Si la transmutation ne s'est pas accomplie plus tôt c'est que Calvero passe l'essentiel du film à la refuser et à la fuir. Jusqu'au moment où dans les coulisses, il finit par l'accepter. Ce qui se passe entre elle et lui est alors moins un passage de témoin vers la jeune génération (ça sonne tellement toc d'ailleurs) qu'un accès direct à l'immortalité ("rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme").

Il est impossible qu'Almodovar n'ait pas pensé à ce film lorsqu'il a réalisé Parle avec elle en 2002. Est-ce vraiment un hasard s'il place dans la bouche de la fille de Chaplin (qui interprète comme par hasard une danseuse) ces mots magnifiques sur la transmutation "De la mort surgit la vie, du masculin, le féminin, de la terre surgit l'éther"?

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Sylvia Scarlett

Publié le par Rosalie210

George Cukor (1935)

Sylvia Scarlett

C'est un petit Cukor qui souffre d'un scénario décousu et invraisemblable et d'un casting pas toujours pertinent. Cary Grant (pas encore célèbre) n'est pas mis en valeur ce qui l'empêche de déployer son jeu hormis son jouissif éclat de rire final. Brian Aherne, jeune premier chargé de révéler à Katharine Hepburn sa véritable nature est assez fade et il aurait été plus judicieux de l'échanger contre Cary Grant comme le fera Hawks trois ans après. Reste le jeu vraiment génial de Katharine Hepburn tour à tour travesti audacieux jetant le trouble autour d'elle par ses comportements empreints de virilité et timide jeune fille en fleur en pleine éducation sentimentale. Plusieurs scènes jouent habilement sur l'ambiguïté du personnage pour aborder notamment l'homosexualité féminine. Pas étonnant qu'en dépit de ses défauts, Sylvia Scarlett ait fini par atteindre le statut de film culte dans la communauté LGTB.

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Charlot à la plage (By the sea)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1915)

Charlot à la plage (By the sea)

C'est du pur slapstick ce qui constitue une régression par rapport au précédent film de Chaplin (The Tramp- Charlot Vagabond) mais au moins c'est sans temps mort. Le septième film de Chaplin pour la Essanay a été tourné sur la plage de Malibu alors beaucoup moins fréquentée que de nos jours. Et si la pantomime gesticulante des personnages qui se bagarrent et se réconcilient à tour de bras fait craindre la lassitude celle-ci est évitée grâce à des gags bien trouvés (la glace tarte à la crème, les fils attachant les chapeaux qui s'emmêlent, le banc qui se renverse, le crochet de la canne qui permet à Charlot de se rapprocher d'Edna etc.), une mise en scène bien rythmée et un jeu toujours aussi étourdissant de Chaplin utilisant son corps et celui de son adversaire de façon virtuose.

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Bienvenue à Gattaca (Gattaca)

Publié le par Rosalie210

Andrew Niccol (1997)

Bienvenue à Gattaca  (Gattaca)

Appelle-moi plutôt Eugene, mon second prénom" dit Jérôme Morrow (Jude Law) l'homme génétiquement bien-né de la science à Vincent Freeman (Ethan Hawke) "l'invalide", le "dégénéré" fruit de Dame nature né avec entre autre une myopie et des problèmes cardiaques ne devant pas lui permettre de dépasser l'âge de 30 ans. Eugene ("bien-né" en grec) c'est l'eugénisme, la sélection génétique permettant de créer des êtres humains parfaits à qui les postes les plus élevés de la société sont réservés, les tâches subalternes étant dévolues aux imparfaits, tarés-ratés et autres "dégénérés". Une hiérarchie socio-raciale qui rappelle "Le Meilleur des Mondes" d'Aldous Huxley et s'inspire aussi de l'idéologie nazie laquelle aspirait à la pureté raciale par l'eugénisme. L'univers rétro-futuriste du film qui rappelle Brazil par son architecture démesurée et dépouillée et ses costumes et voitures des années 50 fait le lien entre les expériences du XX° siècle et l'anticipation d'un futur proche dystopique contre lequel Andrew Niccol (auteur également du scénario du remarquable Truman Show) appelle à résister.

Le facteur humain fait dérailler n'importe quelle machine bien huilée. L'homme est en effet pour reprendre l'expression de Sartre "condamné à être libre". Et c'est justement ce qu'est Vincent "Freeman". Un homme libre. Libre de se déterminer puisqu'il n'a pas été modifié par un programme génétique et formaté pour être le meilleur. Une croyance (une idéologie devrais-je dire) qui se heurte à la réalité. A savoir que l'homme ne peut être réduit à ses gènes et que la réussite tout comme l'échec a des causes immatérielles et incontrôlables. C'est la terrible désillusion vécue par Jérôme Eugene Morrow, homme génétiquement parfait programmé pour être un champion mais qui n'a jamais pu être que deuxième. Une désillusion qui lui a brisé les jambes. Ce qui lui a manqué, c'est la détermination de Vincent qui rêve d'aller dans les étoiles en devenant spationaute au sein du centre de recherches de Gattaca réservé aux jeunes gens dotés d'un patrimoine génétique supérieur. Une détermination qui le fait nager plus loin que les autres en dépit de ses problèmes cardiaques et traverser une route dangereuse alors qu'il n'y voit rien. C'est pourquoi Morrow ("lendemain") prête son corps à Vincent (c'est à dire ses fluides et ses cheveux pour déjouer les tests génétiques du centre) alors que Vincent lui prête son rêve c'est à dire redonne un sens à sa vie. A eux deux, ils recréent au delà de l'illusion d'un ADN irréprochable (le symbole de l'escalier) un être capable de soulever des montagnes pour s'élever au dessus de sa condition (le symbole de la fusée).

Histoire de rappeler que jamais la valeur d'un homme ne pourra être mesurée à la qualité de sa pisse.

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Baby Boss (The Boss Baby)

Publié le par Rosalie210

Tom McGrath (2017)

Baby Boss (The Boss Baby)

Je n'ai pas aimé ce film qui en dépit de quelques bonnes scènes a provoqué surtout chez moi tantôt l'ennui et tantôt la consternation.

L'ennui car chez Dreamworks visiblement, on ne recherche ni la cohérence du scénario, ni l'épure de la mise en scène. Il faut remplir, remplir, remplir le cadre à tout prix. Empiler, s'empiffrer à l'image des gros bébés de l'histoire. Il ne doit pas y avoir de temps mort. Alors certes, Baby Boss est moins hystérique que Madagascar 3 mais tout aussi incohérent et superficiel. Par exemple on multiplie les personnages inutiles au lieu d'approfondir ceux qui existent. Les bébés qui entourent le "Baby boss" par exemple surgissent du néant et retournent au néant aussitôt après avoir fait leurs scènes. En plus ce sont des clones des télétubbies et d'Agnès de Moi moche et méchant. Idem pour la dirigeante à lunettes de Baby Corp. On dirait une version humaine de Germaine de Monstres et Cie. On l'entrevoit 5 secondes avant qu'elle ne soit éclipsée par la vengeance du méchant caoutchouc de l'histoire, une grosse baudruche que les héros ont (trop) vite fait de dégonfler. Il en est de même avec les thèmes, les styles et les références. Il y aurait de quoi faire 4 ou 5 films avec les sujets abordés (monde imaginaire de l'enfance, rivalité fraternelle, guerre commerciale, récit initiatique etc.) mais tout cela se superpose de façon brouillonne et incohérente. Par exemple comment expliquer que les parents ne soient pas étonnés de recevoir par taxi un bébé de la baby corp en costard-cravate et attaché-case alors que l'on a vu un peu plus tôt la mère enceinte? Parce qu'une partie du film se passe dans la tête du grand frère Tim qui a une imagination débordante tiens! Sauf que cette imagination lorsqu'elle apparaît à l'image est censé bénéficier d'une esthétique 2D cartoons ou comics. Or rien de tel lorsque le baby boss arrive dans la famille et en repart. Idem lorsque Tim entend les bébés parler, idem lorsqu'il enregistre leurs paroles sur une cassette audio et qu'ils tentent de la lui reprendre. Si on suit les codes du film on est donc à ces moments là dans la réalité. On nage donc en pleine incohérence puisque le film fait cohabiter dans la même dimension la grossesse naturelle et la fabrique à bébés, les areu et le costume de manager, la voiture à pédales et l'explosion atomique. L'avalanche de références (certaines sont quand même assez drôles comme la parodie de Mary Poppins ou la bave du bébé qui fait penser à la goutte de sueur de Cruise dans Mission Impossible) ne fait que brouiller encore plus le message.

Un message qui tantôt semble faire un appel du pied aux petits enfants (gags caca-prout, mignons petits chiots type peluches Ty) et tantôt semble lancer des œillades aux adultes avec une soi-disant satire du monde de l'entreprise qui ne casse pas 3 pattes à un canard et s'avère de plus hypocrite. Car si mon sentiment dominant a été l'ennui devant ce grand n'importe quoi (au vu des critiques, certains y trouvent leur compte, tant mieux pour eux), c'est de la consternation que j'ai ressenti devant la dernière scène qui m'a fait l'effet d'une douche froide. Celle où le baby boss devient juste un boss qui continue à résoudre tous les problèmes en jetant des liasses de fric au visage. Ca ne m'a pas fait rire du tout.

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Monsieur Verdoux

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1947)

Monsieur Verdoux

Après l'Opinion publique, c'est la deuxième fois que Chaplin renonce à mettre son Vagabond en scène dans un long-métrage au profit d'un personnage qu'il avait déjà expérimenté dans ses courts-métrages mais qui ne bénéficiait pas de la même popularité que Charlot: celui du dandy. La scène où Verdoux croit boire du poison avant de prendre du lait comme antidote est en effet copiée sur un de ses premiers films de 1914 à la Keystone, Charlot marquis (Cruel, cruel love en VO). Le public a d'ailleurs sanctionné Monsieur Verdoux comme il avait sanctionné l'Opinion publique comme s'il ne concevait pas Chaplin autrement qu'en Charlot.

Pourtant c'est une magnifique gageure que réussit Chaplin 7 ans après le Dictateur: faire un film humaniste sur un criminel en série. Son Verdoux (inspiré par Henri-Désiré Landru) est si bien campé, si bien interprété qu'il transforme son procès en celui des USA, arsenal des démocraties s'enrichissant pendant la guerre en vendant ses armes de destruction massive: “Un meurtre fait un bandit, des millions, un héros. Le nombre sanctifie.” En pleine paranoïa anti-communiste liée au début de la guerre froide les USA feront payer cher à Chaplin cet esprit critique mâtiné d'humour noir et de cynisme. Un cynisme qui met en pièce la morale bien-pensante et les institutions mais qui s'arrête cependant à la porte des plus faibles. Verdoux n'est pas l'ennemi des femmes mais une sorte de justicier sauvage qui prend aux riches pour donner aux pauvres. Il assassine les rombières pleines aux as à tour de bras mais il essaye de protéger son épouse handicapée et son petit garçon. Il vient également en aide à une jeune femme tout juste sortie de prison et qui se livre à la prostitution pour survivre (un aspect censuré par la pudibonderie américaine). Verdoux (qui a commencé sa carrière de criminel après avoir perdu son emploi) et elle se comprennent et s'estiment. Mais Verdoux a tout d'un être maudit qui rejette les mains tendues et court vers son fatal destin. Mais pas en ligne droite. Son chemin est parsemé de haltes et d'imprévus où à chaque fois il se réinvente une identité pour mieux gruger sa nouvelle proie. Ce qui donne lieu, même dans le crime à des scènes d'une irrésistible drôlerie comme celle où il tente en vain divers stratagèmes pour assassiner l'une de ses épouses sur un bateau ou celle où il tente de se cacher d'elle alors qu'il doit en épouser une autre. C'est donc à juste titre que l'on a qualifié M. Verdoux de "tragicomédie".

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L'opinion publique (A Woman of Paris)

Publié le par rosalie210

Charles Chaplin (1923)

L'opinion publique (A Woman of Paris)

Film en trompe l'œil. Sous les apparences du mélodrame, une tragédie couve (ou drame d'une femme "marquée par le destin"). Mais la tragédie est surtout liée à l'absence de perspective, de ligne de fuite. A la campagne les pères tyranniques et tout-puissants (dont l'ombre expressionniste souligne l'aspect monstrueux) écrasent leurs enfants de leur puritanisme qui n'ont d'autre choix que de fuir. La ville est le royaume d'une autre basse-cour, mondaine, cynique et jouisseuse où les truffes au champagne sont "déterrées par des porcs et constituent un mets délicat pour les porcs et les gentlemen" (la porte d'entrée de l'une des soirées est surmontée d'une pancarte "Sagouin"). Chaplin renvoie ainsi dos à dos puritanisme et débauche comme les deux facettes de la même médaille.

Face à cet horizon bouché, le couple impossible formé par Marie Saint-Clair (Edna Purviance) et Jean Millet (Carl Miller) ne semble pas avoir beaucoup de marge de manœuvre. Néanmoins Chaplin laisse entrevoir avec beaucoup de finesse qu'ils sont également victimes d'eux-mêmes. La tragédie dissimule une clairvoyante étude de mœurs et de caractères. Marie semble être une jeune fille simple et sans malice mais elle finit par rejeter la pauvreté et la domination masculine pour vivre dans le luxe et se jouer des hommes tout en restant à leur merci. Le riche amant qui l'entretient Pierre Revel (Adolphe Menjou dont la retenue fait merveille) n'est pas dupe de ce qu'elle est et s'amuse beaucoup de la voir s'empêtrer dans ses contradictions (la scène où elle jette le collier avant de courir pour aller le récupérer montre que celui-ci est bien une nouvelle chaîne autour du cou). La fin elle aussi en trompe l'œil est un retour à la case départ à la campagne sous la houlette d'un nouveau "père". La morale américaine est sauve. Marie expie ses péchés en faisant de bonnes oeuvres. Amen. Dans une fin alternative amorale conçue pour l'Europe plus libérale en matière de moeurs (en VO le film s'intitule A Woman in Paris perçue comme une ville de plaisirs) elle restait dans la capitale française et se remettait avec Pierre. Dans les deux cas, pas d'issue. Jean qu'il soit rural ou urbain ne paraît jamais en mesure de s'affirmer face à ses parents. Sous la tutelle de son père castrateur à la campagne, de sa mère possessive en ville il se révèle faible, lâche, résigné et préfère fuir dans la mort que de se battre pour atteindre l'âge adulte.

Chaplin réalise un film mature, sobre (dans le jeu des acteurs, le choix du hors-champ), concis (l'art de l'ellipse), subtil et en avance sur son temps. Il n'est guère étonnant que le public ait été dérouté par autant de radicalité même s'il avait annoncé qu'il ne jouerait pas dans son film et que celui-ci serait un drame sérieux.

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