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Kirikou et la sorcière

Publié le par Rosalie210

Michel Ocelot (1998)

Kirikou et la sorcière

Où est mon père? Où sont les frères de mon père? Où sont les frères de ma mère? Pourquoi la source s'est tarie? Pourquoi Karaba est-elle si méchante?

Ces questions sont autant de brèches contre le poids de la fatalité qui accable un village d'Afrique de l'ouest quelque part entre le Sénégal (d'où viennent les doubleurs qui prêtent leurs voix aux personnages ainsi que le compositeur Youssou N'Dour) et la Guinée (où Michel Ocelot a vécu enfant). Ce village s'est résigné à mourir à petit feu sous l'emprise de la terrible sorcière à qui ils attribuent tous leurs malheurs. Mais Kirikou qui a été actif dès le début de sa vie puisqu'il s'est enfanté tout seul ne se résigne pas. Il veut comprendre et il veut agir. Et il n'a pas peur. Tout le contraire des villageois qui rivalisent d'obscurantisme, de pusillanimité, de bêtise et de préjugés. La taille lilliputienne de Kirikou et son jeune âge leur inspirent le plus grand mépris. Ils refusent d'écouter ses conseils et refusent de l'aider. Et leur mémoire de poisson rouge leur fait bien vite oublier leur sauveur. Kirikou est tout seul. Sa mère et son grand-père sont de son côté mais sa mère est prisonnière du village et son grand-père de la montagne. Une seule autre personne subit un tel ostracisme: la sorcière qui vit à l'écart du village. Pas étonnant qu'elle fascine Kirikou qui ne veut pas seulement l'empêcher de nuire. Il veut la délivrer de la haine des hommes qui la ronge, sachant sans doute confusément que son sort et le sien sont liés. Et ils le sont effectivement. Karaba a été meurtrie dans sa chair et sa soif de vengeance est d'abord une volonté de contrôler ceux qui l'ont fait souffrir (elle transforme les hommes en objets fétiches, ainsi ils ne pourront plus lui faire du mal). La terreur qu'elle inspire se nourrit aussi de préjugés puisque Kirikou découvre qu'elle n'a pas fait le mal qu'on lui prête. En la délivrant, il se délivre aussi puisqu'un baiser (de réconciliation entre l'homme et la femme) suffit à le métamorphoser en prince.

Outre la profondeur de son histoire et ses personnages marquants, Kirikou et la sorcière scelle un mariage particulièrement réussi entre la culture occidentale et la culture africaine. Michel Ocelot est un trait d'union entre ces deux civilisations qu'il mêle harmonieusement. La forme est aussi somptueuse que le fond. Musique de Youssou N'Dour, esthétique inspirée du Douanier Rousseau, de Klimt et de l'Egypte antique, inspiration puisée dans les contes de fée occidentaux... Mais à l'image de Kirikou, il a fallu une détermination sans faille à Michel Ocelot pour résister aux pressions qui voulaient dénaturer son œuvre en la privant de son identité africaine. Ceux qui voulaient que les personnages soient doublés par des français et ceux qui voulaient rhabiller les corps dénudés, un tabou pour les sociétés anglo-saxonnes. Mais ils ont dû plier devant "l'innocence toute nue et l'intelligence toujours en éveil": le succès bien mérité de Kirikou a été planétaire.

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Max en convalescence

Publié le par Rosalie210

Max Linder (1911)

Max en convalescence

Max en convalescence tout comme Les débuts de Max au cinéma a un caractère autobiographique. Victime d'un accident pendant un tournage (éventration à la suite d'un saut acrobatique en patin à roulettes au Théâtre de la Cigale), Max Linder dût subir une opération et s'arrêter plusieurs mois en 1911 durant lesquels il effectua sa convalescence auprès de sa famille dans le bordelais.

L'influence des frères Lumière est bien repérable. Le début est un quasi copier-coller de L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat. Sauf que nous ne sommes pas dans le sud-est mais dans le sud-ouest, à Saint-Loubès précisément. Max est accueilli par sa sœur Marcelle et tous deux se rendent dans la maison de leurs parents Jean et Suzanne Leuvielle (le véritable nom de Max Linder étant Gabriel Leuvielle). Le décor champêtre semble idéal pour se reposer. Mais c'est sans compter sur l'animosité d'un poney qui prend un malin plaisir à tourmenter le pauvre Max, l'arrosant, le faisant tomber de sa chaise et finalement le précipitant dans le canal. Seul le chien fidèle de la famille viendra à son secours.

Max Linder met en scène beaucoup d'animaux dans ses films. Soit en tant qu'alliés, soit en tant qu'ennemis. On peut tout à fait interpréter cette omniprésence comme une représentation des pulsions refoulées. Pulsion de vie avec le chien et pulsion de mort avec le poney. Le caractère autodestructeur de Max Linder n'avait pas encore pris le dessus mais il s'exprimait déjà dans ce film qui montre également qu'en dépit de l'apparente sérénité familiale, Max s'était isolé avec une existence de saltimbanque très éloignée des valeurs bourgeoises de celle-ci. La fin en forme d'engloutissement préfigure l'oubli de Max dans sa propre famille, l'enterrement honteux de ses films dans le jardin, une omerta que sa fille mettra des dizaines d'années à briser.

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A voix haute- La Force de la parole

Publié le par Rosalie210

Stephane de Freitas et Ladj Ly (2016)

A voix haute- La Force de la parole

Retournant comme un gant les clichés négatifs attachés aux banlieues populaires/cités/"quartiers" (barrer les mentions inutiles) véhiculés dans les médias et le monde politique, le documentaire nous montre que la France a un incroyable talent: sa jeunesse cosmopolite. A condition de lui donner la parole.

C'est exactement l'objet du concours Eloquentia qui consiste à élire le meilleur orateur de Seine-Saint-Denis. Le documentaire braque les projecteurs sur une douzaine de candidats étudiant à l'université de Paris VIII. Il montre leur préparation sous la houlette de professionnels chevronnés (avocat, compositeur de slam, metteur en scène...) puis les différentes étapes du concours. On peut déplorer cet aspect de sélection-compétition retenu au nom de l'efficacité dramaturgique car il singe les pires aspects de la téléréalité, jury de stars compris. Or ce qui compte n'est pas le but, mais le chemin, filmé à plusieurs reprises.

Les portraits intimistes de quelque uns des candidats sont l'aspect le plus intéressant du film. Leila, hyper élégante et lettrée déconstruit les stéréotypes liés à la femme voilée , Elhadj évoque la période où il était SDF comme le déclencheur de sa prise de conscience de la parole comme arme de défense et Eddy fait 6 heures de trajet par jour (dont 20 km à pied) pour faire ses études. Ces jeunes métissés (deux des trois sont issus de couples mixtes) évoquent leurs origines comme une force et une richesse. De quoi apporter de l'eau au moulin d'une évolution nécessaire des représentations de cette jeunesse dont la méconnaissance nourrit les peurs et les fantasmes les plus mortifères. La scène finale dans le Palais de justice sous les ors de la République souligne l'enjeu essentiel de leur intégration. C'est là que réside le trésor de la France et son avenir.

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Les débuts de Max au cinéma

Publié le par Rosalie210

Louis J. Gasnier et Max Linder (1910)

Les débuts de Max au cinéma

Max se rend chez les frères Pathé pour obtenir son premier rôle au cinéma, recommandé par un ami du théâtre de l'Ambigu Comique où il se produisait tous les soirs. Il y a donc une mise en abyme autobiographique savoureuse autour des vicissitudes du métier d'acteur: on le promène de bureau en bureau, il est giflé, défenestré, bombardé de meubles, jeté et roulé à terre, arrosé... Et à la fin on lui demande de remercier gentiment la caméra ce qui le fait exploser et s'en prendre au réalisateur (Lucien Nonguet).

Le titre est cependant trompeur. Ce n'est pas le premier film que Max Linder a tourné pour les frères Pathé. Il a commencé en effet cinq ans auparavant mais la plupart des films dans lesquels il a joué entre 1905 et 1910 (au rythme de un par jour!) sont semblent-ils perdus. On ne sait d'ailleurs pas exactement combien il en a tourné soit en tant qu'acteur sous la direction d'un des réalisateurs maison (Gasnier, Monca, Nonguet, Zecca etc.) soit en tant que réalisateur. On sait juste que c'est durant cette période qu'il a inventé son personnage de "Max", jeune dandy raffiné et séducteur à moustache fine et chapeau haut-de-forme.

L'art cinématographique n'en étant qu'à ses débuts, on ne sera pas surpris de l'abondance de plans basiques larges et fixes où l'on filme les décors de cinéma comme s'il s'agissait d'une scène de théâtre. Tout au plus remarque-t-on un léger raccord au moment de la bagarre de rue.

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Max prend un bain

Publié le par Rosalie210

Lucien Nonguet (1910)

Max prend un bain

Tourné en 1911, Max prend un bain est une comédie de mœurs assez tordante. A cause de ses tics nerveux, le docteur "Saimelamort" recommande à Max de prendre des bains froid une heure par jour. Mais en 1911, les appartements même bourgeois sont dépourvus de salle de bains et d'eau courante. Voilà donc ce pauvre Max contraint de prendre son bain sur le palier en espérant n'être vu de personne. Evidemment il n'en est rien et le jeune homme déclenche un joli scandale pour "atteinte à la pudeur". La baignoire devient une sorte de chaise à porteurs lorsqu'elle est expédiée avec son propriétaire jusqu'au commissariat. Puis après avoir vidé son contenu sur les policiers, Max s'enfuit en se cachant dessous, la transformant en baignoire-tortue à pattes. Pour finir il s'en sert comme projectile contre les policiers lancés à sa poursuite. L'absence de son costume daté fait encore plus ressortir la modernité du jeu de Max Linder, sa simplicité et son naturel. Il apparaît incroyablement vivant et proche de nous, plus de 100 ans après le tournage du film.

Bien que l'on trouve une majorité de plans larges et fixes, on observe aussi quelques innovations: l'insert d'un gros plan en plongée quand Max se cache sous l'eau pour tenter de ne pas être vu de ses voisins et une plongée verticale sur un sol peint en trompe-l'oeil pour faire croire qu'il s'agit d'un mur.

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Dernières nouvelles du cosmos

Publié le par Rosalie210

Julie Bertuccelli (2016)

Dernières nouvelles du cosmos

Grandeur et misère de l'humanité se côtoient dans ce documentaire brouillon et pâlot dans sa forme mais "filmo-magnétisé" par son sujet, l'énigme que pose aux humains dits normaux (en langage autiste "neurotypiques") Hélène Nicolas/Babouillec.

Hélène Nicolas est une jeune femme autiste de 30 ans qui en paraît 18 (caractéristique que l'on retrouve fréquemment dans cette population). Elle fait terriblement penser à ceux qui sont atteint du "locked-in syndrome". Elle a été longtemps murée dans son corps lourdement handicapé. Son langage oral est à ce jour presque totalement inarticulé, elle bave, sa motricité est très défaillante. Elle a le plus grand mal à se servir de ses mains dont elle semble avoir saisi récemment l'existence. Il en est de même de ses pieds. Elle ne peut se coiffer seule ni tenir un stylo. Mais en dépit de cette enveloppe déficiente et son caractère indéchiffrable, sa mère finit par réussir à se frayer un chemin jusqu'à Babouillec, l'esprit d'Hélène Nicolas. L'interface résidant dans de petites lettres cartonnées et plastifiées qu'Hélène attrape maladroitement avec ses doigts pour les agencer sur une feuille de papier. On découvre alors non seulement qu'elle sait lire et écrire sans jamais l'avoir appris faute d'avoir été acceptée à l'école mais qu'elle a une maîtrise vertigineuse de la langue au service de textes fulgurants. Des mathématiciens, des philosophes, des metteurs en scène de théâtre se pressent à son chevet, fascinés par la richesse et le caractère visionnaire et poétique de ses textes en prise directe avec l'élément cosmique. Car si le corps d'Hélène est limité et pataud, son esprit lui est infiniment plus libre et ouvert que le nôtre, racorni et borné par les normes sociales. De plus seule la partie agissante du corps est handicapée, la sensibilité est plus aiguisée que la normale (tout comme ses capacités intellectuelles) ce qui lui permet d'avoir une connexion exceptionnelle avec l'intériorité des êtres et du monde qui l'entoure. "Je suis télépathe et iconoclaste." "En libre raconteuse d'histoires, le cosmos nourrit mes voyages."

Hélène pose un véritable défi à la société qui avec ses normes et ses bornes stupides ne l'a jamais intégrée, ne s'est jamais occupé d'elle et n'a jamais cherché à la connaître. " Être ou ne pas être, là est la question. Dire merde à ceux qui croient savoir, là est la réponse." Nous avons en effet encore beaucoup de chemin à parcourir avant de progresser dans la voie de l'accouchement de nous-mêmes. Et cela passe par l'écoute et non l'étouffement des différences: " Les minorités sont comme les étoiles dans le ciel, elles font briller le noir." Sans Hélène, le documentaire n'aurait aucun intérêt mais il est dommage que la réalisatrice et les metteurs en scène soient si peu inspirés. On imagine ce qu'Hélène aurait pu en faire si c'est elle qui avait pu tenir la caméra ou mettre en scène ses propres pièces.

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L'inconnu (The Unknown)

Publié le par Rosalie210

Tod Browning (1927)

L'inconnu (The Unknown)

Lon Chaney a tourné 10 films avec Tod Browning. Les deux hommes étaient passés par le cirque et Chaney, "l'homme aux mille visages" et au corps tout aussi métamorphe répondait à la fascination que Browning éprouvait pour la monstruosité humaine. Chez Browning nul artifice, nul trucage mais de vrais corps dans tous leurs états. Chaney pouvait jouer toutes les difformités, accomplir toutes les métamorphoses, du bossu au ventriloque en passant comme ici par le bandit manchot.

L'inconnu peut être lu d'une manière psychanalytique tant il déborde de symboles sexuels. Une sexualité traumatique, mutilée, mortifère. Alonzo (Lon Chaney) est un lanceur de couteaux privé de bras. La métaphore de la virilité et de sa négation. Conflit en vue. Une tension sexuelle s'installe dès la première scène avec sa partenaire, la belle Nanon (Joan Crawford). Les couteaux viennent se planter tout autour d'elle, la déshabillant au passage. Mais cet érotisme se mâtine d'un certain malaise car Alonzo utilise ses pieds ce qui déforme son apparence. Et il est le seul homme que Nanon peut approcher car elle ne supporte pas le contact des mains masculines. Autrement dit, elle l'aime parce qu'il est impuissant. Les mains masculines sont une métaphore du viol incestueux. En effet le directeur du cirque, Antonio Zanzi (Nick de Ruiz) qui est le père de Nanon s'avère être intrusif et castrateur.

Ce que Nanon ignore, c'est la véritable identité d'Alonzo. Celui-ci s'est composé un personnage d'impotent pour tromper la police autant que pour lui plaire. En réalité il est exactement l'inverse de ce qu'il paraît. Un dangereux criminel en pleine possession de ses moyens. Non seulement il a des bras et des mains mais il en a même trop puisqu'il a deux pouces. Il rêve de posséder Nanon en éliminant ses rivaux. Sa folle passion se mue en rage meurtrière et autodestructrice. Il étrangle son père et tente de tuer son fiancé Malabar (Norman Kerry) lors d'une scène d'écartèlement vraiment terrifiante où l'homme fort manque se faire symboliquement castrer. Mais Alonzo ne réussit pas car il a cédé à une fatale contradiction. Pour que Nanon ne découvre pas son imposture, il s'est réellement fait couper les bras, tuant au passage tous les témoins de l'opération (une scène du film disparue à jamais qui accentuait encore sa folie meurtrière). Mais en se faisant amputer il se prive aussi de toute possibilité réelle de se rapprocher de celle qu'il aime. Ce qu'il découvre lors d'une scène saisissante où il passe de l'éclat de rire au rictus de haine en un éclair. Dès lors, il est condamné. 

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La monstrueuse Parade (Freaks)

Publié le par Rosalie210

Tod Browning (1932)

La monstrueuse Parade (Freaks)

C'est l'humanité de Freaks qui le rendit jadis insoutenable et qui aujourd'hui encore en fait un film à part. Peu d'œuvres osent ainsi fouiller aussi loin dans les bas-fonds de l'âme humaine et s'approcher aussi près des corps et des esprits les plus difformes et les plus handicapés que la nature puisse produire. L'attraction-répulsion que provoque ces êtres est mise en abyme dans le film. D'abord dans la première scène où des spectateurs-voyeurs se pressent à la foire pour voir l'un de ces monstres et entendre son histoire. Un monstre qui ne nous est montré qu'à la fin et dont l'aspect fantastique interroge. Entre les deux scènes en effet, un flashback nous raconte comment et pourquoi Cléopâtre (Olga Baclanova) a subi cette terrifiante métamorphose extérieure. On découvre en effet que la belle trapéziste est déjà un monstre à l'intérieur d'elle-même tout comme son amant Hercules (Henry Victor). Mais elle ne veut pas reconnaître, elle ne veut pas voir, elle ne veut pas savoir qu'elle est entourée de freaks parce qu'elle est un "freak" elle aussi. La scène du repas de noces où après s'être copieusement moquée d'eux, le visage (déjà) déformé par la méchanceté, elle leur jette à la figure la coupe dans laquelle ils ont tous communiés au cri de "tu es des nôtres" est un terrible miroir qui nous est tendu. Car la manière sensible et pudique dont les êtres difformes et handicapés sont filmés met particulièrement bien en exergue leurs similitudes avec les êtres humains dits normaux. On les voit vaquer à leurs activités quotidiennes, faire leur lit, boire, manger, fumer, allumer une cigarette, étendre du linge, jouer, se fiancer, accoucher. On les voit souffrir, aimer, rire, pleurer, vibrer, haïr aussi avec une terrible scène de vengeance collective à la fin. "En offenser un, c'est les offenser tous." Le film nous fait comprendre qu'en "offenser un c'est NOUS offenser tous" car détruire les différences visibles c'est également détruire ce qui nous constitue en tant qu'humain. Terrible prémonition alors que le film est sorti en 1932 soit seulement 7 ans avant la mise en place du programme eugéniste T4 d'extermination des handicapés physiques et mentaux dans l'Allemagne nazie.

Freaks a eu une influence considérable sur Tim Burton et David Lynch en particulier, Elephant Man s'inscrivant clairement dans la même lignée que le film fondateur de Tod Browning.

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Charlot débute au cinéma (His new Job)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1915)

Charlot débute au cinéma (His new Job)

"His new job" est le premier film que Chaplin a tourné pour la Essanay d'où un titre qui peut être perçu comme une allusion au début de son nouveau contrat. Mais ce n'est pas le premier de ses films qui a pour cadre un studio de cinéma. Il en avait déjà tourné deux pour la Keystone: "Charlot fait du ciné" ("A film Johnnie") et "Charlot grande coquette" ("The Masquerader"). Dans "His new job", Chaplin y fait d'ailleurs allusion en nommant les studios fictifs dans lesquels il joue studios "Lockstone"! Ces films reflètent les premiers pas de Chaplin autant qu'ils nous renseignent sur l'époque pionnière du cinéma à Hollywood. On y voit apparaître Ben Turpin et même Gloria Swanson dans un petit rôle.

"His new job" n'est pas le meilleur court-métrage de Chaplin. Il se traîne en longueur et donc manque de rythme. De plus il utilise par moments des gags éculés de type slapstick (coups de marteau, gifles, coups de pied et de sabre aux fesses, porte dans la figure...) Mais il montre aussi un Charlot gaffeur, élément perturbateur dans un scénario trop bien huilé, semant la zizanie devant et derrière la caméra (et en plus il sort indemne de toutes les situations compromettantes, les apparences donnant tort à ses partenaires!) Un Charlot prolétaire assez brut de décoffrage, impoli voire brutal comme dans les premiers films de la Keystone. Mais voilà qu'il se permet d'entrer sans autorisation dans la loge de la star du film et revêt son uniforme (l'usurpation d'identité est au cœur des films de Chaplin). A ce moment là seulement et pour un bref moment, l'autre Charlot/Chaplin se fait jour, le gentleman distingué et sentimental qui s'épanouira dans ses films ultérieurs. Oui Chaplin est double et même un film aussi imparfait que celui-là en porte la marque.

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Cars: 4 roues (Cars)

Publié le par Rosalie210

John Lasseter et Joe Ranft (2006)

Cars: 4 roues (Cars)

Cars est un Pixar sous-évalué en France à cause de sa culture "américano-centrée" à commencer par ses personnages, des automobiles humanisées. Des a-priori complètement stupides (et c'est une personne qui déteste les automobiles qui l'affirme). Outre sa qualité technique irréprochable, Cars comme la majorité des films des studios Pixar possède un scénario absolument remarquable, bien plus étoffé et subtil qu'un énième récit d'apprentissage pour enfants destiné à passer le temps.

C'est justement de temps dont il est question dans Cars. Deux temps, deux espace temps. L'introduction nous plonge avec un dynamisme et une efficacité qui devrait être enseignée dans toutes les écoles spécialisées au beau milieu d'une course automobile comme métaphore de la société américaine actuelle et par extension de la mondialisation libérale. Culte de la vitesse, absence de vision à long-terme, compétition acharnée pour être le premier dans un monde se divisant entre winner et loosers, podium offrant trois profils typiques (le ponte indéboulonnable soutenu par une écurie de sponsoring que tout le monde rêve d'intégrer, l'éternel second frustré et revanchard prêt à tous les coups bas et le jeune rookie ambitieux), marchandising effréné, médias omniprésents... La suite ne fait que peaufiner la critique de l'individualisme, de l'argent roi et de la société de consommation. Harv, l'agent de Flash McQueen se réduit à une calculatrice dont la jovialité est démentie par de petites phrases bien assassines ("quelle course mon vieux! Bon je ne l'ai pas vue mais on m'a dit que tu t'es surpassé"; "Je regrette presque de te prendre 10% de tous tes gains, produits dérivés, droits d'exploitation"; "Tu te passes très bien de moi. Non je rigole, t'as signé de toutes façons". McQueen lui-même est un orgueilleux qui refuse d'écouter les conseils, cabotine à mort devant les projecteurs oups, un "one-man-show" qui "travaille en solo", méprise les pit stoppers qu'il appelle "machin", a honte de son sponsor tout pourri, la marque Rust-eze (excellente satire des produits cosmétiques censés rendre la jeunesse/dérouiller les vieux tacots) et rêve d'atteindre les sommets de la gloire et de la toute-puissance.

Mais à force d'être trop pressé, McQueen se retrouve largué à Ploucville, au milieu de la cambrouse, condamné à accomplir des travaux d'intérêt général pour réparer la route que son comportement de chauffard a dévasté. Une ville morte située au milieu du désert et où le temps s'est arrêté. Il bascule alors dans le passé oublié du rêve américain symbolisé par les Ford T Stanley et Lizzie fondateurs de la ville et la mythique route 66, dévitalisée, abandonnée par la construction en parallèle d'une autoroute en ligne droite "Il y a 40 ans, on roulait de façon différente. La route épousait le paysage. Elle montait, descendait, serpentait, elle ne coupait pas à travers les terres pour gagner 10 minutes." Et de mesurer le temps perdu non en quantité mais en qualité "On ne cherchait pas à gagner du temps. On cherchait à prendre du bon temps."

C'est alors que la société altermondialiste se fait jour, puisant paradoxalement dans les racines de l'histoire des USA. Une société de la lenteur, de la contemplation, des émotions, de l'anti-consumérisme (le décor de montagnes en arrière-plan de Radiator Springs fait allusion à une œuvre d'art contestataire bien réelle le "Cadillac Ranch" où 10 épaves de Cadillac sont alignées dans le désert) du travail bien fait et de l'écologie avec pour emblème Fillmore le van Volkswagen hippie adepte de Hendrix et accessoirement vendeur de carburant bio. Fillmore qui tempère l'Amérique réac profonde symbolisée par le sergent. Radiator springs s'avère être un refuge pour tous les cabossés-rebuts de la société dominante qu'ils soient immigrés (Luigi et Guido, Ramone et Flo), inadaptés (Red), trop vieux (le shérif), simples d'esprit (Martin) ou désabusés (Sally l'ancienne avocate et Hudson Hornet l'ancien champion), tous sont partis se ressourcer (et soigner leurs blessures) au "vert" (enfin plutôt au "rouge" du désert).

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