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Zelig

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1983)

Zelig

Zelig fait partie des pépites méconnues de Woody Allen avec une proposition originale sur la forme (le "documenteur") au service d'une histoire plus fine qu'elle n'en a l'air servie par des acteurs inspirés. Mia Farrow, l'actrice la plus sensible que Woody Allen ait employée trouve avec Eudora Fletcher l'un de ses plus beaux rôles avec celui de Cecilia (La rose pourpre du Caire), Hannah (et ses soeurs), Hope (Une autre femme) et Alice dans le film éponyme.

Zelig raconte l'histoire d'un homme qui dans les années 20 défraie la chronique parce qu'il est capable de se fondre dans son environnement au point qu'on le surnomme "l'homme-caméléon." Avec des gros il grossit, des noirs il noircit etc. La psychanalyste Eudora Fletcher le traite sous hypnose et découvre qu'il souffre d'une insécurité affective très forte. Pas difficile de comprendre pourquoi un garçon juif a une telle soif de conformisme. L'ironie de l'histoire étant qu'en voulant se fondre dans la masse, il devient un phénomène de foire célébré un jour, lynché le lendemain. On croirait presque entendre Eléphant man dire "je ne suis pas un animal, je suis un être humain."

Bien avant l'apparition du numérique, Woody Allen réussissait le tour de force d'insérer ses personnages de fiction dans des archives d'actualités avec des techniques quasi indécelables. Il en profite pour pasticher les émissions TV consacrées à la vie de personnalités (avec archives et experts) comme il l'avait fait pour son premier film (Prend l'oseille et tire-toi) et comme il le fera plus tard avec Accords et Désaccords, un autre faux biopic donnant l'illusion du vrai.

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Une autre femme (Another woman)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1988)

Une autre femme (Another woman)

Woody Allen a souvent pratiqué l'exercice de style en forme d'hommage à ses maîtres sans parvenir à insuffler une personnalité, une âme à ses films. Avec Une autre femme il réussit là où il avait échoué avec Intérieurs et September: s'approprier le style et les thèmes d'Ingmar Bergman pour accoucher d'une oeuvre totalement personnelle et incarnée.

Bergmanien, Une autre femme l'est assurément puisque le film reprend la trame des Fraises sauvages. Au soir de sa vie (enfin presque, Marion n'a "que" cinquante ans) un/une professeur fait le point sur sa réussite professionnelle et ses échecs personnels. Marion apparaît comme une bourgeoise bon teint tirée à 4 épingles, hautaine et intimidante, à la vie sociale et intellectuelle bien remplie. Mais sa vie affective est un désert. Elle a renoncé à un amour passionnel pour un homme froid qui la délaisse, elle n'a pas voulu d'enfants et elle a mis à distance tout son entourage par son comportement égocentrique (son premier mari s'est suicidé, la fille de son second mari craint son jugement, son petit frère sacrifié l'admire mais la hait, sa meilleure amie s'est volontairement éloignée car elle séduisait l'homme sur lequel elle avait des vues...).
Elle n'a pas conscience de ce vide intérieur jusqu'au jour où ayant loué un appartement pour écrire elle entend une jeune femme enceinte et dépressive (la bien nommée Hope) se livrer en psychanalyse. C'est un électrochoc qui la confronte à la vérité.

Alors qu'on pourrait penser qu'il s'agit d'un film austère et déprimant, Hope (surnommée ainsi en référence au tableau de Klimt représentant une femme enceinte que l'on voit dans le film) tout comme le poème de Rilke "Tu dois changer ta vie" sont autant de signes antilétaux qui annoncent la possible renaissance de Marion en "autre femme". Une femme enfin capable de se confronter aux émotions au lieu de les fuir.

Dans le rôle de Marion, Gena Rowlands est exceptionnelle. Woody Allen a réussi l'exploit de lui écrire un rôle à la hauteur de ceux qu'elle a joué pour Cassavetes. Et ce n'est pas rien!

Une autre femme contient en germe au moins deux scénarios que Wody Allen a réalisé par la suite. Celui de Maris et femmes (un couple qui annonce sa séparation avant de se réconcilier provoque le divorce d'un autre couple chez qui en apparence tout allait bien) et celui de l'Homme irrationnel (un professeur de philosophie séduit son étudiante la plus brillante).

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Café society

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2016)

Café society

Une belle lumière (grâce au directeur de la photographie d'Apocalypse now), une mise en scène élégante, des acteurs de premier plan plutôt convaincants (cela n'a pas toujours été le cas, dans le calamiteux Melinda et Melinda par exemple), des décors et des costumes raffinés permettent de compenser les faiblesses. Un scénario guère original (les altermoiements d'un triangle amoureux), un arrière-plan vite expédié (passé les 20 premières minutes on oublie qu'on est à Hollywood. New-York reste également assez abstraite. Quant à l'agent surbooké campé par Steve Carell, il ne reçoit plus un seul coup de fil et devient subitement sentimental et disponible!) sans parler des blagues vues et revues (notamment sur la religion juive.) De même on peut regretter que le personnage féminin soit si conventionnel alors qu'il est joué par une actrice qui ne l'est pas (Kristen Stewart). Heureusement il y a de la mélancolie, des regrets qui donnent lieu à de beaux passages mais rien n'est creusé, c'est dommage. Ce café society trop léger fait un peu exercice de style vain comme beaucoup d'autres films de ce réalisateur.

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Peau d'Ane

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1970)

Peau d'Ane

Peau d'âne, mi-princesse mi-souillon, mi-humaine mi-animal tout comme sa marraine "un peu poule un peu fleur" est à l'image de la personnalité et de l'oeuvre de Jacques Demy: hybride.

D'une part Peau-d'âne est étroitement lié à son enfance durant laquelle il assistait à des spectacles de marionnettes où le conte l'avait enchanté. Plus tard il découvrit la magie du cinéma et Blanche-Neige dont il a repris l'image du cercueil de verre pour les funérailles de la mère de Peau d'âne. D'autre part le thème de l'inceste, central dans Peau d'âne, est récurrent dans son oeuvre jusqu'à être consommé dans son dernier film 3 places pour le 26.

Sur le plan des références aussi Peau d'âne est hybride. Tradition et poésie d'un côté avec le Moyen-Age (la barbe fleurie), la Renaissance (coiffures), les contes de Perrault du XVII°, le XVIIl° (robes de princesse) mais aussi Cocteau et la Belle et la Bête à qui Demy rend hommage en lui empruntant Jean Marais dans le rôle du roi et en reprenant certaines de ses idées de mise en scène ou de trucages. Modernité voire avant-gardisme de l'autre avec des allusions (la fumette) et des éléments visuels empruntés au pop art et au psychédélisme. Jacques Demy a réalisé Peau d'âne peu après son retour de Los Angeles où il a notamment fréquenté la Factory d'Andy Warhol et s'est fait un ami en la personne de Jim Morrison le leader des Doors qui est venu assister au tournage de l'une des dernières séquences du film tournée à Chambord.

Le résultat de tous ces mélanges est d'une splendeur visuelle et poétique rarement égalée dans le cinéma français sans parler des chansons de Michel Legrand toutes passées à la postérité. Pas étonnant que les époques se télescopent si harmonieusement dans le film avec une marraine au look de Jean Harlow rapportant des poésies mais aussi un hélicoptère du futur!

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Parking

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1985)

Parking

Comme le disent les Inrockuptibles "Pour aimer Parking, il faut passer par-dessus beaucoup de choses" à commencer par une esthétique visuelle et musicale eighties qui n'est pas du meilleur goût (sauf celle des Enfers très réussie avec un contraste noir/blanc/rouge et reflets bleus-verts) sans parler de la voix catastrophique de Francis Huster censé représenter une rock-star qui déplace les foules et déchaîne l'hystérie (quoiqu'au second degré, ça peut être très drôle de l'écouter, il existe un montage assez hilarant sur Youtube d'ailleurs).

Blague à part le film vaut quand même la peine d'être vu car il constitue en quelque sorte la descente aux enfers de Demy. En proie à des difficultés aussi bien professionnelles que personnelles depuis plusieurs années, Demy touche en effet le fond avec ce film laid, glauque et torturé qui reprend une trame orphique qui lui est chère: outre Orphée et Eurydice, on retrouve Caron, le Styx et l'Enfer déjà aperçus dans son deuxième film La baie des anges. Le tout transposé dans les années quatre-vingt où plane l'ombre de la drogue et du sida (dont on sait aujourd'hui que c'est la maladie dont est mort Demy en 1990).

Néanmoins comme tous les Demy, Parking est hybride. D'un côté donc le contexte très lourd des années quatre-vingt dans lequel il s'enfonce irrémédiablement, de l'autre, l'héritage du mythe et de Cocteau. Si Peau d'Ane était la fille (certes bigarrée de Flower Power, de Pop Art...) de La Belle et la Bête, Parking est le fils (certes un peu raté...) d'Orphée et du Testament d'Orphée. Avec dans les deux cas la présence de Jean Marais qui joue dans Parking le rôle d'Hadès le dieu des Enfers, marié à sa nièce "Claude" Perséphone. A l'inceste s'ajoute donc l'androgynie des couples Hadès/Perséphone et Orphée/Eurydice: hommes efféminés et femmes masculinisées. C'est bien évidemment pour cette raison qu'il avait pensé dans un premier temps au couple Bernard Giraudeau/Annie Duperey.

"Chez Demy ce n'est pas la mort qui sépare Orphée et Eurydice mais plutôt la différence des sexes." Orphée et Eurydice sont en effet bisexuels mais cette bisexualité à résonance autobiographique est empreinte d'une lourde culpabilité: juste au moment où il embrasse enfin Calaïs (son ingénieur du son), Eurydice s'injecte une dose mortelle d'héroïne (reçue des mains de Bacchantes lesbiennes bien résolues à récupérer leur brebis égarée!)

L'ambivalence sexuelle d'Orphée-Demy trouve son aboutissement dans la chanson "Entre vous deux mon cœur balance" que Francis Huster interprète dans Parking. La chanson fait d'ailleurs allusion au signe astrologique de Demy comme dans la chanson des jumelles de Rochefort ("toi la vierge de mon cœur, toi mon gémeau venu d'ailleurs, vous êtes mes deux enfants de l'amour, vous êtes ma nuit et mon jour, pourquoi choisir?)
Bien évidemment c'est à Jim Morrison que Jacques Demy pensait en écrivant le rôle puis à John Lennon, puis à David Bowie. Mais le rêve s'est fracassé contre le mur de la réalité dans ce film définitivement désenchanté.

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La baie des anges

Publié le par Rosalie210

Jacques Demy (1963)

La baie des anges

L'intrigue du deuxième film de Jacques Demy, La Baie des Anges est une métaphore d'un parcours transgressif du dedans vers le dehors: un modeste employé de banque d'allure janséniste sans perspective d'avenir, Jean Fournier est initié aux jeux d'argent par un de ses collègues, Caron (!) et y prend goût malgré l'opposition de son père qui le chasse de la maison.

Une fois le Styx traversé, Jean se retrouve enchaîné à une femme fatale, joueuse invétérée, Jackie Demaistre (jouée par une flamboyante Jeanne Moreau en guêpière, un fantasme fétichiste que Demy avait déjà concrétisé dans son premier film Lola). Sa vie n'est plus rythmée que par les montagnes russes de la roulette qui s'apparente vite à une descente aux enfers.

Et pourtant et là réside toute l'ambiguïté du film et de la passion qui l'anime, Jackie ne dit-elle pas que la joie qu'elle éprouve au jeu n'est comparable à aucune autre joie? Et Jackie Demaistre n'est-elle pas le quasi anagramme de Jacques Demy?
La baie des Anges nous place au carrefour d'une contradiction fondamentale: le monde des vivants apparaît vide, plat et sans âme alors que le monde des morts porte en lui les grandes émotions et le génie créatif. Pour goûter à cette forme de jouissance, les personnages sont prêts à en accepter le corollaire inévitable, la déchéance, l'avilissement.

Le jeu est bien évidemment une métaphore du cinéma: "La baie des Anges met en scène la violence qu'il y a à être accroché au royaume des ombres, des spectres et des morts quand la famille, la vie, le travail, la société, la normalité, la raison nous convoque de l'autre côté, vers l'horizon lumineux des vivants. La baie des Anges est un grand film de vampires, cette forme de transfusion artificielle de la vie et du sang dont ont aussi besoin les artistes. (Hélène Frappat).

Néanmoins parfois, Jacques Demy au prix de l'un des ces ultimes revirements dont il a le secret trace une ligne de fuite par où ses personnages peuvent s'échapper in-extremis et éviter la chute. " C'est à la charge des dénouements de dessiner soudain une ligne droite, un tracé qui brise la logique ressassante du cercle et semble conduire vers un ailleurs. Exemplairement, c'est le dernier plan de La baie des Anges (1962). Jackie rejoint Jean hors du casino, et ils se dirigent vers la mer et le ciel-l'horizon enfin. La caméra reste campée là où s'est déroulée l'action et les personnages s'éloignent, sortent du film par le fond, point de fuite par lequel on peut quitter les rondes, les manèges, les faux-semblants, la représentation, le cristal." (J.M Lalanne)

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Les plages d'Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2008)

Les plages d'Agnès

L'ouverture du film en forme d'installation d'art contemporain (les miroirs sur la plage) donne le ton: Les plages d'Agnès est un autoportrait de la réalisatrice en forme de mosaïque ou de collage. Sa structure n'est pas linéaire mais fragmentée, morcelée avec beaucoup d'allers-retours. Avant d'être cinéaste, Agnès Varda a été photographe et peintre d'où un goût du portrait, du cadre et de la composition évidents. Chacun de ses films s'apparente à un courant artistique pictural (réalisme pour les Glaneurs et la Glaneuse ou Sans toit ni Loi, impressionnisme pour le Bonheur, fresques pour Murs murs...)

L'eau sert de fil conducteur. Dès son premier film La pointe courte tourné à Sète ce motif apparaît essentiel et devient un élément récurrent, du Bonheur et sa rivière à Documenteur où l'héroïne écrit face à la mer. On peut y ajouter le miroir, récurrent lui aussi (Cléo de 5 à 7, Jeanne B. par Agnès V. etc.)

Agnès Varda utilise beaucoup de doubles et d'avatars à travers lesquels elle se raconte autant qu'elle se dissimule "je joue le rôle d'une petite vieille rondouillarde et bavarde qui raconte sa vie" Elle fait aussi bien allusion à Magritte et ses tableaux aux visages voilés qu'à la prise de distance du nouveau roman.

Ce dispositif sophistiqué coupe court à toute nostalgie car c'est du présent que parle Varda, de la mémoire au présent. Les chers disparus -à commencer par Demy- qu'elle se remémore avec émotion sont toujours présents dans son coeur (et via la magie du cinéma ou de la photo qui les ont rendus éternels), elle célèbre ses "80 balais" et est résolument tourné vers l'avenir, ses enfants et petits-enfants. Comme dans tous ses films, la vie et la mort sont indissociables.

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Une journée particulière (Una giornata particolare)

Publié le par Rosalie210

Ettore Scola (1977)

Une journée particulière (Una giornata particolare)

Le plus grand film d'Ettore Scola, un cinéaste plus intimiste et "modeste" en apparence qu'un Fellini, un Pasolini un Visconti ou un Antonioni mais non moins talentueux.

Une journée particulière est un film historique, un film humaniste et une leçon de mise en scène.
Après une séquence d'archives qui pose le contexte historique du film à savoir la visite d'Hitler à Mussolini le 8 mai 1938 qui donne lieu à une grande cérémonie festive, la fiction démarre dans un immeuble de cette époque. Tout évoque l'oppression: les couleurs délavées, l'agencement de l'immeuble, conçu pour permettre aux gens de s'espionner, la concierge véritable relais du régime qui pavoise les façades, surveille les allées et venues et tente de s'ingérer dans la vie des appartements . La caméra passe d'ailleurs de fenêtre en fenêtre comme l'oeil de Big Brother avant de se rapprocher de l'une d'entre elle et d'y entrer.

On découvre alors le quotidien d'Antonietta, une mère de famille d'une quarantaine d'années. Une mère écrasée de tâches ménagères, première levée et dernière couchée, méprisée par son mari et accablée par sa nombreuse progéniture que la caméra nous fait découvrir de façon virtuose. Cette mère de famille inculte et trop pauvre pour avoir une bonne est exclue de la fête fasciste mais elle ne s'en rend pas compte. Au contraire elle voue un culte au Duce qui compense l'insatisfaction de sa vie conjugale. Son aliénation est totale.

C'est alors que l'impossible se produit. Restée seule (croit-elle) dans l'immeuble déserté, elle rencontre grâce à l'évasion de son mainate (tout un symbole) un autre exclu de la fête fasciste, Gabriele, un intellectuel homosexuel sur le point d'être déporté au confino. Tout oppose ces deux êtres sauf l'essentiel, leur dignité bafouée, leurs désirs et aspirations déniées, et leur immense solitude. Leur union par delà toutes les barrières qui les séparent (politiques, culturelles, sociales, sexuelles) devient un acte de résistance face au fascisme omniprésent en hors-champ par le biais de la retransmission radio, véritable viol de l'espace intime.

Bien que le film s'inscrive dans une réalité historique bien définie, son message est aussi contemporain. Scola lutte contre l'esprit de système, la délimitation de chacun dans des cases. Il délivre ses acteurs de l'image qui les enferme et leur donne la liberté d'être autre. Sophia LOREN, actrice glamour devient une ménagère terne et fatiguée aux chaussons troués. Marcello Mastroianni passe de latin lover (une étiquette qu'il ne supportait pas d'ailleurs) à homosexuel.

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Le Pianiste (The Pianist)

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (2002)

Le Pianiste (The Pianist)

Si la liste de Schindler est le grand film de la réconciliation entre juifs et allemands Le pianiste est celui de la réconciliation entre polonais catholiques et juifs. Le film est l'adaptation du roman autobiographique de Władysław Szpilman un pianiste célèbre en Pologne rescapé du ghetto de Varsovie. Ecrit en 1946, son roman fut censuré par les autorités pro-soviétiques durant un demi-siècle. Il contient également de nombreux éléments autobiographiques de l'enfance de Roman Polanski lui-même rescapé du ghetto de Cracovie. Polanski avait d'ailleurs été pressenti pour la Liste de Schindler mais il avait refusé car le film était trop proche de son vécu.

Le pianiste est bien plus qu'une remarquable reconstitution historique. C'est un film vivant, sensible qui nous fait ressentir de l'intérieur ce qu'a été la Shoah. Les conditions inhumaines de la vie dans le ghetto, l'impression de piège se refermant sur ses victimes, la brutalité sans nom des allemands et le vide abyssal laissé par la déportation à l'aide de plans montrant des rues et des places jonchées d'objets laissés à l'abandon.

Il donne également des clés pour comprendre l'oeuvre de Polanski, son goût pour le huis-clos par exemple. Szpilman passe en effet l'essentiel de la guerre enfermé: dans le ghetto de Varsovie tout d'abord puis dans les différents appartements où ses amis polonais le cachent puis dans un grenier où il reçoit l'aide d'un officier allemand repenti, Wilm Hosenfeld. A cette sensation physique de claustrophobie se rajoute la déshumanisation progressive de l'individu, privé peu à peu de tous ses proches puis de tout contact humain. La folie guette comme dans d'autres oeuvres du cinéaste mais Szpilman garde une raison de vivre: son art.

Szpilman et Polanski sont des survivants et des artistes. Et ce dernier montre durant tout le film à quel point l'art permet de survivre dans les conditions les plus inhumaines. Même privé de son piano et réduit à l'état de loque humaine, errant dans les ruines de Varsovie à la recherche de nourriture, Szpilman continue à entendre la musique dans sa tête et à jouer avec ses mains sur un clavier imaginaire. Aussi animalisé qu'il soit, il reste supérieur à ses bourreaux qui ont jeté aux orties tout ce qu'ils avaient d'humains et de civilisé. Pour le plus grand malheur de l'Europe qui depuis à bien du mal à s'en remettre...

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Shoah

Publié le par Rosalie210

Claude Lanzmann (1985)

Shoah

Shoah est un film écrasant dans l'histoire de la représentation de la Shoah au cinéma. Claude Lanzmann très (trop) conscient d'avoir réalisé un film monument de 9h30 qui allait faire date eut d'ailleurs la prétention de vouloir normer les films sur le sujet selon ses propres canons. C'est pourquoi il s'en pris violemment à la liste de Schindler par exemple. Or dans les formations sur le cinéma de la Shoah, les deux films cohabitent sans problème, preuve qu'il n'y a pas qu'une seule voie possible.

Shoah est un documentaire qui repose sur un certain nombre de principes. Il refuse la reconstitution pour se concentrer sur le témoignage dont la puissance avait été révélée au grand public lors du procès d'Eichmann en 1961. Témoignage des victimes, des témoins et des bourreaux qui parlent dans une multitude de langues ce qui fait dire à Raoul Hilberg qu'il s'agit d'un film mosaïque. Lanzmann fait le choix de la lenteur pour leur laisser le temps de s'exprimer et pour que les spectateurs puissent s' imprégner de ce qui est dit. Les témoignages s'accompagnent d'images des lieux du crime, lieux qui frappent par l'absence de traces visibles des événements racontés. Les nazis ont en effet tenté d'effacer leurs crimes, rasant les camps jusqu'aux fondations, brûlant les corps et replantant des arbres. A Auschwitz où ils n'ont pas eu le temps d'aller aussi loin, ils ont dynamité les chambres à gaz et Lanzmann en filme les ruines. Lanzmann filme également avec insistance les lieux de la vie juive d'avant guerre, les synagogues transformées en dépôt de bois, les maisons récupérées par les polonais. Il filme le vide, l'absence, les traces ou l'absence de traces dans un silence lourd de sens.

A noter qu'en dépit de son titre Shoah n'évoque pas toute la Shoah mais se concentre sur l'un de ses épicentres: la Pologne. De ce fait il parle surtout des chambres à gaz dont on sait aujourd'hui qu'elles n'ont pas été le seul moyen de pratiquer des massacres massifs (les fusillades et les mauvais traitements ont été également pratiqués à grande échelle.)

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