Le monde de Dory est la suite du monde de Némo sorti en 2003. Marin et son fils Némo qui étaient les personnages principaux du premier film deviennent les personnages secondaires du second alors que pour Dory c'est l'inverse. Ce deuxième film est à la hauteur du premier. Il se situe dans sa continuité tout en offrant une variation intéressante du thème de l'imperfection/vulnérabilité/handicap et de la nécessité de l'accepter pour le surmonter. Dans le premier film on se souvient que Némo souffrait d'une nageoire atrophiée et d'un père particulièrement angoissé. Dans le second se sont les défaillances de la mémoire immédiate de Dory et les tentatives de ses parents pour lui donner les outils de l'autonomie en dépit de sa différence et de leurs inquiétudes qui ouvrent le film. Heureusement car Dory perd très tôt ses parents de vue et se retrouve seule et perdue. Son handicap ne lui permet pas de trouver de l'aide puisqu'elle ne se souvient pas de ce qu'elle cherche. Et pourtant elle survit et s'adapte en rencontrant d'autres poissons déficients comme Marin et Némo mais aussi Destinée un requin-baleine myope, Bailey un Béluga qui fait un blocage psychosomatique ou Hank un poulpe caméléon à 7 branches (il a perdu la huitième). Avec eux elle part à la recherche de ses parents biologiques (dont elle finit par se souvenir).
On retrouve l'humour et la beauté des décors aquatiques du premier film ainsi qu'une efficacité redoutable dans la mise en scène des scènes d'action. L'impact de l'homme sur le milieu est également souligné au travers de la pollution mais aussi du centre aquatique. Ce centre est censé aider, soigner et relâcher les poissons dans leur milieu naturel mais ce que le film montre c'est que les poissons sont surtout exhibés comme des phénomènes de foire et utilisés comme des jouets de stands de fête foraine. Pas étonnant que leur vraie libération soit celle qui les délivre de la main de l'homme.
En 1969 à Los Angeles, Jacques Demy a fait la connaissance du couple Simone Signoret/Yves Montand qui tournait là Melinda, un film musical de Vicente Minnelli. Ils caressent ensemble le projet d'une comédie musicale. En 1975, Demy écrit sous le titre "Les folies passagères" puis "Dancing" le scénario de ce qui deviendra 3 places pour le 26. Un chanteur à succès (Yves Montand dans son propre rôle) arrive à Marseille pour la création d'un spectacle musical inspiré de sa vie. Il y retrouve Marie-Hélène (Françoise FABIAN), l'amour de jeunesse qu'il avait abandonné derrière lui en quittant la ville 22 ans plus tôt et découvre Marion (Mathida May) la jeune fille qui va remplacer au pied levé la vedette de son spectacle et dans laquelle il ne reconnaît le fruit de son idylle avec Marie-Hélène qu'après avoir partagé une nuit d'amour avec elle.
On retrouve nombre des thèmes favoris du cinéaste: personnages hybrides (Marie-Hélène est une "pute devenue baronne"), localisation dans une ville portuaire, rêve de la petite parfumeuse Marion de monter à Paris, inceste (qui est ici consommé), hommage aux films musicaux US de backstage type Chorus Line etc.
Cependant le film ne sortit des limbes que 12 ans plus tard grâce à Claude Berri. Le succès de Jean de Florette et Manon des Sources lui donna les moyens de produire le film. Avec des moyens confortables et les retrouvailles avec ses collaborateurs habituels on aurait pu penser que Demy allait enfin renouer avec le succès. Il n'en fut rien. Montand qui avait 66 ans était trop âgé pour le rôle et trop connu pour que son histoire fictionnelle avec Marie-Hélène et Marion soit crédible. Quant à Demy il était déjà malade. De plus les orchestrations au synthé de Legrand se sont ringardisées à la vitesse de l'éclair tout comme les danses du chorégraphe des clips de Michael Jackson engagé pour l'occasion (il fallait un génie de l'apesanteur comme Bambi pour les rendre intemporelles). En voulant nier le temps écoulé et en cherchant trop ostensiblement à faire jeune, Montand-Demy-Legrand se sont surtout montrés ridicules. Ce fut le dernier film de Jacques Demy emporté deux ans plus tard par le sida.
La perfection de Tabou réside dans ses prodiges d'équilibre (une caractéristique de Murnau) à mi-chemin de la fiction et du documentaire, de l'esthétisme allemand et de la culture polynésienne, de la tragédie grecque et du tableau épicurien renoirien, de Gauguin et de Matisse, du sombre et du solaire, du paradis sur terre et des ravages de la colonisation. Le résultat est fascinant, envoûtant à l'image d'une scène de danse indigène qui met le spectateur en état de transe. Comme dans le Dernier des hommes, aucun intertitre ne vient polluer le flux d'images (magnifiques), tout semble couler de source.
Tabou qui semble au premier abord très rousseauiste contient une évidente critique de la civilisation corruptrice un peu comme dans l'Aurore. Dès que les deux jeunes gens rencontrent les colons français et les commerçants chinois, on devine qu'ils sont perdus. Mais comme l'Aurore, Tabou est en réalité bien plus nuancé et subtil. Il montre de façon très avant-gardiste la naissance d'une société multiculturelle (magnifique scène de bal où Murnau filme les pieds des danseurs dont certains sont nus et d'autres revêtus de chaussures de prix.) D'autre part il critique également le poids des traditions indigènes qui broient le libre-arbitre. On peut d'ailleurs voir dans la décision du vieux chef de tribu de faire de cette jeune fille une vestale privée de l'homme qu'elle aime une sorte d'inceste comme le montre une cérémonie qui ressemble à un mariage forcé.
S'il ne fallait garder qu'un seul film des Marx, ce serait celui-là. Cinquième et dernière collaboration des frères avec la Paramount, La Soupe au canard bénéficie d'un réalisateur de premier choix en la personne de Leo McCarey. Certes, celui-ci n'était pas enthousiaste à l'idée de diriger des acteurs notoirement ingérables sur le plateau (à l'image de leurs rôles) mais le résultat est tout simplement ébouriffant, un feu d'artifices de gags, un festivals de scènes plus cultes les unes que les autres.
Comme Plumes de Cheval, Soupe au canard tourne en dérision une institution qui est l'Etat. Il se moque entre autre des gouvernements, des ambassades, des protocoles, des patriotismes, de l'espionnage, de l'armée et de la guerre (scène tordante où Groucho arbore toutes les 3 secondes un "look" militaire différent de l'uniforme des gardes britanniques à celui de la première guerre mondiale en passant par ceux de la guerre de Sécession), du code Hays (la scène où Harpo monte chez une femme mais dort avec son cheval est un clin d'oeil au fait qu'il était interdit de montrer un homme et une femme dans un même lit.) On le compare aujourd'hui au Dictateur et à Docteur Folamour à la différence près que Soupe au canard ne se présente que comme une grosse farce destinée à faire rire. Un rire d'autant plus nécessaire qu'Hitler venait de prendre le pouvoir et que pendant le tournage les frères l'entendaient entre deux prises vociférer à la radio.
On retrouve également toutes les formes de comique propres aux Marx issues des précédents films mais à la puissance 10. L'intensité des gags et le rythme effréné des scènes dans le film donne le tournis. C'est une tornade de jeux de mots et de calembours. Exemple: "Taxes/Texas" et "Dollars/Dallas", "Mice-Maestro" (traduit en français par le piètre "Rats-Opéra") "Vous êtes perdus! Comment être perdu si on me trouve?" Sans parler des mots à double sens comme "record" le dossier qui devient chez Harpo le disque 33 tours aussitôt transformé en disque de ball-trap. L'absurde et le surréalisme y atteignent leur apogée avec par exemple un chien qui surgit du tatouage de la poitrine de Harpo, le side-car qui démarre sans son passager, des phrases nonsensiques comme "Vous nous avez dit de suivre cet homme. On s'est aussitôt mis au travail et à peine une heure après, on l'avait perdu de vue." Ou encore la célébrissime scène du miroir entre Groucho, Harpo puis Chico (ces deux derniers déguisés en Groucho) qui est aussi une mise en abyme de la notion de gémellité fraternelle. Leur ressemblance est stupéfiante et donne lieu également à une savoureuse scène de vaudeville où chacun prend la place de l'autre au nez et à la barbe de l'inénarrable Margaret Dumont dont le comique (involontaire) fait merveille une fois de plus. Dans la vraie vie, Chico empruntait souvent l'identité de Harpo pour échapper aux embrouilles dans lesquelles il se fourrait et les gens n'y voyaient que du feu!
Une scène entière du film est visible dans le film de Woody Allen, Hannah et ses soeurs car Groucho est l'une des références majeures de ce réalisateur (avec Bergman, Fellini, Tchékov, Dostoïevski...)
Venus du théâtre où ils triomphèrent à Broadway à partir de 1924 avec une pièce intitulée I'll say she is suivies de plusieurs autres, les frères Marx débutèrent au cinéma en même temps que l'avènement du parlant. Monnaie de singe appartient à la période Paramount de leur filmographie qui comprend également d'autres perles comme Plumes de cheval et leur chef-d'oeuvre, Soupe au canard. Ces trois films sont les plus réussis, aucun scénario bêtifiant ne venant domestiquer leur génie comique au contraire de leur période MGM. D'autre part il s'agit de vrais films et non de pièces de théâtre filmées comme leurs deux premiers opus Paramount, Noix de Coco et l'Explorateur en folie.
Monnaie de singe se déroule principalement à bord d'un bateau et prend la forme d'une course-poursuite où les Marx sont des passagers clandestins pourchassés par l'équipage. Ce statut les définit comme des marginaux toujours prêts à mettre la pagaille dans la société bourgeoise à la façon de chiens dans un jeu de quilles. On retrouve la logorrhée absurde ("Parti de rien, je me suis retrouvé dans une extrême misère."), les jeux de mots ("Les sous, entendu."), la démarche voûtée et les oeillades coquines de Groucho qui assisté du roublard Chico prend la place du capitaine avant de se payer la tête d'un truand tout en faisant du charme à sa femme. Quant au mime muet (faussement) angélique Harpo quand il ne course pas les filles au gré de ses envies, il saute sur les gens ou détruit les cérémoniaux. Comme dans les autres films Paramount, il ne comprend que le langage littéral ce qui entraîne de savoureux malentendus. A la recherche de la grenouille qu'il abrite sous son chapeau, il entend un homme dire "J'ai un chat dans la gorge." ("I have a frog in my throat" en VO) et se précipite sur lui pour le faire vomir.
Le film est rempli de séquences d'anthologie. Citons celle où Harpo se fait passer pour une marionnette de Guignol, celle où les frères imitent Maurice Chevalier au moment de passer à la douane et enfin le combat de boxe final ou le rythme s'emballe sous l'impulsion de la folle énergie des Marx.
Plumes de Cheval est le quatrième des cinq films que les Marx ont tourné pour la Paramount. Comme Monnaie de singe, leur film précédent il est réalisé par Norman McLeod. Il reprend des ingrédients d'une pièce que les Marx jouaient dans les années 1910, Fun in High School. De même il réutilise des gags d'Animal Crackers, pièce jouée à partir de 1928 à Broadway puis filmée (sous le titre "l'Explorateur en folie").
Plumes de Cheval comme d'autres films des Marx met en pièces une institution qui est ici l'université américaine doublé d'une satire de la prohibition. Groucho joue le rôle du nouveau recteur qui comme on peut s'y attendre se sert de son apparence respectable pour semer la zizanie partout où il passe, bien secondé par Chico et Harpo. De ce point de vue la scène de la salle de classe qui se termine en bataille rangée de boulettes est un régal. De même la manière dont est introduit Groucho (il se rase en fumant et tournant le dos au précédent recteur) définit d'emblée un personnage dont l'impertinence n'a pas de limites "Il est interdit de fumer ici." "C'est vous qui le dites!" .
De multiples scènes offrent un régal d'humour nonsensique à base de dialogues absurdes et de jeux de mots. Citons par exemple le "cut the cards" où Harpo sort une hache pour couper les cartes ou le "where is the seal?" mot à double sens qui signifie sceau mais aussi phoque (et c'est ce dernier que va chercher Harpo). Certains passages flirtent avec le surréalisme. Un homme s'approche de Harpo et lui demande une pièce pour se payer un café, Harpo sort de sous son par-dessus une tasse de café fumante.
Le film présente également un aspect vaudevillesque. Ainsi la scène où Thelma Todd est draguée par Groucho et Chico sous l'oeil suspicieux du mari jaloux est un ballet millimétré de portes qui claquent et d'allées et venues.
Enfin le film comporte plusieurs séquences chantées qui l'apparentent à la comédie musicale. Groucho y interprète une de ses chansons les plus célèbres "whatever it is, i'm against it!" et les quatre frères interprètent tour à tour "Everyone says I love you" qui deviendra le titre d'un film musical de Woody Allen en 1996, Groucho étant l'une des idoles du réalisateur.
Le film de Stephen Frears est l'adaptation cinématographique de la pièce de Christopher Hampton, elle-même adaptée du célèbre roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos. Spécialiste de la littérature française du XVIII° siècle, Christopher Hampton a signé le scénario du film de Frears qui n'est pas la première ni la dernière version filmée de cette oeuvre mais sans nul doute la plus brillante à ce jour.
Le film bénéficie d'une mise en scène intelligente, fluide et élégante qui tire un parti remarquable du tournage en décors naturels dans divers châteaux situés en Ile de France. Les lieux le plus souvent fermés ou pourvus d'issues en trompe-l'oeil (miroirs) soulignent le jeu et la vacuité des apparences. De même, Merteuil et Valmont sont représentés comme des gémeaux en miroir notamment dans le célèbre générique de début où un montage parallèle les montre en train de s'habiller comme deux duellistes qui enfilent leur tenue de combat. En revanche la fin du film montre en écho Merteuil vaincue, seule face à son miroir en train de se démaquiller. Valmont a explosé en vol, touché au coeur par l'amour de Mme de Tourvel, incompatible avec sa vanité.
Comme dans le roman, la lettre est au coeur du dispositif. Quand elle ne s'incarne pas dans un corps en action, elle devient un objet de cinéma. L'acte de lire et d'écrire est mis en scène tout comme la circulation des lettres. La lettre symbolise l'intime dans lequel s'immiscent les libertins pour mieux posséder et détruire leurs victimes.
Les références cinématographiques et picturales abondent dans le film. Certaines scènes s'inspirent des tableaux de Fragonard (Le Verrou, La Liseuse), du Barry Lyndon de Kubrick ou encore de La prise du pouvoir par Louis XIV de Rossellini. La distribution composée de stars du cinéma américain (Glenn Close, John Malkovich, Michelle Pfeiffer, Uma Thurman ou encore Keanu Reeves) pouvait laisser interrogateur mais elle s'avère être une réussite. Tous confèrent immédiatement à leur personnage en costume un sentiment de familiarité et de modernité, même si l'on peut trouver que Glenn Close en fait un peu trop.
"Combien de temps faut-il pour construire un homme? Combien de temps faut-il pour le détruire?" C'est la question que pose Antonin Servet, un ancien instituteur dans son journal tenu pendant la première guerre mondiale. Puis le générique montre des images d'archives de soldats victimes de stress post-traumatique. On retrouve ensuite Antonin en 1919 devenu l'un des patients du docteur Labrousse, un pionnier dans le traitement des chocs traumatiques de la guerre. Agité de tremblements spasmodiques, le regard hanté, Antonin répète inlassablement les mêmes gestes et les mêmes noms. Le docteur décide de lui faire revivre les moments les plus marquants de son passé pour l'en libérer.
Le parcours d'Antonin permet de retracer les pires aspects de la guerre. Il a assisté à une exécution pour lâcheté lors d'un assaut particulièrement meurtrier, il a dû tuer au corps à corps un jeune allemand pendant une attaque au gaz, il a du participer au peloton d'exécution d'un déserteur enfin il a été témoin du tri des blessés entre ceux jugés récupérables et les autres, abandonnés à leur sort. Blessé lors de l'assaut, Antonin est devenu colombier c'est à dire qu'il envoie des messages à l'aide de pigeons voyageurs. Beaucoup pensent qu'il s'est trouvé une planque et le jalousent. Pourtant l'épreuve qui le fait basculer dans la démence reste à venir car les pigeons symbolisent ce qu'il reste de bonté en lui et il ne va pas supporter qu'on les détruise.
Antonin est hanté par les hommes qu'il a tué et vu tués et seule une femme peut le libérer: Madeleine l'infirmière alsacienne dépositaire de sa mémoire (il lui a confié son journal) magnifiquement interprétée par Anouk Grimberg.
Egalement connu sous le titre de "L'intruse" ou "La fille de Chicago" ou encore "City Girl", La Bru est le troisième film américain de Murnau après l'Aurore et Four Devils (aujourd'hui perdu). Si l'Aurore était encore très expressionniste dans son esthétique, La Bru est beaucoup plus naturaliste. Murnau voulait tourner une ode au blé qu'il souhaitait intituler "Notre pain quotidien." On retrouve certes des points communs avec l'Aurore: l'art des éclairages contrastés, la dichotomie ville/campagne, un couple poignant mis à l'épreuve et la tempête au moment du climax émotionnel. Mais certaines scènes à la fois lyriques et quasi documentaires sur l'Amérique profonde annoncent déjà le cinéma de John Ford (Les raisins de la colère en particulier) et celui de Terrence Malick (Les Moissons du ciel semble être une réactualisation du film de Murnau). Une autre scène magnifique où les époux courent dans les champs de blé avec la caméra qui les suit en travelling annonce la Nouvelle Vague. Pourtant la sortie du film fut massacrée, le film lui-même fut défiguré. Il n'était en effet plus en phase avec une époque marquée par l'avènement du parlant. Il fallut attendre les années 60 pour qu'une version correctement restaurée voit le jour.
Smoking et No Smoking qualifiés de "cinéma expérimental pour grand public" sont deux films complémentaires que l'on peut voir dans n'importe quel ordre. Il s'agit en effet avant tout d'un exercice de style au dispositif extrêmement ludique (on l'a comparé aux livres dont on est le héros). A partir d'un début identique, l'idée est de faire bifurquer le récit selon les décisions des personnages à tel ou tel moment clé de leur vie.
Pour éviter que le résultat ne soit confus, la construction des films est très rigoureuse avec des embranchements à des moments précis:
-Choix initial commun aux deux films: Un des personnages féminins de l'histoire est confronté à un choix. Va-t-elle ou non allumer une cigarette? (Evidemment dans le premier film elle fume, dans le second elle y renonce.)
-5 secondes plus tard: deux versions différentes de la suite de l'histoire, une dans Smoking, l'autre dans No Smoking.
-5 jours plus tard: quatre versions différentes de la suite, deux dans Smoking, deux dans No Smoking.
-5 semaines plus tard: six versions différentes de la suite, trois dans Smoking, trois dans No Smoking.
-5 années plus tard: douze versions différentes du dénouement, six dans Smoking et six dans No smoking.
Tout un dispositif accompagne cette progression arborescente, un dispositif à l'artificialité revendiquée qui convoque d'autres arts (BD, théâtre). Des vignettes dessinées par Floc'h posent le décor et le contexte puis accompagnent chaque bifurcation de destin. Les scènes sont tournées en studio alors que les décors peints représentent des extérieurs, une manière de rappeler que ce double film est l'adaptation de 6 des 8 pièces d'Alan Ayckbourn, Intimate exchanges. Enfin deux acteurs jouent tous les rôles (5 pour Sabine Azéma et 4 pour Pierre Arditi) et sont parfaitement reconnaissables sur le mode de "on joue à être."
Néanmoins et c'est tout l'intérêt de cette oeuvre, Resnais transcende ce qui n'aurait pu être que du théâtre filmé grâce aux codes du cinéma qui permettent notamment les distorsions du temps. Derrière l'exercice de style, on perçoit une réflexion profonde sur les notions de hasard et de destin ainsi que sur l'inutilité des regrets. Beaucoup de critiques ont souligné le pessimisme général des films qui semblent annihiler la notion de choix, chaque décision aboutissant à une impasse symbolisée par un final se déroulant le plus souvent dans un cimetière. On peut nuancer cette appréciation. Effectivement la plupart des décisions s'avèrent non satisfaisantes (quand elles ne sont pas purement et simplement avortées). Chaque personnage reste avec ses problèmes non résolus. Néanmoins il y aussi de belles échappées, temporaires ou définitives suggérées par la caméra ou bien incarnées par l'émancipation d'un personnage. Arditi en particulier est habité par ses rôles et n'a pas volé son César.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.