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La grande vadrouille

Publié le par Rosalie210

Gérard Oury (1966)

La grande vadrouille

Les chefs-d'œuvre se rencontrent dans toutes les catégories. Roi de la comédie populaire française, Gérard Oury a hissé un genre longtemps méprisé par l'intelligentsia au rang d'œuvre d'art. Non seulement La grande vadrouille a battu tous les records d'entrées à sa sortie (un record battu seulement 30 ans après avec Titanic) mais il est devenu un classique multirediffusé qui a su résister à l'épreuve du temps tout comme La folie des grandeurs ou Rabbi Jacob. Le point commun de ces trois films c'est Louis de Funès, un génie du comique burlesque plébiscité par les enfants génération après génération ce qui le rend proprement immortel!

Pourtant le thème choisi par Oury (comme pour les autres films cités plus haut) était audacieux. En 1966, la seconde guerre mondiale était encore un sujet contemporain et hautement sensible dans la société française. Les plaies de l'occupation n'étaient pas cicatrisées. Oury choisit d'en rire avec ses allemands ridicules façon légionnaires dans Astérix mais il met également du poil à gratter dans sa comédie. En effet les deux "héros", Stanislas De Funès et Augustin BOURVIL issus de deux milieux sociaux différents (bourgeois et ouvrier) et dont le comique est complémentaire deviennent résistants à leur corps défendant. Et Stanislas en particulier est particulièrement ambigu en chef d'orchestre égoïste, mesquin, flagorneur, veule devant les puissants, tyrannique avec les faibles. Il tend ainsi un miroir peu reluisant à la société française comme il le fera avec son inénarrable Pivert raciste dans Rabbi Jacob. Tout le génie de De Funès consistant à nous rendre ces personnages détestables sympathiques à force de drôlerie!

Le film regorge de scènes d'anthologie comme celle des chambres d'hôtel ou du bain turc sans parler du jeu de mots célèbre "Il n'y a pas d'hélice hélas, c'est là qu'est l'os."

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Les aventures de Rabbi Jacob

Publié le par Rosalie210

Gérard Oury (1973)

Les aventures de Rabbi Jacob

Une des meilleures comédies de Gérard Oury avec La grande vadrouille et La folie des grandeurs. Sur un sujet particulièrement délicat et d'une brûlante actualité en 1973 (le film est contemporain de la guerre du Kippour et des actions terroristes de l'OLP), Oury dresse le portrait du français de souche grincheux et borné confronté aux affres de la multiculturalité. Son film, d'une énergie et d'une inventivité folle est porté par un Louis de Funès monté sur pile électrique. Son Victor Pivert raciste et antisémite par ignorance subit un traitement de choc (homme noir puis homme vert puis rabbin) qui l'oblige à ouvrir des yeux effarés sur l'altérité puis à s'y adapter ce qui donne lieu à des scènes tour à tour cocasses, bondissantes, émouvantes. Même mutation pour Larbi Slimane contraint de devenir le rabbin Seligman qui coopère avec Salomon le chauffeur de Pivert et est attiré par la fille de ce dernier. La cuve à chewing-gum est d'ailleurs symbolique: tous dans le même bain! Comme toujours Oury titille les mentalités racornies de la France profonde. Ainsi Claude Piéplu et ses collègues se comportent à la synagogue comme des Dupont-Dupond (Lajoie) bien français.

Il s'agit également d'un film très personnel. Oury était d'origine juive alors que De Funès n'était pas loin de partager les opinions de Pivert. De son propre aveu le film lui a "décrassé l'âme."

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Un jour aux courses (A Day at the Races)

Publié le par Rosalie210

Sam Wood (1937)

Un jour aux courses (A Day at the Races)

Un jour aux courses est le deuxième film de la période MGM des trois frères Marx après Une nuit à l'opéra. Comme ce dernier, il porte la marque du "système Thalberg." Si le but de la MGM était de faire de l'argent et non des classiques, Irving Thalberg réussit à faire les deux au prix de compromis que l'on peut trouver regrettables (rendre les Marx plus immédiatement lisibles et aimables en les diluant et les intégrant à une histoire politiquement correcte ponctuée de passages musicaux et sentimentaux). Mais comme Thalberg décéda trois semaines après le début du tournage, le film pâtit de son absence sur le plateau. C'est pourquoi Un jour aux courses est légèrement inférieur à Une nuit à l'opéra. Néanmoins les spécialistes s'accordent pour considérer qu'il s'agit du dernier film de l'âge d'or des Marx.

La perte de qualité entre les deux films se mesure au fait qu'Un jour aux courses met plus de temps à démarrer qu'Une nuit à l'opéra. De plus si l'opéra constitue un milieu snob et guindé où la folie anarchiste des Marx peut particulièrement s'exprimer, c'est moins le cas avec le milieu de l'hôpital et surtout de l'hippodrome (dans la réalité, Chico et Harpo alias Léonard et Adolph/Arthur étaient de gros joueurs, le premier étant même atteint d'une addiction si grave qu'il finit sa vie ruiné et sous tutelle de ses frères). Enfin les trouvailles visuelles et verbales des frères commencent à se raréfier. L'appauvrissement du langage parlé basé sur des jeux de mots (homonymies, homophonies, polysémies, nonsense etc.) est cependant partiellement compensé par les rébus mimés de Harpo traduits par Chico et ses calembours visuels (il craque une allumette pour signifier qu'il a été renvoyé, "fired" en anglais ce qui est proche de "fire", feu).

Mais Un jour aux courses conserve heureusement intacte l'énergie des Marx et leur offre autant de scènes d'anthologie qu'Une nuit à l'opéra. Citons particulièrement ce moment de folie pure qu'est l'examen clinique de Mrs Upjohn. La grande Margaret Dumont endure toutes sortes de sévices avec un stoïcisme admirable! Autre moment savoureux, le bal où Groucho mène deux intrigues amoureuses à la fois tout en montrant son talent de danseur. La scène du tête à tête galant de Groucho torpillé par Chico et Harpo qui lui sauvent la mise au passage, empêchant Mrs Upjohn de le surprendre en flagrant délit d'infidélité est un autre très grand moment.

En 1975 et 1976, le groupe rock Queen a sorti deux albums intitulés "A night at the opera" et "A day at the races" en hommage aux deux films des Marx. Groucho qui était le seul des trois frères encore en vie les a félicités par télégramme puis reçus chez lui lors de leur passage à Los Angeles et ils ont même chanté tour à tour quelques chansons a capella!

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Une nuit à l'Opéra (A Night at the Opera)

Publié le par Rosalie210

Sam Wood (1935)

Une nuit à l'Opéra (A Night at the Opera)

Si Soupe au canard est le chef-d'oeuvre de la période Paramount des Marx, Une nuit à l'opéra est le chef-d'oeuvre de leur période MGM. Soupe au canard n'ayant pas été un succès, la Paramount traînait des pieds pour renouveler leur contrat. Ce fut Chico qui dénoua la situation. Accro aux salles de jeux, il y fit la rencontre d'Irving Thalberg, le producteur de la MGM qui décida de les engager et leur fit tourner un film sur mesure qui fut un de leurs plus grands succès au cinéma. L'estime mutuelle que Thalberg et les Marx se portaient fit aussi beaucoup pour la réussite du film.

Les films Paramount proposaient du comique marxien à l'état pur. C'est pourquoi Soupe au canard, le plus radical d'entre eux, excluant tout élément sentimental ou romanesque est un tel ravissement pour les puristes (dont je fais partie). Mais il s'agit d'une minorité du public. La majorité se retrouve plutôt dans le savant dosage d'Une nuit à l'opéra.

En effet Une nuit à l'opéra est un film structuré, doté d'une véritable intrigue, d'une solide distribution et de gros moyens. Dans les films Paramount, la folie des Marx se déployait gratuitement et les seuls messages lisibles dans le chaos créé par leurs interventions étaient anarchistes et nihilistes. Dans Une nuit à l'Opéra leurs actes sont justifiés. Par exemple dans Soupe au canard, Harpo coupait avec des ciseaux tous les insignes de pouvoir, de rang, de grade ou de vanité sociale (plumets, queue de pie etc.) Dans Une nuit à l'opéra il coupe les barbes de trois officiers et vole leurs uniformes pour se déguiser ainsi que Chico et Allan Jones (le jeune premier qui a remplacé Zeppo) afin d'échapper à la police. De même Harpo est ignoblement maltraité par son maître, le méchant de l'histoire Lasspari ce qui le pose en victime et justifie ensuite qu'il l'assomme. Dans un film Paramount il aurait assommé un représentant de l'autorité ou un bourgeois sans raison apparente (sinon celle de la lutte des classes). Enfin au lieu de travailler pour leur pomme, les Marx se mettent au service d'une noble cause qui est de défendre un jeune couple victime d'une injustice. La morale est sauve.
"Thalberg cherche à normaliser les Marx, à les rendre déglutissables, fonctionnels (...) à les civiliser, contrôler, domestiquer." (Robert Benayoun). A transformer des graines de voyous en américains modèles.

Malgré ces arrières-pensées idéologiques, Une nuit à l'opéra reste un régal d'humour burlesque avec des scènes cultes comme celle très célèbre de la cabine ou moins connue mais tout aussi géniale, celle (vaudevillesque) des lits qui passent d'une pièce à l'autre au nez et à la barbe du policier. La scène du contrat est un summum de dialogue absurde Groucho-Chico (sanity clause/santa claus), le duo comique Groucho/Margaret Dumont (Thalberg avait compris qu'elle était le véritable 4° Marx Brothers) fait plus que jamais des étincelles et la scène du sabotage de la représentation du Trouvère de Verdi est le bouquet final.

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L'explorateur en folie (Animal Crackers)

Publié le par Rosalie210

Victor Heerman (1930)

L'explorateur en folie (Animal Crackers)

Deuxième film des Marx Brothers, L'explorateur en folie est comme Noix de Coco issu d'un de leurs spectacles de Broadway et n'a pas davantage d'intérêt cinématographique. La caméra est toujours aussi statique, la mise en scène est indigeste (des acteurs en rang d'oignon!), il y a de nombreux faux raccords et ruptures de rythme, des personnages inutiles voire plombants comme le petit couple niais habituel et Zeppo.

Oui mais il s'agit d'un film des Marx. Et un film beaucoup plus venimeux que Noix de Coco. Avec L'explorateur en folie (Animal Crackers en VO), on assiste au démontage en règle des institutions, codes et modes de vie de la haute société. La seule évocation du mariage qualifié de "noble institution" fait ricaner Groucho qui s'improvise bigame pour l'occasion, Chico démasque sous le mécène d'art mondain un ex-poissonnier tchécoslovaque, Harpo se fait passer pour un "professeur" qui abrite sous ses frusques la panoplie du parfait petit casseur, Margaret Dumont endure la muflerie de Groucho et le catch burlesque de Harpo avec beaucoup de stoïcisme sans parler des clichés exotiques de l'explorateur africain tournés en dérision par Groucho "Nous étions au coeur de la jungle quand j'ai abattu un ours polaire avec ses bas et ses chaussures, l'ours faisait deux mètres."

L'explorateur en folie est le premier succès des Marx au cinéma, un succès qui les a fait connaître à l'international et notamment auprès des surréalistes. André Breton y a vu un chef d'oeuvre d'humour noir et Antonin Artaud le premier exemple de comique matérialiste. Les exemples abondent dans le film d'une statue qui s'anime pour tirer sur Harpo aux portes du salon qui ouvrent sur la pluie d'un côté et le beau temps de l'autre en passant par la tache de naissance d'un personnage qui se retrouve sur le bras de Harpo.

Enfin le film contient l'une des chansons les plus connues de Groucho "Hello, I must be going" qui est devenue le générique de Whatever Works de Woody Allen.

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Noix de coco (The Cocoanuts)

Publié le par Rosalie210

Robert Florey et Joseph Santley (1929)

Noix de coco (The Cocoanuts)

"Tout ce que firent les cinéastes [Florey et Santley] fut de pointer la caméra pendant que nous jouions notre vieille version de Noix de Coco." (Harpo in Harpo Speaks.) Effectivement le premier film tourné par les frères Marx adapté de leur succès de Broadway ne brille pas par ses qualités cinématographiques: caméra statique (à cause des contraintes liées au début du parlant), numéros musicaux trop nombreux et inutiles qui interrompent l'intrigue, rythme par conséquent inégal (excellente scène de vaudeville à la chorégraphie millimétrée mais nombreux passages à vide surtout au début) et pour couronner le tout variation considérable de la qualité de l'image d'un plan à l'autre (c'est le film le moins bien conservé des Marx).

Malgré toutes ces réserves Noix de Coco est une excellente introduction à leur univers, récurrent de film en film.
- Groucho dans un rôle de dirigeant qu'il torpille de l'intérieur. Ici il est directeur d'un hôtel en Floride qui refuse de payer son personnel et escroque son monde en vendant aux enchères des terrains marécageux.
-Margaret Dumont dans un rôle de riche veuve à épouser/plumer. Le numéro (désopilant) qu'elle forme avec Groucho (à son corps défendant, elle ne comprenait rien à l'humour des Marx) est déjà bien rodé. Celui-ci alterne flatteries, propositions coquines et goujateries. Elle fait semblant de ne rien entendre, sourit d'un air indulgent ou prend un air outragé en restant très digne.
-Chico le roublard à l'accent rital et Harpo le mime muet dans le rôle des sales gosses mal élevés, fauteurs de troubles et détrousseurs de bourgeois. Mais aussi poètes et musiciens à leurs heures perdues. On découvre les numéros de piano de Chico et son index révolver ainsi que les solos de harpe de Harpo (qui ayant appris tout seul à en jouer, l'appuyait sur la mauvaise épaule).
-L'insignifiant 4°frère Marx, Zeppo dans un rôle transparent (il aura la bonne idée de se reconvertir après Soupe au canard et ne fera donc pas les films MGM de ses trois frères aînés.)
-L'humour visuel et verbal des Marx basé sur l'absurde et le surréalisme avec déjà des scènes et phrases cultes. Citons le quiproquo autour du mot viaduc qui inspire à Chico cette question "Why a duck, why not a chicken?" (En VF " Pourquoi un duc et non un comte?") "Vous voulez partager une chambre? Coupez-la en deux!" " Je pourrais te tuer pour de l'argent mais comme tu es mon ami, je te tuerai gratuitement." "All along the river those are all levees [prononcé levy]" " That's the jewish neighborhood" etc. Harpo mange tout ce qui se trouve à sa portée y compris les boutons et les téléphones, les barreaux de prison se cassent tout seuls quand il veut sortir etc.
-Enfin un couple d'amoureux niais à aider, un motif qui disparaîtra dans leurs meilleurs films Paramount mais reviendra en force dans leurs films MGM.

Une scène de Noix de Coco est visible dans le film Brazil de Terry Gilliam car les Marx sont une référence avérée des Monty Python dont Gilliam est issu.

PS: Pour ce film comme pour le suivant L'explorateur en folie (Animal Crackers) j'hésite entre mettre 3 étoiles (pour la qualité cinématographie du film) et 5 étoiles (pour le génie comique et poétique des Marx qui est alors à son sommet et a fait de ces deux films des films cultes).

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Love & Friendship

Publié le par Rosalie210

Whit Stillman (2016)

Love & Friendship

Love & Friendship est l'adaptation d'un court roman épistolaire écrit par Jane Austen dans sa jeunesse. Il se déroule en Angleterre à la fin du XVIII° siècle entre Londres et différents domaines aristocratiques situés à la campagne (une constante chez Austen). Il se focalise sur le personnage de Lady Susan une belle veuve désargentée mais rusée et manipulatrice qui est prête à tout pour retrouver un mari fortuné quitte à sacrifier sa fille, une adolescente timide écrasée par la forte personnalité de sa mère. Celle-ci possède un art consommé de l'intrigue, et un débit de mitraillette qui impressionne d'autant qu'elle ne se démonte jamais et retourne toutes les situations à son avantage.

Très apprécié par la critique à cause de son aspect satirique et de ses dialogues ciselés et souvent très drôles, le film n'en souffre pas moins du nombre élevé de personnages dont les liens ne sont pas faciles à saisir d'emblée (alors qu'ils nous sont pourtant présentés à l'écran) et dont certains se ressemblent trop. Mais surtout il fait une telle part aux scènes statiques en intérieur, au cynisme et au caustique au détriment du romanesque qu'il finit par ressembler à une pièce de théâtre ronronnante et un peu vaine à force de manquer de fond et de variété. Prenons l'exemple de Sir James Martin riche benêt au perpétuel sourire béat. A peine a-t-il épousé Lady Susan qu'il est cocufié sous son propre toit sans qu'il ne s'en rende compte. Le scénario place dans sa bouche des phrases à double sens pour que le spectateur se délecte de la situation. De façon générale les hommes sont des pions méprisés par la gent féminine dont la sécheresse de coeur finit par lasser. Frédérica la fille de Lady Susan et sa tante Katherine font exception mais elles sont sacrifiées par l'intrigue.

A noter que pour le film le réalisateur a réuni deux comédiennes (Kate Beckinsale et Chloë Sevigny) qu'il avait dirigées 18 ans plus tôt dans Les derniers jours du disco. Mais sous l'effet du bistouri ou du botox, le visage de Kate Beckinsale qui joue Lady Susan est particulièrement inexpressif. Quant à Chloë Sevigny qui joue son amie américaine Alice elle lui sert de faire-valoir et son personnage n'a pas d'intérêt par lui-même.

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Raison et sentiments (Sense and Sensibility)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (1995)

Raison et sentiments  (Sense and Sensibility)

Quand sort Raison et Sentiments au cinéma en 1995, l’oeuvre de Jane Austen était un peu passée de mode. L’immense succès du film d'Ang Lee a permis à une nouvelle génération de redécouvrir son oeuvre féministe et a suscité depuis une ribambelle d'adaptations fidèles et d'époque (Comme le célèbre Orgueil et préjugés avec Colin Firth dans le rôle de Darcy) ou plus libres et modernes (comme Le journal de Bridget Jones avec Colin Firth dans le rôle de...Darcy).

Comment expliquer le succès de cette adaptation et le fait qu'elle soit devenue une oeuvre de référence alors qu'à sa sortie beaucoup jugeaient le film "académique", "mièvre" sans parler d'Emma Thompson jugée trop âgée pour le rôle d'Elinor (Elle a 19 ans dans le roman mais 27 dans le film et Emma Thompson avait alors 35 ans)?

Si le film est si réussi c'est parce qu'il rassemble une impressionnante brochette de talents. A commencer par Emma Thompson justement. Car non seulement la divine Emma campe une inoubliable Elinor d'une sensibilité à fleur de peau sous son apparente retenue mais elle a également écrit pendant cinq ans le scénario du film, couronné par un Oscar. L'aspect caustique et satirique du livre est atténué au profit de personnages et de relations plus creusés, complexes et émouvants. Ang Lee qui n'avait pas encore réalisé Le magnifique Secret de Brockeback Mountain faisait déjà la preuve de son talent discret et subtil en alternant avec bonheur humour et émotion dans des paysages variant selon les états d'âme des protagonistes filmés au plus près de leur ressenti. Le jury du festival de Berlin ne s'y est pas trompé et lui a remis l'Ours d'or. Le reste de la distribution fait également des étincelles. Hugh Grant avec Edward Ferrars trouve l'un de ses meilleurs rôles au cinéma et peut exprimer toutes les facettes de son jeu (autodérision, maladresse, sensibilité, charme...) Kate Winslet deux ans avant d'exploser avec Titanic déploie déjà toute sa flamboyante énergie avec le rôle de Marianne la soeur fougueuse et passionnée d'Elinor. Enfin Alan Rickman dans un rôle à contre-emploi, celui du colonel Brandon, est prodigieusement intense. Il suffit d'observer son visage la première fois qu'il apparaît à l'écran lors d'une longue séquence où il écoute Marianne chanter pour s'en rendre compte.

 

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Furie (Fury)

Publié le par Rosalie210

Fritz Lang (1936)

Furie (Fury)

Furie est le premier film américain de Fritz Lang réalisé en 1936. Il est à la société américaine ce que M Le Maudit est à la société allemande: la radiographie d'une dérive de la démocratie sous l'effet du populisme attisé par la crise économique et la faiblesse des États. Aux USA où le droit de porter des armes est inscrit dans la constitution, où l'individualisme est roi et où la méfiance vis à vis des interventions de l'Etat est de mise, on compte 6000 lynchages dans la première moitié du XXe siècle sans parler des chasses à l'homme et autres débordements de la justice privée (les films qui en parlent sont nombreux du Silence et des ombres à Truman show en passant par À Vif, Le droit de tuer, Justice sauvage etc.)

Lang utilise avec talent deux styles de mise en scène. Celle du classicisme américain pour filmer ce qui est rationnel et notamment le procès des lyncheurs (moment incontournable de tout film US sur la justice). Et celle de l'expressionnisme allemand avec ses éclairages contrastés pour illustrer la sauvagerie tapie en chaque homme. Plusieurs gros plans montrent les visages grimaçants des lyncheurs qui filmés à leur insu sont bien obligés de regarder cette réalité en face lorsque le film est projeté durant le procès (formidable mise en abyme du rôle ambigu du cinéma.) Mais leur victime n'est pas épargnée. Joe Wilson (Spencer Tracy) n'échappe à la mort que pour mieux se venger tout à fait à la façon de Monte-Cristo auquel on pense. Les deux hommes sont dépeints comme de naïfs et innocents jeunes hommes arrêtés juste au moment où ils allaient se marier, pris au piège d'une erreur judiciaire qui les brise de l'intérieur et où ils manquent y laisser la peau. Ils changent alors de personnalité, laissant le monstre s'emparer d'eux. La mort de la petite chienne de Joe qui venait de mettre bas dans l'incendie de la prison symbolise ce basculement. Le visage de Spencer Tracy déformé par un rictus, sa voix devenue rauque, son chapeau couvrant à demi son visage et les éclairages en clair-obscur le rendent terrifiant. Seule la femme aimée peut le ramener à la raison. "Ne m'abandonne pas" s'écrie d'ailleurs Joe au terme d'une nuit d'errance et de lutte intérieure solitaire semblable à celle de M. Enfin le film dissèque de façon impitoyable les phénomènes de violence collective où la responsabilité de chacun se dissout dans le groupe, où les rumeurs déformées et colportées de bouche à oreille font des ravages et où l'omerta est systématique. Chacun étant impliqué dans le crime, chacun couvre les autres par solidarité. Un phénomène bien connu des nazis qui l'utilisèrent de façon systématique pour souder leurs groupes de combattants, SS notamment.

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L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet  

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Jeunet (2013)

L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet  

En dépit de magnifiques paysages superbement photographiés, on est assez loin des meilleurs films de Jeunet. L'intrigue manque d'originalité et la réalisation manque de rythme. Certains critiques considèrent que Jeunet a épuré son style avec ce film. Le problème est que les personnages sont si froids et introvertis qu'ils ne peuvent remplir à eux seuls le vide créé par le renoncement (certes partiel) au remplissage de l'image ou aux personnages excentriques caractéristique du réalisateur. On se retrouve avec une histoire de crise familiale somme toute assez convenue tout comme l'est la satire des milieux scientifiques et médiatiques. Toutefois il y a quand même quelques moments qui échappent à cette logique. Le rapport de T.S Spivet aux figures d'autorité qui tentent de l'arrêter ou au contraire aux marginaux qui tentent de l'encourager dans son entreprise est intéressant. De même que le fait d'avoir voulu jouer les héros en sautant d'une écluse pour échapper à un policier vaut à Spivet plusieurs côtes cassées. Cette vulnérabilité inhabituelle dans un film d'aventures (combien d'entre eux montrent des héros soi-disant ordinaires capables de prouesses dont ils se sortent sans une égratignure) souligne également le rapport de méfiance qu'il a vis à vis des adultes. Aucun ne peut le serrer de trop près sans le faire crier.

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