Une petite comédie sympathique sans prétention ni originalité mais divertissante grâce à une bonne dose de satire et aux pitreries du héros enfermé dans la peau d'un chat. Le film est une fable sur un thème archi-rebattu (Scrooge, Hook...) celui de l'homme qui a un porte-monnaie et/ou un portable greffé à la place du coeur et à qui une mésaventure fantastique arrive, l'obligeant à faire une prise de conscience. Rien de nouveau sous le soleil. La satire des mœurs et valeurs de la bourgeoisie américaine a cependant un côté assez réjouissant. Du businessman obsédé à la perspective de prouver qu'il a la plus grosse...tour aux langues de vipère botoxées en passant par l'étalage de l'intimité sur les réseaux sociaux dans un but malveillant on a parfois droit à un petit côté vachard qui fait du bien. Et puis les chats (vrais ou faux) c'est trop mignon! Beaucoup de critiques ont qualifié le film de navet mais il m'a davantage diverti que Comme des bêtes qui n'est pas plus original ni plus drôle et dont le côté brouillon m'a rebuté.
Un film noir, très noir, au sens propre et au sens figuré. Le film de Hawks a contribué à fixer les codes du genre tout en s'inscrivant dans un contexte précis, celui de la société américaine au temps de la Prohibition.
Scarface raconte l'ascension et la chute d'un gangster, Tony Camonte surnommé Scarface à cause de la balafre en forme de croix qui marque sa joue gauche. Un motif récurrent dans le film et qui désignait autrefois l'emplacement d'un cadavre. Pour se hisser au sommet de la pègre, Camonte qui n'a aucun scrupule prend le plus court chemin, celui du crime. Il assassine ses patrons successifs qui croyant se servir de lui sont vite débordés par son comportement incontrôlable, ses rivaux ainsi que tous ceux qui lui résistent. Ses meurtres sont mis en scène dans des plans-séquences magistraux tout en clair-obscur comme celui de Gros Louis, son premier patron (On pense fortement à M Le Maudit d'autant que Tony sifflote juste avant de tuer). La montée de la violence est illustrée par les pages d'un calendrier qui défilent sur fond de rafale de mitraillette alors que les cadavres s'accumulent comme le montre la scène des 7 hommes du gang O' Hara abattus dans un garage au sommet duquel on voit des bardeaux en forme de croix (xxxxxxxx). Les autorités sont incapables de protéger la société et de contrer les gangsters particulièrement retors lorsqu'il s'agit de manipuler l'habeas corpus garanti par l'Etat de droit. Quant à la société, elle est fascinée par ces modèles tapageurs de réussite rapportés dans les journaux. Le gangster est le self-made man du capitalisme sauvage. Tony s'achète des costumes coûteux, va au théâtre, séduit la maîtresse de son patron aux goûts de luxe etc. Scarface ne peut donc être arrêté que par lui-même. Sa chute est un modèle d'auto-destruction. La femme fatale du film est sa sœur Cesta au caractère tout aussi indomptable que lui et pour laquelle il éprouve une jalousie incestueuse proche de la folie qui conduira à sa perte. Hawks s'est inspiré des Borgia pour dresser le portrait de cette relation perverse sur fond de pouvoir. Entre eux il y a le second couteau de Tony, Rinaldo dont le tic consistant à lancer en l'air une pièce de monnaie à été repris dans de nombreux films comme Certains l'aiment chaud où son interprète George Raft dit au bandit qui lance la pièce "Pourquoi tu m'imites?" (!) Enfin le secrétaire de Tony surnommé l'abruti offre un contrepoint comique bienvenu à toute cette noirceur même s'il y a aussi quelque chose de pathétique dans ce personnage.
Les deux orphelines est un grand cru du maître de la fresque historique lyrique et grandiloquente. Comme dans Naissance d'une nation et Intolérance il mêle avec bonheur la petite et la grande Histoire. La petite histoire est celle des sœurs Girard, Louise et Henriette interprétées par deux véritables sœurs, Lilian et Dorothy Gish. Louise, enfant trouvée est élevée avec Henriette jusqu'à la mort de leurs parents. Elle-même est frappée de cécité. Ce n'est que le début de leur martyre. Comme le titre en VO (Orphans of The Storm) l'annonce, elles sont prises dans la tempête d'une période tourmentée qui sied bien à Griffith: la fin de l'Ancien Régime et la Révolution française. Celui-ci en profite pour faire passer un message idéologique à la nation américaine. Il renvoie dos à dos la monarchie présentée comme une tyrannie et la Terreur, "anarchiste et bolchévique." La révolution américaine a libéré un peuple d'une monarchie despotique, celle de l'Angleterre. Mais Griffith met en garde les américains contre une autre révolution, celle de 1917 en Russie qui a débouché sur une guerre civile qui ne s'achève qu'en 1921 soit au moment de la sortie du film. Cette vision orientée explique l'absence des autres périodes de la Révolution, de l'entourage du roi (on ne voit pas Marie-Antoinette par exemple), la mise en avant de Lafayette et le manichéisme simplificateur du couple Danton-Robespierre. Le premier est présenté comme un champion de la justice et de la liberté, un indulgent de la première heure alors que le second est un tyran fourbe assoiffé de sang. Danton est américain et Robespierre...russe. La tendance de Griffith à confondre Histoire et propagande se marie à l'efficacité des procédés employés pour susciter l'adhésion. Le récit est haletant de bout en bout, utilisant toutes les ficelles du mélodrame avec une maîtrise impressionnante du récit et de son tempo. Griffith nous présente une multitude de personnages en soulignant leur rôle à venir dans l'histoire. Par la suite il utilise les flashbacks comme piqûre de rappel si bien que le spectateur n'est jamais perdu. Chacun d'eux est une pièce du puzzle qui s'avère déterminante dans l'histoire. De même l'utilisation du montage alterné dramatise l'action au maximum. La marche d'Henriette à l'échafaud se combine avec une chevauchée endiablée de Danton et ses révolutionnaires pour la sauver. On pense à la fin de Naissance d'une nation qui utilisait le même procédé.
Devenu aujourd'hui un classique, West Side Story fut pourtant un électrochoc de modernité à sa sortie au début des années 60 comme le chantait alors notre Cloclo national ("Cette année-là [...] West side battait tous les records.") Alors que la comédie musicale américaine des années 50 était démodée, elle trouva un second souffle avec cette adaptation de Roméo et Juliette sur fond de guerre des gangs Jets/Sharks.
Le drame social tragique et ses thèmes toujours actuels (pauvreté, délinquance juvénile, racisme, immigration, quartiers-ghettos, inégalités hommes/femmes) se substitue à l'onirisme sans totalement rompre avec lui. En effet l'histoire d'amour Tony/Maria peut être interprétée comme une forme d'évasion de la sordide réalité dans laquelle ils vivent. Une réalité d'où les parents sont absents. Les jeunes sont livrés à eux-même et n'ont que leur bande pour repère et un territoire restreint pour royaume, un territoire qu'ils défendent bec et ongle contre leurs rivaux. La similarité d'univers avec La fureur de vivre frappe l'esprit et pas seulement à cause de Natalie Wood. Des adultes démissionnaires, des rebelles qui se battent au couteau pour un motif dérisoire et qui sont prisonniers de l'effet de groupe ("chicken" c'est à dire poule mouillée est l'insulte qui sanctionne toute défaillance vis à vis du code d'honneur de ces bandes de jeunes.)
L'époustouflante première scène muette en forme d'ouverture d'opéra pose le contexte socio-spatial du film. Après un générique reprenant les principaux thèmes musicaux sur fond coloré, la caméra survole New-York et lorsqu'elle arrive dans le West side, elle effectue des plans de plus en plus rapprochés (comme les emboîtements d'échelles en géographie) d'une chorégraphie aérienne signée Robbins (on pense à la capoeira) sur la cèlèbre musique de Bernstein. La suite est moins remarquable sur le strict plan cinématographique (évolution dans des décors figés autour d'une caméra beaucoup plus statique) mais la musique (titres cultes comme "Maria", "America", "Tonight"...) la mise en scène, les décors, costumes, lumières et l'interprétation, Natalie Wood en tête emportent tout sur leur passage.
Jacques Demy synthétisera de façon remarquable l'évolution de la comédie musicale américaine dans Les Demoiselles de Rochefort en rendant à la fois hommage à Gene Kelly et à West side story (la scène d'ouverture est une citation du film de Wise et Robbins sans parler de la présence dans la distribution de George CHAKIRIS.)
Mais quel dommage que ce film ne soit à ce jour jamais sorti en DVD. Vu lors d'une discrète rediffusion tardive sur France 2 en 2010 (et enregistré à cette occasion) c'est pourtant un film remarquable et éclairant sur les racines du mal qui ronge notre société actuelle. Mais peut-être justement son sujet sensible fait-il l'objet d'une censure déguisée? Heureusement le roman de Claire Etchevelli dont il est adapté est disponible dans toutes les librairies de France.
Le film se situe en 1957 en pleine guerre d'Algérie. C'est aussi la période des 30 Glorieuses en France. Les usines tournent à plein régime et ont besoin de toujours plus de main-d'oeuvre. L'exode rural ne suffit pas si bien qu'il faut faire appel à l'immigration des colonies tout juste émancipées ou en train de le faire.
D'une façon quasi-documentaire, le film retranscrit une réalité révolue à frémir. De quoi démythifier à jamais cette période et son sacro-saint plein-emploi. La séquence où Elise découvre l'inhumanité du travail à la chaîne, ses cadences infernales, son bruit assourdissant n'a d'équivalent dans l'histoire du cinéma que dans Les Temps modernes. Les conditions de logement des ouvriers sont indignes. Ils s'entassent dans des taudis à plusieurs par pièce ou dans des foyers sordides (le film n'évoque pas les bidonvilles, une autre réalité de cette époque.) Enfin le racisme se manifeste de façon insoutenable. Les insultes et les humiliations pleuvent sur les algériens accusés d'être des paresseux venus en France pour tirer au flanc et piquer les plus belles femmes françaises. La guerre de décolonisation qui a des répercussions en métropole avive encore les tensions. Dans ce contexte l'histoire d'amour Elise/Arezki s'avère impossible alors que la division des ouvriers entre français et étrangers fait le jeu du patronat.
Le sens de la vie est un titre particulièrement ironique pour les maîtres du nonsense que sont les Monty Python. Troisième et dernier long-métrage du groupe d'humoristes anglais, il n'est peut-être qu'une suite de sketches mais quels sketches! Quasiment que du culte: éducation sexuelle en live dans un pourtant très strict college britannique (Cleese adore se désaper); catholiques pondeurs d'enfants entonants "Every sperm is sacred" sous le regard d'un protestant ultra coincé qui proclame sa fierté de pouvoir porter des capotes à plumes; parturiente oubliée au profit de la machine qui fait "ping"; client obèse d'un restaurant chic dévorant et vomissant à s'en faire péter la panse (au sens propre); donneurs d'organes prélevés de leurs vivant; colonisateur se faisant arracher la jambe sans sourciller; grande faucheuse venant embarquer les invités d'une soirée à la façon du 7eme Sceau; poissons sous LSD; employés de banque transformés en pirates et trucidants leurs patrons etc. Aucune forme d'autorité ne résiste aux Pythons. Comme toujours leur humour oscille du mauvais goût le plus assumé aux références culturelles les plus subtiles. Le court-métrage qui ouvre le film signé Gilliam tranche avec le reste par son ambition visuelle (un immeuble devient un bateau de pierre qui parcourt une terre plate jusqu'à atteindre sa bordure et tomber) et annonce Brazil.
Tournant dans la carrière de George Cukor jusque là plutôt abonné aux screwball comedies, Une étoile est née fut son premier musical et son premier film tourné en technicolor et cinémascope. Il éclipse la version de 1937 pour au moins trois raisons. La première est la férocité et la justesse de la satire du star-system hollywoodien. Contemporain du terrible et magnifique Sunset boulevard de Wilder il montre comment les studios dépossèdent et exploitent les artistes avant de les rejeter comme des déchets quand ils ne sont plus bankable. La deuxième tient au choix des acteurs, magnifiquement dirigés. Bien plus tragique que merveilleux, le film est une autobiographie à peine masquée de Judy Garland. Enfant-star, elle fut lâchée par les studios lorsque ses problèmes d'addictions se firent trop manifestes. Cukor la sortit des limbes pour lui offrir ce qui allait être son chant du cygne en même temps que son plus beau rôle. Car si elle interprète le versant lumineux de son existence (c'est à dire son ascension fulgurante) son visage déjà marqué par la souffrance montre que la descente aux enfers de Norman Maine son mari-pygmalion dans le film est le miroir de son propre déclin. Enfin cet aspect crépusculaire qui culmine dans une scène finale poignante et spectrale est tempéré par la flamboyance du technicolor et des numéros musicaux de l'âge d'or hollywoodien.
A ces trois raisons on pourrait en rajouter une quatrième: son statut de film maudit. Amputé de 90 minutes à sa sortie il ne put jamais être restauré dans son intégralité. Les scènes dont ils ne restent plus que la piste sonore sont remplacées aujourd'hui par des photomontages.
Source d'inspiration majeure de Charles Laughton pour La nuit du chasseur, Sparrows est un film remarquable aussi bien par son atmosphère, sa photographie que par ses péripéties dont le rythme calculé ne laisse aucun répit au spectateur. Inspiré de faits réels, le film tient cependant davantage du conte horrifique pour enfants. Dès les premières images, un lieu et des personnages de cauchemar nous sont présentés. Le lieu c'est la ferme Grimes perdue au milieu des marais infestés d'alligators. Les personnages ce sont les Grimes, des Thénardiers locaux. Pour gagner de l'argent ils exploitent et maltraitent des enfants, orphelins pour la plupart. Le père Grimes est un véritable ogre. Une image d'une grande puissance évocatrice le montre enfonçant le visage d'une poupée avant de la jeter dans les marais: il annonce le projet de meurtre à venir. Face à lui des enfants miséreux certes mais soudés autour de la plus âgée d'entre eux, Molly qui joue le rôle d'une mère de substitution pleine d'énergie et de ressources. Sa présence permet d'équilibrer le film en empêchant tout misérabilisme. La mort du bébé devient par exemple une expérience mystique. Mary Pickford qui avait 33 ans est parfaitement crédible dans la peau d'une gamine de 15 ans et son abattage impressionne.
La deuxième partie du film proche du thriller est encore plus intense que la première. Elle montre la fuite des enfants à travers les marais, traqués par leurs poursuivants. Le montage alterné fait monter le suspense ainsi que l'utilisation expressionniste des décors comme la branche qui craque et menace de s'effondrer entraînant les enfants dans la gueule des alligators. Alligators qui représentent aussi les prédateurs humains.
Le dernier né d'Illumination la filiale animation d'Universal n'est ni original ni bien maîtrisé. Il lorgne trop du côté du Toy Story des studios Pixar en substituant des animaux aux jouets. Mais surtout il multiplie les personnages et les références sans les approfondir. D'où une impression de superficialité et de remplissage qui ne dissimule pas la vacuité du scénario. C'est dommage car le design est agréable, certains gags sont bien trouvés, il y a du rythme mais des personnages incohérents et un gros manque de sens. Bref c'est un film bâclé en dépit d'un inéniable savoir-faire. A noter la présence en première partie d'un court métrage des minions certes niveau pipi-caca mais bien plus drôle que le film sorti l'année dernière.
Un américain à Paris n'est pas un chef-d'oeuvre car il est trop inégal pour cela. La faute à un scénario bourré de clichés qui tient sur un timbre-poste assorti avec un Paris de carte postale reconstitué en studio et donc assez figé. Mais dans ce médiocre canevas sont incorporés des morceaux de génie qui composent à la fois une invitation au rêve et un hommage à l'art sous toutes ses formes. A ce titre l'Américan in Paris Ballet final, morceau de bravoure de 17 minutes est une des expérience d'art total les plus réussies du cinéma avec son hommage aux grands peintres dont le style donne lieu à une ambitieuse tentative de correspondance avec la musique et la danse. Autre morceau mythique le concerto en fa où Oscar Levant se duplique pour jouer tous les rôles à l'intérieur d'une salle de concert. Enfin les pas de deux sous les ponts du duo Kelly-Caron sont magiques et gracieux.
Ces moments de grâce on les doit à la collaboration de plusieurs talents. Gershwin pour la musique, Gene Kelly pour les chorégraphies et la danse, Minelli pour la mise en scène et le sens de la couleur. Ancien peintre, il conçoit le film comme une sucession de tableaux. Enfin le producteur Arthur Freed a joué un rôle important dans la création du film. Dommage que celui-ci n'ait pas bénéficié d'un scénariste à la hauteur.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.