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La nuit américaine

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1973)

La nuit américaine

La nuit américaine est l'un des plus célèbres exemples de film sur le cinéma. C'est un film sur un film en train de se faire. Cette mise en abyme est renforcée par le fait que Truffaut joue le rôle de Ferrand le réalisateur et que son 2° assistant réalisateur Jean-François Stévenin joue quasiment le même rôle dans le film.
Il y a de nombreux aspects documentaires dans la nuit américaine. Le spectateur se familiarise par exemple avec l'équipe de tournage. Outre les acteurs et le réalisateur il voit le producteur, les techniciens et les assistants. Deux d'entre eux ont une importance particulière: Joëlle la scripte jouée par Nathalie Baye, inspirée de l'assistante de Truffaut et Bernard l'accessoiriste joué par Bernard Menez. D'autre part Le cinéma est l'art de créer l'illusion et de nombreux passages du film révèlent les astuces et techniques pour enneiger le plateau, faire pleuvoir, éclairer les visages avec une bougie, tourner une cascade avec une doublure de l'actrice principale ou encore jouer avec un pan de fenêtre qui grâce au cadrage apparaîtra comme la fenêtre d'un appartement réel lors des rushes. La nuit américaine est d'ailleurs un trucage qui permet de tourner une scène nocturne de jour grâce à l'utilisation d'un filtre. Enfin on découvre un monde en vase clos où tout est vécu de façon plus intense que la normale. Les acteurs sont dépeints comme des êtres immatures (dépressifs, capricieux, égoïstes...) incapables d'affronter la vie réelle (quand Alphonse ne tourne pas il va au cinéma!) Si comme le disait déjà Hitchcock avec ses tranches de gâteau "les films sont plus harmonieux que la vie car il n'y a ni embouteillages ni temps mort", le monde du cinéma n'apparaît lui guère attirant sur le plan humain " Qu'est ce que c'est que ce cinéma? Qu'est ce que c'est que ce métier où tout le monde couche avec tout le monde? Où tout le monde se tutoie, où tout le monde ment? Qu'est ce que c'est? Vous trouvez ça normal?" Il est d'ailleurs amusant de constater que Truffaut qui obéit parfaitement à ce schéma puisqu'il séduisait ses actrices tout en tournant des films considérés pour la plupart comme des œuvres importantes du cinéma français s'est créé un personnage totalement inversé. Ferrand réalise des mélos de série B comme celui que nous voyons se construire sous nos yeux " Je vous présente Paméla" mais n'a aucune vie privée. Il est par ailleurs sourd d'une oreille. Truffaut souhaite éviter ainsi de passer pour un mégalomane tout en insistant sur la lourde responsabilité d'un réalisateur qui doit mener son film à bon port "faire un film est comme le trajet d'une diligence au Far West. On espère faire un bon voyage puis trës vite on en vient à se demander si on arrivera à destination."
Malgré les aspects satiriques et grinçants du film, l'amour du cinéma l'emporte largement. Truffaut cite abondamment ceux qu'il admire de Cocteau à Welles en passant par Hawks et Hitchcock et tant d'autres jusqu'aux sœurs Gish, pionnières du cinéma à qui il dédicace le film.

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Trafic

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati (1971)

Trafic

Après le sommet artistique de Playtime qui valut à Tati son lot d'incompréhensions et d'ennuis financiers, Trafic est un film plus modeste mais il n'est pas pour autant mineur dans sa filmographie.

Trafic prend la forme d'un road-movie dont la trajectoire annoncée en ligne droite ne va cesser de dévier en raison de nombreux imprévus: crevaison, panne d'essence, accident, contrôle douanier. Deux temporalités cohabitent. Celle des cadences effrénées de la vie moderne pour qui le temps c'est de l'argent et qui correspond à l'autoroute. Celle plus contemplative des chemins de traverse où on prend son temps pour flâner ou pour jouer quitte à être en retard. Comme dans Playtime, Hulot et sa partenaire féminine Maria déjouent la rectitude des tracés, les chemins balisés, les directions qui ressemblent à des directives. Ils imposent leur démarche irrégulière ou virevoltante et leurs parcours en zigzag c'est à dire leur liberté de corps et d'esprit. Mieux encore ils provoquent le carambolage qui oblige les gens à quitter leur habitacle pour réapprendre à marcher. Et à pied ils finissent par s'échapper d'un monstrueux embouteillage, le trafic aboutissant paradoxalement à un blocage alors que les électrons libres eux peuvent fuir par tous les interstices vers une autre dimension (suggérée par le voyage lunaire qui accompagne à la TV celui des héros). Ironiquement, M. Hulot est congédié parce qu'il est arrivé trop tard pour exposer son invention dans l'espace prévu alors qu'elle "cartonne" partout où elle passe dans la plus totale improvisation. Ou l'art de pratiquer le commerce autrement (c'est le second sens du titre "Trafic").

Comme toujours chez Tati, les plans d'ensemble très soignés fourmillent de détails et il en est de même avec la bande-son qui met au même niveau et fait dialoguer les voix humaines en plusieurs langues, les cris d'animaux, la musique et les bruits émis par des objets.

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Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1942)

Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor)

Uniformes et jupon court est la première réalisation américaine de Billy Wilder. Cette variation alerte et plaisante sur le thème de Lolita pose les bases de son univers à base de déguisements, d'usurpation d'identités, de quiproquos et situations rocambolesques, de sous-entendus sexuels permanents et de dialogues incisifs. L'illusion créée par le déguisement et l'humour font passer ce que les situations peuvent avoir de scabreux et déjouent la censure. Comme 17 plus tard dans Certains l'aiment Chaud, Wilder réussit au nez et à la barbe du code Hays à faire cohabiter dans la même couchette de train un lieutenant et une soi-disant gamine de 12 ans pour laquelle il éprouve de une attirance embarrassante. Ladite gamine grandissant à vue d'oeil lorsqu'il s'agit de vamper tout un régiment. Susan qui s'est en partie déguisée pour échapper au harcèlement des hommes (le billet 1/2 tarif est un prétexte) éprouve une vraie jouissance à mener le jeu de séduction tout en découvrant l'amour. Ray Milland et Ginger Rogers sont excellents.

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Playtime

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati (1967)

Playtime

Plans d'ensemble tournés en 70 mm, refus du récit classique et de l'identification aux personnages, paroles réduites à un effet sonore identique à celui des machines. Tout est en place pour un début froid et kafkaïen où l'architecture démesurée, rationnelle et standardisée jusqu'à l'absurde écrase l'homme, où les monuments ne sont plus que des reflets dans les vitres, où la nature et les couleurs se réduisent à une fleuriste au coin de la rue, où les lignes droites imposent aux hommes un comportement de bon petit soldat automate. Parallèlement, les baies vitrées, omniprésentes, agissent comme des barrières invisibles entre les hommes. Elles servent de vitrines sociales en supprimant la frontière entre le public et le privé, offrant en spectacle depuis la rue les intérieurs bourgeois.

Dans cet univers glacé, vide, faux, creux, les excentriques comme M. Hulot ne trouvent pas leur place. Comme dans les autres films de Tati, le regard et le corps inadapté de Hulot est une source importante de gags et de dérèglements. Les prisons de verre de l'entreprise et du "home" tentent de contenir ce doux anarchiste mais il finit par exploser les barrières. Car le morceau de bravoure du film est la séquence de 46 minutes du Royal Garden qui voit la machine à exclusion sociale se détraquer lorsque Hulot par maladresse brise la porte d'entrée en verre, permettant à toutes les populations de se mélanger sur la piste de danse. Danse et musique dont le mouvement courbe entraîne la décomposition du décor. De cette nuit de folie naît un monde plus chaleureux et convivial où même la circulation automobile s'incurve dans un joyeux carrousel. L'urbanité froide et sans âme retrouve des couleurs et sa poésie.

On a souligné à juste titre à quel point le film est moderne voire avant-gardiste. Du "je crois que ça va pas être possible" à l'entrée des boîtes de nuit à l'effacement de la distinction public-privé à l'ère des réseaux sociaux qui exigent la transparence en passant par le règne des open space, la Tativille de 1967 (inspirée de la Défense alors en construction) ressemble de façon troublante à notre société actuelle. La séquence du Royal Garden a directement inspiré La Party de Blake Edwards sorti l'année suivante.

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Exotica

Publié le par Rosalie210

Atom Egoyan (1994)

Exotica

Le chef-d'oeuvre d'Egoyan commence fort dès le générique. Sur une magnifique musique orientalisante de Mychael Danna au rythme serpentin, hypnotique et lancinant, on suit en travelling un décor de jungle tropicale luxuriant, moite et étouffant. Sans rien savoir du film, nos sens et notre inconscient l'ont déjà décrypté: un voyage dans les fantasmes et les pulsions refoulées (donc exotiques) de chacun: voyeurisme, exhibitionnisme, inceste, meurtre etc. Le spectateur lui-même placé dans une situation voyeuriste se retrouve paradoxalement confronté à des personnages opaques, aux comportements énigmatiques et aux relations troubles. Chacun tente de domestiquer ses désirs en les pliants à un rituel codifié. Thomas drague de beaux garçons ethniquement typés (donc exotiques) en les invitant au ballet Romeo et Juliette de Prokofiev. Son spectacle à lui, c'est la contemplation de son voisin de siège sur la danse des chevaliers. L'ironie est que l'un d'entre eux l'a longuement observé derrière le miroir sans tain d'un aéroport au début du film. Francis se rend un soir sur deux à l'Exotica, un club de striptease pour faire danser Christina à sa table, une très jeune fille déguisée en collégienne. On le voit également donner de l'argent à Tracey, une autre très jeune fille qu'il ramène en voiture pour faire la baby-sitter d'une maison où il n'y a plus que des fantômes à garder. Le DJ de l'Exotica, Eric dévoré de jalousie tient des propos équivoques dès que Christina arrive sur scène et n'hésite pas à transgresser les règles du club au milieu du film, provoquant la pagaille. Le tout au grand dam de Zoé, la patronne qui croit que l'on peut gérer le désir et la sexualité de façon comptable mais qui voit ceux-ci lui échapper. Le film est donc une invitation à percer le mystère et à comprendre les motivations profondes de tous ces personnages à l'image de la chanson qui accompagne les prestations de Christina "Everybody knows" de Léonard Cohen. Les rituels s'apparentent en réalité à une cure psychanalytique où chacun vient soigner ses traumatismes. Tous ont un passé chargé, un héritage familial lourd à porter (Thomas, Zoé), ont été victimes d'abus dans leur enfance (Christina), ont perdu leur famille dans des circonstances tragiques (Francis), sont rongés par la culpabilité (Francis et son frère Harold), minés par une basse estime de soi et l'impossibilité de se réaliser (Christina et Eric) etc.
Ce film puzzle aux apparences trompeuses -le striptease annoncé est celui de l'âme et non celui du corps- appelle plusieurs visionnages qui loin de l'affadir le font monter en puissance.

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Le fils de Saul (Saul fia)

Publié le par Rosalie210

László Nemes (2015)

Le fils de Saul (Saul fia)

Sur le plan esthétique, le fils de Saul est dans ses premières minutes un choc visuel et surtout auditif. En jouant sur le flou de l'arrière-plan historique et le net de la fiction focalisée sur Saul tout en suggérant l'horreur par une bande-son très riche (ordres aboyés, cris, coups de feu...) le réalisateur met en place un dispositif immersif qui fonctionne sur quelques scènes: la première séquence de gazage et de crémation, vraiment puissante et celle des fosses en particulier. Mais le problème est que rapidement ce dispositif tourne à l'exercice de style un peu vain. L'aspect documentaire du film est flouté et trop à l'arrière-plan pour permettre au néophyte d'y comprendre quoi que ce soit alors que la fiction est d'une totale vacuité. Les personnages sont tous des pantins et malgré les intentions du réalisateur les motivations de Saul laissent de marbre. Sur le papier vouloir à toutes forces enterrer un enfant pour lui donner une sépulture digne (selon les croyances juives) peut séduire mais dans le film, cette idée plus cérébrale qu'autre chose ne marche jamais. D'autant qu'en dépit du titre, il n'existe aucun lien d'aucune sorte entre l'enfant et Saul qui l'a choisi juste parce qu'il a survécu quelques minutes après le gazage. Rajouter du macabre sur du macabre n'a jamais produit d'étincelle. Et l'on retrouve au final un tic agaçant de notre époque, la caméra à l'épaule qui à force de coller aux basques du personnage (façon frères Dardenne) et de nous boucher la vue finit par ressembler à un dispositif de jeu vidéo. L'imposture du film est particulièrement perceptible devant les corps bien portants des prisonniers, Saul en premier lieu. Très crédible, effectivement!

Les pistes intéressantes ne manquaient pas pourtant. La révolte des sonderkommando, évoquée vaguement en arrière-plan en était une. Mais le réalisateur qui a pourtant visiblement lu Des voix sous la cendre (les témoignages des sonderkommando enterrés près des crématorium et retrouvés après la guerre) est incapable de construire un vrai film de résistance. L'exemple des photos de crémation prises clandestinement en témoigne. Cet élément narratif noyé dans le brouillard comme les autres et abandonné très vite aurait pu être un fil directeur. Expliciter leur enjeu comme preuve du génocide alors que les nazis voulaient en effacer toutes les traces. Montrer comment elles étaient sorties du camp et avaient été rendues publiques. Comment aujourd'hui elles servent de référence à Auschwitz même. Mais rien dans ce film n'est creusé ni sur le plan historique, ni sur le plan mémoriel, ni sur le plan humain. Le réalisateur s'est contenté de jeter de la poudre aux yeux ce qui a suffi pour Cannes mais ne résiste pas à un examen un peu plus poussé.

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Amy

Publié le par Rosalie210

Asif Kapadia (2015)

Amy

Un documentaire particulièrement puissant sur la vie d'Amy Winehouse. Très loin du journalisme de caniveau qui a fait ses choux gras des excès en tous genre de la star, il met en lumière le talent exceptionnel de l'artiste, sa musique introspective, sa voix soul, ses paroles cathartiques. Il analyse également avec une neutralité bienveillante les démons qui ont emporté Amy Winehouse: un rapport de dévoration aux images qui s'immiscent dans son intimité dès sa plus tendre enfance, la relation toxique avec son père qui l'a abandonnée enfant puis est revenu pour profiter de sa richesse et de sa célébrité, la relation destructrice avec son vampire de mari toxicomane Blake, ses troubles alimentaires, ses addictions aux drogues et à l'alcool, son incapacité à se contrôler devant des meutes de paparazzis à ses trousses cherchant à vendre les photos les plus trash possibles etc. Le documentaire fait ressortir d'un côté la beauté et la profondeur de ses chansons et de l'autre le dégoût qu'inspirent les vautours qui profitèrent d'elle et le show business qui l'a autant glorifiée que crucifiée. L'évolution du rapport à la caméra illustre bien sa descente aux enfers sous le feu d'un voyeurisme de plus en plus prédateur. D'aguicheuse et joueuse, Amy devient progressivement enragée ou apathique. Son visage rieur et provocant devient émacié et défait avec un maquillage qui coule. Quant aux vrais proches ils avouent leur impuissance d'une voix émue.

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A nos amours

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1983)

A nos amours

En 1975, Pialat demanda à sa femme, Arlette Langmann, d'écrire un film sur ses souvenirs de jeunesse. Fille de fourreurs, elle avait un frère assez spécial, Claude Langmann devenu par la suite cinéaste et producteur sous le nom de Claude Berri. En 1978, Pialat réalisa Passe ton bac d'abord, tiré de ce canevas. Puis il écrivit Suzanne mais il n'obtint pas les crédits car il ressemblait trop à son précédent film. Il décida alors de privilégier les rapports familiaux et de mettre la fille au milieu, les garçons restant périphériques. Dominique Besnehard alors directeur de casting essaya de choisir un acteur pour le frère mais Pialat décréta que cela faisait trop "cinoche" (mauvais cinéma) et choisit Besnehard lui-même. Il aimait les "natures" qui existent et rayonnent spontanément ce qu'incarne parfaitement le choix de Sandrine Bonnaire (venue initialement accompagner sa soeur au casting) avec qui le lien de confiance fut immédiat. Pialat choisit de jouer lui-même le père. La seule actrice professionnelle du casting fut Evelyne Ker qui vécu d'autant plus mal la situation qu'elle était malade au moment du tournage.
Bonnaire était si moderne que Pialat décida de situer son film en 1983 (date du tournage) et non en 1963 comme cela était prévu initialement (période de jeunesse d'Arlette Langmann). Il était trop tard pour changer les décors mais au final l'aspect démodé de l'appartement des parents de Suzanne servit le film en accentuant le décalage entre elle et eux. Les scènes d'hystérie familiale n'en furent que plus fortes.

A l'image de Pialat, A nos amours est un film rugueux, peu aimable, organique et à l'humeur changeante. Peintre avant d'avoir été cinéaste, Pialat privilégie les éclats de vie au détriment des articulations du récit. De longues ellipses séparent les séquences qui racontent le difficile passage de Suzanne à l'âge adulte.
Bien qu'elle soit de toutes les séquences, Suzanne est un personnage énigmatique. On ne sait pas qui elle est, ce qu'elle pense. Ses comportements sont déroutants, paradoxaux et n'offrent aucune prise au spectateur. Par exemple si le début du film évoque la sexualité, l'été, la jeunesse, la chaleur, le générique casse cette image. On voit Suzanne de dos à la proue d'un bateau pendant que l'on entend The Cold Song chanté par Klaus Nomi (une adaptation de Purcell) qui prie pour qu'on le laisse mourir de froid car il ne retrouve pas sa fiancée. Suzanne devient ainsi cet être ambivalent à la fois perpétuellement en chaleur et dotée d'un coeur sec, froid, stérile. Parallèlement l'air rappelle qu'une sexualité débridée peut mener à la mort (Klaus Nomi est mort du sida en 1982, juste avant le film).
Pialat a offert un rôle si puissant à Sandrine Bonnaire que son personnage a survécu au film et s'est retrouvé dans d'autres films et d'autres cinéastes comme Sans toit ni loi d'Agnès Varda.

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Le Poison (The Lost Weekend)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1944)

Le Poison (The Lost Weekend)

Lorsque le 4° film de Billy Wilder sort sur les écrans il marque une petite révolution. C'est en effet la première fois qu'un film hollywoodien traite frontalement de l'alcoolisme. La descente aux enfers de Don Birnam, un écrivain raté vivant aux crochets de son frère est impressionnante de réalisme avec un Ray Milland particulièrement habité. Son addiction est disséquée dans des séquences à la mise en scène inventive. La figure du cercle vicieux apparaît dès la première image de beuverie et devient celle du film. La fin, un happy end en trompe-l'œil reprend exactement les images du début comme un éternel recommencement. Son obsession pour l'alcool devient celle de la caméra qui lors d'une scène d'opéra fixe verres et bouteilles bien remplis avant que le souvenir de la bouteille qui est dans la poche de son imper laissé au vestiaire n'envahisse tout l'espace. Nous voyons et ressentons l'avilissement et la rage de cet homme présenté comme foncièrement faible et lâche. Il ment, manipule, mendie, vole, menace, agresse, casse tout pour s'enfuir des lieux où on l'enferme, obtenir de l'argent ou directement de l'alcool. La scène où en pleine crise de manque il se traîne en vain d'un prêteur sur gages à l'autre pour mettre sa machine à écrire au clou est très forte.

Dommage néanmoins que les seconds rôles ne soient pas à la hauteur. Son frère et sa fiancée, deux saint-bernards très lisses font de la figuration. D'autre part certains effets visuels sont ratés. Je pense en particulier aux hallucinations de sa crise de delirium tremens. La souris qui fait une crevasse dans le mur passe encore (on est pas loin de Répulsion de Polanski) mais le mobile en forme de chauve-souris non!

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Les yeux sans visage

Publié le par Rosalie210

Georges Franju (1960)

Les yeux sans visage

Film culte, Les Yeux sans visage est un ovni du cinéma français qui s'est peu aventuré dans les domaines du fantastique et de l'horreur. La clé du cinéma de Franju est l’insolite, l’étrangeté où le quotidien, le familier devient inquiétant. C'est pourquoi Les Yeux sans visage qui se présente comme une enquête policière réaliste finit par basculer dans une autre dimension, onirique voire cauchemardesque. Franju est en effet proche de Cocteau et de Luis Bunuel. C'est pourquoi son fantastique se teinte d'une dimension poétique et surréaliste qui se mélange avec une forte influence de l'expressionnisme allemand.
Le masque est récurrent dans son œuvre des Yeux sans visage à Judex (1963) en passant par le documentaire Hôtel des Invalides (1951). Avec cette question : qu’y a-t-il derrière ? Franju est passionné par les films de Louis Feuillade, le créateur de Fantômas. Le masque agit comme une seconde peau.
Autre thème de prédilection : l’obsession pour les animaux. Les colombes présentes dans Les Yeux sans visage se retrouvent également dans Judex et La tête contre les murs (1958). Même chose pour les chiens.
Le contraste entre la pureté et la violence est ainsi un thème récurrent de son oeuvre. La grâce est incarnée par son égérie Edith Scob. Elle irradie d'une sorte d'innocence au milieu de gens inquiétants voire fous. Les expériences scientifiques du professeur Génessier mi- docteur Frankenstein mi-tueur en série dans Les Yeux sans visage évoquent celles du docteur Mengele à Auschwitz. Edith Scob est par ailleurs un personnage éthéré qui glisse progressivement de la raison à la folie.
L'héritage des Yeux sans visage est particulièrement riche. On peut citer notamment Bruiser de George A. Romero en 2000, La piel que habito de Pedro Almodovar en 2011 (qui connaît par coeur le film de Franju et l'a cité comme référence majeure) et Holy Motors de Léos Carax en 2012 où Edith Scob qui joue le rôle du chauffeur de la limousine remet le masque qu'elle portait plus de cinquante ans auparavant.

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