En fanfare
Emmanuel Courcol (2024)
La bande-annonce m'avait attirée, notamment parce que j'avais envie de découvrir Pierre LOTTIN dont je n'avais pas retenu la prestation dans "La Nuit du 12" (2021) perdue au milieu de la galerie de rôles d'ex masculins macho et/ou violents. Cette fois, il tient un premier rôle complexe aux côtés d'un Benjamin LAVERNHE tout aussi remarquable. Mais pour une fois la bande-annonce ne dévoile pas la réalité du film, du moins pas complètement. Elle fait croire qu'il s'agit juste d'une comédie "feel good" alors qu'il y a en son sein des éléments dramatiques voire même tragiques qui finissent par donner au film un caractère poignant, déchirant. Lorsque Thibaut, bouleversé d'apprendre qu'il a été adopté dit au début du film que "le mensonge tue", il sait de quoi il parle: il souffre d'une leucémie. Cette maladie, traduction d'un corps en souffrance (Alice Miller disait dans son dernier livre que "notre corps ne ment jamais") lui permet de découvrir la vérité sur ses origines et Jimmy, ce frère biologique dont il ignorait l'existence. Frère passionné et surdoué en musique tout comme lui-même ("c'est dans les gènes") mais séparé de lui par une infranchissable barrière sociale. Jimmy est cantinier dans une petite ville du Nord et joue du trombone dans une fanfare locale tandis que Thibaut est un chef d'orchestre issu de la bourgeoisie parisienne et mondialement connu. Alors certes, comme on peut s'y attendre (et comme la bande-annonce le souligne de façon insistante), la rencontre entre ces deux pôles opposés fait des étincelles comiques. Mais elle produit également de la souffrance et pousse à s'interroger sur les injustices générées par le déterminisme social. Jimmy éprouve logiquement du ressentiment envers la réussite de Thibaut mais ce dernier, seul et malade n'est pas montré forcément comme mieux loti. Il est d'ailleurs lui aussi rongé par un sentiment de gâchis irréparable qui le pousse à tout tenter pour combler le fossé qui le sépare de Jimmy. En réalité et c'est ce qui fait aussi l'intelligence du film, Emmanuel COURCOL se garde bien de fournir des réponses toutes faites. Il laisse le spectateur se faire sa propre idée. Et ceux qui pensent que "En fanfare" est une success story en seront pour leurs frais, tant les deux frères, pour des raisons différentes semblent de débattre dans une impasse. Mais la bouleversante réunion autour du Boléro à la Seine musicale rappelle que l'idée serait venue à Ravel en passant devant les chaînes de montage de l'usine Renault de Boulogne-Billancourt bien avant qu'elle ne soit remplacée par la salle de concert de l'île Seguin.
Commenter cet article